Lerith
Il y a 2 mois et 4 semaines
Après avoir retiré ses chaussures, Kikyo retira bijoux et ornements de ses cheveux d'un geste rageur. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la soirée n'avait pas été à la hauteur de ses attentes. Fort heureusement, il était déjà tard et les enfants dormaient paisiblement, un souffle de réconfort dans ce maudit pays glacé que pourtant elle avait fini par apprécier grâce à Lucien. Pour ce soir, au moins, ce serait un maudit pays. Et cela n'avait strictement rien à voir avec la défaite de son mari au tournois, bien au contraire si cela n'avait tenu qu'au xaela elle aurait en aurait même pu réviser son jugement sur ces sauvages de la Steppe.
"Blâmez-les de ne pas savoir tenir leurs chiens en laisse" Déclara Akira en fermant la porte de la chambre, ce qui eut le don de l'énerver encore plus.
"Je n'ai personne à blâmer" siffla t-elle entre ses dents
"si ce n'est ce médecin qui vous a tenu son discours puis laissé accuser dame Valsonge, se gardant bien de donner des réponses claires, pour ne paraître que lorsqu'il fut cité et forcé de se justifier.
- Tous les hommes ne sont pas courageux, femme. Je veux croire qu'il y avait du vrai dans son propos."
Elle referma le coffret en bois laqué d'un coup sec.
"Je vois ce que je vois, Akira-sama. Au mieux de la lâcheté, au pire la vilénie. L'un et l'autre me sont insupportables.
- Vous êtes pourtant prompte à croire les paroles dissimulées derrière un éventail."
Le tigre se tourna face à la cheminée, mains dans le dos. Kikyo fronça les sourcils, corrigeant instamment.
"Je crois Lenore, c'est différent. Elle m'a dit ce qu'elle a entendu, elle n'avait aucune raison de le faire mais elle l'a fait. Elle n'a pas reconnu la voix qui a proféré ces menaces mais au moins c'était clair.
-C'est bien ce que je dis."
Le silence s'installa. Pendant un moment, elle ne su que dire mais si la colère ne diminuait pas, la demi-raenne savait que cela ne mènerait à rien de se disputer, encore, et se heurter à un mur. D'ordinaire, elle se serait résignée, changée et couchée attendant de savoir s'il comptait la rejoindre ou lui tourner le dos, sans un bruit. Mais ce soir, sans explication, elle fit un pas vers lui et demanda :
"Me pensez-vous donc si naïve ?
- Je pense qu'il existe deux Kikyo."
Elle s'attendait à des reproches, encore. Mais il n'avait pas la même voix que d'habitude.
"Et je pense que cela manque à l'une d'elle d'appartenir à la noblesse. D'où sa proximité avec des nobles d'Ishgard, même s'ils sont des amis."
Surprise, elle hésita à répondre. D'ordinaire, tout ce qu'elle pouvait dire ou contester n'avait sur lui pas le moindre impact, son opinion toujours aussi tranchée le rendait impénétrable à la moindre variation qu'il n'aurait pas décidé d'engager par lui-même et en partie raison pour laquelle certaines personnes -dont Lenore, probablement- n'avaient jamais connu de lui que ses pires côtés. Elle ferma les yeux, et souffla. Une dernière fois, peut-être, essayer.
"Cela ne me manque pas. Ce qui me manque c'est... d'être douée pour quelque chose. Lenore était mon amie bien avant que la "bonne société ishgardaise" connaisse un essor constant. De même pour Lucien. Je n'ai que faire des autres, en dehors de mes intérêts pour la compagnie."
Elle inspira longuement avant de poursuivre :
"Je confesse cependant... qu'il était facile de me mêler à eux. Tout ce que je sais faire, tout ce que j'ai appris avec les Kakita, tout ce qui ne m'était plus d'aucune utilité depuis toutes ces années... Je suis parvenue à me prouver que j'en étais encore capable. Après avoir tant déçu, c'était apaisant."
Elle s'attendait à tout. Sermon, leçon de vie, reproche, conseil et même silence. Elle n'attendait plus rien, et comme toujours c'est le moment que le tigre choisissait pour poser sa griffe où elle ne l'attendait.
"Vous voyez, il n'y a pas de honte à le dire."
Elle leva les yeux, choquée par le calme avec lequel il prenait la chose son regard tourné vers les flammes de l'âtre.
