Les Chroniques du Torrent

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Lerith Il y a 3 mois et 5 jours


Que n'avaient-ils attendu ce jour. Avec l'été vint le vent d'ouest, appelant à un nouveau départ vers des terres lointaines. A la barre, Meleth revêtit son chapeau de capitaine -au sens figuré, fichu complot des chapeliers- elle ressentit toute l'énergie née de l'enthousiasme et des aspirations des personnes sur le pont. De toutes parts, les hommes s'activaient, grimpant aux cordages, relayant les ordres. Les voiles déployées se gonflèrent dans un même élan, les dockers larguèrent les amarres depuis le quai N°6, l'Eternal quitta le port dans un feu d'artifice tiré par l'équipage du capitaine Barker rejoignant son sillage. Sur tribord, l'Abyssius glissa sous les vagues, dans sa linkperle la confirmation sommaire dissimulant bien mal l'enthousiasme du capitaine Fyrlithwyn : "Tout est bon, on vous suit !".
"Nous sommes en route, capitaine.
- Tout droit vers le Tural, second Terrechant !"
s'exclama t-elle en levant le poing.

"Tout droit" se révéla malheureusement plus compliqué que prévu. En haute mer, la météo capricieuse et les courants traîtres n'eurent de cesse d'altérer le cap voulu par le navigateur. Ceux qui s'imaginaient une route maritime semblable à celles déjà empruntée furent vite rappelés à la réalité. Dès le premiers jours la constitution de la viéra fut mise à rude épreuve tant le gouvernail forçait au moindre coup de vent. Les intempéries pouvaient durer des heures, et le vent changer de sens plusieurs fois ne laissant que peu de répits aux gabiers contraint de faire et défaire cent fois les mêmes gestes afin de s'adapter. Les cris de joie du départ furent très vite remplacés par le pestage à l'encontre de la météo, pourtant l'équipage trouva toujours de nouvelles raisons de rire et de plaisanter ; rien ne devait gâcher leur plaisir.
"D'après ce livre, c'est l'amirale actuelle qui a découvert cette route maritime réputée la plus sure... Je n'ose pas imaginer si on avait essayé par un autre chemin.
- La plus sûre, la plus sure... Les bêtes sont agitées, et comment tu veux que je les fasse sortir prendre l'air à tour de rôle plusieurs fois par jour dans ces conditions moi, capitaine ?!"

Liann prenait soin de toutes les montures et de leurs boxes, veillant à ce que l'effet de sort "mini" ne leur soit pas trop impactant. Malheureusement ce qui partait au départ d'une bonne intention s'avéra presque irréalisable surtout pour les plus nerveux destriers en proie aux angoisses provoquées par les tempêtes fréquentes et l'agitation permanente sur le pont.
Et cette longue traversée dura deux semaines entières, deux semaines d'une mer bleue à perte de vue sans jamais croiser ne serait-ce qu'un ilot perdu dans cet océan indigo. Malgré la difficulté, une forme de routine s'installa rendant le quotidien un peu plus facile à force de répéter les mêmes gestes et d'apprendre à anticiper les caprices du ciel. Dans ses moments de répits, lorsqu'elle laissait la barre au second ou bien à Yone, Meleth alternait entre sa cabine, la cambuse, et l'infirmerie pour soigner ses crampes de plus en plus fréquentes. Ce voyage ne la laisserait pas indamne physiquement, et plus les jours passaient plus ses forces diminuaient. Mais elle apprenait, ce voyage la rendrait meilleure navigatrice.
"Réussir la traversée vers le Tural, ce n'est pas rien" se répétait-elle pour s'encourager.
Le pire était hélas encore à venir, dans l'après-midi du seizième jour quand une tempête particulièrement violente se leva peu après qu'ils se soient rendu compte qu'ils avaient une fois de plus dévié de leur cap malgré tous leurs efforts. L'orage, de loin, semblait bien pire au nord mais déjà ici la pluie battante et les vagues immenses balayaient le pont et tout ce qui se trouvaient dessus. On renvoya les passagers dans leurs cabines, on attacha les lignes de survie, on tenta en vain de garder l'Ingouvernable à portée de vue hélas ils furent emportés derrière les vagues. La priorité pour l'heure était d'empêcher l'Eternal de chavirer plutôt que de partir à leur recherche mais pour ajouter à leurs tourments c'est un autre navire qui surgit à travers le déluge tel un spectre émergeant des ténèbres.
"C'est le Trium !"
La question de ses intentions ne se posa pas plus d'une poignée de secondes, outre leurs souvenirs du sort réservé aux pirates dalmasquiens en fuite et ce qu'ils savaient de sa conception initiale détournée en bâtiment de guerre, les canons sortit et les tirs immédiats ne laissèrent aucune place au doute.
"Ils nous prennent en chasse ! Que tous ceux qui peuvent se battre montent sur le pont !"
Fuir ou combattre, la question ne se posa guère le risque était trop grand en l'état. La seule chance pour eux d'échapper à un arsenal militaire nymien inconnu dont le navire lui-même semblait avoir peur reposait sur la vitesse et la maniabilité de l'Eternal. L'Abyssius ne pouvait rien pour eux dans cette situation. Meleth sentit sur ses épaules tout le poids de ses responsabilités alors que ses doigts endoloris enserraient le gouvernail.
"Sors-nous de là mon ami ...!"
En bas et jusque dans les haubans, elle entendait le bruit des combats et voyait du coin de l'oeil ses compagnons aux prises avec des invocations envoyées à bord avec le shrapnel des boulets de canon ennemis. Dans son sillage, le Trium se rapprochait, son capitaine qui qu'il soit se jouait de la tempête avec l'assurance des marins les plus aguerris... ce qu'elle n'était pas encore. Elle ne savait même pas pourquoi le Trium leur en voulait, s'il les avait reconnu ou s'il attaque par défaut tous les navires qu'il croise. Chaque nouveau tir faisait voler en éclats le bois de la coque ou du bastingage. Elle entendit dans la linkperle que même la salle des machines était touchée. Leur précieux bouclier n'avait même pas tenu dix secondes face à la violence de cet arsenal.
"Capitaine, on doit tenter une procédure d'envol pour lui échapper !
- C'est un coup à nous faire chavirer avant même de s'élever d'un seul yalm !"

D'instinct malgré tout, elle posa la main sur le levier qui enclencher le protocole. Elle devait à tout prix les garder en vie, échapper à cet ennemi par tous les moyens. Elle tenta diverses manœuvres pour lui échapper, gravissant les vagues, virant de bord entre deux descentes dans l'espoir de les semer. En tentant d'esquiver un boulet qui siffla derrière sa nuque, son épaule se déboita et elle poussa un hurlement de douleur. Pendant un instant, elle relâcha le gouvernail et manqua de tous les faire passer par dessus-bord avant de chavirer. Elle se reprit juste à temps.
Il est diabolique !
Ignorant sa douleur, la jeune capitaine parvint à disparaitre sous un rouleau dans un ultime effort pour se mettre hors de portée de ses canons. Enfin, après une lutte acharnée menée tant à la manœuvre qu'aux armes sur le pont et dans les haubans, la vitesse de pointe de l'Eternal eut raison de la poursuite et le Trium s’effaça dans leur dos pour disparaitre derrière le rideau de pluie. La tempête se calma, les battements du cœur de Meleth aussi. L'épaule douloureuse, elle garda une main sur le gouvernail et l'autre maintenant l'os déplacé jusqu'à l'arrivée d'Albynn.
"Ça va aller capitaine, je vais vous soigner ...!"
Elle laissa faire le lalafelle dans un sourire, réprimant un nouveau cri lorsque avec l'aide de sa magie curative, il lui remit l'épaule en place. Les blessés se comptaient par dizaine mais aucune perte humaine à déplorer. Elle les avait sortit de là. Difficilement, de justesse même, mais elle avait tenu ses engagements. Il faudrait qu'elle s'améliore encore, qu'elle se hisse à la hauteur de son adversaire si elle voulait se montrer digne de son titre de capitaine ; pas question de pavoiser.

La tempête finit par se calmer. Sur le pont, alors que tous reprenaient leurs esprits et pansaient leurs plaies, une nouvelle secousse projeta tous ceux encore debout à terre. L'Eternal venait de heurter un récif.
"C'est pas vrai !" s'écria Meleth, à deux doigts de craquer. Mais une voix provenant de la mer à tribord la fit sursaute comme les autres; pris de court. Elle vit plusieurs de ses hommes se précipiter vers le bastingage -ou ce qu'il en restait- pour se pencher vers l'origine de cet appel.
"Ohé, ohé du bateau ! Est-ce que tout va bien ?
- Où sommes-nous ?
Demanda Ivanhault à leurs interlocuteurs, embarqués sur un canot aussi coloré que leurs ponchos.
- Arrivés à destination je suppose, bienvenue au Tural !"
Meleth ne voyait pas à qui ils s'adressaient, mais le hasard fit qu'au même moment la pluie cessa et le ciel nocturne s'éclaircit. Derrière le voile de l'orage se dissimulaient jusqu'à lors le tracés d'un horizon montagneux derrière une jungle dense entourant une ville magnifique éclairée par des centaines de lanternes. Sur le pont, nombreux furent ceux qui retinrent leur souffle face à un tel spectacle, réalisant que leur traversée touchait à sa fin après deux longues semaines et la mort aux trousses. Puis, ces quelques mots commencèrent à glisser de bouche en mouche tel un murmure apaisant : "Nous sommes arrivés".

"C'est... magnifique" Murmura Meleth, ses mains toujours posées sur le gouvernail comme pour partager cet instant avec lui.

Le soir-même, on fit amarrer le navire à l'un des pontons au large du port. Les récifs empêchant tout navire de s'approcher, c'est par des canots que ceux qui le souhaitaient purent gagner la terre ferme. Il y eut des impatients qui, malgré la fatigue, trouvèrent la force de puiser dans le peu d'énergie restant pour poser le pied dans la ville comme si cela les aidait à réaliser. Meleth ne les suivit pas, elle irait demain. Cette nuit, elle voulait la passer avec son navire meurtri.
"Tu nous as amené jusqu'ici. Nous allons te retaper, et tu nous montreras ce que tu voulais que l'on voit je te le promets."
Elle veilla sur ses hommes restés à bord se reposer, encouragea les plus acharnés à aller dormir mais elle-même ne trouvait pas le sommeil perchée dans les haubans à contempler Tuliyollal jusqu'à l'aube. Sur la linkperle, elle se laissa bercer par la voix des plus enthousiastes déjà sur place. Ils lui révélèrent, outre la présence d'une ethérite, le nom du port : Le Perron des Valeureux honore les courageux marins qui ont bravé les eaux traîtres pour atteindre la capitale. Son sourire s'élargit, ses paupières lourdes se fermèrent. Dès demain, le second chapitre de cette nouvelle aventure commençait. Elle s'endormit dans les cordages, bercée par les vagues et ces belles pensées.
Pouvait-elle croire à un plus bel accueil ?
Lerith Il y a 2 mois et 2 semaines


