[Kikyo] IV - Vers l'Infini et on Verra

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Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Finalement, ils n'étaient guère plus raisonnable qu'elle, déterminés à tenter l'impossible ou en tout cas, à ne pas renoncer sans comprendre le pourquoi de ce phénomène sans précédent dont l'issue allait déterminer leur avenir. Aucun d'eux n'avait envie de rester passif pourtant ils le savaient, et elle le voyait dans leurs yeux que ce mal les affectait déjà eux aussi ; plus ils s'exposeraient aux créatures de l'Apocalypse et plus ce mal risquait de les attirer vers l'abîme... mais ce risque en valait la peine, l'Eternal en valait la peine.
"Partir maintenant, cela reviendrait à abandonner avant même d'avoir essayé."

Les jours qui suivirent furent consacrés à l'organisation de la compagnie dans la prochaine étape de cette aventure. Dans son bureau, Kikyo consultait la liste des mandats et autres appels à l'aide dans les régions où des hérésiarques avaient été aperçu.
Valorius à Ishgard, Kyuuji à Gridania, U'napa est en contact avec ses soeurs à l'Oasis Oubliée... hm, Yanxia aussi, le seigneur Hien a l'air de gérer la situation. Il faudrait envoyer quelqu'un à Tenshi-ka voir si tout va bien.
Hotaru faisait des cauchemars depuis un bon moment maintenant, des rêves dont la teneur semblait floues même pour l'intéressée. Le mouvement perpétuel des hommes et des opérations de l'Alliance Eorzéenne noyaient les compagnies sous un flot constant de nouveaux bulletins d'informations rendant difficile de s'attarder sur un seul point et une seule région.

Kikyo posa la dernière enveloppe de la matinée avant de lever sa main paume vers le haut, face à son visage. Il n'y avait personne d'autre dans le bureau, les enfants jouaient dehors sous la surveillance d'Akio. Elle soupira pour se détendre, et pris une nouvelle inspiration.
"Aller, on essaye encore."
Une seconde s'écoula, puis deux, puis une dizaine avant qu'elle ne parvienne à se concentrer suffisamment. Entre ses doigts apparurent de petits filaments ethérés qui convergèrent vers sa paume pour former une fragile boule luminescente qui disparut presque aussitôt dans une étincelle. Elle fronça les sourcils, encore un échec.
"Encore."
A nouveau, les filaments ethérés commencèrent à se former mais la concentration se faisait plus difficile au fur et à mesure des tentatives. Trois, quatre essais successifs sans plus de résultats vinrent à bout de sa patience et de son énergie.
"Ce n'est pas aujourd'hui que j'y arriverais."




"Akio et moi sommes les plus rapides avec un sort de célérité. Dès qu'ils seront après nous vous entrez et fouillez l'endroit. Pas de risques inutiles ; à la moindre menace ou s'ils abandonnent la poursuite vous filez d'ici et attendez les renforts.
- Bien capitaine."

Ishgard, déjà noyée sous un hiver plus rude que les précédents, voyait ses problèmes se multiplier par l'apparition d'un hérésiarque. Si un deuxième venait à être confirmé, la situation allait tourner au désastre.
Lucien aurait pu contester sa décision, après tout il n'était pas membre de l'équipage et avait été chargé de superviser l'opération cette nuit-là, mais il n'en fit rien et acquiesça lorsque le capitaine exposa son plan. "Ne mourrez pas" annonça t-il avant de s'éloigner pour prévenir ses supérieurs de ce qu'ils venaient de découvrir dans une ancienne ferme au nord de Nid-du-Faucon. Les monstres autour étaient vides de leur ether, mais ce que Kyuuji avait ressenti de plus fort, ce qui était peut-être à l'origine de leur transformation, se trouvait à l'intérieur de l'un des bâtiments.

Au signal, elle s'élança dans la cour de la ferme, la traversant à vive allure sur le dos du hanyo encore plus rapide grâce à la magie. Le premier de ces monstres était aussi énorme que lent, mais le second bien plus rapide la manqua de peu ; elle n'avait en revanche pas prévu le troisième qui surgit d'une tente tel une araignée bondissante pour s'accrocher à son dos armé de ses petites griffes. Elle ne stoppa pas sa course pour autant et les éloigna autant qu'elle pouvait.
"Fonce !" Cria t-elle à l'attention de son compagnon qui dévalait la falaise sans ralentir.
Elle dégaina son pistolet mais la chose agrippée à son dos était trop petite et rapide, elle risquait de se tirer elle-même une balle si elle tentait de l'avoir ainsi. Elle la rengaina aussitôt et lâcha les deux mains ne tenant plus sur le dos du loup que par les étriers du harnais. Akio ne pouvait pas ralentir, et pendant qu'il courrait la saleté lui lacérait le dos sans répits, et les avant-bras à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'elle arrive à s'en saisir et la jeter en avant. Akio referma ses mâchoires dessus, l'attrapant au vol. Un "crac" spongieux précéda la disparition de la créature.
Dans sa linkperle, elle entendit la voix d'Ivanhault.
"Capitaine, on décroche !"
Quelque soit ce qu'ils avaient trouvé là-dedans, ce devait être encore pire que ces trois monstres. Un sentiment d'impuissance commença à grandir en elle, mais elle le tut presque aussitôt. ironiquement, la douleur l'empêchait de trop penser.
En bas des falaises, Akio eut moins de mal à semer les deux autres. Kikyo se coucha sur son dos, le sien en sang, et le laissa la reconduire à Nird-du-Faucon ou le reste du groupe avait battu en retraite pour ce soir. Ils la virent arriver dans un état sérieux, mais pas mortel, le moral en revanche n'était pas au mieux. C'était bel et bien ce qu'ils redoutaient : un hérésiarque.
"Rien à faire, un simple groupe d'aventuriers ne peut rien face à ces créatures..."





Face à la fenêtre, Kikyo attendait des nouvelles de ses hommes. Ses blessures l'empêchait de les accompagner mais elle approuvait leur désir d'y retourner pour aider les templiers, terminer cette mission et ainsi reprendre le dessus. C'était aussi important pour Ishgard que pour leur moral, ils ne pouvaient rester sur ce sentiment d'impuissance.
Silius va encore dire que nous avons eu tort de nous en occuper...
La chaleur d'un pâle soleil printanier sur la Noscea ne parvenait pas à la ramener à l'essentiel cette fois-ci ; elle aurait voulu les suivre... Mais elle n'était pas encore capable de générer ne serait-ce qu'un seul sort curatif, pas-même l'illusion d'un fragment d'étincelle d'un début de soin. Elle soupira, encore, l'imagine du visage de son ingénieur en chef et "mentor" en devenir -qu'il le veuille ou non- apparaissant sous ses yeux avec son petit regard supérieur et dédaigneux, persuadé qu'elle était incapable de tenir la distance sur une telle discipline. Dix années d'études pour devenir un sage, elle était pourtant déterminée à en passer vingt s'il le fallait. 
Vous allez voir si je suis comme tous ces aventuriers qui trouvent des cristaux d'âme tombés du ciel tous les quatre matin... baka !
Sans s'en rendre compte, elle venait de commencer l'exercice, et de concentrer une très légère quantité d'ether entre ses doigts. Fragile mais palpable, et stable cette fois. Incrédule, elle leva la main pour contempler son œuvre.
Tiens...?
Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi maintenant cela fonctionnait, était-ce son agacement, sa volonté ? Les paroles de Djazah'ir sur les théories de l'Akasha lui revinrent en mémoire. Une force différente de l'ether mais qui influe sur l'ether, et peut influer sur la magie ou toute forme de technique incluant une manipulation ethérée. Elle sentit la flamme se raviver, et sa détermination à peine entamée remonta à la surface. Et si c'était ça ? Et si cela pouvait marcher dans un sens, mais aussi dans l'autre ?


On frappa à la porte, et Gyoban entra dans la foulée les nageoires pleines de courrier.
"Capitaine, ils sont rentrés !"
Sans attente, la demi-raenne tourna le dos tout en secouant la main pour disperser les particules d'ether. Elle quitta la pièce d'un pas pressé sans même adresser un seul regard au namazu qui ne s'en formalisa pas le moins du monde. Soucieux lui aussi de voir dans quel état allaient rentrer les membres de l'équipage, il se pressa de poser le courrier sur le bureau pour la suivre en se dandinant.


Aucun d'eux n'avait pu voir que l'une des enveloppes venait de Tenshi-Ka.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Loin dans les montagnes reculées de Yanxia, jamais village ne fut plus paisible que Tenshi-ka en ces temps troublés ; c'est pourtant ce qui inquiétait tant ses habitants, accoutumés à l'ombre qui rôde dans la forêt des loups de Yume-dori. Ici, on vivait au rythme du travail à la mine sans jamais regarder au-delà de l'orée du bois, mettant en garde petits et grands de ne jamais quitter la route quel qu'en soit la raison. Et voilà que brusquement la forêt n'était plus menaçante, voilà que Tenshi-Ka devenait un village ordinaire.
Debout sur l'esplanade aménagée près de l'unique pont séparant le village de la route, Kikyo contemplait son pays et le paysage qui aurait pu, dans une autre vie, être son domaine.
"J'aime tant ces montagnes, Akio" souffla t-elle, une main derrière l'oreille de son compagnon ; ce dernier la gratifia d'un léger coup de museau contre son avant-bras.

