Lerith
Il y a 2 mois et 1 semaine
On s'attendait à ce que rien ne se passe comme prévu, mais tout s'était accéléré en peu de temps et c'est à peu près pendant cette période que le vernis commença à s'effriter. Pour commencer, l'enquête -qui juste là traînait des pieds- après que l'on ai découvert des dizaines de cadavres dans une cavité des gorges foudroyées fit remonter la tension dans le corps et l'esprit de la viéra jusqu'à remonter la piste de Terra Nocta dans les quartiers mal famés de la Gardienne. Un affrontement dans un nightclub plus tard, et à la sortie de l'hôpital, Meleth s'empressa de rentrer en Noscea où l'absence de retours sur une autre enquête commençait à inquiéter sérieusement ceux restés en arrière.
"Des nouvelles de Nazah ?"," Que fait-on, capitaine ?", "Est-ce que tu sais où on va avec cette affaire ?"
Dans son bureau, la viéra tournait en rond de plus en plus nerveuse ; une nervosité qu'elle ne voulait surtout pas transmettre à ses camarades déjà accaparés par le sort des alexandrins assassinés ou celui d'Akira, en plus de leurs problèmes personnels. Il fallait qu'elle agisse d'une façon ou d'une autre, qu'elle trouve le moyen d'aider Nazah. Secouer le bocal pour faire remonter l'air comme disait Ganelon. Vint alors l'erreur, son erreur, qui précipita Lysia dans la tourmente. Elle avait sous-estimé les risques, elle avait surestimé l'impact de la miqo'te pensant frapper fort sur le terrain de l'adversaire. A cause d'elle, Lysia risquait son avenir à la guilde des Arcaniste et elle ne se le pardonnait pas. Le tourment et la confusion de ses camarades se mêlant à sa propre culpabilité et son inquiétude vis à vis de l'Eternal ne firent qu'empirer le phénomène qu'elle choisit de cacher, pour ne pas empirer les choses. Trois personnes étaient au courant, dont deux extérieures à la compagnie et le troisième occupé avec les rôdeurs-vipères à l'autre bout du monde, suffisamment détaché de tout cela pour n'affecter personne. Même maître Dadjeel, pourtant si perspicace, ne parvenait pas à trouver l'équilibre.
"J'ai l'impression de revoir la funambule qui dansait au bord du vide il y a trois ans. 'Faut que tu t'accorde ma grande, t'es plus une gamine."
Le grand raen serra sa grande main au-dessus de son épaule, presque compatissant.
"Aller, debout. On reprend du début. Si je ne peux pas te remettre en posture droite, je peux t'épuiser suffisamment pour que tu ne provoque aucune catastrophe."
La méthode sembla un temps porter ses fruits. Chaque fois que ses nerfs étaient à vifs ou la pression trop forte, Meleth cherchait à s'épuiser par tous les moyens possibles, tout en alternant de longues périodes de réflexion pour arranger la situation, et des périodes d’exutoire en dehors de la compagnie. Sa hantise était d'ajouter malgré elle un problème aux problèmes qu'elle avait déjà causé par excès de confiance.
 | Par chance le tournois de Halone occupait les esprits, par chante Akira se réveilla -elle ne dirait jamais ouvertement sa joie de savoir le domien réveillé- et par chance, les piliers de la compagnie tenaient bons pour soutenir les autres. A quelques jours du bal de clôture, la viéra se sentait plus apaisée en se rendant chez maître Démesure pour les dernières retouches sur sa robe. Le couturier s'était surpassé.
"Démesure vous l'avait bien dit !" s'exclama t-il, toujours aussi enthousiaste, alors qu'il ajustait la ceinture de voile sur ses hanches. "Les brassards ne sont pas de trop, vous allez les éblouir !
- C'est le mot juste au vu du tissus que vous avez choisi."
L’œil brillant de l'elezen suffisait à la mettre en confiance. Face au miroir, elle se trouvait belle. |
"Pensez à me dire ce que votre ami en aura pensé" Ajouta t-il, amusé en la regardant se tourner.
Elle sourit un peu plus, songeant au regard de Ganelon lorsqu'il la verrait se présenter à ses côtés en danseuse exotique au milieu des nobles dames en velours et cachemire. Elle allait détonner mais c'était le but.
"Pensez-vous qu'on me remarquera ? Je ne voudrais pas non plus manquer de respect à nôtre hôte.
- Oh croyez-moi ma chère, ils le remarqueront. Vous êtes splendide !"
Il n'avait pas menti. Outre le regard à la fois amusé et appréciateur de son cavalier elle reçut de la part de la dame de Valdis un regard des plus appréciateurs en descendant les marches au bras du marquis. Le tissus choisi par Démesure étincelait à la lueur des chandeliers. Comme pour s'ajouter à la bénédiction de l'univers, la salle de bal était entourée d'eau ruisselant le long de cascades artificielles et de fontaines. La Fille du Torrent se trouvait dans son élément. Cette nuit-là elle se sentit belle. Elle s'amusa, se détendit. Ganelon avait toujours le mot pour la faire rire en commentant les discussions autour d'eux tels de viles commères qui ne faisaient toutefois de mal à personne. Elle voyait les autres s'amuser aussi, Mahruvvet danser avec tout le monde. Albynn riait. |  |
 | Lysia souriait à un xaela, assise sur la terrasse au clair de lune, Astera papillonnait de convive en convive traînant derrière elle une Floerswys coincée entre l'ennui et la bienveillance. Pour quelques heures au moins, elle sentait que toute la tension dans son corps s'évanouissait comme si tout était normal. Même Ganelon s'était exercé à la danse et semblait bien plus à l'aise. Alors quand Galen vint lui tendre sa main en une invitation complice, elle n'hésita pas une seconde une fois que son cavalier eut consenti à la laisser filer quelques minutes.
"Voyons si le soldat est bon danseur.
- J'attends ce moment depuis longtemps, si tu savais.