"J'ai été élevé pour la guerre. Le conflit. C'est dans cela que je me sens le plus à l'aise."
Sur le moment, elle n'aurait su dire s'il l'avouait comme si une part de lui regrettait de susciter autant de trouble, ou s'il voulait simplement apaiser ses propres craintes de lui exposer ses pensées. Tout lui échappa alors, ces mots qu'elle avait enterré sous une couche de glace et d'acier depuis si longtemps qu'elle ne savait plus dire quand exactement cela avait commencé.
"Mais ce n'est pas d'être noble qui me manque, Akira-sama... Seulement le regard que vous me portiez, avant."
Lentement, il tourna le visage vers elle. Ils se tenaient à moins d'un yalm l'un de l'autre, lui debout les mains dans le dos, elle les siennes croisées devant sa ceinture. Leurs regards se croisèrent, et de se décrochèrent plus.
"Je suis tombé amoureux d'une samourai de Doma. Elle me comble quand elle est là, m'a donné de beaux enfants en bonne santé, qui font ma fierté et ma joie, et est une bonne mère, pour eux. Et bien que son ikebana soit médiocre, elle persiste. Elle n'abandonne pas. Cette femme là, je l'aime. Mais parfois elle part et laisse place à une autre. Une qui n'a que l'horizon et son infinitude en tête. Qui se refuse à exprimer Doma pour des soucis d'esthétisme locaux. Une dont le drapeau se remplit des couleurs de différents pays plutôt qu'un seul, le mien. J'ai peine à aimer cette femme là. Parce qu'elle n'est pas celle dont je suis tombé amoureux, et dont je suis prêt à brûler ciel et terre pour la garder à mes côtés..."
Les yeux de Kikyo s'agrandirent sur ces derniers mots, la rappelant à ce jour il y a bien des années lorsqu'elle portait encore le Mon de la grue et les cheveux blanc Kakita. Il s'était penché sur elle, serrant sa main blessée qu'il venait de soigner et avait affirmé d'une voix brûlante de détermination :
"Soyez mienne, ou s'il le faut, je brûlerais votre palais, ferais ramper votre daimyo pour vous avoir". Ce jour-là son cœur s'était mit à battre pour lui, pour la première fois. Elle l'avait aimé pour ce regard, pour ce qu'il est entièrement.
"...Et pourtant, parce qu'elle rend heureuse celle que j'aime, j'accepte sa présence. Et qu'elles marchent main dans la main.
- Akira-sama..."
Il conserva son expression habituelle. Rien n'avait changé, ou peut-être que si.
"Je sais, que vous ne comprenez peut-être pas, et que pour vous, vous êtes une. Mais c'est ce que je ressens.
- iee. Je comprends."
Elle secoue la tête, incapable de contenir plus longtemps le trouble qui l'habitait. Il n'y avait plus aucune colère. Comment ces simples mots pouvaient-ils réveiller ainsi son âme au point de lui arracher un mince sourire, alors que le sujet était pourtant sérieux ?
"Cela faisait... si longtemps" souffla t-elle.
"Que je ne vous avais témoigné d'affection ?
- Que vous ne m'aviez parlé ainsi.
- Cela fait quelques temps que l'aventurière porte les tenues de ma femme."
Il tourna simplement la tête de nouveau en direction des flammes. Kikyo baissa les yeux.
" ... Je vous ai beaucoup déçu.
- Ma femme ne m'a jamais déçue."
Toujours aussi calme, il ne la vit pas retenir son souffle à cette affirmation. Il poursuivit :
"Elle a parfois échoué. Mais elle essaye d'apprendre. Quand à l'exploratrice, je sais qu'elle veut bien faire. Mais elle ne laisse pas de place pour que ma femme prenne la sienne, et s'accomplisse. Peut-être qu'un jour, celle que j'aime prendra sa place, et alors elle n'aura plus besoin d'exister. Vous avez toujours été une fière domienne, invictivant ceux qui vous confondaient avec une Hingashii. Pourtant c'est une autre personne que vous à la tête de votre compagnie. Je n'y reconnais pas ma femme. Je n'y reconnais pas la mère de mes enfants. J'y vois une aventurière froide, qui agi comme l'image qu'elle a de ce qu'elle devrait être."
Kikyo se mordit la lèvre.
"Ce n'est pas... ce que je voulais.
- Je sais, ma femme. Et vous savez quoi ?
- Hai ?
- Parce que vous vivez, il n'est jamais trop tard."