L'activité de la mine étant réduite de moitié, elle avait pris la décision dès son arrivée de cesser l'extraction de diamants et de mettre tous les employés au repos jusqu'à ce que la situation soit clarifiée et que les cauchemars cessent. Les mineurs épuisés saluaient ce geste, reconnaissant, et elle constatait combien il était nécessaire dès lors qu'elle posait le regard sur le village : ceux qui ne dormaient pas à l'intérieur le faisaient sur le perron de leurs maisons, allongés sur des paillasses en bambou, au soleil. Ivanhault faisait d'ailleurs le tour des habitations afin d'offrir ses services en qualité d'alchimistes et récoltait les informations nécessaires auprès de ceux qui pouvaient lui répondre.
"Ce n'est pourtant pas le Cauchemar, si c'était le cas la forêt serait encore plus menaçante.
- C'est anormal."
répondit le loup blanc sans ouvrir la gueule.
Cette situation était paradoxale ; moins d'inquiétude qui génère encore plus d'inquiétude. L'hostilité latente du loup noir à l'égard des humains et le contrat indéfectible passé entre eux sous peine de mise à mort immédiate, se plaçait au centre de la vie à Tenshi-ka et jamais Gaïto ne baisserait sa garde ou cesserait d'intimider les habitants. Bien sur, les évènements récents et les conséquences immédiates de l'Apocaypse constituaient une option viable, mais elle n'était pas en mesure de voir s'il se passait la même chose ici que dans l'Archipel Paradis, Garlemald ou Thavnair. Aucune transformation n'était à noter dans la région bien que l'on parle d'un hérésiarque du côté de la Mer de Rubis à presque deux jours de voyage d'ici, la vie paisible de Tenshi-ka n'était en rien affectée hormi ces cauchemars.
Tout semble converger vers la forêt.
"Capitaine ?"
Elle n'avait pas entendu l'elezen arriver dans son dos. Prise par ses pensées il lui semblait l'avoir vu passer dans le village il y a un instant alors que plusieurs minutes s'étaient écoulées.
"Hm ?
- Il faut que je vous parle de quelque chose."


Les cartes du second avaient sur elle le même effet que les rêves des Tenshi, mais il était rare que l'astromancien n'obtienne pas de réponse claire comme si l'avenir, toujours en mouvement, était d'autant plus flou en ces temps incertains. Rien de surprenant, mais surprenant tout de même, il ne l'avait guère habitué à cela.
"La mort, donc."
La discussion ne poussa guère plus loin, une chococaravane venait d'apparaitre de l'autre côté du pont. A son bord plusieurs silhouettes, ce qui fit froncer les sourcils à Kikyo lorsqu'elle reconnut sa cousine au milieu des trois autres. Décidément, ils avaient eu beau se plaindre fut un temps qu'elle mélange soit-disant ses affaires de famille à la compagnie, ils ne pouvaient pas s'empêcher de se précipiter tête la première sitôt que Hotaru semblait avoir un problème. La présence de Lucien lui arracha tout de même un soupir satisfait, couvert par les mots de son second.
"Les chevaliers servants accompagnent la princesse.
- Ils ne peuvent décidément pas s'en empêcher. Allons les accueillir."
 



Le soleil déclinait lentement derrière la Montagne Blanche.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Ils avaient déjà marché un bon moment lorsqu'ils franchirent les portes du sanctuaire de Yume-dori, dans cette forêt désormais vide de toute force surnaturelle. Aucun grognement de loup ni bruissement dans les arbres, ni ce sentiment oppressant d'être observés et indésirable, c'était comme si la Montagne Blanche était devenue paisible et pourtant bien vide. Ce n'est qu'une fois en vue de l'étang, porte du Cauchemar, qu'ils se retrouvèrent au milieu de la meute. Les bêtes épuisées, affaiblies au possible, s'étaient rassemblées autour de la berge et en les voyant levèrent la tête pour montrer les crocs. A bout de forces ils ne représentaient aucune menace, à la fois un soulagement et un pincement au cœur pour les intrus face à ce spectacle.
"Laissez-les avancer."
La voix de Rama les rassura quelque peu, lorsqu'ils virent la tête du grand loup blanc, borgne et bardé de cicatrices, dépasser des autres. Il les attendait au bord de l'eau, on les laissa passer et plus ils avançaient plus ils voyaient ce que reflétait le Cauchemar sous la surface miroitante : les flammes et la mort, telles qu'ils les avaient vu à Thavnair. Valorius fronça les sourcils, il avait été le premier à percevoir la chute vertigineuse du niveau d'ether dans ces lieux. Mais très vite, les regards se posèrent sur celui qui se tenait couché près de Rama. Gaïto semblait avoir pris cent ans, le poil hirsute et grisonnant, fortement amaigri, l’œil terne bien qu'au fond de ses iris d'émeraude brûlait encore une étincelle de rage et sa haine profonde pour les humains. A sa vue, le silence fut complet. Comment ce gardien si puissant avait-il pu déchoir en si peu de temps ?
Hotaru s'avança la première pour aller s'agenouiller face à lui sans dire un mot.
"Je ne veux pas de ta pitié, enfant." gronda le loup noir fatigué.

Valorius leur décrivit ce qu'il voyait ; Rama vint s'asseoir à leurs côtés et leur raconta ce qui s'était passé. Le manque d'ether avait consumé d'abord le portail, les jorogumos s'étaient entre-dévorées et les créatures du cauchemar dépourvues d'ether avaient muté en quelque chose de plus terrible. Peine et désespoir, le pire de l'humanité gardé au coeur de l'inconscient était remonté à la surface. Les loups les avaient tous combattu, Gaïto avait protégé la porte et fait qu'aucune créature de l'Apocalypse n'atteigne Tenshi-Ka jusqu'à ce qu'il n'y ai plus d'ether, et que la porte se ferme pour toujours. Mais le gardien lui était lié, et si Yume-Dori se meurt il se mourrait aussi, vieillissant subitement et de plus en plus vite.
Lui qui haïssait tant les humains, avait combattu pour eux jusqu'à ne plus tenir debout. Apprenant cela, les quatre hommes n'en furent que plus silencieux lorsque Gaïto se redressa dignement au prix d'un dernier effort.
"Filles des Songes, approchez."
Kikyo s'avança à son tour sans un mot pour aller s'asseoir face à lui, aux côtés de sa cousine.
"Vous êtes filles Tenshi, ce qui vous a été donné ne dépend pas d'un temple ou de kamis. Les saisons passeront et les étoiles brûlaient bien avant cette catastrophe."
Il posa en premier son regard sur Hotaru, le visage de la jeune raenne se reflétant dans ses yeux.
"Tu portes l'héritage de tes ancêtres. Où que tu ailles, avec ou sans les pouvoirs que te confèrent cet endroit, tu sauras comment guérir les âmes et protéger les rêves de tes semblables face aux créatures qui usent des mêmes pouvoirs. Il existe d'autres portes, d'autres moyens... et bien d'autres ennemis."
Son regard dévia ensuite sur Kikyo qui se redressa.
"Tu l'as renié, négligé par conviction et laissé à une autre que tu juges plus capable que toi. Mais la magie coule dans tes veines, enfant, plus forte que toi-même ne l'imagine. Tu sais façonner le diamant mieux que ta propre mère au point d'avoir pu l'enseigner à ta cousine sans difficulté, tu as porté le poids d'un antique pouvoir sans faillir dans le seul but de protéger tes semblables. Tu sauras, le moment venu."
Lentement, au fur et à mesure qu'il parlait, le grand loup noir s'affaissa sur l'herbe humide et baissa peu à peu la tête.
"L'avenir... vous appartient. Et ce monde... appartient... aux Hommes."
Un souffle glacé retomba sur la surface sombre du sac tandis que Valorius voyait les dernières volutes d'ether s'envoler. Les images d'apocalypse avaient disparu, l'eau ne reflétant plus que le ciel rempli d'étoiles au-dessus de leurs têtes. Kikyo et Hotaru fermèrent les yeux, priant en silence, tandis que les loups levaient la tête pour hurler à la lune tristement, portés par Rama. L'écho de cette complainte résonna dans les forêts de la Montagne Blanche.


Un adieu pour Gaïto.




Plus tard, alors qu'elle marchait dans le village après que ses compagnons se soient couchés, Kikyo s'arrêta devant l'autel des ancêtres sous le mémorial de l'ancien temple de Tenhi-ka. Akio, qui l'accompagnait, se coucha devant l'une des sept colonnes en haut des marches, surveillant les alentours.