- Eh bien, montre-moi." |
Galen ne manqua pas de la surprendre. La modération n'était pas son fort et cela fit le plus grand bien, emportée par cet élan d'audace lorsqu'il la fit tournoyer dans tous les sens pour mieux la soulever de terre. Elle riait, ils rirent tous les deux, se donnant en spectacle sans aucune gêne au milieu des danseurs bien formels. De toute façon la plupart de les remarquaient même pas, trop engagés dans leurs propres échanges et puis il y a toujours quelques excentriques dans ce genre de soirée. Au final, cela lui fit le plus grand bien. Elle avait vu Silius, en forme et même enclin à une pointe d'humour dans son choix de vêtement. Nazah était sereine, Ivanhault confiant. Même Yone, qui ne venait jamais à se genre de soirée, occupait le buffet en compagnie d'Eva. Elle commençait à se dire qu'elle avait peut-être un peu exagéré l'ampleur de la crise, qu'elle pouvait se reposer sur les autres et se consacrer à Lysia pleinement une fois que tout serait rentré dans l'ordre. Même si le bal fut écourté par l'arrivée tardive d'une funeste nouvelle à leurs hôtes, sa dernière promenade sous les étoiles dans les Contreforts lui promettait une nuit apaisée et des journées plus légères.
Cela ne dura que jusqu'au lendemain soir. Mahruvvet leur avait offert à tous des billets pour un concert à Solution Neuf. Meleth était ravie d'y aller sachant que plus de la moitié de la compagnie s'y rendait. Cela renforçait sa conviction que l'esprit de corps prenait le dessus, qu'ils resserraient les rangs. Et c'était le cas. Dans son bureau, elle passa plus d'une heure à métamorphoser cette coincée d'Irdel en fêtarde de Vraie Vision puis l'emmena rejoindre les autres.
"Silius va nous rejoindre sous peu.
- Quelqu'un a vu Mahruvvet ?
- Qu'est ce que vous faites avec votre mémoquartz capitaine ?
- Je prends une photo, regarde on est plutôt pas mal, non ?
- Dommage que Vanish ne soit pas venue.
- Je vous présente Ulysse, un camarade de l'académie."
Pour la deuxième fois de suite, la soirée s'annonçait sous les meilleures auspices et même s'ils faisaient la queue à l'entrée du bâtiment sans aucune nouvelle de Mahruvvet, s'imaginant la raenne déjà à l'intérieur jouissant du carré V.I.P en ricanant derrière un cocktail, ils pensaient que rien ne pourrait arriver. |  |
C'est alors qu'il eu un premier mouvement de foule, banal presque anodin, l'empressement de quelques alexandrins sans doute d'accéder au spectacle. Puis il y eut un tir, et un cri. Une sentinelles venait de blesser un civil en pleine rue. Le doute survint mais l'esprit de Meleth ne voulait pas croire que tout recommençait.
"Tiens, un délit de fuite ? Elles sont plus discrètes normalement."
Un attroupement autour du blessé fit monter la tension d'un cran mais il y avait toujours ce voile par-dessus la raison qui hurlait au danger comme si son cerveau ne VOULAIT PAS voir que tout recommençait exactement comme la dernière fois. C'était impossible. Zoraal Ja était mort, il n'y avait plus personnes pour ordonner aux sentinelles de...
Un autre tir au loin, des cris dans l'avenue principale de Vraie Vision. La voix d'Ivanhault s'imposa comme un coup de tonnerre.
"Ne restez pas plantés là, ils se font tuer !"
Meleth sortit de son état de sidération. Elle n'avait pas une seconde à perdre.
"Yone, avez moi !" s'écria t-elle en courant vers Vraie Vision. Le samourai la suivit, ainsi que d'autres. Ils se séparèrent en plusieurs groupes. Elle entendit Sagramor embarquer plusieurs personnes vers l'orphelinat et Floerswys prendre la direction des quartiers résidentiels. Ce n'était plus le moment de réfléchir au pourquoi du comment.
 | Ce fut encore une nuit de panique et de feu. Encore une fois, personne ne comprenait ce qui se passait ni pourquoi certaines sentinelles s'en prenaient aux civils. Cela ne fit que raviver le traumatisme de la première attaque et les nombreux morts laissés derrière eux. Il y eut de nombreux morts même s'ils purent sauver quelques vies à l'échelle de leur groupe. Tous en sortiraient éprouvés mais pour Meleth, ce fut une plongée dans les ténèbres quand tout lui revint : la peur dans les yeux des habitants, l'urgence dans ceux de ses camarades. La panique, le feu du combat qui s'empare des corps, un sentiment de rage et d'injustice face aux questions sans réponse. Tous ces sentiments la traversaient comme un miroir de ses propres tourments. |
Elle avait pourtant tout fait pour empêcher cela. Elle avait dansé, dansé jusqu'à l'épuisement. Elle avait exprimé sa rage et sa frustration dans les îles d'Ombra, détruisant des morts-vivants à n'en plus finir jusqu'à ne plus tenir sur ses jambes, jusqu'à ce que les ténèbres s'apaisent avec la fatigue de l'esprit. Elle avait noyé le mal par la raison, s'était accrochée à la lueur que représentaient ses amis, à son désir de faire de son mieux pour eux, pour réparer ses erreurs et ses rêves de voyage.
Trop tard.
La colère gronde sous la surface. Pourquoi, pourquoi veut-on les empêcher de vivre ? Elle n'avait rien demandé, rien ! On lui arrache son navire comme on l'a arraché à sa vie en l'emprisonnant sous un dôme pendant trente ans. On détruit tout ce que ses camarades et elle ont passé tant d'années à construire. Silius, Mahruvvet, Albynn... Et elle n'était même pas capable de tenir le coup pour eux, de les protéger. Lysia, elle aurait dû protéger Lysia au lieu de la jeter en pâture aux calomnies. Et tout cela pourquoi ? Pour rien. Parce qu'ils n'ont rien fait pour mériter cela. Il n'y avait rien à perdre, rien à leur prendre. Et ces gens, tous ces gens que qui le sort s'acharne. Pourquoi massacre t-on les alexandrins pacifiques ? Imparfaits, endoctrinés par ce système de régulateurs contre-nature à ses yeux, mais pas moins meurtris injustement par le destin. Le hurlement coincé dans sa gorge se libéra lorsqu'elle reçut un tir dans la jambe en voulant couvrir Silius cherchant à arrêter l'une des sentinelles hostiles.