Si la légende de la cité d'or vient du Tural, selon Meleth la splendeur de Tuliyollal n'y était pas étrangère. Le palais surplombant la capitale s'élevait au-dessus de tout et sa pierre ocre sous les rayons du soleil lui donnaient un aspect presque doré. Dès les premières heures, la viéra tomba sous le charme de cette tapisserie colorée aux multiples odeurs, musiques, sans parler de la cuisine. On voyait des restaurants à tacos et des bars à cocktails tous les trente yalms. Partout où elle posait ses yeux, les allées grouillaient de monde autour de multiples étals d'un marché traversant la cité d'un bout à l'autre. Artisans, produits locaux, aventuriers venus de partout, si l'Eternal n'avait pas été en si mauvais état elle aurait croqué dans le premier fruit venu avec bien plus d'enthousiasme. Mais malgré ses déboires, elle pouvait sentir la joie l'envahir.
"Un pas à la fois. Nous avons d'abord besoin de repos."
Trois jours furent nécessaires pour récupérer. Ceux qui ne dormirent pas à bord trouvèrent asile à l'auberge locale appelée "Les Cabines de Proue" ce qui ne fut pas pour déplaire au capitaine blessé. Tandis que son épaule remise en place se remettait doucement, elle arpenta les rues de Tuliyollal à la recherche d'un maître de chantier mais trouva nombre d'autres visages connus à la place.
Pour commencer, le capitaine Barker qui avait échappé à la tempête avec ses hommes. Elle le retrouva au Xbalyav Ty'e, ce restaurant populaire au nom imprononçable juste à côté de l'auberge, où ils se retrouvaient presque tous les soirs et où bon nombre d'aventuriers se croisaient. Elle fut certaine d'y apercevoir le visage solaire de Mandalah accompagnée de ses amis du Samsara un autre soir. Un peu plus loin dans un bar à cocktail près du marché aux artisans, elle rencontra Motey qui lui raconta la fin du Noblecoeur et son retour au pays. Chaque jour apportait son lot de rencontres et de retrouvailles comme pour Yone qui retrouva Akayane, l'aventurière hyperactive comme ils aimaient à la nommer entre eux non sans une pointe d'affection. Il n'était pas surprenant de la voir ici après tout.
Parmi toutes ces rencontres, Meleth découvrit aussi la présence de viéras, ou plutôt des shetonas comme on les appelait ici. Intriguée, elle espérait pouvoir en apprendre davantage sur eux.
Hélas, toutes ces soirées qui se succédaient témoignaient de l'échec de leurs recherches locales. En réalité, deux problèmes se présentèrent et non des moindres.  D'abord, il y avait le contexte politique local. Le hasard voulut qu'ils posèrent le pied à Tuliyollal au moment même où l'Aurarque -le roi- de ces royaumes fédérés ouvre ce qu'ils appelaient le rite de succession réunissant quatre héritiers potentiels : ses trois enfants dont un seul de son sang, et le vainqueur d'un grand tournois. Cet évènement agitait la population, chacun soutenant son favori, et posait un frein à toute activité du quotidien. Le pont vers le Xak Tural -le nord du continent- était fermé jusqu'à nouvel ordre, les livraisons étaient suspendues, les chantiers à l'arrêt... De plus, Meleth fut rapidement informée que les Turaliens n'étaient pas des constructeurs de navires. Aucune de leurs embarcations ne dépassait la taille maximale pour la navigation fluviale, aucun long-courrier. Par conséquent, les ingénieurs capables de concevoir -ou de réparer- un navire comme l'Eternal ne couraient pas les rues de Tuliyollal. Pourtant, il y en a puisqu'ils n'étaient pas les premiers à essuyer une tempête et de lourds dégâts ; ce n'est pas pour rien si l'on a baptisé le port "le Perron des Valeureux". La deuxième souci était l'argent. La compagnie ayant investi tout ce qu'elle avait dans ce voyage, ils n'avaient plus un gils en poche pour payer les réparations.

"Il nous faut trouver le moyen de gagner de l'argent, on va avoir besoin d'un guide."

Le-dit guide ne fut pas dur à trouver en la personne de Ty'at Moka, une hrothgar -enfin, une xbr'aal- locale qui leur proposa de les mener jusqu'à Kozama'uka. Un ouragan y avait ravagé les villages il y a quelques jours à peine. La population locale hanu-hanu appelait à l'aide et de nombreuses missions (fortement semblables aux mandats eorzéens) étaient proposées à quiconque voudrait s'y rendre.
En parallèle, Kyuuji réussit à mettre la main sur un homme, un xbr'aal rose nommé Gareth et surnommé "le bâtisseur", un spécialiste de tout ce qui se rapporte aux constructions "magiques" en plus des chantiers classiques. Le convaincre ne fut pas une mince affaire car depuis quelques temps, le malheureux semblait sous la coupe d'une étrange malédiction. Faute de mieux, et parce qu'ils éprouvaient de la sympathie pour Gareth, ils choisirent de s'en mêler. L'Eternal serait entre de bonnes mains jusqu'à ce qu'ils trouvent l'origine de ce mal et réunissent suffisamment de pels pour payer le chantier.
Ainsi, au bout de presque dix jours coincés en ville ils purent enfin prendre la route pour la région de Kozama'uka avec une partie des invités de l'expédition tel que Kaori, Lone et Faust tout aussi curieux de visiter la région.

Mais avant de partir, elle avait une dernière chose à faire. Le dernier soir, alors que le soleil se couchait, elle se rendit au phare de Hunu'iliy tout au nord-est de la ville, tout près de la Légion de l'Aurore qui tenait le rôle d'armée royale. Elle leva les yeux et évalua sa hauteur. Ivanhault lui en avait parlé, Silius avait même suggéré de l'y emmener mais dans son orgueil elle avait refusé ; elle qui se savait si lamentable en escalade. Néanmoins, elle voulait voir par ses propres yeux ce que son second lui avait décrit. Elle posa une main sur l'une des poutres apparentes, son pied sur la base de pierre, et commença sa lente ascension.
Nombre d'aventuriers étaient déjà venus grimper ici. D'ailleurs, les gardes les laissaient faire avec amusement et Meleth pouvait au moins se vanter d'amuser la galerie par ses efforts inutiles et ses grimaces dépitées. Elle avait beau tout essayer, retenter puis réessayer à nouveau, elle restait bloquée à hauteur du mur d'enceinte, incapable d'apercevoir ce qui se trouvait au-delà. Jusqu'à ce qu'une main saisisse la sienne à deux doigts d'une nouvelle chute.
"Je vais t'aider."
Le sourire et la voix douce de Diana la surprit. Depuis quand était-elle ici ? L'elezenne avait le don d'apparaitre et de disparaitre quand bon lui semblait, pire que Mahruvvet. Elle se sentit tirée vers le haut.
"Tu n'en parleras à personne, n'est ce pas ? Implora t-elle, riant d'elle-même.
- Pas un mot." Répondit simplement Diana.
Lentement, un pas après l'autre et avec l'aide de l'une des meilleures grimpeurs de la compagnie, Meleth parvint enfin à se hisser au sommet du phare. Diana la tira sur les derniers yalms, et c'est alors qu'elles contemplèrent ensemble ce paysage à couper le souffle. Cette immense fracture dans l'océan, que les turalliens associent au combat de deux divinités, s'étendait sur une zone au moins cinq fois plus grande que le gouffre de Ridorana. L'eau s'y déversait en des chutes vertigineuses entourées de récifs tranchants comme des rasoirs.
"C'est magnifique... comment ne pas se sentir humble face à l'immensité de ce que la nature peut accomplir ?
- Crois-tu que ce soit vraiment l’œuvre de la nature, ou d'un dieu ?"
Demanda Diana.
Elle ne su que répondre. Ce mystère comptait parmi les plus énigmatiques de tout Hydaelyn, et sans conteste l'un des plus époustouflants. Ne pas être seule pour le contempler fut finalement un heureux retournement de situation.

"Merci... de m'avoir aidé à monter tout là-haut."


Le lendemain matin, ils prenaient la route du Sud au beau milieu d'une jungle marécageuse. L'humidité tropicale n'était pas sans lui rappeler la vie sur les berges du fleuve de Golmore mais en bien plus étouffant. Kozama'uka ne comptait pas qu'un seul fleuve mais de multiples rivières et des dizaines de cascades alimentant un sol gorgé d'eau, idéal pour la culture des roseaux à la base de tout ce que produisent les Hanu-Hanu. Pour autant, cet endroit n'était pas aussi sauvage qu'elle le pensait. Les locaux avaient aménagé des routes et des ponts pour faciliter la vie des marchands, ainsi qu'un hameau dédié à leurs haltes non loin de Ok'hanu. Meleth ne compta pas les heures passées à contempler cette nature luxuriante et colorée depuis le sommet des tours nichées dans les plus hauts arbres, à observer ses compagnons partir à l'aventure par petits groupes en quêtes de découvertes.
De là-haut, elle avait la sensation de survoler la vallée et pouvait apercevoir la moitié sud de la région, hors d'atteinte à cause de l'ouragan qui avait balayé la Marche des Sans-Ailes, l'unique accès terrestre à ces cascades qu'elle aurait tant voulu voir de plus près. "Ce n'est qu'un contretemps" se disait-elle afin de taire son impatience. Le territoire Hanu-Hanu n'était pas dénué d'intérêt bien au contraire. Que ce soit en aidant dans les cultures de roseaux ou en accomplissant des "mandats" locaux avec ses compagnons, la Fille du Torrent percevait toute la beauté comme la dangerosité de cette nature laissée libre de dominer toute chose. Et pour les plus arrogants, les caprices de la météo remettrait toujours les choses à leur place. A ses yeux, les Hanu-Hanu ne paraissaient ni faibles, ni peureux comme l'affirmaient nombre de visiteurs qu'elle croisa au village. Elle les trouvait résilients, pragmatiques et sages. 
"Ils combattent peu" confia t-elle un soir à Liann, tout en ramassant du bois pour le campement. "Ils n'hésitent pas à demander de l'aide mais ils ne semblent pas vouloir eux-mêmes s'ancrer dans une culture guerrière. C'est comme si ils se contentaient de suivre le sens du vent, peu importe sa force, et de l'accepter.
- En tout cas, ils sont charmants !
Répondit la miqo'te en agitant une brindille sèche comme une baguette. Ils m'ont indiqué tous les vents ethérés aux alentours. Mais il en doit surement y en avoir au sommet des chutes. Pourquoi tu n'y vas pas avec Fallon, d'ailleurs ?"
La viéra souffla un rire, suivant son regard vers le pégase blanc qui ne passait pas inaperçu au milieu des alpagas et des chocobos.
"J'y ai songé, mais c'est avec vous que je veux faire ce voyage. Je ne blâme pas ceux qui partent devant, mais moi... je tiens à rester avec vous."

Les mandats s'accumulèrent rapidement, les blessés aussi. L'émerveillement des premiers jours laissa place à la prudence après que la chasse d'un matamata colossal se soit soldé par deux blessés sérieux dont une Mahruvvet doublement meurtrie dans on orgueil et un Roshan souriant malgré sa douleur. Le lendemain, ce fut encore pire quand Iko et Sagramor passèrent à un cheveu d'y rester, si bien qu'il ne leur en resta plus un seul après qu'on les ai sortit in-extrémis du ventre d'un anaconda géant rempli de venin acide. Et trois jours plus tard, alors qu'ils se croyaient en sécurité à l'occasion d'un basique mandat de récolte de mousse et de lampyres pour les villages en reconstruction, ils croisèrent à nouveaux les pirates du Trium et leurs invocations difformes. Le soir-même, on apprit que de nombreux groupes d'aventuriers étrangers avaient subit le même type d’agression dans la région, dont Yone que les malfrats avaient pris pour son père. Toujours des étrangers, ils ne s'attaquaient pas aux locaux et ne tendaient des embuscades qu'à des groupes isolés qui se sont éloigné des campements. Elle-même avait été surprise en pleine baignade sur le fleuve et s'était repliée fissa.
Dès lors, le voyage changea de ton et d'ambiance. C'était la fin de l'insouciante exploration. Meleth donna l'ordre que personne ne quitte le camp seul dorénavant. Pour ne rien arranger, Noah et elle étaient en froid depuis qu'il avait fait passer sa "dette" envers Floerswys avant ses convictions de chasseur. Ils ne se parlaient plus et le Fils du Torrent passait tout son temps avec Sheyen, un rôdeur vipère shetona qu'ils avaient rencontré lors de leur première chasse. Il continuait de participer aux mandats locaux avec le reste du groupe d'expédition mais il ne lui adressait plus le moindre mot. Heureusement, il y avait Liann pour la faire sourire encore et toujours.
"Viens m'aider, je veux en apprendre plus sur le dressage des bêtes locales et les soins qu'ils apportent aux animaux d'élevage !
- Je ne suis pas certaine qu'ils pratiquent l'élevage tu sais. La pêche, oui c'est sûr mais je n'ai vu aucun Hanu-hanu avec un troupeau..."
Néanmoins, Meleth se retrouva embarquée avec la chocomiqo'te, Nazah et Utopyah dans une aventure épique de... gardiennage d'enclos pour alpagas à moins de cent yalms de leur campement au cours d'une soirée plus épuisante que toutes les missions risquées qu'elle avait pu tenter cette semaine ! Qui aurait cru que tenir un relais d'Alpagas fut si fatiguant, et le pelupelu gérait cela tout seul lui, toute la journée ! Une heure à quatre sur les lieux, et au bout de cinq clients les filles étaient sur les rotules. Les aventuriers sont-ils tous aussi contrariants ?