Il n'y avait plus ici ni esprits, ni gardien, ni pacte entre humains et yokais. Yume-dori n'avait plus rien de sacré sauf peut-être dans les cœurs, Tenshi-ka n'était plus un temple de l'oniromancie mais un village paisible de mineurs et d'orfèvres qui, une fois l'apocalypse passée, pourrait se développer. Le chagrin d'une fin de cycle allait laisser la place au renouveau à la fois grisant et angoissant.
Elle n'avait aucune intention de mentir aux villageois dont la piété traditionnelle était conforme à la culture des villages isolés. Il faudrait sans doute des années pour encourager à la modernité. Des hommes libres choisissent leur destin.

A l'intérieur du mémorial, elle alluma un bâton d'encens avant de s'agenouiller face à l'autel. Ce n'est qu'en pensant à sa mère que les premières larmes vinrent pointer au coin de ses yeux. Kikyo n'avait jamais été très pieuse, elle n'avait jamais cru qu'en l'Homme et en la beauté du monde. Que Tenshi-Ka tombe, qu'importe, mais c'était ce en quoi sa mère croyait qui venait d'être détruit, son dernier lien avec elle. Les dernières images de Kagome Tenshi épuisée, amaigrie, malade et pourtant radieuse sous un rayon de soleil matinal quelques heures avant sa mort lui arrachèrent un sanglot. Elle posa le front contre le sol.
"Pardon mère..."
Il y en eu un deuxième, puis un autre, jusqu'à ce qu'elle cesse de compter.


Le diamant autour de son cou brillait toujours.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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"Qu'y a t-il dans vos rêves, Kikyo ?
- Vous, pour commencer."
Souffla t-elle en passant ses bras autour de son cou.
"Je veux le monde, Akira. Je veux pouvoir l'explorer sans contrainte, sans que mon esprit soit parasité par le calendrier des animations de l'Escale. Je veux pouvoir franchir l'horizon et nous emmener toujours plus loin, je veux ouvrir des comptoirs à nos couleurs et y proposer ce que seule une compagnie d'explorateurs pourrait. Je veux être exploratrice, pas tenancière d'une auberge comme il en existe maintenant une dizaine rien qu'à Brumée. Je veux..."
Un moment de paix, juste pour en parler. Chacun vaquait à ses occupations et se préparait pour le départ, alors malgré l'invitation commune au pied levé ils s'étaient retrouvé tous les deux dans les bains du dernier étage de l'Escale, profitant du calme de cet ancien grenier mansardé devenu bien plus chaleureux. La porte du balcon ouverte laissait passer la brise nocturne, encore fraîche, rendant l'eau chaude toujours plus agréable.
Depuis la chute du sanctuaire, elle rêvait, comme tout humain ordinaire, découvrant par le sommeil les visions de ses plus intimes désirs, de ses ambitions mais aussi de ses peurs inavouables.
"Vous vous moqueriez.
- Je peux ne pas les partager, mais jamais je ne moquerais vos rêves."

Il avait toujours les mots les plus durs, et les plus apaisant à la fois. Kikyo soupira.
"Je ne devrais pas souhaiter cela devant vous alors que je vous impose cette vie qui vous déplait."
Elle ferma les yeux, toujours coupable quelque part de se réjouir d'une situation qui déplaisait tant à l'un d'eux. Et en même temps, elle voulait l'amener à aimer cette vie, d'y trouver un intérêt pour leur famille et leur pays, d'y trouver une famille plus grande encore.
"Être avec vous et nos enfants ne me déplait pas."
Toujours les mots qu'il fallait.
"Je suis heureuse de vous avoir avec moi."
Elle sentit ses bras se resserrer autour d'elle. Elle aurait voulu arrêter le temps, c'était sans compter sur la porte qui venait de s'ouvrir et la voix de Liiz qui résonna bruyamment.
"Saaaaaaalut ! quelqu'un a parlé de bains ?!"




Toute cette agitation en contrebas sur le port avait attiré son attention, mais elle ne comprenait pas réellement ce qui se passait jusqu'à ce qu'une colonne de lumière s'élève derrière les Rostres, accompagnant le gigantesque vaisseau qui venait d'en sortir. Ainsi donc, le voilà, ce projet qui avait rassemblé les peuples de toute la planète et portait à présent un héros au visage méconnu jusqu'aux Confins de l'Univers. l'Eternal lui semblait minuscule et bien peu de choses à côté pourtant elle ressentit davantage cet attachement à la vue de ce spectacle.
"S'il faut que ce soit toujours vous qui sauviez le monde, Guerrier de la Lumière, n'échouez pas."
Une prière silencieuse accompagna les pensées du capitaine, avant que ses pas ne la ramènent vers le banc après que le vaisseau ai disparu dans les cieux. Elle avait rouvert son livre, mais le referma aussitôt. Son regard se fixa sur sa main qui tremblait d'excitation.
"Étrange..." murmura t-elle en haussant un sourcil, surprise de ce qui lui arrivait. A nouveau, elle contempla les cieux azur. "Se pourrait-il que...?"
Les cris de joie ne pouvaient l'atteindre mais l'espoir, lui, prenait racine dans son cœur. Elle sentait qu'à l'approche de cette conclusion, de cette résolution quelle qu'elle soit, quelque chose vibrait à l'intérieur de sa poitrine. Elle avait le désir de vivre comme tous les autres, la volonté d'avancer, quelque chose comme... la foi, l'envie de réaliser ses rêves quoi qu'il en coûte.
Kikyo contempla longuement cette main tremblante, tandis que ses pensées se bousculaient dans sa tête lui faisant miroiter un avenir nouveau et ses millions de possibilités. Elle ne pourrait plus étudier aujourd'hui, ni les jours suivants.




Assise devant l'autel miniature qu'elle avait installé dans sa cabine, Kikyo finissait de remercier les ancêtres pour l'avoir accompagnée jusqu'ici. Le parfum d'encens embaumait la pièce, se mélangeant à celle du thé ; le bois le craquait plus. Dehors, pas un souffle de vent mais un calme pesant, le calme avant la tempête.

Plus que quelques heures.

Elle sentit en refermant le loquet en métal que sa main tremblait à nouveau, mais cela cessa dès qu'elle la reposa sur le bois du navire. Les vibrations venaient maintenant de là, sous ses genoux et tout autour d'elle.
"Tu le ressens, toi aussi."
Pour toute réponse elle le sentit plus intensément, ou alors ce n'était qu'elle qui transposait cette excitation à travers son artefact. Il lui suffisait de fermer les yeux pour le ressentir, elle avait l'impression de voir à travers chaque trou, d'entendre chaque bruit. Hotaru assoupie dans sa cabine dont la respiration lente se noyait dans ses couvertures, Ivanhault réglant son astromètre, ou son sextant, Iko nettoyant son arme, Napa et Meleth tirant sur les cordes dans les voiles, elle ressentait tout. Leur volonté, leur détermination, et aussi l'espoir. Il était là, rayonnant au cœur de l'Eternal, plus fort que jamais, inépuisable et inarrêtable.
"C'est ce que tu voulais me montrer n'est ce pas ?"
Elle repensa aux mots de son second la veille : "J'ai le sentiment de jouer l'Eternal dans cette bataille". Ses ongles raclèrent le plancher quand elle serra le poing, une lueur brûlante dans les yeux. Elle leva la tête, le regard attiré sans la moindre explication vers son manteau et son chapeau suspendus près de la porte. Oui, ils jouaient l'Eternal ce soir. Pas le navire, mais l'ensemble, ce soir ils allaient au devant de la mort.
Dans un sursaut d'assurance, le capitaine se leva d'un bond et se saisit à la volée de ses effets pour les enfiler avant de s'écrier pour elle-même, ouvrant la porte de sa cabine pour rejoindre ses hommes : 


"Qu'elle vienne, elle sera bien reçue !"
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Et soudain, tout s'est arrêté, comme si le monde entier avait retenu son souffle puis, après de longues secondes d'hésitation, avait expiré un grand coup retirant de leurs épaules un poids auquel ils s'étaient presque habitué. Rentrés victorieux de leur combat contre l'hérésiarque, aucun regard ne s'était levé vers le ciel, trop inquiets pour leurs compagnons gravement blessés jusqu'à ce qu'ils entendent et voient le Ragnarok voler bien plus haut que l'Eternal ne le pourrait jamais. Il y eut un silence, quelques murmures et puis Nazah s'écria :
"Ils l'ont fait... PUTAIN ILS L'ONT FAIT !"
Elle n'y croyait pas, ce n'était pas possible. Là, comme ça sans prévenir, aussi brutalement que ce cataclysme leur était tombé dessus il cessait. Et puis elle entendit le rire d'Akira, fort et... disons très propre au personnage. Elle vit Kyuuji sourire en regardant les cieux et Nazah sauter de joie sur le pont, même les viéras montraient quelque bribes d'émotion en se prenant dans les bras silencieusement.

Oui... ils l'ont fait. Et nous aussi, nous l'avons fait.