Il se tourna vers elle, cette fois-ci entièrement. Il posa sa main sur son bras. Elle leva de nouveaux les yeux dans sa direction.
" Je vous ai libéré des chaînes que l'on vous avait imposé dans le passé. Aujourd'hui, vous portez celles que vous vous êtes mises vous même. Et c'est à vous de vous défaire de ces liens qui vous entravent.
- J'ignore... comment elles sont apparu."
- Dans un moment de faiblesse, j'ai voulu séparer nos chemins parce que je pensais ma femme disparue. Elle est toujours là. Par peur de ne pas être suffisante, vous vous êtes inventée."
Tentée de fuir son regard de honte, la pression sur son bras l'incita à le soutenir, continuer d'écouter malgré la dureté de ses mots. Il remonta sa main jusqu'à son menton.
"Mais si Kikyo Kakita est suffisante pour moi, elle l'est pour le monde. Trouvez le courage de dire au revoir à cette autre femme. Et présentez au monde qui ne le connaît pas encore ma femme. Celle que j'aime.
- Depuis le premier jour... je voulais être à la hauteur de l'homme que vous êtes.
- En devenant une autre femme ?
- En ... devenant... plus que... cette bâtarde vouée à rester cachée derrière un paravent. Qui ne savait rien faire d'autre que tenir un sabre et servir le thé."
Les souvenirs du dojo Kakita remontèrent, comme un écho d'un autre monde, d'une autre vie. Les regards pesants, les exigences, le mépris de certains face à l'apparition d'une batarde alors que dans leur dos Doma tout juste libérée brûlait encore des cendres de la guerre. Yaten-dono et Sanjuro l'avaient imposée au clan, par manque de bras armés pour reconstruire le pays. Et pourtant malgré la misère, l'orgueil des nobles l'avaient reléguée au rang de bushi sans nom et sans titre, condamnée à vivre dans l'ombre d'un frère qui ne pouvait l'appeler sœur malgré son affection. Ce n'est que par son mariage avec le chef de la famille Kurusu qu'elle fut enfin reconnue, par respect pour le tigre qui achetait son épouse, "un âne au prix d'un pur sang". Il aurait pu tout avoir, n'importe laquelle. C'est elle qu'il avait désiré.
"Me pardonnerez-vous jamais, anata ? Murmura t-elle.
- Je suis encore là.
- ... Hai.
- Et je sais que vous êtes là."
Elle posa à son tour une main tremblante sur son bras, s'accrochant à la chaleur de ce simple geste.
"Il n'y a rien à pardonner. Vous n'avez fait que vous perdre sur la voie que vous suivez. Si mes mots résonnent en vous, et que vous les comprenez tels que je les prononces. Sans y chercher un sens caché. Nous nous retrouverons.
- C'est le cas.
- Puisque vous me prenez en exemple. Me suis-je jamais soucié de la manière dont je paraissais auprès des autres ?
- Jamais.
- Alors pourquoi essayer d'être ce que vous n'êtes pas. C'est cette bâtarde cachée derrière un paravent que j'ai épousé.
- Ce fut le plus grand honneur... et la plus grande joie de ma vie."
Akira posa simplement son front contre celui de la demi-raenne. Elle frémit, retrouvant les sensations de leur première confession. Un instant, elle se sentit voyager six années dans le passé. Le silence s'installa, pendant plus d'une minute.
"Parlez." Finit par ordonner le tigre, comme s'il refusait de s'en tenir à ses mots.
"Je... veux redevenir la femme que vous aimez" lâcha t-elle dans un souffle.
"Celle que je suis, celle que vous regardez ainsi chaque jour. Que je vous entende dire à nouveau... que vous brûleriez le ciel et la terre pour me garder près de vous.
- Vous l'êtes déjà. Tout du moins, vous ne l'avez jamais perdue, elle est toujours là. Vous savez qui vous êtes. Ne vous fuyez plus.
- Hai, Akira-sama."