Enfin, la semaine se termina. Madame Kurusu annonça qu'ils avaient dorénavant assez de pels non seulement pour amortir les réparations de l'Eternal mais aussi pour permettre à chacun de s'offrir un voyager aller-retour en Eorzea par ethérite. On pourrait évacuer les blessés grave pour qu'ils se rétablissent en sécurité et puis le festival des Feux de la Mort commencerait bientôt. L'exploration de Yak Tel prendrait un peu plus de temps, alors ils pouvaient se permettre les vacances qu'ils n'avaient pas encore pris cet été.
"Capitaine, y a quelqu'un qui demande à te voir !"
Quand Nazah l'appela hors de sa tente, Meleth se demanda qui pouvait bien venir la déranger sans oser violer son espace privé -aussi réduit soit il- sans la moindre pudeur ainsi que le faisaient chacun de ses compagnons et amis chaque fois qu'ils ont besoin d'elle (et elle ne les aimait que trop pour cela au fond). Quelle ne fut pas sa surprise en voyant Konuhanu venir vers elle, une caisse moins lourde qu'il n'y parait dans les bras.
"Houuu, bonjour capitaine Esthar. Je pense que c'est à vous que je dois m'adresser."
Le Hanu-Hanu sourit de tout son bec, aussi jovial qu'à leur première rencontre où son effarement face au nombre de personnes derrière elle avait laissé place à une joie non contenue en apprenant qu'ils venaient tous pour aider son peuple à remettre leurs villages en état après le passage de l'ouragan. Ce soir-là, Meleth avait pris le temps de se présenter et de lui parler de la compagnie et de leurs objectifs afin qu'il n'y ait aucun non-dit et aucune méfiance entre eux.
"Je voulais vous remercier pour ce que vous avez fait, hou. Il y a encore beaucoup à faire, mais je dois dire que c'est réconfortant de recevoir de l'aide de parfaits inconnus qui auraient pu passer leur chemin.
- C'est moi qui vous remercie Konuhanu. Vous nous avez donné de précieux conseils et grâce à vous, nous en savons plus sur Kozama'uka et votre culture en plus de repartir avec de quoi réparer notre navire. J'espère que nous serons toujours les bienvenus ici."

Elle ne lui avait évidemment pas parlé des pirates du Trium, et de leur probable lien avec ces attaques même involontaires. Elle ne pouvait qu'espérer qu'une fois partis ces agressions ne se reproduisent plus.
"Tenez, je vous ai apporté ceci. C'est bien peu de choses, mais si j'ai bien compté il y en a une pour chacun de vous."
Il ouvrit la caisse, dévoilant un grand nombre de plumes soigneusement disposées de sorte à ne pas être froissées. Au cours de leur séjour, Meleth avait eu l'occasion de discuter avec les locaux de ces plumes si précieuses dans leur culture qu'elles ornaient les armures de la Légion de L'Aurore comme un symbole fort.
"Vous n'auriez pas dû, c'est trop !"
Mais Konuhanu sourit un peu plus.
"Je vous ai entendu dire qu'il ne fallait jamais refuser un cadeau, c'est impoli même dans votre culture !"
Il rit de bon cœur, et Meleth ne su que répondre. Elle se contenta de sourire et d'incliner la tête.
"Une pour chacun. Merci, je veillerais à ce qu'elles leur soient remises.
- Oh, et ça c'est pour vous. Pour ce que vous avez fait sur la rivière."

Avant les attaques, elle avait offert de son temps et de sa maîtrise de l'eau non pas pour la chasse au monstre mais pour des travaux bien moins épiques de remise en état des constructions fluviales. Elle avait décoincé la trappe du barrage qui laissait passer les serpents géants, déplacé des pierres et des gravas, stabilisé des pilotis, rien de bien extraordinaire mais cela semblait avoir compté pour Konuhanu au point qu'il lui tende un collier aux multiples médailles dorées, chacune représentant un idéogramme des tâches accomplies. Émue, la viéra le saisit avec délicatesse et le passa autour de son cou.
"Merci, Konuhanu.
- Houuuu. J'espère que vous reviendrez nous voir quand tout sera remit en état.
- Je vous le promets."

De retour sous sa tente, elle rangea la caisse avec soin près de son sac à dos ; elle ferait la distribution au compte goutte et avec le plus grand soin. Elle trouva alors, posé sur son sac de couchage, quelque chose qui ne s'y trouvait pas quand elle était sortie quelques minutes plus tôt : une dent de croco-marteau nettoyée et sculptée de motifs aquatiques. Malgré sa surprise, elle sourit en reconnaissant le style.
"Noah..."

Dehors, le camp ne manquait pas d'animation entre ceux qui partaient et ceux qui revenaient. Mais cet après-midi là Meleth ne prit part à aucune excursion, préférant se laisser bercer par le fleuve à deux pas de sa tente. Confortablement installée dans un hamac de fortune -sans doute une idée de Nazah- elle ouvrit son carnet. Ce n'était plus celui avec lequel elle avait quitté Golmore et dans lequel elle avait consigné toutes ses aventures depuis le début de son exil ; celui-ci était vierge et elle le dessinait à un tout autre usage. La mine de plomb glissa sur le papier tandis qu'elle y traçait ses tous premiers mots.

"Cher Valorius..."
Lerith Il y a 1 mois et 2 semaines


Elle n'aurait jamais pensé se sentir un jour aussi à l'aise et à la fois aussi nostalgique à l'autre bout du monde, sur un continent si loin de Golmore et de la Terre des Torrents. A leur arrivée -mouvementée- par ballon trois semaines plus tôt, Meleth apprit de la bouche de leur guide la signification de ce nom "Yak T'el", la Forêt Bleue. Cette jungle dense éveillait ses sens par ses multiples odeurs, sons, ainsi que ses dangers. Prédateurs, plantes vénéneuses, jusqu'aux cenotes dans lesquels l'imprudent pouvait tomber dès lors qu'il quitte la route. Ces puits naturels, profonds et remplis d'eau de pluie -ou reliés à la mer- la fascinaient au plus haut point tout comme leur origine mystérieuse.
"Une pluie de météorites ?
- C'est ça. Mais personne n'a su me dire quand exactement ce phénomène s'est produit, et ce qui l'a provoqué."

Au campement près du village d'Iq Br'aax les premiers jours, l'ambiance générale semblait avoir retrouvé sa légèreté d'avant les attaques à Kozama'uka. Chaque soir ou presque, Meleth voyait les chasseurs de la compagnie se mêler aux rôdeurs-vipères qu'ils soient d'ici ou de Xrikit'ye plus loin vers la côte. Noah passait de plus en plus de temps avec Sheyen qui leur en apprenait aussi beaucoup sur les shetonas vivant dans les forêts du Xak Tural.
"Ils sont originaires des grandes forêts du Nord, et leurs légendes parlent de ce qu'ils nomment le murmure de la terre qui est très semblable au Vermot dans sa définition. Il y a de nombreuses similarités dans notre façon de vivre mais aussi des différences ; la principale étant l'interdiction d'entrer en contact avec les étrangers qui n'existe pas ici."
Sa curiosité pour le nord du continent de Tural s'intensifiait, mais Yak T'el accaparait toujours son attention. Elle s'essaya même à l'une des ces initiations avec les jeunes chasseurs de Xriki'ye. Le maniement des deux épées, plus lourdes que ses chakrams, ne lui réussit pas vraiment mais comme dit Nazah : "toute expérience est bonne à prendre".
Entre chasse aux nécroses, aux pirhanas, et toutes sortes de missions initiatiques, la viéra se plaisait à voir ses camarades s'intégrer à la population sans avoir à forcer la discussion ou se plier à des exigences trop lourdes. Les affinités qui se développaient naturellement semblaient prometteuses pour la suite.
"Vous nous en avez beaucoup appris sur votre culture et les Tural Vidraal" déclara t-elle le matin du départ en serrant la main de la matriarche de Xrikit'ye. "Sans parler de vos légendes locales. Merci à vous Rhani
- Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ici ?"

Meleth lui offrit un sourire amical.
"Moins que nous espérions hélas, mais plus que nous pensions sur d'autres points."
Son regard s'attarda sur la gemme ornant le front de la xbr'aal qu'elle savait être un saphir de Rhotano. Durant leur séjour, elle avait pris le temps d'expliquer ce qu'était cette pierre et ce qu'elle représentait pour eux. Cependant, la réclamer ou s'en emparer par la force n'était pas une option. Rhani en était consciente, et suivant son regard elle serra sa main un peu plus fort avec bienveillance.
"Je sais ce qu'elle représente pour vous, et vous savez ce qu'elle représente pour moi. Je suis sure que nous trouverons un arrangement tôt ou tard. D'ici là, comptez sur moi pour veiller sur ce précieux trésor.
- Merci encore."

Elle s'inclina une dernière fois avant de rejoindre le sentier vers Iq Br'aax. A ce moment, l'exploration de la Forêt Bleue n'en était qu'à mi-chemin et si les missions de chasse accaparaient une bonne partie de l'expédition, Meleth nourrissait un tout autre projet.

"Tu vas vraiment plonger là-dedans ?
- Hm hm.
- Vraiment, vraiment ?
- Oui, tout à fait."

La curiosité envahissante de Mahruvvet constituait une parfaite introduction à son programme personnel pour la journée et les suivantes. Equipée de sa combinaison amphibie, cheveux attachés et le strict minimum de son matériel à la ceinture, Meleth se tenait assise au bord d'un cenote non loin du village. Pour sa première plongée, elle optait pour une prudence relative à proximité du camp mais si tout se passait bien les habitants lui avaient indiqué d'autres cenotes plus profonds et plus intrigants éparpillés dans la jungle.
"La pluie de météorites a tellement déformé la région que les cenotes seraient reliés entre eux comme des galeries souterraines. Il parait qu'on y trouve des reliques de l'ancien temps et même des trésors perdus.
- Et probablement tout un tas de dangers aussi, sans parler de la noyade.
- Pour ce dernier point, aucun risque !"

Sur un dernier sourire, la Fille du Torrent plongea dans le cenote laissant la raenne sur le rebord. Des heures durant et pendant toute la semaine qui suivit, elle explora ces profondeurs immergées en quête de ces fameux trésors. Elle se fichait bien de l'or ou des joyaux ensevelis avec les précédents habitants de Yak T'el, elle voulait trouver une trace de leur histoire, comprendre ce qui était arrivé. Sa quête demeura vaine jusqu'à ce que la troisième semaine de leur séjour dans cette jungle les conduise dans la Basse-Forêt, aussi appelée la "Sylve-Mère".

"On l'appelle la basse forêt parce que c'est la pluie de météorites qui a fait totalement s’effondrer cette partie de Yak T'el, indiqua leur guide xbr'aal toujours aussi enthousiaste. Pour s'y rendre, nous allons d'ailleurs emprunter le passage qui descend dans le cenote de Ty'iinbek !"
Ils traversèrent les ruines d'Ilyon Asoh le long d'Iq Rax Tsoly, puis les plaines cendrées de Xobr'it où ils rencontrèrent Josi le pelupelu et son alpaga. La route ne fut pas particulièrement dangereuse, quand on sait se montrer prudent la plupart des problèmes peuvent être évités. L'eau dans le fond du cenote était d'un bleu si profond que Silius crut à du céruleum.
"Vous avez vu ces drôles de lampes ? On dirait de la roche.
- Ce sont des fragments de météorites. Elles émettent une lueur qui éclaire toute la Basse-Forêt."