Pouvait-il être un moment plus heureux ? Oui. La voix de Napa qui résonna faiblement sur la linkperle, vivante. Akira parlant de projets avec l'Eternal, sans la guerre le soldat s'était trouvé une ambition qui l'intégrait un peu plus à l'équipage. Quel besoin y avait-il de forcer les choses même si il n'était pas totalement satisfait. Bon, d'accord c'était un projet complètement fou et certains pourraient dire irréalisable de collectionner tous les cristaux d'âme existant dans ce monde sachant qu'en plus il ne pourrait jamais tous les utiliser mais il les voulait. Et ce que le tigre veut... risquait de mettre toute une vie à se concrétiser. "Plus que dix-sept" annonça t-il à sa manière tandis que la silhouette du Ragnarok leur passait loin au-dessus.
Le capitaine à la barre demeura silencieuse, contemplant ce petit monde devenu sien et aujourd'hui sauvé. Sa main serrait le gouvernail si fort pour demeurer stoïque alors que sa gorge était nouée ; ses yeux brillaient. Il était sauvé lui aussi, son précieux Eternal. Oui, c'était le sien. Elle pouvait le ressentir dans chaque craquement du bois, dans chaque gonflement des voiles, chaque corde qui tire, elle le sentait respirer comme jamais auparavant. Il partageait leur joie, leur soulagement, autant d'émotions qui allègent le cœur et le navire lui-même n'en semblait que plus léger dans les airs.

Bien plus tard, une fois amarrés à Keanu pour la nuit et lors que chacun ou presque avait trouvé le sommeil, après avoir longuement fait la fête et célébrer le renouveau, une silhouette frêle se fraya un chemin hors de ses quartiers pour contempler l'horizon qui s'éclaircissait lentement à l'Est. Sur le pont elle ne vit personne, mais cela ne voulait pas dire qu'il n'y avait personne.
Elle avait laissé dormir le tigre, puisqu'il avait eu l'audace de plaisanter ouvertement à propos des hormones féminines, et elle marchait à présent jusqu'à la proue, pieds nus et les jambes fébriles. Ses mains aussi tremblaient et ce n'était pas à cause du vent. Son coeur battait si fort qu'il l'empêchait de se reposer correctement alors qu'elle en avait besoin, mais hors de question de prendre une de ces potions d'Ivanhault, elle voulait vivre chacun de ces instants même les plus agaçants, même les plus idiots et les plus inutiles. La vie était si précieuse, la vie l'emporte une fois de plus, la vie est la chose la plus invincible qui soit n'est-ce pas ? Elle posa ses deux mains sur son ventre, songeant à Kimiko qui avait vécu cette aventure avec ses yeux d'enfants curieux, les jumeaux qui avaient passé la majorité de leurs deux premières années dans un monde incertain. Il était temps de les ramener chez eux, bien qu'à l'avenir ils voyageaient avec leurs parents lorsque ce sera possible. Il était temps que reprendre pleinement la main sur l'avenir. Et bientôt...

Il y eut un soupir apaisé, suivi d'un rire cristallin mêlé de sanglots étouffés. Un sourire sur ses lèvres et des larmes roulant sur ses joues.
Akira-sama no baka, à force de provoquer le destin vous pourriez être surpris.
Elle essuya ses larmes et se retourna, pour croiser son regard. Elle ne l'avait même pas entendu approcher. Il se contenta de la regarder, de regarder ses mains, il comprit aussitôt.




"Vous êtes prête, capitaine ?
- Oui."

Les portes de l'immense salle du conseil s'ouvrirent devant le hyur et la raenne qui entrèrent la tête haute, affrontant les regards du Conseil de Sharlayan. Entourée d'une poignée de ses hommes, se jouerait aujourd'hui une part importante l'avenir de la compagnie et la suite de leurs aventures.

Elle était là où elle voulait être. Après tant d'efforts, d'erreurs et d'innovation, tant de travail et de désillusions autant que de victoires, après bien des voyages et une apocalypse, elle était là, au cœur de la cité du savoir face à une partie de ses dirigeants, prête à se montrer aussi audacieuse et ambitieuse qu'elle l'avait promis. Après avoir serré la main du Pr. Blacke, elle jeta un dernier regard par-dessus son épaule et y trouva tout le courage nécessaire pour s'avancer de deux pas, prendre une profonde inspiration, lever la tête et élever la voix avec assurance : 



"Membres du Conseil de Sharlayan...!"
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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"Et pour les canapés en cuir ?
- On les voit partout maintenant. Sortez-moi tout ça."

Elle regardait les ouvriers sortir un à un ces meubles, direction le recyclage. Dans la journée arriveraient les nouveaux fauteuils qu'elle avait commandé, et ces tables que Hotaru l'avait aidé à choisir. Le regard ferme devant cet espace vide qui ne demandait qu'à être rempli par de nouvelles histoires, Kikyo se sentait apaisée.
"Arthurin ouvrez toutes les fenêtres, qu'on respire !"
L'elezen s'exécuta tandis que Kikyo coinça les deux battants de la porte d'entrée afin que l'air circule ; c'était une belle journée, la journée idéale. De toutes parts, le personnel s'activait avec enthousiasme mais sans se presser. Ces aménagements allaient prendre du temps et ils en avaient à disposition.
Jamais ils n'en furent plus conscients d'en savourer chaque seconde.
"Pour les fleurs, madame ?
- Demandez à Meleth, elle a certainement certaines de ces plantes exotiques de Golmorre et d'ailleurs à disposition. Ah et appelez Kyuuji, ce panneau verdoyant sera une excellent exercice pour sa nouvelle discipline n'est-ce pas ?
- Oui madame, et que fait-on pour la couleur des rideaux ?"


Elle était partout sollicitée, un œil sur chaque recoin de la vaste salle et l'autre sur les jumeaux qui jouaient sur la scène. Kiyoko s'amusait à imiter Hotaru qui danse, faisant voler le jupon de sa nouvelle robe tandis que son grand frère tournait plutôt les pages de son livre d'images avec une mimique rappelant le sérieux de Kimiko lorsqu'elle tentait, au même âge, de faire entrer des balles dans le trou destinés au cubes de son jeu en bois. Elle avait à présent l'âge d'accompagner son père à l'extérieur pour suivre ses propres leçons d'arts martiaux.
Le temps passe si vite, il lui semblait parfois qu'hier encore elle était une jeune mariée apprenant à tenir un rang qui ne lui était pas destiné et qui s'estimait déjà chanceuse d'avoir reçu la permission de porter le sabre.
"Madame."
Anastasie la sortit de ses pensées.
"C'est bientôt l'heure de votre entrevue à la guilde des élémentalistes.
- Ah ! Oui, merci. Je vous confie la suite et veillez à suivre chacune de mes directives."

Elle n'avait pas fini de se tourner en direction de la scène qu'elle sentit deux petites mains lui enserrer le mollet. Kiyoko était encore en train de descendre mais Akihiko, bien qu'il n'ai aucune idée de ce que signifient les termes "entrevue" et "guilde" avait au moins compris que sa maman allait s'absenter un moment ; il avait déjà les larmes aux yeux.
"Mama !" pleurnicha t-il avec son air le plus mécontent.
Bien sûr, Kikyo se mit à genoux et l'entoura de son bras, tendant l'autre vers sa jumelle qui se dandinait encore maladroitement vers eux.
"Je ne pars qu'une heure ou deux. Votre père va rentrer, et le temps que ayez pris votre bain je serais de retour.
- MAMA !
insista t-il en tapant du pied.
- Aki."
Le ton était plus dur cette fois, et à son tour elle fronça les sourcils ce qui fit baisser les yeux au petit garçon qui renifla. Elle s'adoucit presque instantanément.
"Soyez bien sages, pour votre anniversaire nous allons dîner en famille. J'ai fait préparer vos plats préférés, et nous parlerons des plans de votre nouvelle chambre d'accord ?"
Il n'en fallut pas plus à Kiyoko pour afficher un grand sourire rêveur, s'imaginant sans doute une chambre de princesse sortie des livres d'histoires que Kimiko faisait semblant de leur lire. Akihiko se contenta de hocher la tête, reniflant toujours mais consolé par la promesse d'une soirée entière avec leurs deux parents et toute leur attention. Un baiser sur le front signa l'accord, et Kikyo se leva.

Aucun sourire sur son visage, mais celui dans ses yeux n'échappa à son mari qui la croisa sur le perron lorsqu'elle quitta l'Escale, sans oublier un troisième baiser sur le front de Kimiko portée sur son bras. Ce n'était plus cette bonne humeur passagère qui alternait avec les périodes de disputes conjugales ou le sérieux des affaires de la compagnie. Elle était différente sans que rien n'ai changé en apparence. Elle semblait plus légère, plus dynamique, plus belle peut-être ?
Kimiko pencha la tête de côté en la regardant partir, tout en tirant sur la manche de son père.
"Maman elle est comme le printemps !"