Le tigre resta ainsi, dans un geste de tendresse rare auquel son épouse répondit par un silence apaisé, savourant l'instant comme si c'était le dernier. Le temps sembla s'étirer cette nuit-là, figé dans la glace coerthienne où se mêlaient résurgences du passé et désirs du présent. La grue se retrouva elle-même entre les griffes du tigre ; son regard avait changé. L'amour qu'elle lui portait et qui ne s'exprimait que peu en dehors de ces quatre murs semblait éclore une nouvelle fois, une jeune mariée s'accrochant à ses épaules. Ils dormirent peu, puis ils dormirent longtemps. Au réveil, ses doigts fins dessinaient les courbes du tigre tatoué dans son dos, dessin qu'elle connaissait par cœur même sans le regarder. Elle se fichait de l'heure, de l'endroit, de la raison, de tout ce qui n'était pas eux pour l'instant. Le monde pouvait bien attendre encore un peu avant de rencontrer "Kikyo Kurusu" telle qu'elle était réellement et sans doute que cela provoquerait un peu d'agitation.
Toutefois, si le monde peut bien attendre, quatre petits tigres avaient hérité de l'impatience de leur père. On entendit des voix appelant dans le couloir, et quelqu'un sauter derrière la porte pour tenter d'attendre la poignée.
"Papa, Mama ! Il est tard !"
Les yeux toujours fermés, le tigre souffla du nez. Kikyo étouffa un rire, le premier depuis longtemps.
"Qu'est ce que c'est, mama ?"
Kiyoko posa son menton et ses deux mains sur le bord du lavabo, ses grands yeux curieux posés sur le flacon translucide qu'elle ne reconnaissait pas parmi les nombreux cosmétiques de sa mère dont elle rêvait déjà de pouvoir les emprunter un jour.
"C'est une eau spéciale, que tes ancêtres, les miens, utilisaient déjà bien avant ma naissance. Lorsque tu auras atteint les sept ans, tu pourras choisir de t'en servir aussi.
- Et qu'est ce que ça fait ?"
Kikyo sourit, une main caressant les cheveux fins de sa fille.
"Tu le sauras bientôt. Vas jouer avec ton frère, maman doit prendre son bain."
Sous l'éclat d'argent,
Ses cheveux blancs, lune miroir,
Pureté des cieux.
[quote]Lerith
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Après avoir retiré ses chaussures, Kikyo retira bijoux et ornements de ses cheveux d'un geste rageur. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la soirée n'avait pas été à la hauteur de ses attentes. Fort heureusement, il était déjà tard et les enfants dormaient paisiblement, un souffle de réconfort dans ce maudit pays glacé que pourtant elle avait fini par apprécier grâce à Lucien. Pour ce soir, au moins, ce serait un maudit pays. Et cela n'avait strictement rien à voir avec la défaite de son mari au tournois, bien au contraire si cela n'avait tenu qu'au xaela elle aurait en aurait même pu réviser son jugement sur ces sauvages de la Steppe.
[i]"Blâmez-les de ne pas savoir tenir leurs chiens en laisse"[/i] Déclara Akira en fermant la porte de la chambre, ce qui eut le don de l'énerver encore plus.
[i]"Je n'ai personne à blâmer"[/i] siffla t-elle entre ses dents [i]"si ce n'est ce médecin qui vous a tenu son discours puis laissé accuser dame Valsonge, se gardant bien de donner des réponses claires, pour ne paraître que lorsqu'il fut cité et forcé de se justifier.
- Tous les hommes ne sont pas courageux, femme. Je veux croire qu'il y avait du vrai dans son propos."[/i]
Elle referma le coffret en bois laqué d'un coup sec.
[i]"Je vois ce que je vois, Akira-sama. Au mieux de la lâcheté, au pire la vilénie. L'un et l'autre me sont insupportables.
- Vous êtes pourtant prompte à croire les paroles dissimulées derrière un éventail."[/i]
Le tigre se tourna face à la cheminée, mains dans le dos. Kikyo fronça les sourcils, corrigeant instamment.
[i]"Je crois Lenore, c'est différent. Elle m'a dit ce qu'elle a entendu, elle n'avait aucune raison de le faire mais elle l'a fait. Elle n'a pas reconnu la voix qui a proféré ces menaces mais au moins c'était clair.
-C'est bien ce que je dis."[/i]
Le silence s'installa. Pendant un moment, elle ne su que dire mais si la colère ne diminuait pas, la demi-raenne savait que cela ne mènerait à rien de se disputer, encore, et se heurter à un mur. D'ordinaire, elle se serait résignée, changée et couchée attendant de savoir s'il comptait la rejoindre ou lui tourner le dos, sans un bruit. Mais ce soir, sans explication, elle fit un pas vers lui et demanda :
[i]"Me pensez-vous donc si naïve ?