L'eau noire se manifesta, attirée depuis sa propre gourde, pour prendre la forme de glace. Une glace noire s'élevant en piques tranchantes reflétant son visage comme un miroir. Elle n'était plus que rage, la fureur du torrent sauvage. Cette même glace qui lui scarifia les mains et les poignets s'abattit sur son adversaire alors qu'elle hurlait toujours.
Elle ne vit pas la fin du combat, ni les appels d'Astera soucieuse de soigner ses plaies. Lorsque le feu retomba, elle avança toujours plus jusqu'aux dernières tables retournées proches de l'Arcadion. Ses iris noir comme l'obsidienne, son esprit brumeux. Elle n'entendait plus rien si ce n'est
sa voix tapis dans l'ombre ; murmure lointain et obsédant dont elle ne savait déchiffrer le sens. Jusqu'à ce que Yone se dresse sur son passage et la saisisse par les épaules.
"Meleth ! Meleth ça va ?!"
Le regard du hyurois mêlant inquiétude et incompréhension la fit émerger des brumes. Elle s’effondra dans ses bras, tremblante, la tête reposant contre son épaule. Ses mains fébriles se cramponnaient à sa veste comme s'il était son seul ancrage à la réalité.
"Yone... je... j'ai voulu retenir... l'empêcher. Pardon... pardon !"
Elle ne savait même plus pourquoi elle demandait pardon. Pour ce qui venait de se passer ? Pour Lysia ? Pour Jasper ? Pour son incapacité à tenir ou sa fuite en avant vers les ténèbres ? Elle voulait hurler et ravaler sa peine en même temps. Elle voulait se réveiller mais aussi se perdre, se noyer dans ces profondeurs oubliées où personne n'aurait à subir son manque de contrôle. Si seulement elle avait été plus forte, si seulement elle avait pu trouver Ouran avant de disparaître sous le dôme, si seulement elle avait été un meilleur capitaine, si seulement elle avait demandé de l'aide au lieu de vouloir être celle qui vient en aide aux autres.
La main de Yone sur son dos calma les tremblement. Celle d'Astera soignait ses plaies. Autour, les civils hagards cherchaient du soutient dans le regard des plus solides. Elle se souvint alors qu'elle devait compter parmi les esprits inébranlables. Alors elle se leva, certaine de savoir ce que l'on attendait d'elle.
Parce que Meleth est forte.
Parce que Meleth va toujours bien.
Parce que Meleth s'en sort toujours.
Parce que Meleth n'a jamais perdu le contrôle.
[quote]Lerith
[center][youtube]AAbvaCQt-W8[/youtube]
[img]https://i.ibb.co/VWydFpGw/Chronique-Meleth.png[/img][/center]
On s'attendait à ce que rien ne se passe comme prévu, mais tout s'était accéléré en peu de temps et c'est à peu près pendant cette période que le vernis commença à s'effriter. Pour commencer, l'enquête -qui juste là traînait des pieds- après que l'on ai découvert des dizaines de cadavres dans une cavité des gorges foudroyées fit remonter la tension dans le corps et l'esprit de la viéra jusqu'à remonter la piste de Terra Nocta dans les quartiers mal famés de la Gardienne. Un affrontement dans un nightclub plus tard, et à la sortie de l'hôpital, Meleth s'empressa de rentrer en Noscea où l'absence de retours sur une autre enquête commençait à inquiéter sérieusement ceux restés en arrière.
[i]"Des nouvelles de Nazah ?"," Que fait-on, capitaine ?", "Est-ce que tu sais où on va avec cette affaire ?"[/i]
Dans son bureau, la viéra tournait en rond de plus en plus nerveuse ; une nervosité qu'elle ne voulait surtout pas transmettre à ses camarades déjà accaparés par le sort des alexandrins assassinés ou celui d'Akira, en plus de leurs problèmes personnels. Il fallait qu'elle agisse d'une façon ou d'une autre, qu'elle trouve le moyen d'aider Nazah. Secouer le bocal pour faire remonter l'air comme disait Ganelon. Vint alors l'erreur, son erreur, qui précipita Lysia dans la tourmente. Elle avait sous-estimé les risques, elle avait surestimé l'impact de la miqo'te pensant frapper fort sur le terrain de l'adversaire. A cause d'elle, Lysia risquait son avenir à la guilde des Arcaniste et elle ne se le pardonnait pas. Le tourment et la confusion de ses camarades se mêlant à sa propre culpabilité et son inquiétude vis à vis de l'Eternal ne firent qu'empirer le phénomène qu'elle choisit de cacher, pour ne pas empirer les choses. Trois personnes étaient au courant, dont deux extérieures à la compagnie et le troisième occupé avec les rôdeurs-vipères à l'autre bout du monde, suffisamment détaché de tout cela pour n'affecter personne. Même maître Dadjeel, pourtant si perspicace, ne parvenait pas à trouver l'équilibre.
[i]"J'ai l'impression de revoir la funambule qui dansait au bord du vide il y a trois ans. 'Faut que tu t'accorde ma grande, t'es plus une gamine."[/i]
Le grand raen serra sa grande main au-dessus de son épaule, presque compatissant.
[i]"Aller, debout. On reprend du début. Si je ne peux pas te remettre en posture droite, je peux t'épuiser suffisamment pour que tu ne provoque aucune catastrophe."[/i]
La méthode sembla un temps porter ses fruits. Chaque fois que ses nerfs étaient à vifs ou la pression trop forte, Meleth cherchait à s'épuiser par tous les moyens possibles, tout en alternant de longues périodes de réflexion pour arranger la situation, et des périodes d’exutoire en dehors de la compagnie. Sa hantise était d'ajouter malgré elle un problème aux problèmes qu'elle avait déjà causé par excès de confiance.
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[td]Par chance le tournois de Halone occupait les esprits, par chante Akira se réveilla -elle ne dirait jamais ouvertement sa joie de savoir le domien réveillé- et par chance, les piliers de la compagnie tenaient bons pour soutenir les autres. A quelques jours du bal de clôture, la viéra se sentait plus apaisée en se rendant chez maître Démesure pour les dernières retouches sur sa robe. Le couturier s'était surpassé.