A Gridania, l'ambiance était tout aussi agitée qu'à l'Escale mais pour d'autres raisons. Toute cette émulsion de bonne humeur était due au festival de la Chasse aux Proeufs qui commencerait dans les prochains jours. Partout les habitants s'affairaient à décorer la ville sous le regard bienveillant des autorités. Ce printemps après l'apocalypse avait quelque chose de plus animé que d'habitude, une flamme qui brûle plus intensément.
Mais Kikyo ne s'y attarda pas. Son carnet d'étude sous le bras elle se présenta devant le Temple de la Sérénité où l'attendait Madelle, la réceptionniste de la guilde.
"Madame Kurusu, bienvenue au temple.
- Bonjour, j'espère ne pas être en retard.
- Oh non, c'est même l'inverse. Je vous prie de bien vouloir nous excuser, nous avons beaucoup de travail en ce moment mais venez, je vais vous montrer nos archives. Ce n'est pas souvent qu'un aventurier extérieur à notre guilde s'intéresse à nos pratiques.
- Je m'intéresse à une en particulier, elle serait à l'origine de la discipline que je cherche à apprendre.
- Oh ? Dites-m'en plus !
- J'aimerais en savoir davantage sur les Oeufs-de-Vipère."
 
D'abord surprise, Madelle se contenta de hocher la tête en souriant.
"Vous vous attaquez à un sacré morceau, si je peux me permettre.
- Je sais."


Kikyo n'était probablement pas la première à s'intéresser aux origines de la Noologie, mais plutôt que de se contenter de Sharlayan elle avait suivi les conseils de Silius : commencer par le début, comprendre, et apprendre. Tout ça en trois semaines. Elle profitait largement du repos de ses hommes pour se consacrer pleinement à ses projets et la préparation de l'examen. Entre les futures expéditions et les projets de la compagnie pour l'Escale, c'était le moment ou jamais.


"J'irais jusqu'au bout."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Bien que le soleil soit couché depuis longtemps, les alentours du Noumène ne désemplissaient pas et les lanternes offraient aux étudiants assidus -voir acharnés- une lumière suffisante pour la lecture. Ils y resteraient probablement une bonne partie de la soirée mais Kikyo, en bonne mère de famille, ne pouvait se permettre de trop tarder. Elle avait épluché divers traité de médecine standard afin de bien comprendre la circulation de l'ether dans le corps et le points de guérison, et sur les conseils de Silius s'était fortement intéressée à l'ancienne pratique des druides gridaniens et des œufs-de-vipères. Cette étude avait fortement surpris d'ailleurs, alors qu'il ne lui restait que peu de temps avant les examens, même Ivanhault avait été surpris.



"...Un peu comme les livres des arcanistes, les noulithes sont utilisées comme une extension de notre âme pour les placer en diagrammes précis et recréer les formes d'arcanes propres à la noologie. Anciennement ce procédé était utilisé par les druides autour du patient pour imiter une confluence éthérique à travers laquelle le guérisseur canalisait sa magie. Toutefois cette pratique primitive est obsolète. La noologie creuse plus loin, en association avec l'arcanisme.
- Principalement parce que vous déplacez très rapidement vos noulithes alors que les druides devaient certainement se contenter de déposer les pierres autour du malade.
- Mais au lieu de diriger l'ether autour d'une encre ethériquement conductrice dans des motifs arcaniques pour déformer les champs d'ether ambiant et diriger l'ether, nous utilisons des noulithes -donc ces pierres- comme des électro-aimants d'ether pour déformer les courants plus directement entre nous et les noulithes... oui c'est ça.
- As-tu encore des schémas d'époque utilisés par les druides à l'époque où ils se servaient de simples pierres inertes ?
- Ces schémas sont à Sharlayan dans le service d'étude du département de Noologie, mais certains écrits et les documents les plus importants sont encore à Gridania auprès des druides."

Kikyo avait souri.
"Voici donc la raison de ce conseil. N'ayant pas accès à ces documents à Sharlayan vous m'avez incité à palier à ce désavantage et contourner les règles en m'envoyant directement à la source."


Délaissant son livre pour ce soir, elle ne comptait pas rentrer sans avoir avancé. Chaque jour, chaque minute comptait et chaque progrès lui serait décisif avant la date attendue. Kikyo se leva et déposa sur le banc, bien alignés, quatre éclats de diamant brut rapportés de la mine de Tenshi-Ka. Elle inspira, concentrée.
"Je sais faire."
Elle avait appris à canaliser son ether, et depuis plusieurs jours elle s'exerçait à le diviser et le diriger proprement à travers chaque ancre. Cet exercice basique n'était décrit dans aucun manuel d'introduction à la noologie, considérant que les étudiants avaient déjà acquis ces capacités ; rien que cela aurait été éliminatoire à l'examen si elle n'en avait pas été capable. Heureusement, il y avait eu Silius.


"L'utilisateur est une extension des noulithes. Il ne se contente pas de juste déplacer et incanter pour positionner le diagramme. D'ailleurs, nos canalisations de soin pur, les noulithes forment le diagramme autour du sage et nous déplaçons cette charge de soin jusqu'au patient. d'où le nom de "Diagnosis" ou "Prognosis" puisqu'ils sont tous deux transmis.
- Tu es donc virtuellement le cinquième noulithe. Ces choses-là vont normalement en impair."



Un à un les quatre diamants s'élevèrent dans les airs et se mirent à flotter autour de la raenne, irradiant d'une quantité d'ether équilibrée dans chacun. Elle les laissa tourner pendant plus d'une minute le temps de s'habituer et de se stabiliser. Ce procédé était maîtrisé mais encore très frais.
Je suis le cinquième noulithe.
L'ether circulait d'une pierre à l'autre, d'abord une faible quantité puis de plus en plus au fur et à mesure qu'elle trouvait son aisance. Ici pas de religion, d'esprit ou de croyance quelconque, rien de plus qu'une science froide et une discipline de fer. Lentement mais surement le tissage se dessina dans son esprit, elle commençait à en prendre le contrôle. Après de longues secondes, et une profonde inspiration, elle exécuta sa première tentative audacieuse.


"Pour ce qui est de la génération de bouclier, le diagramme ne s'applique plus autour mais il est tissé directement. D'ailleurs, il y a deux effets visuels à cela."


L'ether autour de Kikyo prit une teinte bleue, ce bleu glace qui lui allait si bien en parure mais qu'elle n'avait su créer par la magie, cela ni quoi que ce soit d'autre d'ailleurs avant de commencer cet apprentissage.


"Le bleu cristallin est de notre ether pur, manipulable, et de nous-même. Tandis que les effets de dégat sont rosés comme le Dosis, Phlegma... On peut donc savoir l'effet rien qu'en regardant la couleur. Haima par exemple, est un sort complexe..."


Elle ouvrit les yeux au moment de la décharge ethérée qui forma autour d'elle un très faible bouclier. Pas de quoi stopper plus qu'un coup de poing mais elle le sentit malgré tout. Pendant une fraction se seconde elle avait vu le résultat du tracé dessiné dans son esprit et son activation dans l'ether.
Elle ne sauta cependant pas de choix, prise de vertige aussitôt après, son bouclier vacilla avant de s'évaporer. Ce n'étaient pas de vraies noulithes, et elle n'était pas encore Sage.
"J'en suis capable."
Une main sur sa tempe appuyant sur sa migraine naissante, elle sourit en coin. Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle aurait persévéré encore un peu, loin d'être raisonnable. S'il n'y avait eu ses enfants, et sa certitude d'y arriver bien mieux dès le lendemain à tête reposée. Elle progressait, et comptait faire de chaque journée jusqu'à l'examen un progrès supplémentaire grâce à ce professeur qui refusait encore de se revendiquer comme tel bien qu'il le soit déjà.

"Merci, Silius."


Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Dans cette salle de classe de l'académie grouillante d'étudiants, il n'était pas difficile de repérer les deux seules personnes qui n'avaient rien à faire là au regard de la majorité, les deux seules qui ne portaient pas d'uniforme d'étudiant et ne s'étaient pas massées avec les autres pour débattre de leurs performances. Silencieuses, elles ne communiquaient qu'au travers de regards témoignant d'une fatigue mutuelle après presque six heures d'examen. L'épreuve écrite s'était révélée suffisamment éprouvante pour que les deux femmes choisissent de rester en retrait, dans l'attente qu'on appelle par leur nom dans l'ordre alphabétique.
Un à un les étudiants passaient dans la salle d'à côté accompagné de leur mentor pour la plupart d'entre eux, parfois un pour plusieurs étudiants ; ceux-là semblaient plus confiants que les autres. Être l'élève d'un membre du département assurait sans doute une entrée facilitée ce qui ne serait pas son cas.

"Kurusu, c'est à vous."

Kikyo referma son livre et se leva, échangea un dernier regard avec Lenore qui hocha la tête en guise d'encouragement. Elle y répondit, et s'avança vers la porte en passant au milieu des groupes d'étudiants qui la fixaient comme une bête curieuse. Cela lui rappela ses premiers jours en Eorzéa et, plus récemment, le récit des péripéties de sa cousine introduite au sein de la bonne société ishgardaise. Elle s'était habillée d'un rouge flamboyant : "quitte à faire l'objet de commérages, autant marquer les esprits". Elle sourit intérieurement et rajusta la plume dans ses cheveux avant de lever le menton avec dignité et une pointe d'amusement.
"Je suis prête.
- Mhm. Suivez-moi."