Depuis les hauteurs, la Sylve-Mère lui paraissait déjà différente bien qu'il soit impossible d'apercevoir quoi que ce soit à travers l'épais feuillage des arbres couleur de nuit. Ce n'était pas sans lui rappeler la Terre des Torrents où les rayons du soleil ne touchent jamais le sol. En apercevant la sortie, le visage de Meleth changea radicalement d'expression. Elle resta figée un moment, avant de trottiner malgré le poids de son sac à dos jusqu'à l'extérieur du tunnel. Son regard émerveillé se posa alors sur cette végétation bioluminescente sublimant la beauté d'une forêt bleue à la fois sombre et féérique. Yak T'el portait si bien son nom en cet instant. Elle échangea un regard avec Noah et décela une pointe d'émotion dans ses pupilles tremblantes. Il ne manquait plus que les rivières s'écoulant sous les racines des arbres et le chant des cascades pour qu'ils se croient téléportés chez eux.
"Je dois explorer, dit-il sobrement. J'ai besoin de voir cela... seul."
Le viéra sauta dans un buisson sans un mot de plus, comme à son habitude mais cette fois elle sentit qu'il avait quelque chose sur le cœur. Kyuuji, Hanbei, tous les autres à ses côtés semblaient partager son émerveillement, sauf les elezens bien sur toujours aussi sobres dans leurs réactions. La nostalgie l'envahit soudain, suivi du réveil de sa mélancolie et en même temps elle se sentait bien ici.
Malheureusement ce dernier ressenti ne dura guère plus loin que le bout de la route lorsqu'ils entrèrent dans Mamook la principale ville mamool ja. Personne ne vint à leur rencontre, que ce soit pour leur souhaiter la bienvenue ou au contraire les interroger sur leur présence ici. les habitants, nombreux, n'avaient certes pas manqué de les voir venir et leur entrée sur la place de l'ethérite à douze inconnus harnachés de la tête aux pieds ne passait pas inaperçu, et pourtant ils faisaient comme s'ils ne les voyaient même pas. De temps en temps un œil se posait sur eux mais se détournait aussitôt. On les ignorait, superbement.
"J'avais entendu dire que les habitants de Mamook n'étaient pas très ouverts mais là quand même...
- Oh, ne vous inquiétez pas mademoiselle, la rassura Josi en passant avec son alpaga. Ils sont comme ça avec tout le monde. Même moi, ils ne m'accordent d'attention que le strict nécessaire à nos transactions. Si vous me le permettez je vais aller m'acquitter de cette formalité d'ailleurs."
On ne les empêcha pas de rester, on ne les invita pas non plus. Obtenir le plus petit renseignement était impossible, ils refusaient de leur adresser la parole ce qui plongea d'ailleurs Mahruvvet dans un état de quasi-dépression pendant deux jours. Meleth les observait avec un mélange d'incrédulité et de tristesse. C'est la première fois que la viéra se trouvait dans se cas de figure et goûtait à ce côte-ci de la barrière vu comment son peuple traitait les étrangers, elle compris fut un temps. Le goût en était particulièrement désagréable. Aussi, elle ne passa que peu de temps au campement pendant les derniers jours. Elle se rendit avec Kyuuji et les autres à la rencontre de la sorcière Boonewa, continua de plonger dans des cenotes et trouva même le moyen de se perdre dans l'un d'entre eux contraignant Ivanhault à utiliser son sextant pour la trouver et la faire remonter à l'aide d'une corde et d'autres camarades.

Un soir, elle plongea à nouveau avec Lysia, Mahruvvet, Moka, Quila, Nazah et Sagramor dans un cenote que les xbr'aal leur avaient indiqué proche de la mer. Cette aventure riche en découvertes tourna au drame lorsque les pirates du Trium apparurent par surprise au milieu de ruines englouties. Lysia faillit se faire enlever cette nuit-là, ce qui plongea Meleth dans une colère si profonde que ses pouvoirs manquèrent de peu d'échapper à tout contrôle. Après s'être assurée que tout le monde avait gagné la surface, elle prétexta retourner dans les ruines à la recherche des dagues que Mahruvvet avait oublié au fond et en profita pour reprendre ses esprits dans le silence et la plénitude de l'eau.
Sa main glissait sur les parois rocheuses où les gravures et les fresques avaient subit les affres du temps et de l'érosion au point de se rendre illisibles.
Qui pouvait bien vivre ici ? Songea t-elle.
Des bâtiments si grands, même effondrés, témoignaient de la taille imposante de leurs anciens occupants. Par endroits elle voyait encore la forme peinte ou gravée de petites silhouettes accompagnant d'autres beaucoup plus massives et très grandes. Les premiers semblaient suivre ou soumis aux seconds. Elle pensa aux mamool ja mais même eux n'atteignaient pas la taille requise pour s'asseoir sur un tel trône au fond de ce qui ressemblait à un temple. Et derrière ce trône, bien protégée du courant par les murs toujours debout, une fresque moins abîmée que les autres lui révéla une image à couper le souffle même pour une personne capable de respirer sous l'eau.
On dirait... la cité d'or ?
La peinture ternie par le sel n'avait pas encore perdu toute sa couleur. Elle ne comprenait pas les symboles ou la signification de ce gigantesque tableau mais sa démesure comme sa position laissaient entendre qu'il s'agissait de quelque chose d'important. L'immense pyramide dorée en son centre, surplombant un grand nombre de ces individus de très grande taille la laissa pantoise. Elle nagea d'un bout à l'autre de la fresque en faisant plusieurs allers-retours à la recherche du moindre petit détail en vain. Tout ce qu'elle voyait c'est qu'ils se trouvaient au pied de cet édifice comme s'ils le vénéraient. Si la cité d'or existe, se pouvait-il que ce peuple l'ai découverte ? La viéra chercha d'autres fresques semblables ou d'autres indices en vain pendant des heures et ne rentra au camp qu'au petit matin. L'attaque du Trium avait déjà fait le tour du camp, comme son ordre de préparer les sacs en vue d'un départ prochain.
"Vous aviez raison Ivanhault, ils nous localisent chaque fois que vous utilisez le sextant."
Leurs dernières tâches accomplies, et les locaux fort pressés de les voir partir, leur séjour à Mamook ne se prolongea pas contrairement à Xrikit'ye. Deux jours plus tard, ils reprenaient le ballon pour Tuliyollal. Ils quittèrent la jungle dans la hâte, sans se retourner pour la plupart même Meleth qui sentait pourtant une forte attraction envers la Sylve-Mère. Ce voyage s'acheva sur une note peu réjouissante et elle espérait au fond d'elle qu'ils reviendraient quand ils auraient obtenus les réponses à leurs questions. Elle voulait encore plonger dans les profondeurs des cenotes en quêtes de reliques du passé, elle voulait approcher plus près de l'arbre doyen incrusté d'une météorite si grande qu'on la voyait de loin à travers la forêt. Trois semaines ne sauraient suffire à percer tous les mystères de la Forêt Bleue, et peut-être qu'une partie de ses questions trouveraient leurs réponses dans les hautes montagnes d'Urqopacha.

"Des géants ? Les Yuk Huy sont des géants, jadis ils dominaient tout le continent."
Lerith Il y a 3 semaines et 6 jours


"Pas ça, tout mais pas ça...!"
Le coup porté fut brutal, le châtiment implacable. Ce voyage si exhalant et plein d'optimiste s'était peu à peu mué en un conflit ouvert qu'aucun d'eux n'avait souhaité ni même provoqué. On leur avait imposé cette guerre, et son lot de victimes. Était-ce le prix des réponses à leurs questions ? Lorsqu'elle entra dans sa cabine et vit Nazah le visage fermé près de son lit où reposait le corps inerte de madame Kurusu, son cœur se serra. Partout dans les couloirs, la cambuse, l'infirmerie, sur le pont, elle ne vit que des yeux fermés, des mâchoires crispées et des poings serrés. Le petit alpaga désormais orphelin de mère et de maître continuait de pleurer comme un perdu, prostré dans un coin. Dans une cabine sur deux, il y avait un blessé ou un soigneur épuisé. Pas de morts, mais pas de victoire. Assise sur le pont supérieur, adossée au bastingage, elle trouva Floerswys silencieuse les mains jointes contre son front. La viéra soupira longuement, venant s'asseoir à ses côtés. "Et maintenant, que fait-on ?" demanda la roegadyne.
De l'Ihuykatumu à Urqopacha, ils avaient gravi les cascades vertigineuses sur le sentier des montagnes, traversé les terres jadis dominées par les Yok Huy, campé dans les ruines témoins d'une puissance aujourd'hui éteinte. Ils avaient compris depuis longtemps les dangers de ces terres, tremblé à la vue de Valigarmanda dominant les yeux, porté secours aux locaux autant que possible par leurs modestes moyens. Ils avaient bravé les risques naturels pour remporter un nouveau Saphir de Rhotano caché sur la Tombe de l'Etoile, pour réunir Yone et son père porté disparu depuis vingt-cinq ans, ils pensaient s'être fait un ami...
"Maintenant, on encaisse..." Répondit Meleth en fermant les yeux.
Josi travaillait pour l'ennemi. Que ce soit de bonne grâce ou contre son gré, la trahison du pelupelu, comme sa mort tragique par la main de son maître, semblaient inévitables. Coral IX avait abattu ses cartes, remporté la première manche. Il ne faisait preuve d'aucune retenue, aucun honneur et même aucune raison dans ses manigances. Si au départ certains, comme Ivanhault, envisageaient la possibilité de parlementer pour essayer de le comprendre, cette hypothèse s'était éloignée de plus en plus jusqu'à voler en éclats ce soir.
"... On encaisse et on se relève." Répéta t-elle, lui posant une main sur l'épaule. "Lysia est en vie, Diyon aussi. Si le prix est aussi élevé alors faisons en sorte qu'il en vaille la peine."
Floerswys redressa la tête, les sourcils froncés, elle hocha la tête. Elle qui se montrait toujours pacifiste, réticente à l'idée d'engager les hostilités, semblait prendre conscience ou plutôt accepter définitivement l'idée qu'il n'y avait pas d'autre issue possible que l'affrontement. Si le Trium avait décidé de les anéantir, ils ne devaient pas se contenter de se défendre et de comprendre.
"On contre-attaque dès que tout le monde est debout." Répondit-elle. "Ce Nouveau Monde a trop à offrir pour qu'on se laisse détourner de notre route. On y va et on le défonce."
Si l'heure n'était pas à sourire, les deux capitaines de la flotte échangèrent un regard déterminé, empêchant chacune à l'autre de flancher quoi qu'il en coûte. Cette nuit, elles avaient malgré tout accompli quelque chose d'important en s'harmonisant au saphir. Ensemble, elles avaient éveillé les dernières réminiscences de Luluna Luna dont les informations précieuses pouvaient encore les guider sur le chemin de la vérité.

Bien qu'ils ne soient parvenus à empêcher le piège de se refermer sur Lysia, le besoin de faire le point sur la situation paraissait plus que nécessaire. Mais avant cela, au vu des derniers évènements, la priorité était de soigner les blessés, purger cette "marque noire" laissée sur Kikyo et sécuriser leurs acquis. De L'Echo de Worlar à Xrikit'ye, Meleth s'en fut les jours suivants prévenir tous leurs alliés du danger latent. Rhani plaça le village sur le pied de guerre, la férocité des rôdeurs-vipères monta d'un cran sans qu'ils n'en tiennent rigueur à leurs invités.
"J'aurais aimé vous épargner ces déboires" confessa Meleth à la matriarche, ainsi qu'à Sheyen qui la raccompagnaient vers l'ethérite d'Iq Braax.
"Nous protégeons la côte Est turalienne des Tural Vidraal depuis des générations. Ne vous tourmentez pas capitaine, vous ne faites que confirmer ce que nous considérions déjà comme une vérité : Miquiztli est une menace. Nous nous tiendrons à vos côtés le moment venu."
Le sourire de Sheyen appuya ses dires. Bien que les deux femmes n'aient toujours pas trouvé d'accord pour le saphir que Rhani portait au front, les racines de cette alliance nouvelle s'ancraient dans le sol profondément ; à eux de la faire grandir et de la consolider. Noah avait choisi de rester plus longtemps, afin de parfaire son entraînement et contribuer au rapprochement entre leurs deux groupes.
"Je reviendrais bientôt."
Avant de se quitter, le Fils du Torrent posa son front contre le sien une main derrière sa nuque.
"Où que tu ailles, où que je sois...
- ... Le Torrent nous lie à jamais."

Adalgis rugit, elle tourna les talons. Le capitaine était attendu à l'Escale de Llymlaen. Le vent du changement soufflait à nouveau sur la compagnie, et elle devrait y prendre part, faire des choix et soutenir ceux de ses compagnons, même les plus difficiles.