- Je pense qu'il existe deux Kikyo."[/i]
Elle s'attendait à des reproches, encore. Mais il n'avait pas la même voix que d'habitude.
[i]"Et je pense que cela manque à l'une d'elle d'appartenir à la noblesse. D'où sa proximité avec des nobles d'Ishgard, même s'ils sont des amis."[/i]
Surprise, elle hésita à répondre. D'ordinaire, tout ce qu'elle pouvait dire ou contester n'avait sur lui pas le moindre impact, son opinion toujours aussi tranchée le rendait impénétrable à la moindre variation qu'il n'aurait pas décidé d'engager par lui-même et en partie raison pour laquelle certaines personnes -dont Lenore, probablement- n'avaient jamais connu de lui que ses pires côtés. Elle ferma les yeux, et souffla. Une dernière fois, peut-être, essayer.
[i]"Cela ne me manque pas. Ce qui me manque c'est... d'être douée pour quelque chose. Lenore était mon amie bien avant que la "bonne société ishgardaise" connaisse un essor constant. De même pour Lucien. Je n'ai que faire des autres, en dehors de mes intérêts pour la compagnie."[/i]
Elle inspira longuement avant de poursuivre :
[i]"Je confesse cependant... qu'il était facile de me mêler à eux. Tout ce que je sais faire, tout ce que j'ai appris avec les Kakita, tout ce qui ne m'était plus d'aucune utilité depuis toutes ces années... Je suis parvenue à me prouver que j'en étais encore capable. Après avoir tant déçu, c'était apaisant."[/i]
Elle s'attendait à tout. Sermon, leçon de vie, reproche, conseil et même silence. Elle n'attendait plus rien, et comme toujours c'est le moment que le tigre choisissait pour poser sa griffe où elle ne l'attendait.
[i]"Vous voyez, il n'y a pas de honte à le dire."[/i]
Elle leva les yeux, choquée par le calme avec lequel il prenait la chose son regard tourné vers les flammes de l'âtre.
[i]"J'ai été élevé pour la guerre. Le conflit. C'est dans cela que je me sens le plus à l'aise."[/i]
Sur le moment, elle n'aurait su dire s'il l'avouait comme si une part de lui regrettait de susciter autant de trouble, ou s'il voulait simplement apaiser ses propres craintes de lui exposer ses pensées. Tout lui échappa alors, ces mots qu'elle avait enterré sous une couche de glace et d'acier depuis si longtemps qu'elle ne savait plus dire quand exactement cela avait commencé.
"Mais ce n'est pas d'être noble qui me manque, Akira-sama... Seulement le regard que vous me portiez, avant."
Lentement, il tourna le visage vers elle. Ils se tenaient à moins d'un yalm l'un de l'autre, lui debout les mains dans le dos, elle les siennes croisées devant sa ceinture. Leurs regards se croisèrent, et de se décrochèrent plus.
[i]"Je suis tombé amoureux d'une samourai de Doma. Elle me comble quand elle est là, m'a donné de beaux enfants en bonne santé, qui font ma fierté et ma joie, et est une bonne mère, pour eux. Et bien que son ikebana soit médiocre, elle persiste. Elle n'abandonne pas. Cette femme là, je l'aime. Mais parfois elle part et laisse place à une autre. Une qui n'a que l'horizon et son infinitude en tête. Qui se refuse à exprimer Doma pour des soucis d'esthétisme locaux. Une dont le drapeau se remplit des couleurs de différents pays plutôt qu'un seul, le mien. J'ai peine à aimer cette femme là. Parce qu'elle n'est pas celle dont je suis tombé amoureux, et dont je suis prêt à brûler ciel et terre pour la garder à mes côtés..."[/i]
Les yeux de Kikyo s'agrandirent sur ces derniers mots, la rappelant à ce jour il y a bien des années lorsqu'elle portait encore le Mon de la grue et les cheveux blanc Kakita. Il s'était penché sur elle, serrant sa main blessée qu'il venait de soigner et avait affirmé d'une voix brûlante de détermination : [b][i]"Soyez mienne, ou s'il le faut, je brûlerais votre palais, ferais ramper votre daimyo pour vous avoir"[/i][/b]. Ce jour-là son cœur s'était mit à battre pour lui, pour la première fois. Elle l'avait aimé pour ce regard, pour ce qu'il est entièrement.
[i]"...Et pourtant, parce qu'elle rend heureuse celle que j'aime, j'accepte sa présence. Et qu'elles marchent main dans la main.