Dans sa main, elle serra fort le charme de sagesse que lui avaient donné ses enfants au matin juste avant qu'elle ne quitte leurs quartiers sous le regard sérieux d'Akira, qui n'avait pas besoin de mots pour lui faire savoir toute la confiance qu'il avait envers elle. Personne ne croyait en elle ici, du moins c'est ce qu'elle pensait jusqu'à ce qu'on la fasse entrer dans ce petit auditorium où l'attendaient les trois examinateurs de l'épreuve pratique.
C'était une pièce circulaire construite sur le même modèle qu'aux Rostres mais en beaucoup plus petit et vertical. Elle s'attendait à ne trouver le jury installé en face de l'entrée mais en levant les yeux elle vit plusieurs autres personnes dont certains mentors du département venus soutenir leurs élèves et peu intéressés par son entrée, mais aussi d'autres visages connus dont Rosemarine et son fils installés à part près de la porte dans une zone allouée au public avec quelques curieux.
L'un des examinateurs, un elezen, se leva.
"Kurusu ... Kikyo, de Doma. Vous passez l'examen pour entrer au département. Veuillez vous installer."
Elle inclina la tête en guise de salut poli, enleva son manteau et son calot à plume, déposa le tout proprement sur un pupitre vide avec son livre et s'avança au milieu de l'auditorium à la vue de tous. L'elezen ne la quittait pas des yeux, et il n'était pas le seul.
"Êtes-vous prête ?
- Je le suis.
- Très bien, commençons par les diagrammes de base."

Il n'eut pas le temps de se rasseoir que la demi-raenne avait déjà commencé à concentrer son ether dans ses mains pour dessiner le premier diagramme, puis le second, le troisième sans demander lequel il voulait voir en priorité. Dans les gradins les regards surpris se tournèrent vers elle, parfaite inconnue sans mentor et sans aide, dont l'ether bien que plus faible que la plupart des étudiants était parfaitement dosé et répartit au moins qu'elle soit capable d'aligner autour d'elle trois diagrammes différents : bleu, violet, bicolore. Aucun de ces sorts ne risquait d'avoir un effet de niveau élevé, mais ils étaient parfaits, stables, sans défaut, le jury en resta sans voix. Rosemarine sourit derrière son gant blanc, des murmures se firent entendre dans l'assistance mais Kikyo ne bougea pas, concentrée sur l'épreuve.
"Eh bien, souffla l'elezen en s'asseyant enfin, voici une jeune femme très surprenante... poursuivons je vous prie."




Quand le dernier étudiant sortit, il était déjà tard et la plupart des candidats à l'examen étaient repartit avec leur professeur après avoir obtenu leurs résultats annoncés dans un ordre plus aléatoire, les délibérations toujours en cours. Kikyo n'avait pas revu Lenore sans doute noyée dans la foule des étudiants massés dans le hall après son passage, le temps d'arriver à la lettre R les couloirs bondés n'avaient pas facilité la circulation et Kikyo s'était retrouvée coincée entre une fenêtre et une colonne jusqu'à ce que les groupes se décalent au fur et à mesure des annonces.
Beaucoup d'échecs, comme annoncé, même parmi les plus confiants persuadés d'obtenir l'assentiment du jury grâce à leurs mentors. La déception prenait un visage différent sur chaque visage, certains se fermaient, d'autres s'énervaient ou se replongeaient dans leurs livres sitôt le résultat rendu afin de comprendre la raison de leur incompréhensible échec, quelques larmes pointaient au coin des yeux des plus émotifs. Une jeune femme en larmes quitta les lieux en trottinant, l'écho de ses talons résonna dans les couloirs jusqu'à ce qu'elle passe l'entrée. Quelques lauréats furent félicités, et ceux-là semblaient moins fiers que soulagés sur le moment ; de brèves accolades et cris de joie accompagnaient les rares victoires avant que l'heureux élu soit raccompagné dehors sous les bravos en route vers le Dernier Rempart pour fêter ça.

Il n'y avait plus grand monde quand elle entendit enfin son nom près de la porte de l'auditorium.
"Kurusu, c'est à vous."
Dans la salle, il n'y avait plus que les trois examinateurs cette fois, et quelques membres du conseil au visage dissimulé derrière leur voile, ceci expliquait la surpopulation de l'après-midi dans le couloir si tout le monde avait dû sortir pour attendre avec les candidats. Ce n'est pas le vieil elezen qui se leva cette fois pour l'accueillir mais la roegadyne à sa droite.
"Kurusu, Kikyo. Vous avez réussi les épreuves à hauteur de 95%. En réalité, si on se réfère aux critères du département et au vu de votre niveau et la puissance de vos sorts cela vous ramène aux alentours de 78% néanmoins c'est un succès notable pour une débutante. Nous avons peine à croire que vous soyez novice.
- Pourtant je le suis, avant les évènements que vous connaissez je ne prêtait guère attention aux pratiques magique.
- Et vous avez changé d'avis.
- Oui."

Le troisième homme, un autre elezen plus jeune, fronça les sourcils mais ne dit rien. Après un bref silence, ce fut Kikyo qui relança l'échange.
"Dois-je en conclure que je suis reçue ?"
Elle sentit que dans les gradins, certains membres du conseil avaient tiqué et l'idée même semblait leur déplaire mais l'examinateur principal se leva, ajustant ses manches. Les mains de Kikyo se resserrèrent plus fort sur le cadeau de ses enfants sans quitter le trio du regard.
"Oui, vous êtes reçue à l'examen. Toutefois pour entrer au département il vous reste un étape à franchir..."
Elle fronça les sourcils à son tour, mais son cœur avait déjà manqué un battement lorsqu'on lui confirma sa première réussite. Un murmure s'éleva dans la salle, désapprobateur, elle serra les dents et se focalisa sur la voix de l'examinateur.
"Je vais vous remettre votre convocation à la soutenance de la semaine prochaine. A l'issue de cet entretient le département confirmera, ou non, votre résultat. Si vous en avez la possibilité, le soutient d'un mentor serait préférable les étudiants ont besoin d'un professeur.
- Je vois, je vous remercie."

Elle inclina la tête respectueusement avant de tendre les mains pour saisir le documents qu'on lui tendait. Face au silence qui s'installait à nouveau elle s'apprêtait à partir quand la roegadyne s'adressa à elle de nouveau, sur un ton moins formel.
"Si je puis me permettre, comment êtes-vous parvenue à un tel résultat sans aide ?"
Kikyo leva alors le regard sur la femme, et répondit le plus naturellement du monde :
"Je n'ai pas dit que je n'avais reçu aucune aide."
Elle parut surprise d'abord, puis rassurée et reprit :
"Vous avez obtenu le soutient d'un membre du département ?
- Le sage Derinloire."

De nouveaux murmures s'élevèrent dans la salle, couverts par la toux du troisième examinateur qui s'étrangla à ce nom.
"Derinloire ne prend aucun élève !" s'exclama t-il. 
Un petit sourire apparut au coin des lèvres du capitaine qui se contenta de saluer une dernière fois d'un signe de tête avant de tourner les talons.
"Je vous remercie de m'offrir cette chance. Bonne soirée."
Juste avant de passer la porte, elle ajusta une dernière fois la plume au-dessus de son calot, comme une signature affichée de son mentor officieux. La première étape franchie, il était hors de question qu'elle se fasse oublier d'ici la semaine prochaine sachant que l'effet de surprise allait jouer en sa faveur tant qu'elle n'avait pas convaincu Silius de prendre officiellement son rôle. Dans sa tête, elle entendait déjà la voix d'Ivanhault à mi-chemin entre l'amusement et l'approbation : "petite futée".

Dans le couloir, derrière une fenêtre, Rosemarine regardait son alliée s'éloigner vers le port tandis que son fils saluait quelques derniers étudiants encore sur les lieux. Le vieil elezen sortit à son tour de la salle, laissant ses deux collègues prendre de l'avance.
"Madame Dandelion, nous n'avons pas l'habitude de voir votre famille dans cette partie de l'académie. J'ai cru comprendre que vous connaissez cette "Kurusu".
- C'est exact, professeur. Je ne voulais pas manquer son oral, bien que je sois très éloignée de votre discipline.
- Votre présence a toutefois été remarquée, mais elle n'en a pas eu besoin cette jeune femme est étonnante, elle pourrait bien nous surprendre... c'est déjà le cas."

Rosemarine sourit derrière son gant, jetant un dernier regard à travers la vitre.
"Elle n'a pas fini de nous étonner."



Elle avait monté la première marche avec brio, elle était maintenant lancée.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Les heures défilent, les étudiants aussi. Cette fois Lenore entre avant elle, Kikyo avait voulu attendre jusqu'au dernier moment dans un ultime espoir d'apercevoir la grimace coincée et le regard hautain du vieux hibou grincheux, mais rien. Le regard de la jeune capitaine trouva tout de même celui de l'Ordonnatrice de la Rose des Vents. Un hochement de tête mutuel et la porte se referme derrière la hyuroise ; c'est terminé la voici seule dans ce grand hall.
Et les minutes défilent, à la fois trop longues et trop courtes. Le soleil monte lentement dans le ciel clair, il est presque au zénith ; on ouvre les fenêtres. Parfois, des pas se font entendre et elle lève les yeux pour voir passer quelqu'un mais jamais celui qu'elle attend. Et finalement, la porte s'ouvre à nouveau.
Ainsi soit-il.