Le Tournois de Halone apporta quelque distraction, un peu de paix entre les soins portés aux blessés et du temps pour réfléchir. Ils en profitèrent pour se replonger -littéralement- dans l'énigme du cénote de Miquizcoalt. Avec l'équipement adapté, cinq d'entre eux purent plonger dans les eaux mortifères où reposaient les ossements du serpent, ainsi que ceux de plusieurs bébés tout juste éclos, difformes et probablement mort-nés. Alors que ses camarades fouillaient dans le sable à la recherche d'un quelconque indice pouvant expliquer le phénomène, Meleth n'arrivait à rien, l'esprit embrumé par mille réflexion. Le scaphandre la coupait totalement de sa connexion avec l'eau -et heureusement d'un côté- mais son instinct la travaillait. A chaque nouvelle trouvaille ou élément apporté par Nazah, Quila, Ivanhault ou Mahruvvet sa pensée se perdait en ce qui s'apparentait à un sombre présage. Miquizcoalt n'avait pas maudit le cénote lui-même, ni tué ses petits. Tout cela ne pouvait être que le fruit d'une volonté tierce, peut-être pas une volonté directe de nuire d'ailleurs. Peut-être était-ce la conséquence d'une erreur mais un acte bien conscient.
Cela dit, elle n'eut pas le temps de développer sa pensée qu'elle vit Ivanhault et Nazah se défaire de leur combinaison pour envoyer tout leur ether dans le dernier œuf prêt à éclore.
"MAIS QUE....?!"
Elle était pourtant coutumière aux impulsions d'Ivanhault, mais tout se passa très vite. A la première seconde, elle réalisa qu'ils allaient mourir tous les deux d'un instant à l'autre dans cette eau qui aspire et dissous l'ether. A la deuxième seconde, elle ravala un cri et retira son propre scaphandre pour se joindre à eux. Un acte de foi, stupide et insensé. Mais c'était Ivanhault, il ne se suicidait pas sans raison et la seule pensée qui traversa son esprit était "pas tout seul, pas sans moi". A la troisième seconde, et alors qu'elle sentait son corps et son âme se dissoudre en particules ethérées, qu'elle voyait l'elezen et la hrothgar disparaitre sous ses yeux flous, elle implora de l'aide. Une dernière folie, impulsive.
"Père je t'en supplie... donne moi la force de...!"
Sa vision se brouilla, elle se sentit partir. Il y eut un flash lumineux juste avant qu'elle ne perde conscience. Lorsqu'elle revint à elle, elle était étendue sur l'herbe au bord du cenote, incapable de bouger ou de parler. Ils étaient tous là, ceux plongés avec elle et ceux restés à la surface en cas d'urgence. Djazah'ir feulait, Valka secouait la tête en souriant. Ils étaient vivants. Comment, pourquoi ?
C'est le moment que le Terrechant choisit pour lui annoncer qu'il quitta son poste de second et de navigateur. Il voulait débarquer et retrouver sa place de corbeau sur l'épaule du chef de la compagnie. Elle ouvrit les yeux, pouvait à peine bouger, simplement sourire. Sa façon de lui dire qu'elle comprenait. Il lui saisit la main, la remercia pour ces lunes passées sous son commandement. Lorsqu'elle put enfin se redresser, elle se laissa retomber contre son épaule, soulagée et triste en même temps. C'était mieux ainsi, elle l'avait toujours su. Ivanhault la protégeait constamment, comme un oncle bienveillant et elle aimait cela. Elle n'était jamais parvenue à le traiter comme un subordonné, et lui avait eu grand mal à ne plus appeler Kikyo "capitaine". Loin de la vexer ou de la blesser, cela marquait au fond l'évidence que c'était elle dont il était resté le second. Toute la compagnie le savait et le traitait comme tel depuis toujours, même après sa prise de fonctions. Comme dans la chanson qu'il avait écrite : la dame de glace a deux corbeaux, un sur chaque épaule, un noir et l'autre blanc. Quoi que devienne cette compagnie, que ce soit dans l'exploration ou la vente de melons allagois, il en serait toujours ainsi. C'était pour le mieux. Les larmes viendraient plus tard.

Le réconfort à ce changement, elle le trouva dans les bras d'un pas si vieil ami. Comme toujours, perché sur les hauteurs de Brumée, elle venait s'asseoir sur le muret où le plus charmant des coureurs de jupons d'Eorzéa contemplait la mer -et les femmes certainement !- et lui racontait ses aventures tandis qu'il l'abreuvait de paroles enjôleuses à moitié sérieuses. Après des lunes de rencontres pas si fortuites, leurs échanges joueurs s'étaient mués en une amitié sincère. Il n'avait pas oublié ses promesses, même les plus insignifiantes à l'époque mises sur le compte de ses tentatives de séduction. Elle lui raconta tout :  Coral IX, ses peurs, ses doutes, sa tristesse... Tout ce qu'elle n'osait montrer aux autres, non pas par rejet ou rancune mais parce que lorsqu'on vit sans arrêt les uns sur les autres, il est difficile de se montrer vulnérable sans que cela n'affecte ceux qui tiennent à vous. Alors elle parlait à Ganelon. Elle ne voulait pas que Lysia se sente responsable, qu'Ivanhault culpabilise, et la dispute entre Silius et lui dont elle entendit les bribes sur la linkperle alors même qu'elle dînait avec l'elezen ce soir-là à Ishgard la conforta dans ce choix. En ce moment, elle avait besoin d'une ancre. Ganelon n'était pas un frère comme Yone, un père comme Valorius, un oncle comme Ivanhault. Il ne lui inspirait pas l'attirance brûlante qu'elle ressentait en présence de Noah, ni cette timidité ridicule devant ce beau glaneur sharlayanais qu'elle avait d'ailleurs entraperçu à Tuliyollal.
"J'en suis la première surprise, mais c'est ainsi que je le ressens" confessa t-elle, paisible, sa tête reposant sur son épaule. Cette nuit-là, après le premier spectacle de la saison avec Lunaris, elle avait tenu sa propre promesse de l'emmener en forêt voir ce qu'elle aimait le plus. Meleth n'avait pas la prétention de connaître Sombrelinceuil aussi bien que les sombrelinçois mais les Piques Suspendues lui rappelaient un peu sa terre natale. Quel meilleur endroit pour en parler ? Cependant, la conversation dévia -comme toujours avec Boucle d'Or !- et les taquineries de ses camarades qui les voyaient de plus en plus souvent ensemble exposèrent le sujet sur le tapis (de fleurs) trempé de pluie d'où ils contemplaient les arbres illuminés.
"J'ai l'impression de vous avoir toujours connu depuis que je me suis ouvert au monde" répondit-il, un bras autour de sa taille. "Pourtant nous nous sommes rencontré il y a... un an ou deux.
- Cela fait presque un an, jour pour jour. Je me souviens.
- Oh, et qu'ai-je fait dans ce souvenir ?
- Dix minutes après vous être présenté à moi, vous avez passé une heure à vanter la beauté de mes oreilles à tous ceux qui passaient près de nous.
- Cela me ressemble bien."

Elle ne craignait pas ses bras, il se montrait digne de sa confiance. Elle n'avait pas besoin de plus pour retrouver la paix et mettre de l'ordre dans ses pensées. A charge de revanche. Derrière cette crinière d'or un peu trop bien entretenue, elle avait fini par percer le mystère Mainzanet. Ce voile sur ses yeux, la mort cachée dans un coin de son regard empreinte d'une douleur silencieuse. S'il n'en avait pas conscience, l'instinct de la viéra lui hurlait que son ami avait lui besoin d'une ancre ne serait-ce que de temps à autres. Elle avait fait son choix.
"La prochaine fois que vous irez chasser le criminel en fuite, si je ne suis pas en voyage, je veux venir avec vous.
- C'est une part bien sombre de ma personne à laquelle je ne suis pas certain qu'il soit bon de vous exposer."

Un léger sourire se dessina sur le visage de Meleth, tandis que les eaux calmes à leurs pieds se teintaient de noir. Elle pouvait sentir les deux yeux luisants la fixer du fond des abysses.

"Vous croyez ?"
Lerith Il y a 5 jours et 17 heures


Une effervescence manifeste secouait le hameau de Sheshenewezi ce matin-là, quand on annonça qu'enfin le train allait repartir. Un grand nombre de passagers en attente depuis des jours se pressait déjà sur les quais de la gare. Pas mal de curieux -ou d'amoureux des trains- convergeaient tous vers un même endroit. Le chemin de fer du Xak Tural occupait, de toute évidence, une place importante dans le quotidien et le développement de la région.
Et parmi cette foule, plusieurs visages connus...
"Ah-... attendez-moi !"
C'est pourtant elle qui traînait des pieds derrière les trois elezens, la moins pressée de monter dans cet engin infernal malgré les potions d'Ivanhault contre le mal des transport. Chaque seconde que Meleth passait en dehors était une respiration gagnée et en même temps, elle ne voulait pas affronter ce calvaire seule. Aussi s'accrochait-elle comme une enfant à leurs manches. Elle n'avouerait jamais avoir la trouille, même sous la torture, mais en avait-elle seulement besoin quand le moindre crachin de vapeur de la locomotive la faisait bondir comme un moussemousse.
"Oh Mère-Forêt..."
C'était pourtant une magnifique journée. Une fois installés dans l'un des wagons remplis de passagers, Meleth se colla à une fenêtre en observant le paysage. Quand le train commença à bouger, elle se cramponna au siège se focalisant sur son objectif : aller au nord et renconter des communautés Shetonas. En ce moment-même, Noah devait être à la chasse avec Sheyen à faire à peu près tout comme lui sauf l'interroger sur sa culture... Ah, les hommes. Son regard se perdit un instant sur un troupeau de rroneeks traversant la plaine à contresens.
Bon, aller. Ce n'est qu'un voyage... dans un cercueil roulant à plus de trois cent yalms seconde...!
Elle était trop tendue pour participer aux discussion de ses trois camarades juste à côté d'elle. Sagramor à sa gauche, Silius et Ivanhault sur la banquette en face. Silius était le plus enthousiaste, et c'était bien là chose remarquable. Il ne cessait de parler, parler et parler encore sur les trains dont il ne cachait pas sa passion. Cela faisait sourire Meleth malgré son anxiété et bien qu'elle ne comprenne rien à son charabias. Elle ne savait même pas de quoi ils parlaient à ce moment mais au moins l'un d'eux fut suffisamment attentif à sa personne pour lever les yeux au ciel quand sa perle vibra à la descente du train une bonne heure plus tard, et qu'elle répondit en souriant. Ce n'était plus un secret pour personne qu'elle et "Boucle d'Or" s'apperlaient tous les jours comme des adolescentes.
" - ♪ - Mhm ? Oui, je suis partie. En fait, je viens d'arriver - Non pas encore, je regarderais les primes au retour là je ne sais pas combien de temps il me faudra pour réunir suffisamment d'informations sur les shetonas. - J'ai reçu, merci c'est gentil je l'ai sur moi pour le voyage. C'est fou comment les mogs sont capables de retrou-..."
Le train repartit en sens inverse. Mais sitôt qu'il eut disparu dans le tunnel vers Shaaloani, le ciel s'assombrit d'un coup mais rien d'alarmant jusqu'à ce que l'air se charge en ether de foudre. Le temps de lever la tête, un énorme flash traversa tout le wagon, englobant à la fois le train mais aussi tout le périmètre environnant. Il y eut un arrêt brutal, plusieurs personnes tombèrent sur la voie ou le long du quai d'où ils étaient en train de descendre. Les oreilles de Meleth sifflaient quand elle se redressa et regarda autour d'elle.
"Un accident...?"
Tout le monde semblait vivant, et avec tous ses morceaux... mais sa perle s'était coupée. Elle essaya de contacter les autres en vain. Son mémoquartz s'allumait mais impossible d'accéder à la base de données de la compagnie seulement celles de son appareil.
"Qu'est ce que c'est que ça...?"
Une voix attira son regard, elle leva un peu plus les yeux. Au-dessus des arbres, le ciel ne s'était pas seulement assombri. Il était maintenant caché par un voile opaque fait de nuages sombres et d'éclairs menaçants.
"Où-... où sommes-nous...?"