[i]"Démesure vous l'avait bien dit !"[/i] s'exclama t-il, toujours aussi enthousiaste, alors qu'il ajustait la ceinture de voile sur ses hanches. [i]"Les brassards ne sont pas de trop, vous allez les éblouir !
- C'est le mot juste au vu du tissus que vous avez choisi." [/i]
L’œil brillant de l'elezen suffisait à la mettre en confiance. Face au miroir, elle se trouvait belle.[/td]
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[i]"Pensez à me dire ce que votre ami en aura pensé"[/i] Ajouta t-il, amusé en la regardant se tourner.
Elle sourit un peu plus, songeant au regard de Ganelon lorsqu'il la verrait se présenter à ses côtés en danseuse exotique au milieu des nobles dames en velours et cachemire. Elle allait détonner mais c'était le but.
[i]"Pensez-vous qu'on me remarquera ? Je ne voudrais pas non plus manquer de respect à nôtre hôte.
- Oh croyez-moi ma chère, ils le remarqueront. Vous êtes splendide !"[/i]
[table][tr][td]Il n'avait pas menti. Outre le regard à la fois amusé et appréciateur de son cavalier elle reçut de la part de la dame de Valdis un regard des plus appréciateurs en descendant les marches au bras du marquis. Le tissus choisi par Démesure étincelait à la lueur des chandeliers. Comme pour s'ajouter à la bénédiction de l'univers, la salle de bal était entourée d'eau ruisselant le long de cascades artificielles et de fontaines. La Fille du Torrent se trouvait dans son élément. Cette nuit-là elle se sentit belle. Elle s'amusa, se détendit. Ganelon avait toujours le mot pour la faire rire en commentant les discussions autour d'eux tels de viles commères qui ne faisaient toutefois de mal à personne. Elle voyait les autres s'amuser aussi, Mahruvvet danser avec tout le monde. Albynn riait. [/td]
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[td]Lysia souriait à un xaela, assise sur la terrasse au clair de lune, Astera papillonnait de convive en convive traînant derrière elle une Floerswys coincée entre l'ennui et la bienveillance. Pour quelques heures au moins, elle sentait que toute la tension dans son corps s'évanouissait comme si tout était normal. Même Ganelon s'était exercé à la danse et semblait bien plus à l'aise. Alors quand Galen vint lui tendre sa main en une invitation complice, elle n'hésita pas une seconde une fois que son cavalier eut consenti à la laisser filer quelques minutes.
[i]"Voyons si le soldat est bon danseur.
- J'attends ce moment depuis longtemps, si tu savais.
- Eh bien, montre-moi."[/i][/td]
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Galen ne manqua pas de la surprendre. La modération n'était pas son fort et cela fit le plus grand bien, emportée par cet élan d'audace lorsqu'il la fit tournoyer dans tous les sens pour mieux la soulever de terre. Elle riait, ils rirent tous les deux, se donnant en spectacle sans aucune gêne au milieu des danseurs bien formels. De toute façon la plupart de les remarquaient même pas, trop engagés dans leurs propres échanges et puis il y a toujours quelques excentriques dans ce genre de soirée. Au final, cela lui fit le plus grand bien. Elle avait vu Silius, en forme et même enclin à une pointe d'humour dans son choix de vêtement. Nazah était sereine, Ivanhault confiant. Même Yone, qui ne venait jamais à se genre de soirée, occupait le buffet en compagnie d'Eva. Elle commençait à se dire qu'elle avait peut-être un peu exagéré l'ampleur de la crise, qu'elle pouvait se reposer sur les autres et se consacrer à Lysia pleinement une fois que tout serait rentré dans l'ordre. Même si le bal fut écourté par l'arrivée tardive d'une funeste nouvelle à leurs hôtes, sa dernière promenade sous les étoiles dans les Contreforts lui promettait une nuit apaisée et des journées plus légères.
Cela ne dura que jusqu'au lendemain soir. Mahruvvet leur avait offert à tous des billets pour un concert à Solution Neuf. Meleth était ravie d'y aller sachant que plus de la moitié de la compagnie s'y rendait. Cela renforçait sa conviction que l'esprit de corps prenait le dessus, qu'ils resserraient les rangs. Et c'était le cas. Dans son bureau, elle passa plus d'une heure à métamorphoser cette coincée d'Irdel en fêtarde de Vraie Vision puis l'emmena rejoindre les autres.
[table][tr][td][i]"Silius va nous rejoindre sous peu.
- Quelqu'un a vu Mahruvvet ?
- Qu'est ce que vous faites avec votre mémoquartz capitaine ?
- Je prends une photo, regarde on est plutôt pas mal, non ?
- Dommage que Vanish ne soit pas venue.
- Je vous présente Ulysse, un camarade de l'académie."[/i]
Pour la deuxième fois de suite, la soirée s'annonçait sous les meilleures auspices et même s'ils faisaient la queue à l'entrée du bâtiment sans aucune nouvelle de Mahruvvet, s'imaginant la raenne déjà à l'intérieur jouissant du carré V.I.P en ricanant derrière un cocktail, ils pensaient que rien ne pourrait arriver.[/td]
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C'est alors qu'il eu un premier mouvement de foule, banal presque anodin, l'empressement de quelques alexandrins sans doute d'accéder au spectacle. Puis il y eut un tir, et un cri. Une sentinelles venait de blesser un civil en pleine rue. Le doute survint mais l'esprit de Meleth ne voulait pas croire que tout recommençait.
[i]"Tiens, un délit de fuite ? Elles sont plus discrètes normalement."[/i]
Un attroupement autour du blessé fit monter la tension d'un cran mais il y avait toujours ce voile par-dessus la raison qui hurlait au danger comme si son cerveau ne VOULAIT PAS voir que tout recommençait exactement comme la dernière fois. C'était impossible. Zoraal Ja était mort, il n'y avait plus personnes pour ordonner aux sentinelles de...
Un autre tir au loin, des cris dans l'avenue principale de Vraie Vision. La voix d'Ivanhault s'imposa comme un coup de tonnerre.
[i]"Ne restez pas plantés là, ils se font tuer !" [/i]
Meleth sortit de son état de sidération. Elle n'avait pas une seconde à perdre.