Cette fois, dans l'amphithéâtre il n'y a plus que des membres du département en plus des examinateurs. Aucune des paires d'yeux qui la fixe ne laissera filer une seule erreur, ils connaissent leur sujet et c'est elle la novice. Ce coup-ci, pas de joker... et pas le moindre soutient.
"Kikyo Kurusu, vous avez réussi l'examen de sélection et êtes pressentie pour entrer au département de noologie. Vous êtes domienne, capitaine du navire que l'on nomme l'Eternal et partenaire du département des mystè... d'Histoire et Légendes de notre académie. Confirmez-vous ces informations ?
- Oui.
- Je vois ici que vous avez déclaré avoir bénéficié de l'aide officieuse du sage Derinloire..."

L'elezen balaye l'assemblée du regard, sans trouver le visage dudit Derinloire mais on entend des murmures s'élever à plusieurs endroits, comme un courant d'air qui se veut discret mais devient vite omniprésent.
"Derinloire ne prends aucun élève...!
- On ne doit pas parler du même. Il a déjà refusé quatre étudiants.
- Il a refusé mon cousin et il enseignerait à cette étrangère ? Elle ment, c'est évident.
- C'est un archiviste, pas un de ces progressistes qui veulent ouvrir nos portes et nos connaissances sans aucune mesure !
- Qui voudrait de Derinloire comme professeur surtout ? Remarquez, elle doit être désespérée si aucun sage du département n'a voulu d'elle..."

Les têtes se tournent, on cherche le concerné, mais le souffle retombe aussi vite sitôt que l'examinateur se rassied. Certains sont sceptiques, d'autres frôlent la colère ou nagent en pleine confusion. Après tout, ils ne la connaissent pas rien ne prouve qu'elle dit vrai même si elle n'a pas pu décemment arriver jusqu'ici sans l'aide d'un mage expérimenté. Kikyo, elle, demeure stoïque et fixe le trio devant elle, les mains dans le dos et le menton levé toujours dignement.
"Mhm... hmmm... bien, bien. Madame Kurusu, voulez-vous bien exposer à cette assemblée les raisons de votre aspiration et plus important, ce que sera le sujet de votre thèse si vous intégrez notre département à la hauteur de celui dont vous prétendez bénéficier de l'enseignement."

Nous y sommes. Kikyo redresse les épaules, lève les yeux et prend une profonde inspiration. La suite va se jouer maintenant, sur les mots qu'elle va prononcer. Ceux d'Ivanhault lui reviennent en mémoire. Hier soir, dans le jardin d'Alétheia à Brumée, Silius bougonnant comme un grand-père derrière le store de la fenêtre après avoir refusé une énième fois d'enseigner.


"Impressionnez-les, vendez-leur quelque chose qu'ils n'ont pas.
Faites le lien avec vos propres ambitions, quelque chose qui viendra seulement de vous."


Elle fait un pas en avant, et fronce les sourcils dans une posture qui pourrait rappeler un autre domien. Sa voix porte dans l'amphithéâtre, couvrant les derniers murmures des plus dissipés.
"Parce que je suis le capitaine de l'Eternal, justement."
Tous se taisent.
"Je vous épargne le discours sur mon désir de protéger mes hommes, mon refus de m'engager dans une discipline impliquant la foi ou un code autre que l'homme, la science et la technique. J'ai le talent, le mental et la discipline pour devenir un sage. Mais je suis aussi et surtout le capitaine de l'Eternal. Vous savez que certains de vos collègues, de vos relations ici à Sharlayan s'intéressent à ce navire et vous savez pourquoi.Or, nos récentes découvertes ont démontré que les différents sceaux et nœuds ethérés présents à bord fonctionnent selon un schéma qui me fait penser à la noologie, ou une forme dérivée de cette pratique par ailleurs très liée à l'arcanisme qui est un héritage de Nym."
Le silence retombe sur la salle. Elle les toise tous d'un regard, et reprend après quelques secondes :
"Je suis le capitaine de l'Eternal, c'est à mes hommes d'en percer les mystères, et à moi de savoir le maîtriser. Voilà mon objectif au sein de ce département."

Un mouvement capte son attention du coin de l’œil tandis qu'elle fixe le jury. Sur sa gauche, derrière un carreau de la grande baie vitrée, un hibou vient de tourner la tête. Sitôt qu'elle le remarque, il s'envole dans un "Houuuuu !" lointain à peine perceptible par ses cornes. Elle sent son coeur se gonfler, et un sourire forcer le barrage de ses lèvres. Elle frappe alors du poing contre sa poitrine, les yeux brûlants de détermination.
"Et ce sera Derinloire, ou personne. C'est de lui que je recevrais mon cristal !"





"Et alors, que s'est-il passé ensuite ?
- Ils m'ont regardé comme si j'étais folle. Il a dû se passer une bonne minute avant que l'examinateur ne recommence à m'interroger."

Kikyo tourna sur elle-même, une moue peu convaincue ayant remplacé son demi-sourire amusé. Les servantes de la maison Dandelion s'affairaient autour d'elle tenant les boîtes portant une étiquette de l'académie. Tout et pou tout elle venait d'essayer l'uniforme des étudiants sous divers styles, et la tenue officielle des sages du département. En voyant son expression, Rosemarine dissimula un rire derrière sa main gantée.
"Allons, vous devriez être fière au lieu de grimacer.
- Rassurez-moi je vais pouvoir... l'arranger un peu, n'est ce pas ?"

L'elezenne acquiesça entre deux éclats d'un rire chantant.
"Vous êtes apprentie sage maintenant, vous étudiez dans l'un des plus prestigieux départements de l'académie. C'est un grand pas dans vos ambitions.
- Merci pour votre soutient, Rosemarine.
- Je suis heureuse que mon fils ai décidé de prendre part à cette aventure, capitaine. J'ai l'impression de vous rendre un peu de ce que vous nous avez apporté, à moi et à ma famille."

Son sourire se fit plus doux et reconnaissant. Bien qu'elle ne quitte pas le confort de sa cité, s'investir dans les affaires de l'Eternal avec Sharlayan avaient apporté à cette veuve solitaire un nouveau souffle de vie. Dix ans de moins visibles sur ses pommettes saillantes et ses dents parfaites.

Une fois habillée, Kikyo se tourna vers le miroir afin de contempler sa nouvelle apparence. De ses kimonos d'orient à ses manteaux de capitaine, chacune de ses tenues comptait pour elle, c'était son identité. Elle allait maintenant ajouter celle de sage à son immense garde-robe mais il faudrait que cela lui corresponde pleinement, de la même manière que la façon dont elle avait forcé les portes de cette académie avant celle de Silius. Il finirait par accepter, il avait déjà accepté en fait juste qu'il ne le savait pas encore.
Elle sourit à son tour, plongée dans ses pensées. Rosemarine fit discrètement signe à ses domestiques de quitter le boudoir afin de lui laisser un peu d'espace. Ce ne fut que lorsqu'elle quitta la pièce à son tour et que le claquement de la poignée piqua les cornes de Kikyo que celle-ci sortit de ses songes.
"... Oh."

Dehors, le soleil commence à décliner mais il réchauffe toujours la terrasse du manoir citadin. Elle ne voit aucun hibou sur le balcon, ni dans les branches qui effleurent la pierre blanche près de la porte fenêtre, pourtant elle sait qu le vieux hibou veille ; celui qui l'a mise sur la voie et le seul professeur dont elle a besoin désormais. Il ne pourra pas se défiler éternellement, le destin -ou un certain Terrechant- ne tarderait pas à le bousculer à nouveau : 



"Je vais devoir me procurer mes propres noulithes, j'imagine que je ne les trouverais pas chez un forgeron.
- Orfèvre spécialisé, et il se trouve que Silius est précisément un expert dans ces cristaux..."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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La mer, le ciel et les étoiles. Dans ce jardin silencieux, alors qu'ils sont tous sortit et que l'Escale est plongée dans le silence, quelques clients habitués des lieux profitent de la fin de soirée à la lueur des lanternes du kiosque. La brise marine fait danser les fleurs tombant le long des arches sur le chemin de promenade où une jeune femme s’exerce à manier ses noulithes. Ce sont ses premiers, petits et simples mais confectionnés par Isaudorel spécialement pour elle. "Quand tu auras progressé, tu en auras d'autres" a t-il dit, toujours en refusant d'être son professeur.
"Ils sont parfaits" A t-elle déclaré en les prenant, impatiente de les essayer. Ce soir encore, alors que tous sont sortit pour assister au concert des Bard's Lament, le capitaine s'exerce à l’abri des regards sauf celui des étoiles.

Ses pensées vagabondent, flottant et tournoyant comme ses cristaux dans tous les sens. Elle songe à ce qui l'occupe ces jours-ci entre la mise en cale sèche qui touche à sa fin, le projet d'expédition, les améliorations possibles retenues par Liiz, et les changements d'officier. Même sereins, ces changements ne sont jamais faciles quand au milieu de ces bonnes volontés il faut faire des choix, ou renoncer à d'autres... 