Premier jour : Le choc

Personne ne comprenait rien à ce qui se passait, mais ce n'était pas la première fois que Meleth se retrouvait coincée quelque part. Et puis, elle n'était pas seule. Elle partageait cependant l'incrédulité et comprenait l'angoisse des habitants. Tout en suivant le groupe depuis la gare jusqu'au village de Yyupe, elle envoya Nix vers le sud voir jusqu'où s'étendait cet orage et s'il leur faudrait longtemps pour en sortir. Son principal souci était de prévenir les autres puisque ni la téléportation, ni les linkperles ne marchaient. "Ils vont s'inquiéter."
En fait, jusque là elle se souciait plus de l'inquiétude de leurs camarades restés à Shaaloani plutôt que de leur propre sort. Par contre, l'immense tour d'où semblait venir l'orage la perturbait. On ne l'avait vue depuis l'autre côté des montagnes celle-là, ce n'était pas l'architecture locale, et les locaux d'ailleurs ne l'avaient jamais vu avant. Meleth fronça les sourcils mais pas longtemps. S'attendant à une menace, elle comme les autres virent arriver un genre de soldats en armures intégrales accompagnant une jeune fille habillée de façon très étrange qui s'adressa à la population avec gentillesse et compassion.
"Attendez quoi ? un accident ? La région où nous sommes a fusionné avec leur royaume ? Néo-Alexandrie ?"
Beaucoup d'informations d'un coup et la souveraine, bien que patiente, se trouva assaillie de questions en tout genre. Étrangement, cela rassura quelque peu Meleth. Un accident n'est pas volontaire, et pour une fois les inconnus armés d'une technologie avancée ne cherchait pas à les envahir ou à les tuer. Elle vit Nix revenir, le pauvre petit élémentaire complètement grillé et tremblant. Il avait dû tenter de sortir de l'orage en vain.
"Nous sommes bel et bien coincés. Mais ça va aller, ils vont trouver une solution. Essayons de voir où nous sommes."
En fait, ce jour-là, ils le vécurent comme une aventure, une mission d'exploration improvisée et une aubaine. Suivant le groupe de "réfugiés" à l'abri dans cette tour sombre, ils découvrirent Solution Neuf. Meleth qui s'attendait à une tour sombre et froide manqua d'en perdre la mâchoire devant cet espace et ces couleurs. Ils faisaient même pousser des arbres à l'intérieur !
L'accueil la troubla un peu cependant. Ils disposaient de moyens et en quelques heures, chaque personne s'était vue proposer un logement sur place comme s'ils avaient anticipé.Sagramor sentait venir "la douille", Silius par contre était comme un enfant dans un parc d'attraction à regarder tout avec curiosité, des tablettes portées par les sentinelles aux distributeurs de boisson que Meleth expérimenta à la sortie de "division résidentielle". Si elle réussit du premier coup -on ne sait comment- à ouvrir une cannette sans que le soda gicle partout -alors qu'elle l'avait bien secouée avant, la malheureuse !- l'elezen la lui chipa des mains pour goûter avant elle. 
"Hé !
- C'est sucré, c'est bon."

Voir le vieux hibou grognon aussi enthousiaste lui donnait presque envie de rester plus de quelques jours.
Le goût de la découverte atténua quelque peu l'angoisse de l'inconnu ce jour-là. Même si les perles ne fonctionnaient plus, tout laissait à penser que cet "accident" serait vite réparé. Il demeurait toutefois certaines inconnues : personne n'avait jamais entendu parler du royaume de Néo-Alexandrie, ni dans l'histoire de Tural, ni ailleurs dans leurs propres recherches. Assis dans un café, ils évoquèrent plusieurs théories assez vagues suggérant qu'ils auraient tout le temps de se renseigner maintenant que cette tour s'était révélée. Peut-être une nation cachée qui s'était décidée à apparaitre depuis la fin de l'Apocalypse ? Peut-être avaient-ils toujours été là ? Les idées fusaient de la plus basique à la plus loufoque. Meleth se réjouissait presque d'avoir "un peu d'avance" sur le reste du groupe, songeant qu'une fois le problème de liaison rétabli les aventuriers allaient se presser dans cette ville. Autant en profiter.
Pour elle, à ce moment là, c'était l'affaire de quelques jours tout au plus, des vacances forcées ou une mission imprévue, elle voulait le voir comme quelque chose de positif. Et même à la fin de la deuxième semaine, elle restait confiante.

Trois semaines : Tout ira bien

Elle sentait toujours le lien, même altéré avec des coupures allant de quelques minutes à parfois plus d'une heure qu'elle mettait sur le compte de l'orage étrange dehors, elle ressentait la présence des autres. C'était donc réciproque, ils savaient qu'elle était vivante. Ils devaient surement s'inquiéter mais trois semaines ce n'est rien. Ils se retrouveraient vite. Par contre, elle venait de rater le Bal des Monstres et n'avait donné aucun spectacle avec Lunaris pour la Veillée des Saints. Dommage. Elle n'aimait pas vraiment vivre ici même s'ils étaient bien traités et que cette ville était fascinante. Elle ne ressentait plus le Torrent, ou l'énergie de l'eau même lorsqu'elle y plongeait la main. Elle était toujours capable de s'y harmoniser mais Thlaloc semblait loin, trop loin pour qu'elle emprunte sa force. Bon, ce n'est pas comme si elle avait besoin de se battre ici.
"Excusez-moi, Meleth !"
En ouvrant la porte de son appartement temporaire, les bras chargés de quelques courses pour le soir, Meleth tomba sur sa voisine de palier. Vivian se trouvait elle aussi dans le train, une couturière hannoise un brin aventurière. Elles n'avaient jamais trop échangé jusqu'ici si ce n'est la politesse élémentaire et partagé quelques mots sur leur situation et leur impatience de rentrer chez elles.
"Bonsoir Vivian, excusez-moi je suis pressée je dépose juste mes affaires et je rejoins m-... ça ne va pas ?"
La raenne était pâle comme un linge, se tenant le ventre. Sans réfléchir, Meleth posa son sac d'aliments biotruc -de toute façon rien qui casse- pour la soutenir.
"Votre ami est médecin non...? Je ne me sens pas très bien aujourd'hui...
- Oui, bien sur venez avec moi."


Trois mois : Prendre son mal en patience

"Redis-moi pourquoi je dois faire ça ?
- Meleth, on vit ici depuis des semaines, toi et moi avons besoin de nouveaux vêtements à moins que tu comptes t'acharner à faire ta lessive en combinaison de plongée trois fois par semaine.
- Oui enfin c'est surtout toi qui en a besoin."

Vivian passa la tête au travers de la cabine d'essayage juste pour lui lancer un regard assassin avant de retourner à l'intérieur. Meleth soupira, tirant doucement sur la veste bleu néon qu'elle venait d'acheter.
"Je t'entends soupirer !
- C'est parce que je soupire. Ma garde robe me manque... ce soir c'est la Fête des Étoiles. D'habitude, on se réunit dans ma chaumière pour s'offrir des cadeaux. Le temps commence à être long."

Vivian ouvrit le rideau d'un coup sec, dévoilant son ventre légèrement arrondi sous une large robe mauve à liserai brillant.
"Tu es sérieuse là, tu te plains parce que tu vas manquer une fête avec tes amis explorateurs ? Ce n'est pas toi qui, non contente de te retrouver coincée ici pendant que ton employeur dehors a dû embaucher une nouvelle couturière, te retrouve en plus changée en pochette surprise !
- C'est le père qui sera ravi quand on va sortir.
- Écrases, tu veux ?"

Meleth sourit un peu, malgré tout. Vivian avait l'art et la manière de lui redonner le moral à sa manière. Le temps lui paraissait un peu moins long. Elle continuait de se focaliser sur le lien, toujours aussi instable, mais toujours bien présent.

Ils ne nous laisseront pas tomber.


Six lunes : Ce sera peut-être plus long

Le temps s'allonge, mais Ivanhault disait vrai : même s'ils attendaient de pouvoir sortir (sauf Silius parfaitement heureux ici) ils ne pouvaient passer leurs journées à tourner en rond et broyer du noir. Meleth avait beau garder confiance, elle dut se rendre à l'évidence que même avec une technologie aussi avancée, et même si dehors leurs amis -et probablement un paquet de monde- devait étudier le dôme avec sérieux, cela prendrait peut-être plus de quelques lunes pour les sortir de là, peut-être même plus d'un an. Il fallait l'encaisser mais ce qu'elle ressentait, le lien, était encore vivace. Si ce n'était pas le fruit de son imagination ou comme le suggère Sagramor "un truc similaire au membre fantôme des amputés", alors peut-être que... Silius semblait y croire lui, enfin quand il lâche un mot entre deux pages de son manuel sur l'electrope. Il ne décrochait plus de ses livres. Il fallait se faire une raison, prendre son mal en patience et tâcher de s'occuper. Elle avait reçu une première offre pour danser dans un club mais Ivanhault la poussa à viser plus haut. Lui-même allait rejoindre le philharmonique du septième étage, qu'avait-elle à perdre à tenter les agences plus prisées ? Il suggéra aussi de monter une équipe d'exterminateurs, avec ou sans régulateur, histoire de ne pas perdre la main.
En rentrant chez elle, Meleth frappa à la porte d'à côté les bras chargés de sacs de courses.
"Entre !"
Vivian s'ennuyait ferme au fond du canapé un oreiller dans le dos et enceinte jusqu'aux yeux. La visite de sa voisine lui rendit le sourire.
"Surtout reste où tu es, ordonna la viéra. Le docteur a dit : pas bouger.
- Si tu savais comme je m'ennuie ici... dis-moi que tu as une bonne nouvelle.
- Oui. Ivanhault a suivi ton conseil, il a des mèches bleues maintenant.
- Ah, là tu me fais plaisir.
- Et je t'ai apporté un milkshake vanille, pas de caféine.
- Moins bien... mais on fera avec."

Après avoir rangé les courses, Meleth s'occupa de plier les vêtements et de les ranger. S'occuper d'une femme enceinte et l'empêcher de déprimer lui maintenait la tête hors de l'eau elle aussi. Cela et les soirées où elle venait frapper à la porte des "Terreloire" avec les provisions d'un restaurant quelconque en traînant derrière elle Sagramor et Ely. Cela pourrait bien devenir une habitude...

Un an : S'occuper l'esprit

"Eh, tu as vu ? On dirait pas... ?
- Ah si, si c'est elle. Eh salut !"

Meleth tourna la tête vers l'autre bout du bar et sourit aux deux hommes qui murmuraient en la regardant avant de remettre ses écouteurs dans ses oreilles. Grâce à Silius, elle avait pu transférer toutes les données de son mémoquartz, désormais inutilisable, sur les appareils alexandrins, y compris la musique. Elle écoutait beaucoup de musique, et beaucoup les chansons des Lunaris. Ils lui manquaient, plus encore sur scène maintenant qu'elle se produisait à nouveau. Elle n'avait pas le succès des "idols" locales mais son style et son "exotisme" plaisait assez... assez pour la faire connaître, hélas pas que pour sa musique.
"Un autre verre Meleth ? demanda le barman.
- Hm ? Oh non merci, je vais rentrer. Je crois qu'on m'a un peu trop remarquée pour aujourd'hui.
- C'est une bonne chose, les affiches pour l'auréole plaisent. Tu vas aider pas mal de monde je pense."

Elle se contenta de sourire et lui faire un signe de main en s'éloignant de Vraie Vision. Ici, les artistes sont également sollicités pour faire des campagnes publicitaires, c'était dans son contrat. Au moins, elle contribuait au développement des Faubourgs où vivait Ely, et un tas d'autres réfugiés désormais citoyens de Néo-Alexandrie. Oh, et elle pouvait aussi aider Vivian qui peinait un peu à joindre les deux bouts avec le bébé.

♪ Que peut-on espérer de mieux, vers l'Infini et on verra ! ♪

Elle coupa la musique en entrant chez elle et soupira. Le silence une minute. Puis elle appuya sur le bouton de l'enceinte sur le buffet, remplissant l'appartement vide de ses chansons préférées. Sur l'écran du salon, l'écran de veille faisait défiler les clichés pris avec son mémoquartz avec les commentaires de ses camarades. Un an déjà qu'elle n'avait pas navigué, exploré de nouveaux horizons, sentit le vent marin... tout ce qu'elle avait, c'était ces images et sa musique.
"Si vous saviez comme vous me manquez tous."
Elle ferma les yeux, et se mit à danser.