[i]"Yone, avez moi !"[/i] s'écria t-elle en courant vers Vraie Vision. Le samourai la suivit, ainsi que d'autres. Ils se séparèrent en plusieurs groupes. Elle entendit Sagramor embarquer plusieurs personnes vers l'orphelinat et Floerswys prendre la direction des quartiers résidentiels. Ce n'était plus le moment de réfléchir au pourquoi du comment.
[table][tr][td][img]https://i.ibb.co/Zp9VgZnk/cadre-fondu-4.png[/img][/td]
[td]Ce fut encore une nuit de panique et de feu. Encore une fois, personne ne comprenait ce qui se passait ni pourquoi certaines sentinelles s'en prenaient aux civils. Cela ne fit que raviver le traumatisme de la première attaque et les nombreux morts laissés derrière eux. Il y eut de nombreux morts même s'ils purent sauver quelques vies à l'échelle de leur groupe. Tous en sortiraient éprouvés mais pour Meleth, ce fut une plongée dans les ténèbres quand tout lui revint : la peur dans les yeux des habitants, l'urgence dans ceux de ses camarades. La panique, le feu du combat qui s'empare des corps, un sentiment de rage et d'injustice face aux questions sans réponse. Tous ces sentiments la traversaient comme un miroir de ses propres tourments. [/td]
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Elle avait pourtant tout fait pour empêcher cela. Elle avait dansé, dansé jusqu'à l'épuisement. Elle avait exprimé sa rage et sa frustration dans les îles d'Ombra, détruisant des morts-vivants à n'en plus finir jusqu'à ne plus tenir sur ses jambes, jusqu'à ce que les ténèbres s'apaisent avec la fatigue de l'esprit. Elle avait noyé le mal par la raison, s'était accrochée à la lueur que représentaient ses amis, à son désir de faire de son mieux pour eux, pour réparer ses erreurs et ses rêves de voyage.
[b]Trop tard. [/b]
La colère gronde sous la surface. Pourquoi, pourquoi veut-on les empêcher de vivre ? Elle n'avait rien demandé, rien ! On lui arrache son navire comme on l'a arraché à sa vie en l'emprisonnant sous un dôme pendant trente ans. On détruit tout ce que ses camarades et elle ont passé tant d'années à construire. Silius, Mahruvvet, Albynn... Et elle n'était même pas capable de tenir le coup pour eux, de les protéger. Lysia, elle aurait dû protéger Lysia au lieu de la jeter en pâture aux calomnies. Et tout cela pourquoi ? Pour rien. Parce qu'ils n'ont rien fait pour mériter cela. Il n'y avait rien à perdre, rien à leur prendre. Et ces gens, tous ces gens que qui le sort s'acharne. Pourquoi massacre t-on les alexandrins pacifiques ? Imparfaits, endoctrinés par ce système de régulateurs contre-nature à ses yeux, mais pas moins meurtris injustement par le destin. Le hurlement coincé dans sa gorge se libéra lorsqu'elle reçut un tir dans la jambe en voulant couvrir Silius cherchant à arrêter l'une des sentinelles hostiles.
L'eau noire se manifesta, attirée depuis sa propre gourde, pour prendre la forme de glace. Une glace noire s'élevant en piques tranchantes reflétant son visage comme un miroir. Elle n'était plus que rage, la fureur du torrent sauvage. Cette même glace qui lui scarifia les mains et les poignets s'abattit sur son adversaire alors qu'elle hurlait toujours.
Elle ne vit pas la fin du combat, ni les appels d'Astera soucieuse de soigner ses plaies. Lorsque le feu retomba, elle avança toujours plus jusqu'aux dernières tables retournées proches de l'Arcadion. Ses iris noir comme l'obsidienne, son esprit brumeux. Elle n'entendait plus rien si ce n'est [i][b]sa[/b][/i] voix tapis dans l'ombre ; murmure lointain et obsédant dont elle ne savait déchiffrer le sens. Jusqu'à ce que Yone se dresse sur son passage et la saisisse par les épaules.
[i]"Meleth ! Meleth ça va ?!"[/i]
Le regard du hyurois mêlant inquiétude et incompréhension la fit émerger des brumes. Elle s’effondra dans ses bras, tremblante, la tête reposant contre son épaule. Ses mains fébriles se cramponnaient à sa veste comme s'il était son seul ancrage à la réalité.
[i]"Yone... je... j'ai voulu retenir... l'empêcher. Pardon... pardon !"[/i]
Elle ne savait même plus pourquoi elle demandait pardon. Pour ce qui venait de se passer ? Pour Lysia ? Pour Jasper ? Pour son incapacité à tenir ou sa fuite en avant vers les ténèbres ? Elle voulait hurler et ravaler sa peine en même temps. Elle voulait se réveiller mais aussi se perdre, se noyer dans ces profondeurs oubliées où personne n'aurait à subir son manque de contrôle. Si seulement elle avait été plus forte, si seulement elle avait pu trouver Ouran avant de disparaître sous le dôme, si seulement elle avait été un meilleur capitaine, si seulement elle avait demandé de l'aide au lieu de vouloir être celle qui vient en aide aux autres.
La main de Yone sur son dos calma les tremblement. Celle d'Astera soignait ses plaies. Autour, les civils hagards cherchaient du soutient dans le regard des plus solides. Elle se souvint alors qu'elle devait compter parmi les esprits inébranlables. Alors elle se leva, certaine de savoir ce que l'on attendait d'elle.
Parce que Meleth est forte.
Parce que Meleth va toujours bien.
Parce que Meleth s'en sort toujours.
[right][i][b]Parce que Meleth n'a jamais perdu le contrôle.[/b][/i][/right][/quote]
Lerith
Il y a 3 semaines et 2 jours
Lorsqu'il ouvrit la porte ce soir-là, il ne s'attendait pas à la voir. Elle prévenait toujours, ne serait-ce que pour s'assurer qu'il n'était pas déjà bien accompagné. Mais elle se trouvait là, capuche sur les yeux couverte de neige, menton baissé, murmurant d'une voix cassée :
"Est-ce que je peux... rester cette nuit ?"