- Akira-sama..."[/i]
Il conserva son expression habituelle. Rien n'avait changé, ou peut-être que si.
[i]"Je sais, que vous ne comprenez peut-être pas, et que pour vous, vous êtes une. Mais c'est ce que je ressens.
- iee. Je comprends."[/i]
Elle secoue la tête, incapable de contenir plus longtemps le trouble qui l'habitait. Il n'y avait plus aucune colère. Comment ces simples mots pouvaient-ils réveiller ainsi son âme au point de lui arracher un mince sourire, alors que le sujet était pourtant sérieux ?
[i]"Cela faisait... si longtemps" [/i]souffla t-elle.
[i]"Que je ne vous avais témoigné d'affection ?
- Que vous ne m'aviez parlé ainsi.
- Cela fait quelques temps que l'aventurière porte les tenues de ma femme."[/i]
Il tourna simplement la tête de nouveau en direction des flammes. Kikyo baissa les yeux.
[i]" ... Je vous ai beaucoup déçu.
- Ma femme ne m'a jamais déçue."[/i]
Toujours aussi calme, il ne la vit pas retenir son souffle à cette affirmation. Il poursuivit :
[i]"Elle a parfois échoué. Mais elle essaye d'apprendre. Quand à l'exploratrice, je sais qu'elle veut bien faire. Mais elle ne laisse pas de place pour que ma femme prenne la sienne, et s'accomplisse. Peut-être qu'un jour, celle que j'aime prendra sa place, et alors elle n'aura plus besoin d'exister. Vous avez toujours été une fière domienne, invictivant ceux qui vous confondaient avec une Hingashii. Pourtant c'est une autre personne que vous à la tête de votre compagnie. Je n'y reconnais pas ma femme. Je n'y reconnais pas la mère de mes enfants. J'y vois une aventurière froide, qui agi comme l'image qu'elle a de ce qu'elle devrait être."[/i]
Kikyo se mordit la lèvre.
[i]"Ce n'est pas... ce que je voulais.
- Je sais, ma femme. Et vous savez quoi ?
- Hai ?
- Parce que vous vivez, il n'est jamais trop tard."[/i]
Il se tourna vers elle, cette fois-ci entièrement. Il posa sa main sur son bras. Elle leva de nouveaux les yeux dans sa direction.
[i]" Je vous ai libéré des chaînes que l'on vous avait imposé dans le passé. Aujourd'hui, vous portez celles que vous vous êtes mises vous même. Et c'est à vous de vous défaire de ces liens qui vous entravent.
- J'ignore... comment elles sont apparu."
- Dans un moment de faiblesse, j'ai voulu séparer nos chemins parce que je pensais ma femme disparue. Elle est toujours là. Par peur de ne pas être suffisante, vous vous êtes inventée."[/i]
Tentée de fuir son regard de honte, la pression sur son bras l'incita à le soutenir, continuer d'écouter malgré la dureté de ses mots. Il remonta sa main jusqu'à son menton.
[i]"Mais si Kikyo Kakita est suffisante pour moi, elle l'est pour le monde. Trouvez le courage de dire au revoir à cette autre femme. Et présentez au monde qui ne le connaît pas encore ma femme. Celle que j'aime.
- Depuis le premier jour... je voulais être à la hauteur de l'homme que vous êtes.
- En devenant une autre femme ?
- En ... devenant... plus que... cette bâtarde vouée à rester cachée derrière un paravent. Qui ne savait rien faire d'autre que tenir un sabre et servir le thé."[/i]
Les souvenirs du dojo Kakita remontèrent, comme un écho d'un autre monde, d'une autre vie. Les regards pesants, les exigences, le mépris de certains face à l'apparition d'une batarde alors que dans leur dos Doma tout juste libérée brûlait encore des cendres de la guerre. Yaten-dono et Sanjuro l'avaient imposée au clan, par manque de bras armés pour reconstruire le pays. Et pourtant malgré la misère, l'orgueil des nobles l'avaient reléguée au rang de bushi sans nom et sans titre, condamnée à vivre dans l'ombre d'un frère qui ne pouvait l'appeler sœur malgré son affection. Ce n'est que par son mariage avec le chef de la famille Kurusu qu'elle fut enfin reconnue, par respect pour le tigre qui achetait son épouse, "un âne au prix d'un pur sang". Il aurait pu tout avoir, n'importe laquelle. C'est elle qu'il avait désiré.