Trois ans : Continuer à vivre

"Encore une mission réussie, pour changer. On se voit demain."
Après être descendue du monodrone de Sagramor qui la déposa devant l'ascenseur -il lui en faudra un comme ça un jour- Meleth remonta à Solution Neuf le nez sur son portable, ajoutant le cliché de leur dernière mission réussie à son album personnel. Elle n'en avait pas raté un seul depuis leur toute première en tant qu'exterminateurs. D'après son agent, cela ajoutait à sa popularité mais elle ne faisait surtout pour elle, pour avoir quelque chose à monter aux autres quand ils se reverraient. Non, elle ne perdait pas espoir même si avec le temps elle abordait moins le sujet, surtout en présence d'Elyaska qui se renfermait de plus en plus dans sa douleur.
En arrivant devant l'immeuble, elle s'arrêta au distributeur, comme d'habitude. Et elle acheta sa cannette de soda pétillant avec le démon sur l'étiquette, comme d'habitude. Le goût lui rappelait son thé glacé de l'Escale en plus sucré. Elle sourit à la première gorgée et monta... Comme d'habitude.

Arrivée en haut des escaliers, elle fut saluée par plusieurs personnes. Depuis qu'ils étaient devenus exterminateurs, la petite équipe de "turaliens" connaissait un certain succès auprès de leurs voisins de palier. Mais il n'y en avait qu'une dont l'admiration comptait vraiment.
"Mel-Mel !"
La porte à côté de son appartement s'ouvrit, laissant apparaitre Vivian souriante et sa petite fille de deux ans qui marchait à peine. Mais l'enfant tendait les bras vers elle et s'avança courageusement sur les trois yalms qui la séparaient de la viéra.
"Mel-Mel ! Mel-Mel !
- Si tu continues ta mère va me détester petite fugueuse"
souffla Meleth en la soulevant dans ses bras.
"Je t'en veux encore qu'elle ai prononcé ton nom avant de dire maman" Soupira Vivian sans le moindre sérieux. "Tu peux toujours me la garder ce soir ?
- Oui, sans problème. File à ton rendez-vous, ça fait des lunes que tu n'es pas sortie."

Reconnaissante, Vivian hocha la tête et embrassa sa fille avant de prendre son sac. "Je te remercie."
Meleth aida la petite raenne à faire aurevoir de la main et rentra à son tour dans son appartement, la petite sur le bras. Elle qui ne voulait pas d'enfants se retrouvait à faire la babysitter pour la voisine d'à côté après le travail, mais elle le faisait avec plaisir. Et tout en fermant la porte derrière elle, elle demanda :
"Alors Vanish, t'ai-je déjà raconté l'histoire des aventuriers et du rodéo de tréants ?"

Cinq ans : se faire une raison

Assise dans son canapé, écoutant en boucle toujours ses mêmes musiques favorites, Meleth passait en revue tous ses clichés. Le fils remonta au début, les plus anciens, ceux de son vieux mémoquartz. Elle les fit défiler lentement, cette pensée s'imposa à son esprit : cinq ans. Cinq années. Autant de temps qu'elle en avait passé en Eorzea après son départ de Golmorre. Lhei était probablement devenue une virtuose de l'eau, Noah devait sans doute la protéger avec Luka puisqu'elle était la dernière Fille du Torrent désormais. Du moins, la dernière connue. Et Lunaris, le groupe avait-il tenu sans elle ? L'avaient-ils remplacée ou...?
L'enceinte sur le buffet se tut une seconde, le temps de passer à la chanson suivante, une des siennes.
Elle les chantait toujours ici. On lui avait même assigné des danseurs pour l'accompagner sur scène puisqu'elle n'aimait pas être seule. A plusieurs reprises, elle avait eu l'occasion de se produire avec Ivanhault. Elle avait encore l'affiche en sauvegarde, sa petite fierté. Vivian était de tous les spectacles, elle s'occupait des costumes et la paye suffisait à élever sa fille maintenant en âge d'aller à l'école.
Vanish adorait sa musique, mais par-dessus tout elle adorait ses histoires. Grâce à cette enfant et sa curiosité, la viéra n'aurait pu oublier le moindre nom ou le moindre visage de sa vie passée tant on la sollicitait pour les répéter et parler d'eux. Si dehors elle n'abordait plus le sujet, pas plus que lors des dîners hebdomadaires avec ses amis, son appartement était devenu un temple dédié à son passé et à ceux qui lui manquaient. Sa musique, son écran de veille, mais aussi les pages de son carnet avec ses croquis -médiocres mais ressemblants tout de même- qu'elle avait elle-même arrachées pour les mettre sous verre, protégées, et les accrocher au mur. Chaque fois que l'enfant venait chez elle et réclamait une histoire, elle pointait du doigt l'un de ces portraits ou paysages et commençait à en connaitre par cœur chaque lieux, chaque personnage que la viéra lui présentait.

"Il faut te faire une raison" disait Vivian. Elle s'était résignée à finir ses jours ici, mais pas Meleth. Pas encore. Ce soir-là, elle céda à son chagrin, seule, et alluma son mémoquartz pour y laisser un message à l'attention de ses camarades accompagné de sa meilleure photo. Hélas, le bouton de chargement tournait dans le vide. Aujourd'hui comme il y a cinq ans, elle n'avait aucun moyen de leur parler.
"Pourtant je le sens toujours... le lien. Je le sens... je vous jure que je le sens...!"
Les larmes coulèrent en silence. Cinq ans déjà. Demain, elle continuerais à vivre mais ce soir elle avait mal.

Sept ans : Accepter le changement ?

"C'est bientôt l'heure de rentrer Vanish."
En regardant la petite raenne boire son milkshake double-chocolat avec gourmandise, Meleth retrouva un semblant de sourire. Elle n'avait peut-être pas décroché le trophée de l'artiste de l'année mais elle pouvait encore concourir au championnat des babysitter. Cette enfant était un rayon de soleil, même Elyaska qui râlait et contestait tout - une adolescente tardive comme en riait Ivanhault - souriait en sa présence. Elle n'avait connu que cela, que cette vie. En passant sous les arcades, elles virent le visage de Sagramor sur une retransmission de la dernière course. Elle entendit sa propre voix sur la vidéo, "hyperspeed" composé par Ivanhault avait probablement sauvé sa carrière cette année... 

"Ma chériiiiiiie, cela fait six ans, SIX ANS que tu chantes la même chose. Tu as largement passé la date de péremption d'une idole de centre-commercial et c'est une bonne chose, mais si tu ne renouvelle pas ton répertoire tu vas finir par animer les soirée loto en maison de retraite !
- J'ai toujours composé ou repris des chansons à partir de mes voyages Jesse, ce n'est pas facile de trouver l'inspiration.
- Pas de panique, pas de panique, on va trouver une solution chérie. Je peux m'arranger pour que tu fasse l'ouverture de la prochaine ligue poids mi-lourd à l'Arcadion mais il te faut un nouveau tube à présenter. Zou, vas t-en, rentre chez toi et travaille !"


Jesse était fatigant, mais au moins il était infatigable et malgré ses critiques constantes, il avait soutenu sa musique jusqu'ici et maintenu à flot son audience en jouant de publicités et d'évènements populaires. En rentrant chez elle, comme toujours elle leva les yeux sur les murs inondés de ses souvenirs et alluma son enceinte, pas sa playlist habituelle mais une station locale. Elle écouta, tout en buvant sa cannette quotidienne. Elle ne remarqua pas tout de suite la notification sur son portable. Un message d'Ivanhault, avec une pièce jointe.
"Chantez-la."
Toujours avare d'explications celui-là. Elle sourit malgré tout et lança le lecteur reconnaissant la voix de l'elezen dans un son bien différent de ses dernières expérimentations musicales, et très différent de ce qu'elle-même avait l'habitude de chanter. C'était... puissant. La viéra se laissa tomber dans le canapé, écoutant jusqu'au bout une main sur la bouche. Elle se souvint d'une discussion il y a quelques temps, pas très loin d'ici, de Vanish et d'un milkshake double-chocolat. Une discussion à propos de ce mouvement de "résistance".
"Une voie, ou bien une voix un peu plus dissonante, Ivanhault ?"
Elle prit quelques minutes, se leva, se mit au travail. Elle commencerait par celle-ci, mais il y en aurait d'autres.

Dix ans : Y a t-il encore un espoir ?

Les écrans géants de Vraie Vision diffusaient encore les images de la course sur le son de sa dernière chanson. De la technique des pilotes et les gros plans sur le visage de ses amis jusqu'au crash "mortel" de Sagramor tout n'était que spectacle. La mort ici n'existe pas, la mémoire non plus et c'est peut-être le pire. Ils applaudissent, ils sont ravis. Ils ne voient pas au-delà, pour la plupart d'entre eux.
Après avoir laissé Silius au bar et croisé Ivanhault dehors avec Elyaska, Meleth ne se sentait pas encore prête à rentrer. Elle marchait sans but précis, ses pas la conduisirent aux abords de l'Arcadion près des fontaines. C'est là qu'elle aimait chanter le plus, mais pas ce soir. D'une, parce que l'allée toute entière entendait déjà sa voix sur les images qui passaient en boucle à l'écran, et ensuite parce que l'euphorie du début de soirée avait laissé place à une profonde mélancolie. Cela faisait dix ans ce soir qu'ils étaient ici, et si Ivanhault semble rajeunir de jour en jour, dix ans c'est beaucoup.
Assise sur le bord de l'un des bassins lumineux, Meleth sortit son mémoquartz de sa poche. Ivanhault lui avait posé la question le plus simplement du monde :
"Vous le regardez encore ?"
Cela voulait dire que lui non. Dix ans, c'est long. Ils avaient une vie ici, s'accrocher à la précédente reviendrait à souffrir pour rien il n'y a qu'à voir Elyaska devenue aigrie, mauvaise et médisante. Elle avait revu Silius ce soir après trois ans à ne faire que l'apercevoir de temps à autres, il ne restait même plus lors de leurs dîners hebdomadaires. Les orphelins turaliens ont tous grandi, les souvenirs de leurs parents se sont peu à peu effrités. Elle-même, si elle a la chance de conserver les portraits de ses amis elle a oublié le son de leurs voix, le goût du thé glacé de l'Escale et des chocobulles de Kyuuji. Elle s'accroche encore à ces sensations, au lien toujours présent mais toujours figé comme lorsqu'elle perd la connexion sur son écran et que l'image reste fixe. Sans doute devrait-elle cesser d'y penser, l'ignorer, oublier. Ce serait tellement plus facile d'oublier... mais l'espoir est aussi cruel que tenace.
Elle hésita, et commença à écrire sur son mémoquartz. Elle n'entendit pas les pas s'approchant doucement.
"Est-ce que tout va bien mademoiselle ? J'ose mais... plus j'entends votre chanson et plus j'ai l'impression que vous n'allez pas bien."
Elle leva les yeux et vit un shetona aux yeux vert lui sourire. Il portait un blouson de l'arcadion ainsi qu'un régulateur spécial.

Quinze ans : Le vernis s’effrite

"Voilà, c'est terminé."
Kris sauta de l'escabeau. Le shetona, satisfait de son travail, recula de quelques pas pour s'offrir une vue d'ensemble de son travail. L'aquarium de -très- grande taille était maintenant incrusté dans le mur en electrope, et la trappe au-dessus suffirait à laisser passer un corps entier sans difficulté.
"Avec ça, tu devrais pouvoir retrouver un peu de ton milieu naturel" Déclara t-il fièrement, se tournant vers Meleth. "Je t'avais dit que j'étais doué ! Je devrais ouvrir ma propre entreprise quand j'aurais pris ma retraite de l'Arcadion tu ne crois pas ?"
Meleth cligna des yeux, fixant l'intérieur de l'aquarium comme si des milliers d'images lui traversaient l'esprit en même temps. Ce n'était rien, à peine un petit carré d'eau avec un décor réaliste attendant ses pensionnaires mais elle se rappelait de vastes étendues d'eau claire où elle aimait plonger. Les larmes lui montèrent aux yeux.
"Eh, ça va Meleth ?
- Oui c'est... magnifique."