Ganelon n'eut pas le temps d'acquiescer, surpris, que son amie se jeta dans ses bras en pleurant, hurlant ses sanglots sans retenue contre sa veste. Elle était venue le trouver, le seul qu'elle ne craignait pas de détruire puisque déjà brisé depuis longtemps. Il la fit entrer, et referma la porte sur eux sans la lâcher comme s'il craignait qu'elle ne puisse plus tenir sur ses jambes.
"Racontez-moi tout."
Elle avait pourtant toutes les raisons d'être heureuse. Au-delà de l'expédition pour le Triangle Maudit qui prenait forme, la compagnie connaissait un renouveau dans son succès. Moins de recrutement mais toujours plus de rencontres et de projets. Silius lui manquait bien sûr, et Noah encore plus mais cela elle le taisait craignant d'affronter les commentaires sur le fantôme inconnu de tous. Malgré l'instabilité de ses pouvoirs, elle compensait au travers de découvertes passionnantes à Sinus Ardorum où ils avaient travaillé durant des semaines au développement de la station sélénienne ; ils comptaient bien y retourner plus tard. Vanish souriait, elle s'était trouvé une petite amie à Solution Neuf. Concernant Ouran et le Torrent Noir, Astera s'était subitement mise en tête de s'y pencher avec un regard neuf qui plaisait aux vétérans. Tout allait pour le mieux, le banquet annuel en fut la preuve par sa réussite. Quelle merveilleuse soirée ce fut. Alors pourquoi tant de souffrance dans sa poitrine ?
"Je le sens, je le vis" murmura t-elle sous la serviette que l'elezen avait posé sur ses cheveux trempés de neige.
"Tout ce que je fais apporte chaos et destruction autour de moi."
 | Elle s'en voulait encore pour cette erreur monumentale qui avait failli coûter à Lysia sa place dans la guilde des arcanistes, et à elle cela lui avait coûté son poste, sanction plus que méritée à ses yeux. Nazah l'avait remplacée et elle ferait un bien meilleur capitaine. Elle voulait se persuader que c'était dû principalement à ses trente années d'exil. Elle avait changé, elle était devenue plus solitaire et moins apte à concevoir des stratégies qui préservent le groupe entier. Elle voulait croire que c'était juste cela. Redevenir gabière n'était pas si mal au fond -même si sa cabine lui manque !- elle voltigeait dans les haubans avec aisance, elle ne se sentait pas moins partie de l'aventure, ou de la légende.
"... Mais j'ai recommencé. J'ai fait quelque chose de stupide, j'ai cru..."
Elle avait cru aider Galen, bêtement. En lisant son dernier poème et en travaillant sur la musique ils avaient discuté comme ils le faisaient si souvent. Le garlemaldais se confiait à elle sur ses doutes, et aspirations aussi. Il aspirait à se rapprocher des autres et à mieux s'entendre avec Liann et Lysia à qui son humour douteux avait hérissé le poil plus d'une fois. Il n'y a qu'avec Floerswys qu'elle ne savait pas trop comment l'aider, la communication avec la roegadyne était compliquée pour tout le monde depuis quelques semaines. |
Alors, quand il lui fit remarquer qu'après coup, ce texte lui rappelait ce que Lysia lui avait raconté la veille à propos de Vadimir, elle avait suggéré spontanément
"offre-lui alors, au lieu de me la faire chanter en concert". Elle avait repensé à Silius et sa toute première chanson. Et quelle erreur ce fut... Lysia s'était sentie blessée, encore plus meurtrie, et Galen injustement accusé de profiter de ses confidences pour alimenter son art.
"...Et encore une fois, je provoque un désastre. Que ce soit en combat ou ailleurs, je détruis tout ce que je touche. Si j'étais partie avec eux pour ce voyage je..."
Elle étouffa un nouveau sanglot contre l'épaule de son ami. Plus que les larmes, elle sentait monter une rage difficile à contenir et qui fit frémir l'eau dans la carafe posée près d'eux sur la table, eau qui s'assombrit. Ganelon se leva pour la jeter dans l'évier.
"Ils savent, au moins, que vous n'êtes pas à bord ?" demanda t-il.
Meleth renifla un bon coup.
"J'ai laissé un mot à Nazah, oui. Je suis venue directement.
- Vous restez ici jusqu'à ce que le calme revienne."
Dehors, la neige recouvrait en silence le bord de la fenêtre. Elle avait chaud, elle n'était pas seule, elle ne craignait rien. Aujourd'hui elle s'était effondrée mais elle avait encore la force et la volonté de rentrer quand elle aurait retrouvé le contrôle. Quand elle ne craindrait plus de faire du mal sans le vouloir au moindre faux mouvement.
"Je les aime tant.
- Oui, je le sais bien."
Les jours qui suivirent, sa perle resta coupée. Le premier jour elle resta prostrée dans le petit appartement à travailler sa respiration, calmer ses excès d'humeur qui inondèrent la salle de bain à deux reprises dès qu'elle voulut prendre une douche. Ganelon n'émit aucune plainte, se contentant d'une plaisanterie ou deux sur la plomberie. Les jours suivant elle sortit dans la rue, soulevant la neige sur son passage. Puis, elle se rendit dans le Coerthas, tantôt seule tantôt accompagnée, où elle déversait toute son énergie sur les glaciers laissant des traces noires dans son sillage jusqu'à épuisement. Vidée, il lui était plus facile de recentrer ses pensées. Elle n'avait qu'un objectif : guérir de ce qu'elle considérait encore comme un mal.
Tout ce qu'elle voulait, c'était rentrer à l'Escale avant le départ pour le Triangle Maudit. Elle voulait être avec eux, à sa place.
Elle ne s'attendait pas à ce que son retour soit si attendu. Nazah avait accidentellement oublié de passer le mot. Non seulement Galen s'était inquiété de son absence et sa perle coupée, mais Lysia avait culpabilisé, Silius avait même enquêté. Cette grosse frayeur les avait conduit à retourner à la rivière près de sa chaumière craignant qu'elle ne se soit laissée sombrer dans les abysses.
"Je leur fais peur à ce point...?" songea t-elle après coup.
Elle voulut les rassurer au mieux. Lysia parlait d'un mal pour un bien mais Silius et Galen avaient trouvé le moyen de s'engueuler un peu. Rien d'inhabituel, elle avait retrouvé le sourire.