[size=5]"Iko"[/size]



Le plus facile, le plus évident, le plus limpide même. Si elle ne l'avait pas fait jusque là c'est bien parce qu'elle attendait que l'intéressée se propose d'elle-même après avoir fait le tour de l'équipage. Mais pour l'équipage tout entier ce choix était fait, certains étaient même surpris qu'elle ne l'ai pas nommée plus tôt.
Iko était volontaire, investie, les épaules solide et une ambition affirmée qui plaisait tant à son capitaine. Elle avait commencé à endosser le rôle de Maître d’Équipage bien avant que Nazah ne s'en aille, lorsqu'elle négligeait déjà ses fonctions par manque de motivation. Iko avait construit son image auprès des gabiers, puis des nouvelles recrues en général, elle était plus que légitime et portée par l'ensemble qui voyait en elle le successeur tout désigné. Son plus grand défi allait être de passer après Nazah, de se démarquer lorsque les plus anciens seraient tentés de les comparer. Elle allait devoir s'approprier cette fonction et la faire sienne, se distinguer sans dénigrer son héritage. Elle avait déjà commencé en se faisant tailler une veste sur mesure pour les rencontres officielles.

Iko, protectrice et traqueuse à la fois ; elle faisait l'unanimité. Si seulement tous les choix pouvaient être aussi évidents...



[size=5]"Kyuuji"[/size]



Difficile, long, tortueux et délicat que ce choix. Longtemps elle avait pensé que ce n'était pas une bonne idée bien qu'elle reconnaisse en un seul passage en revue toutes les qualités, les compétences et la volonté sincère du raen si bienveillant... mais sensible, trop sensible... Elle était toujours aussi mal à l'aise avec les sentiments exposés. Celui qui craignait la compétition au point de vouloir se retirer sitôt qu'un autre se présenterait au poste avait-il les épaules pour supporter la charge morale d'un officier, les disputes dans le bureau et la pression d'être constamment entre le marteau et l'enclume au moindre problème fut-il mineur ? Elle s'était posée la même question pour Hotaru lorsque celle-ci s'était proposée, bloquant sur cette appréhension par souci pour le bien commun autant que pour les concernés.
Les mots de Silius auraient pourtant dû la faire réagir lorsqu'il ramena le sujet sur le tapis, voulant reconsidérer la position de Kyuuji au poste de quartier-maître moins de deux semaines avant sa démission. Les efforts de Kyuuji depuis des lunes portaient leurs fruits, même lui le voyait, sa volonté d'investissement ne faisaient aucun doute, sa gestion de la mise en cale sèche et ses initiatives ne passaient pas inaperçu...
...Mais le doute, poison insidieux, se maintenait. Et s'il faisait une nouvelle crise d'angoisse, persuadé sous le coup d'une émotion quelconque, que rien ne va et que tous sont contre lui ? Certes ce n'était plus arrivé depuis longtemps mais... et si ?

La réponse vint étonnamment de Valorius, le dernier qu'elle voyait franchir le cap lui qui se définissait toujours au travers de la façon dont il se rend utile aux autres... et qui venait enfin de prendre une décision pour lui, rien que pour lui et pour ses projets. Elle en était si fière, et voilà que l'elezen tenait à présent des propos d'une sagesse déroutante qu'elle se garda bien d'afficher.
"Offrez-lui votre confiance et il soulèvera des montagnes."
Ne faisait-elle pas confiance à Kyuuji ? Évidemment que si, et pourtant elle avait le sentiment que non, alors que si pourtant ! Ce qui cloche ? Les émotions encore, mais les siennes cette fois. Cette volonté de protéger les siens d'une douleur dont ils pourraient se passer. Sans le vouloir, elle les bridait et ce malgré les conseils avisés d'Akira : "ne les voyez pas tels qu'ils sont, mais tels qu'ils peuvent devenir". Si Kyuuji avait fait tant d'efforts, s'il avait pris la décision de consulter pour se soigner, si même Isaudorel constatait à haute voix son évolution pourquoi n'en était-elle pas capable, pourquoi ne le laissait-elle pas avancer encore un peu alors qu'elle avait tous ces arguments sous les yeux ?
Elle avait confiance en Kyuuji, mais elle ne pouvait pas se contenter de le dire et attendre qu'il s'en contente. Elle ne pouvait pas sans cesse l'épargner ainsi tout en se montrant aussi tranchante pour son bien, cela ne faisait qu'amplifier le malaise de cet homme qui faisait déjà plus que le minimum nécessaire pour montrer qu'il pouvait aller au bout. La confiance existe pour être mise à l'épreuve, pour surmonter ce genre de blocage, sinon à quoi bon ?

Kyuuji, doux et sensible, ne pourrait jamais se départir de cette étiquette si le capitaine elle-même ne montrait pas un peu de conviction. Il avait fait plus qu'un premier pas, à elle de lui ouvrir la porte. 



[size=5]"Ivanhault"[/size]



Ce sentiment dérangeant de se trouver dans une pièce familière, entourée de tous les objets qui nous sont chers mais que l'un d'eux ne se trouve pas à la bonne place, tout en ne pouvant pas le toucher. Ivanhault avait démissionné de ses fonctions et elle devait respecter cela, comprenant ses raisons et ses besoins, et tout en sachant qu'il serait très difficile pour elle de le remplacer.
C'était même pire encore, puisqu'au quotidien tous les deux continuaient de penser en binôme, de se comporter en binôme jusque dans les conversations les plus banales. Leurs pensées toujours parfaitement alignées, leurs idées allant dans le même sens, leurs réflexions qui se complètent construisant en quelques minutes un schéma précis et efficace tout en s'opposant mutuellement pour mieux perfectionner leur raisonnement commun. C'était lui son second, quoi qu'on fasse, quoi qu'on dise et quoi qu'on décide elle sentait qu'il serait très long et vraiment très dur de se défaire de ce lien pour réussir à choisir quelqu'un d'autre un jour. Elle se raccrochait à la nécessité, à l'impératif de ce détachement progressif bien qu'il fut poignant de lui demander de quitter le bureau lorsqu'elle convoqua Liiz pour un récapitulatif de projet... Elle aurait voulu qu'il soit là, et la conseille comme il l'avait toujours fait. Il était là, présent, mais il ne pouvait être à la place qui était pourtant la sienne à ses yeux.

Elle ne s'attendait pas à ce qu'il change d'avis, enfin, pas aussi vite.

Elle avait parié avec Valorius que tôt ou tard Ivanhault redeviendrait second, il aimait bien trop commander et tout l'équipage continuait de le voir comme le numéro deux, comme le premier conseiller du capitaine, celui qu'elle écoute avant tous les autres et qui la maintient quand elle glisse trop bas ou grimpe trop haut. Il ne pourrait que s'en rendre compte dans quelques lunes, quelques années... pas quelques jours. Ce n'était pas son genre de démissionner pour revenir aussi impulsif soit-il.
"Je suis partagée entre l'envie de vous sauter au cou, et celle de vous gifler."
Elle avait posé ses conditions, froncé les sourcils et lui laissait tout le loisir d'assumer auprès des autres son revirement. Elle était en colère, dépitée, consternée, tout ce qu'on voulait et sans doute en entendrait-on parler encore longtemps mais... il était là.

La pièce à nouveau bien en ordre et chaque objet à sa place. Le loyal Terrechant debout à la droite de son capitaine.




Chaque choix découle d'autres choix, comme le choix de Nazah d'abandonner l'équipage après avoir été rétrogradée ou celui de Hotaru de se retirer par nécessité malgré les larmes et l'envie de s'accrocher à ceux qu'elle aime ; Albynn d'oublier et Alek de nourrir d'autres projets. Nul ne peut affirmer ce qui aurait été, ce qui aurait pu être, si les choses avaient été différentes ou si elles se seraient passées de la même façon. Si Floerswys ne s'était pas proposée pour remplacée Silius "au besoin" qui sait si Liiz aurait ou n'aurait pas eu son déclic autrement ? Les choses sont ce qu'elles sont, et elles iraient toujours dans le bon sens qu'importe les difficultés. D'autres voies s'ouvrent, des idées nouvelles surgissent. Une serre à la Coupe, une boutique à Ishgard, des mandats à l’Entrepôt et de nouvelles rencontres. Rien ne présageait que Kikyo Kurusu, un jour, se retrouver sur cette terrasse à diriger quatre noulithes par la seule volonté de son esprit et le dosage de son ether.
Ambition, confiance et loyauté, trois mots pour se définir et pour reconnaître ses officiers. Ils représentaient l'équipage, et maintenant qu'ils étaient tous en fonction, c'est à l'équipage qu'elle devait se consacrer pour préparer la prochaine expédition. D'un mouvement du poignet, elle renvoya ses noulithes à leur encoche avant de se redresser face à la mer bleue et calme.

Ce sont leurs rêves qui nourrissent l'Eternal, leur force qui faisait la sienne, leurs initiatives qui font que la compagnie évolue et se renouvelle. Qui sait ce que sera demain ?



Je l'ignore, mais j'ai déjà hâte d'y être.

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