[i]"Me pardonnerez-vous jamais, anata ?[/i] Murmura t-elle.
[i]- Je suis encore là.
- ... Hai.
- Et je sais que vous êtes là."[/i]
Elle posa à son tour une main tremblante sur son bras, s'accrochant à la chaleur de ce simple geste.
[i]"Il n'y a rien à pardonner. Vous n'avez fait que vous perdre sur la voie que vous suivez. Si mes mots résonnent en vous, et que vous les comprenez tels que je les prononces. Sans y chercher un sens caché. Nous nous retrouverons.
- C'est le cas.
- Puisque vous me prenez en exemple. Me suis-je jamais soucié de la manière dont je paraissais auprès des autres ?
- Jamais.
- Alors pourquoi essayer d'être ce que vous n'êtes pas. C'est cette bâtarde cachée derrière un paravent que j'ai épousé.
- Ce fut le plus grand honneur... et la plus grande joie de ma vie."[/i]
Akira posa simplement son front contre celui de la demi-raenne. Elle frémit, retrouvant les sensations de leur première confession. Un instant, elle se sentit voyager six années dans le passé. Le silence s'installa, pendant plus d'une minute.
[i]"Parlez." [/i]Finit par ordonner le tigre, comme s'il refusait de s'en tenir à ses mots.
[i]"Je... veux redevenir la femme que vous aimez"[/i] lâcha t-elle dans un souffle. [i]"Celle que je suis, celle que vous regardez ainsi chaque jour. Que je vous entende dire à nouveau... que vous brûleriez le ciel et la terre pour me garder près de vous.
- Vous l'êtes déjà. Tout du moins, vous ne l'avez jamais perdue, elle est toujours là. Vous savez qui vous êtes. Ne vous fuyez plus.
- Hai, Akira-sama."[/i]
Le tigre resta ainsi, dans un geste de tendresse rare auquel son épouse répondit par un silence apaisé, savourant l'instant comme si c'était le dernier. Le temps sembla s'étirer cette nuit-là, figé dans la glace coerthienne où se mêlaient résurgences du passé et désirs du présent. La grue se retrouva elle-même entre les griffes du tigre ; son regard avait changé. L'amour qu'elle lui portait et qui ne s'exprimait que peu en dehors de ces quatre murs semblait éclore une nouvelle fois, une jeune mariée s'accrochant à ses épaules. Ils dormirent peu, puis ils dormirent longtemps. Au réveil, ses doigts fins dessinaient les courbes du tigre tatoué dans son dos, dessin qu'elle connaissait par cœur même sans le regarder. Elle se fichait de l'heure, de l'endroit, de la raison, de tout ce qui n'était pas eux pour l'instant. Le monde pouvait bien attendre encore un peu avant de rencontrer "Kikyo Kurusu" telle qu'elle était réellement et sans doute que cela provoquerait un peu d'agitation.
Toutefois, si le monde peut bien attendre, quatre petits tigres avaient hérité de l'impatience de leur père. On entendit des voix appelant dans le couloir, et quelqu'un sauter derrière la porte pour tenter d'attendre la poignée.
[i]"Papa, Mama ! Il est tard !"[/i]
Les yeux toujours fermés, le tigre souffla du nez. Kikyo étouffa un rire, le premier depuis longtemps.
[center][img]https://www.zupimages.net/up/24/39/mid3.png[/img][/center]
[i]"Qu'est ce que c'est, mama ?"[/i]
Kiyoko posa son menton et ses deux mains sur le bord du lavabo, ses grands yeux curieux posés sur le flacon translucide qu'elle ne reconnaissait pas parmi les nombreux cosmétiques de sa mère dont elle rêvait déjà de pouvoir les emprunter un jour.
[i]"C'est une eau spéciale, que tes ancêtres, les miens, utilisaient déjà bien avant ma naissance. Lorsque tu auras atteint les sept ans, tu pourras choisir de t'en servir aussi.
- Et qu'est ce que ça fait ?"[/i]
Kikyo sourit, une main caressant les cheveux fins de sa fille.
[i]"Tu le sauras bientôt. Vas jouer avec ton frère, maman doit prendre son bain."[/i]
[right][i][b]Sous l'éclat d'argent,
Ses cheveux blancs, lune miroir,
Pureté des cieux.[/b][/i][/right][/quote]