"Je suis prête à partir.
- Et Noah, des nouvelles ?"
Prise de court, elle éluda la question, évoquant en quelques mots sa dernière épreuve pour devenir un rôdeur vipère turalien. |  |
"Je ne sais pas où il est exactement."
Quand elle vivait à Naatu, les hommes ne rentraient qu'une fois tous les deux à trois ans. Shamti n'avait de nouvelles de Roshan que tous les trois ou quatre lunes quand ils se croisaient dans les bois, mais ils avaient le Vermot pour savoir ce que l'autre vivait. En dehors du talisman offert par Djazah'ir qui lui assurait que Noah était en vie, elle ne savait rien. Elle expérimentait le manque et l'inquiétude. Elle y trouvait son reflet en Ganelon étrangement, lorsqu'il évoquait Ancolie elle aussi souvent absente.
"Je ne peux pas dire qu'il me manque, alors que personne ne le connait. Ivanhault s'était bien amusé à le faire savoir d'ailleurs l'an dernier.
- A son retour, il sera différent lui aussi vous pensez ?
- Oui, il est partit pour cela. Il ne supportait plus de n'être qu'un fantôme aux yeux de nos camarades. Il a besoin de quelque chose qui soit à lui, de découvrir qui il est hors de la Mère-Forêt et qui il va devenir. Fils du Torrent... cela ne suffit pas.
- Vous le retrouverez à notre retour."
Ganelon ouvrit la porte du quartier des passagers, évaluant le degré d'intimité -nul- de la cabine. Puis il reluqua en direction de la cabine numéro neuf, l'air songeur.
"... Ou sinon je peux toujours...
- ... je partage aussi ma cabine avec Ney.
- Ah. Raté."
Elle éclata de rire devant son faux air abruti qu'il affichait chaque fois qu'il sortait une de ses plaisanteries ou allusion grotesque. L'elezen se choisit une couchette et la suivit sur le pont pour le départ. Un pont fort animé qui laissait entrevoir un voyage tout aussi bruyant. L'esprit occupé par toute cette agitation et les éclats de voix, Meleth se sentait revivre. Elle était loin d'avoir réglé son problème, mais le temps d'y trouver un remède elle avait une épaule sur laquelle s'appuyer. Un paquet d'épaules en fait.
"Silius, je veux un autre câlin !"
Le vieux hibou grogna en disparaissant dans la cambuse. Oui, même lui.
La mer serait calme, au moins quelques temps.
[quote]Lerith
[center][youtube]bBZhaUvsNtw[/youtube]
[img]https://i.ibb.co/YTpKhvXn/Chronique-Meleth.png[/img][/center]
Lorsqu'il ouvrit la porte ce soir-là, il ne s'attendait pas à la voir. Elle prévenait toujours, ne serait-ce que pour s'assurer qu'il n'était pas déjà bien accompagné. Mais elle se trouvait là, capuche sur les yeux couverte de neige, menton baissé, murmurant d'une voix cassée :
[i]"Est-ce que je peux... rester cette nuit ?"[/i]
Ganelon n'eut pas le temps d'acquiescer, surpris, que son amie se jeta dans ses bras en pleurant, hurlant ses sanglots sans retenue contre sa veste. Elle était venue le trouver, le seul qu'elle ne craignait pas de détruire puisque déjà brisé depuis longtemps. Il la fit entrer, et referma la porte sur eux sans la lâcher comme s'il craignait qu'elle ne puisse plus tenir sur ses jambes.
[i]"Racontez-moi tout."[/i]
Elle avait pourtant toutes les raisons d'être heureuse. Au-delà de l'expédition pour le Triangle Maudit qui prenait forme, la compagnie connaissait un renouveau dans son succès. Moins de recrutement mais toujours plus de rencontres et de projets. Silius lui manquait bien sûr, et Noah encore plus mais cela elle le taisait craignant d'affronter les commentaires sur le fantôme inconnu de tous. Malgré l'instabilité de ses pouvoirs, elle compensait au travers de découvertes passionnantes à Sinus Ardorum où ils avaient travaillé durant des semaines au développement de la station sélénienne ; ils comptaient bien y retourner plus tard. Vanish souriait, elle s'était trouvé une petite amie à Solution Neuf. Concernant Ouran et le Torrent Noir, Astera s'était subitement mise en tête de s'y pencher avec un regard neuf qui plaisait aux vétérans. Tout allait pour le mieux, le banquet annuel en fut la preuve par sa réussite. Quelle merveilleuse soirée ce fut. Alors pourquoi tant de souffrance dans sa poitrine ?
[i]"Je le sens, je le vis"[/i] murmura t-elle sous la serviette que l'elezen avait posé sur ses cheveux trempés de neige. [i]"Tout ce que je fais apporte chaos et destruction autour de moi."[/i]
[table][tr][td][img]https://i.ibb.co/bgPb2yy8/Sans-titre.png[/img][/td][td]Elle s'en voulait encore pour cette erreur monumentale qui avait failli coûter à Lysia sa place dans la guilde des arcanistes, et à elle cela lui avait coûté son poste, sanction plus que méritée à ses yeux. Nazah l'avait remplacée et elle ferait un bien meilleur capitaine. Elle voulait se persuader que c'était dû principalement à ses trente années d'exil. Elle avait changé, elle était devenue plus solitaire et moins apte à concevoir des stratégies qui préservent le groupe entier. Elle voulait croire que c'était juste cela. Redevenir gabière n'était pas si mal au fond -même si sa cabine lui manque !- elle voltigeait dans les haubans avec aisance, elle ne se sentait pas moins partie de l'aventure, ou de la légende.