Kris leva les yeux un instant sur le mur du fond tapissé des souvenirs de l'ex-exploratrice. Depuis qu'ils se connaissaient, elle n'avait jamais évoqué le passé encore moins en présence de ses amis. Même lui qui comprenait le sens de sa musique n'avait compris l'ampleur de son manque qu'en voyant ce mur. Et elle ne l'avait laissé rentrer que parce qu'il s'y connaissait en montage de mobilier.
"Pardon je.. j'étais dans mes pensées Kris, tu disais ?
- Je disais qu'une fois que j'aurais pris ma retraite de l'Arcadion j'aimerais ouvrir mon propre commerce dans le quartier des champions. Mais bon, l'idée c'est de ne pas y aller seul."
Son regard en disait long lorsqu'il lui souriait. Après s'être essuyé les mains il les posa sur son épaule, elle sentait bien ce qui allait arriver.
"Oh...
- Qu'est ce que tu en penses ? Pas besoin de tabloïds ou d'agent, ou de faire de la publicité. Ce serait juste nous et cette vie.
- Kris je..."

Elle se posait tellement de questions. Quinze ans déjà et toujours aucun signe de l'extérieur du dôme. La plupart des orphelins turaliens avaient grandi, les autres vieillis, les plus âgés de leurs voisins s'étaient éteins paisiblement et la plupart des gens avaient renoncé à l'idée de revoir un jour Tural. Quinze ans après, il était certain que la compagnie n'existait plus ou était passée dans d'autres mains. Ganelon était probablement mort, lui qui prévoyait de ne pas vivre vieux. Elle doutait fortement à présent que le lien qu'elle ressentait encore soit réel, elle avait décidé de l'ignorer depuis quelques lunes mais parfois la tentation était trop forte. Kris était l'image de l'avenir et du succès à Solution Neuf. Il avait gravi les échelons de la ligue jusqu'à atteindre les poids lourds et gagné plusieurs matchs d'affilée après des années d'efforts. Il était gentil, et il la comprenait alors...

"Où que tu ailles, où que je sois..."

" ... Je ne peux pas.
Kris sourit tristement. Digne jusqu'au bout il se redressa, souffla du nez sans relâcher ses épaules.
"Je le savais. T'inquiète, je comprends.
- Je suis désolée.
- Non, non ne le sois pas s'il te plait. Si j'avais eu des personnes à qui tenir comme ceux que tu conserve sur ce mur, je m'y accrocherais de toutes mes forces moi aussi je pense."

Sans un mot de plus, il la serra dans ses bras, concluant cette histoire qui n'aurait jamais été qu'une chimère.
"Et puis, il me reste ma passion du bricolage. Tu viendras me voir pour que je m'occupe de ton aquarium, hm ?
- Promis."

Alors qu'elle le raccompagnait dehors, Meleth fut surprise de trouver Vivian debout devant sa porte juste à côté. La raenne se tenait debout devant chez elle, fixant le sol sans bouger, le regard vide, éteint. Elle tenait dans sa main la carte d'accès mais semblait ne pas vouloir entrer alors qu'à l'intérieur de l'appartement on pouvait entendre Vanish qui écoutait sa musique à fond et chantait joyeusement -faux- en agitant ses bombes de peinture.
"Vivian... qu'est ce qui se passe ?"

Dix-sept ans : Je te promets

La promesse faite à Kris ne fut jamais tenue. Quelques semaines après qu'il eut annoncé sa retraite prochaine de l'Arcadion, le shetona s'était volatilisé. C'est par un communiqué de presse que Meleth avait appris son départ pour le fameux quartier résidentiel réservé aux champions, pas un message depuis. Elle aurait été triste si la situation avec Vivian n'avait soudainement empiré.
Deux années se sont écoulées depuis qu'on lui a diagnostiqué la Maladie de la Foudre et elle ne pouvait maintenant plus travailler. Vanish avait seize ans. La petite fille que Meleth emmenait à l'école le matin était presque une adulte maintenant. Les courses, la mode, les copines, tout cela s'était dissous avec la progression de la maladie, bien que Vivian lui ai caché son état aussi longtemps que possible elle comptait aujourd'hui sur Meleth pour s'en occuper. Cela coïncidait avec sa petite baisse de popularité sur scène depuis la disparition de Kriss, et puis Jesse n'était plus tout jeune malgré son énergie. D'autres artistes étaient apparu le marché, et elle n'avait pas sortit de nouvelle chanson depuis plus d'un an.
"Je sais que je te demande beaucoup mais... J'aimerais que tu l'emmène voir le monde quand le dôme s'ouvrira. Tu sais, je n'ai jamais perdu espoir, au moins pour elle. Promets-le, Meleth.
- Je te promets."

Vingt ans : Une vie manquée

Depuis la mort de Vivian, Meleth se mêlait de moins en moins au groupe et au monde en général. La mort de Vivian, aussi terrible soit-elle, avait éveillé en elle un sentiment terrible de mélancolie et de désespoir. Elle voyait Ivanhault vieillir, Silius plus encore. Vanish était devenue une jeune adulte. Les plus âgés des anciens "réfugiés" s'étaient tous faits une raison, leurs enfants n'avaient connu que cette vie et une nouvelle génération commençait à voir le jour. Qui était-elle dans ce monde où elle ne voulait pas rester, même après tout ce temps ? Un monde sans forêts, sans nature, sans rivières, sans la mer... Vingt ans qu'elle remplissait son mur de souvenirs et répétait chaque soir le nom de ces gens qui avaient probablement changé, pour peu qu'ils soient encore en vie.
"Il faudra vous préparer au choc" disait Ivanhault. Pendant un temps, les rappels de sa prédictions l'avaient rassurée mais après vingt ans et même si elle le croyait, la peur grandissait dans son ventre. Combien de temps encore ? Silius n'en avait plus pour longtemps. Ivanhault allait vieillir lui aussi, puis ce serait au tour de Sagramor. Ne resterait qu'Elyaska qui verrait à son tour partir nombre de ses protégés et tout cela pour quoi ? Pour retrouver un monde où tout le monde les aura oublié, où elle aura tout manqué. Ganelon était probablement mort, la compagnie éteinte ou trop différente, et Noah, allait-elle vraiment le retrouver vivant ou la prédiction voulait-elle dire autre chose ?
" - ♪ - Meleth tu es chez toi ? Soirée jeux chez les Terreloire !"
Au moins elle avait ces moments. Au moins elle pouvait profiter de leurs présence tant qu'ils étaient encore là.

Vingt-deux ans : En bout de course

"- ♪ - Je suis désolé, nous n'avons plus de place pour vous.
- ♪ - Je comprends, merci."

Ce devait arriver tôt ou tard après que Jesse ai pris sa retraite. Qui voudrait s'occuper une chanteuse ayant plus de vingt-ans de carrière quand Solution Neuf ne manque pas de nouveautés plus jeunes et plus jolies, moins exotique. Ses chansons avaient toujours du succès mais le travail se faisait rare. "Profite de la vie" disait-on, "savoure les fruits de ton travail, de ton succès". Elle continuait les missions en tant qu'exterminatrice, mais en solo. Année après année, Meleth sombrait peu à peu dans la solitude.

Vingt-cinq ans : A quoi bon ?

Meleth pose pour la dernière fois le mémoquartz à l'emblème de la compagnie sur le sol devant elle. Assise contre le dossier du canapé dans sa chemise blanche vieillie, trop large, à l'épaule déchirée, son regard se porte sur son mur et tous ces visages et ces lieux dont elle répétait chaque soir le nom pour ne pas oublier. Pourtant elle ne pouvait lutter, les détails s’effritent et les voix s'éteignent, ils ne sont plus que fantômes cohabitant dans cet appartement. Dans un moment de faiblesse, elle se dit qu'il est trop tard et qu'elle ne les reverra jamais. Que si elle les revoit, ce sera pire encore car elle devra faire face à la réalité d'une vie qu'elle n'aura pu vivre. Vingt-cinq ans à espérer, à croire que la prochaine année sera la bonne, jusqu'à nier la réalité. Dans un moment de faiblesse, elle refuse de voir partir un à un tous ceux qu'elle chérit et ceux qui lui restent, elle a déjà trop perdu. Dans un moment de faiblesse, elle ne pense plus à ce qu'elle promis, à ce en quoi elle croit, elle ne fait que demander pardon et fixe sur regard sur le mur, qu'ils soient la dernière chose que ses yeux verrons avant qu'elle ne tombe lourdement sur le côté. Dans un moment de faiblesse, elle n'a plus ni courage ni volonté, seulement de piètres excuses pour un acte égoïste.
Je suis désolée.
La porte s'ouvre. Ses yeux voilés perçoivent encore la couleur blonde des cheveux de Vanish qui lui a encore piqué un double de la carte d'accès et entre avec un sac de fastfood et commence à parler de quelque chose avec enthousiasme... avant de crier. Elle ne voit pas tout de suite le sang qui coule sur le sol en electrope mais en le voyant sur ses mains la raenne saisit son communicateur pour appeler quelqu'un.

"Meleth tu m'entends ? Accroche-toi, tu peux pas me faire ça ! tu m'as promis de m'emmener voir le monde ! TU AS PROMIS !"

Trente ans : Convergence

Les cinq années suivantes, bien qu'elle ai survécu à sa -stupide- tentative de mettre fin à ses jours, Meleth demeura terne. Ainsi que le disait Terrechant "l'étoile ne brille plus". Cela lui laissait davantage de temps pour s'intéresser aux informations qu'Elyaska leur transmettait. Son amie avait rejoint le mouvement de "résistance" dans les Faubourgs, et les nouvelles n'étaient guère réjouissantes :
La construction d'un avant-poste dans le tunnel près de l'ancien chemin de fer laissait à penser que les recherches pour ENFIN ouvrir le dôme étaient sur le point d'aboutir, vague espoir auquel Meleth ne voulait pas trop s'accrocher. Ce qui dérangeait, en revanche, était la militarisation progressive de la Gardienne d'Eternité, la fermeture de l'Arcadion pour réaffecter les réserves d'âme à l'origénèse, et le déploiement massif de sentinelles aux frontières du territoire.
"Même les exterminateurs peinent à trouver de quoi alimenter leurs régulateurs."
Elle n'aimait pas cela, vraiment pas. Que l'on veuille protéger ses frontières en vue d'une ouverture sur l'extérieur paraitrait sensé mais autant d'effectif, autant d'armes, autant de restrictions sur les civils... Cela ne lui rappelait que trop une autre vie, une autre guerre à présent lointaine.
Chaque jour, elle enfourchait son motodrone et partait en reconnaissance solitaire, se justifiant par son statut d'exterminatrice vétérante, et allait jeter un œil sans trop s'approcher. Elle savait que Silius était impliqué là-dedans mais le vieil elezen était tenu au secret. Alors, elle transmettait ses observations à Elyaska puis rentrait mener sa vie d'artiste sans éveiller les soupçons. C'est un soir ordinaire que cela se produisit et que sa vie bascula de nouveau.

Elle se trouvait dans l'ascenseur menant à Solution Neuf ; les portes venaient de se fermer. Elle n'avait aucune idée de ce qui se passait alors à des lieues d'ici du côté de l'Avant-Garde qu'elle observait il y a à peine deux heures. D'un coup, son corps tout entier fut pris d'un spasme violent au moment où le lien s'éveilla brusquement. Cette image fixe, cette sensation persistante mais gelée dans son esprit se mit soudain en mouvement et elle ressentit la présence de chacun d'eux comme si elle les avait quitté hier. Elle vacilla et tomba à genoux quand l'ascenseur se mit en route.
"Qu'est ce que.. qu'est-ce qui m'arrive ?!"
Elle avait tout oublié de ces sensations qui l'assaillirent par surprise. C'était trop fort, trop soudain... trop impossible. Comment pouvaient-ils être toujours là, tous, trente ans après ? Sa vision se troubla, ses jambes refusèrent de la porter, son cœur tambourinait dans sa poitrine elle était au bord de l'évanouissement.

"...Ils arrivent"
Noah Il y a 5 jours et 15 heures
Alors que les environs s'agitent, le Viéra sort de sa torpeur et quittant la hauteur relative de sa tour de guet improvisée, il se dirige d'un pas calme mais décidé vers son "ennemi" de ces sept dernier jours.

"A nous deux...."

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