[i]"... Mais j'ai recommencé. J'ai fait quelque chose de stupide, j'ai cru..."[/i]
Elle avait cru aider Galen, bêtement. En lisant son dernier poème et en travaillant sur la musique ils avaient discuté comme ils le faisaient si souvent. Le garlemaldais se confiait à elle sur ses doutes, et aspirations aussi. Il aspirait à se rapprocher des autres et à mieux s'entendre avec Liann et Lysia à qui son humour douteux avait hérissé le poil plus d'une fois. Il n'y a qu'avec Floerswys qu'elle ne savait pas trop comment l'aider, la communication avec la roegadyne était compliquée pour tout le monde depuis quelques semaines. [/td][/tr][/table]
Alors, quand il lui fit remarquer qu'après coup, ce texte lui rappelait ce que Lysia lui avait raconté la veille à propos de Vadimir, elle avait suggéré spontanément [i]"offre-lui alors, au lieu de me la faire chanter en concert"[/i]. Elle avait repensé à Silius et sa toute première chanson. Et quelle erreur ce fut... Lysia s'était sentie blessée, encore plus meurtrie, et Galen injustement accusé de profiter de ses confidences pour alimenter son art.
[i]"...Et encore une fois, je provoque un désastre. Que ce soit en combat ou ailleurs, je détruis tout ce que je touche. Si j'étais partie avec eux pour ce voyage je..."[/i]
Elle étouffa un nouveau sanglot contre l'épaule de son ami. Plus que les larmes, elle sentait monter une rage difficile à contenir et qui fit frémir l'eau dans la carafe posée près d'eux sur la table, eau qui s'assombrit. Ganelon se leva pour la jeter dans l'évier.
"Ils savent, au moins, que vous n'êtes pas à bord ?" demanda t-il.
Meleth renifla un bon coup.
[i]"J'ai laissé un mot à Nazah, oui. Je suis venue directement.
- Vous restez ici jusqu'à ce que le calme revienne."[/i]
Dehors, la neige recouvrait en silence le bord de la fenêtre. Elle avait chaud, elle n'était pas seule, elle ne craignait rien. Aujourd'hui elle s'était effondrée mais elle avait encore la force et la volonté de rentrer quand elle aurait retrouvé le contrôle. Quand elle ne craindrait plus de faire du mal sans le vouloir au moindre faux mouvement.
[i]"Je les aime tant.
- Oui, je le sais bien."[/i]
Les jours qui suivirent, sa perle resta coupée. Le premier jour elle resta prostrée dans le petit appartement à travailler sa respiration, calmer ses excès d'humeur qui inondèrent la salle de bain à deux reprises dès qu'elle voulut prendre une douche. Ganelon n'émit aucune plainte, se contentant d'une plaisanterie ou deux sur la plomberie. Les jours suivant elle sortit dans la rue, soulevant la neige sur son passage. Puis, elle se rendit dans le Coerthas, tantôt seule tantôt accompagnée, où elle déversait toute son énergie sur les glaciers laissant des traces noires dans son sillage jusqu'à épuisement. Vidée, il lui était plus facile de recentrer ses pensées. Elle n'avait qu'un objectif : guérir de ce qu'elle considérait encore comme un mal.
Tout ce qu'elle voulait, c'était rentrer à l'Escale avant le départ pour le Triangle Maudit. Elle voulait être avec eux, à sa place.
[table][tr][td]Elle ne s'attendait pas à ce que son retour soit si attendu. Nazah avait accidentellement oublié de passer le mot. Non seulement Galen s'était inquiété de son absence et sa perle coupée, mais Lysia avait culpabilisé, Silius avait même enquêté. Cette grosse frayeur les avait conduit à retourner à la rivière près de sa chaumière craignant qu'elle ne se soit laissée sombrer dans les abysses.
[i]"Je leur fais peur à ce point...?"[/i] songea t-elle après coup.
Elle voulut les rassurer au mieux. Lysia parlait d'un mal pour un bien mais Silius et Galen avaient trouvé le moyen de s'engueuler un peu. Rien d'inhabituel, elle avait retrouvé le sourire.
[i]"Je suis prête à partir.
- Et Noah, des nouvelles ?"[/i]
Prise de court, elle éluda la question, évoquant en quelques mots sa dernière épreuve pour devenir un rôdeur vipère turalien.[/td][td][img]https://i.ibb.co/pvqFfTzX/Sans-titre.png[/img][/td][/tr][/table]
[i]"Je ne sais pas où il est exactement."[/i]
Quand elle vivait à Naatu, les hommes ne rentraient qu'une fois tous les deux à trois ans. Shamti n'avait de nouvelles de Roshan que tous les trois ou quatre lunes quand ils se croisaient dans les bois, mais ils avaient le Vermot pour savoir ce que l'autre vivait. En dehors du talisman offert par Djazah'ir qui lui assurait que Noah était en vie, elle ne savait rien. Elle expérimentait le manque et l'inquiétude. Elle y trouvait son reflet en Ganelon étrangement, lorsqu'il évoquait Ancolie elle aussi souvent absente.
"Je ne peux pas dire qu'il me manque, alors que personne ne le connait. Ivanhault s'était bien amusé à le faire savoir d'ailleurs l'an dernier.
- A son retour, il sera différent lui aussi vous pensez ?
- Oui, il est partit pour cela. Il ne supportait plus de n'être qu'un fantôme aux yeux de nos camarades. Il a besoin de quelque chose qui soit à lui, de découvrir qui il est hors de la Mère-Forêt et qui il va devenir. Fils du Torrent... cela ne suffit pas.
- Vous le retrouverez à notre retour."
Ganelon ouvrit la porte du quartier des passagers, évaluant le degré d'intimité -nul- de la cabine. Puis il reluqua en direction de la cabine numéro neuf, l'air songeur.
[i]"... Ou sinon je peux toujours...
- ... je partage aussi ma cabine avec Ney.
- Ah. Raté."[/i]
Elle éclata de rire devant son faux air abruti qu'il affichait chaque fois qu'il sortait une de ses plaisanteries ou allusion grotesque. L'elezen se choisit une couchette et la suivit sur le pont pour le départ. Un pont fort animé qui laissait entrevoir un voyage tout aussi bruyant. L'esprit occupé par toute cette agitation et les éclats de voix, Meleth se sentait revivre. Elle était loin d'avoir réglé son problème, mais le temps d'y trouver un remède elle avait une épaule sur laquelle s'appuyer. Un paquet d'épaules en fait.
[i]"Silius, je veux un autre câlin !"[/i]
Le vieux hibou grogna en disparaissant dans la cambuse. Oui, même lui.
[right][b]La mer serait calme, au moins quelques temps. [/b][/right]
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