[Kikyo] III - Au-delà de l'Eternel

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Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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"Dans trois jours, je serais de nouveau capitaine, ou bien je serais veuve."
Le loup noir, couché sur le tapis d'herbes humides près de l'étang, contempla longuement la femme qui se tenait devant lui. Sa dignité n'avait d'égal que celle de sa mère, vingt-cinq ans plus tôt, mais si Kagome s'était résignée à son sort et à celui de l'homme qu'elle avait aimé contre les lois et la morale, Kikyo avait quelque chose en plus : l'espoir, et la rage.
"Il est rare que tu vienne prier les esprits, Fille des Songes, toi qui ne crois qu'en les hommes.
- Ce n'est pas pour prier que je suis venue, Gaïto. Mais pour demander aux esprits de Yume-dori de payer leur dette envers l'un de ceux qui ont abattu le kami noir."

Gaïto montra les crocs et un grondement sourd remonta dans sa gorge. Kikyo lui faisait face, froide comme la glace, consciente que malgré le sang qui coulait dans ses veines elle n'était ici que tolérée et que le gardien, d'un coup de pattes, pouvait lui briser la nuque ; d'un geste ou d'une parole il pouvait lâcher sur elle les meutes de la montagne et la laisser dévorer vivante. Pourtant elle ne bougea pas, fixant les deux émeraude luisante dans lesquelles elle voyait son reflet.
"L'amour te rendrait-il inconsciente, Fille des Songes, pour oser venir ici, exiger mon intervention ? N'ai-je pas fait assez pour toi ?
- Je ne vous ai rien demandé, et j'espérais ne rien avoir à vous demander. Mais il s'est battu pour vous, il a tué pour vous et par deux fois, il a défendu le territoire des loups et la forêt sans rien demander en retour.
- Rien demandé, dis-tu ?"


Le grand loup noir se leva. Autour de l'étang la forêt s'assombrit et l'air se chargea en énergie. L'espace de quelques secondes, le doute traversa l'esprit de l'intruse qui recula d'un pas mais elle n'en montra rien et se contenta de suivre du regard le gardien qui lui tournait autour en la fixant, et en lui parlant avec colère.
"Lui dont l'héritage déclinait, dont le clan se mourrait sous le poids de son orgueil, n'es-tu pas une bénédiction suffisante pour lui avoir rendu et même offert plus qu'il n'aurait espéré lui-même ?
- Il m'a choisi pour cela.
- Et qui t'as envoyé à lui d'après-toi, insolente !"

Un coup de vent accompagna le tonnerre de sa voix rauque tandis que le cercle qu'il dessinait autour de sa proie se resserrait.
"Quel augure à soufflé à ton seigneur de te désigner pour aller en occident à sa rencontre, quels signes ont appelé à ce que tu croise son regard afin qu'il soit libre de cueillir ton respect, ta loyauté ou même ton coeur, qui a présidé votre union le jour de votre mariage et offert la bénédiction du temple, n'était ce pas suffisant ?
- Non cela ne l'est pas, il va peut-être mourir s'il n'est pas déjà mort !
- Un humain de plus ou de moins, quelle importance."

Il tourna la tête, et se détournant d'elle, commençant à se diriger vers la forêt.
"C'est important pour moi, et pour mes enfants !"
Sa voix tremblait, Gaïto ne bougea plus et lui répondit sans se retourner.
"Ta voix tremble, ta peur te trahit. Pars, ou je te dévore."
Kikyo serra les dents, le loup s'apprêtait à repartir mais elle répondit à son tour.
"J'ai peur, oui. Mais la peur que vous sentez n'est pas la même que celle que j'éprouve à me trouver ici. J'ai peur de le perdre, de voir toute une partie de ma vie s'écrouler, de devoir renoncer à l'équipage, à mes ambitions, parce que sans lui je devrais me consacrer aux enfants afin qu'ils ne perdent pas un deuxième parent. J'ai peur de leur dire que leur père ne rentrera jamais. Sans lui, la vie que je mène n'a plus de sens, plus de saveur. A quoi bon être femme si je n'ai plus son regard, à quoi bon le succès si je ne peux plus le surpasser, à quoi bon le monde s'il n'en fait plus partie ?"
Les larmes avaient commencé à couler sur ses joues sans qu'elle s'en rende compte, la douleur se lisait dans ses yeux comme si un épieu qu'elle avait elle-même planté dans son coeur de diamant l'avait fissurée de part en part. Le loup noir ne bougea pas, immobile, face à la forêt. Il ne voulait pas la regarder craignant de voir le visage misérable d'une femme désespérée. Lorsqu'il en trouva la force, il se figea sur place. Pour la première fois, le sombre gardien fut frappé de stupeur.

Au cours de sa longue existence, il n'avait croisé que peu d'humains et les avait vite détesté. Plongé dans le Cauchemar, veillant sur la porte, il avait côtoyé le pire des songes de l'humanité et perdu la foi ne serait-ce qu'en leur capacité à se surpasser au-delà de leur limite fixée à leur égoïsme. Leur acharnement, leurs obsessions n'étaient que parasites à ses yeux, source de maux et de tourments. Mais cette femme, cette simple femme mortelle dont la courte vie n'avait guère plus de valeur que des millions d'autres, elle n'était ni une élue, ni une héroïne, encore moins un grand chef politique ou militaire, cette femme n'était qu'un grain de sable dans une masse et pourtant il voyait son aura blanche, étincelante comme un millier de diamants.
"Aidez-moi à le sauver, Gaïto. Vous le lui devez, vous NOUS le devez."
L'amour n'avait jamais été, et ne serait jamais une faiblesse, ce n'était pas une femme désespérée capable de mourir par amour, ni même de tuer par amour. Mais elle était capable de se battre tant que ses jambes la porteraient, avec la conviction de pouvoir réussir quelqu'en soit le prix à payer, qu'importe si elle devait tenir tête à ses loups et souiller de leur sang la terre de ce sanctuaire. Etait-ce là l'humanité ?

"Tu l'aimes donc à ce point. Dit-il calmement.
- Plus encore. Il n'y a jamais eu, et il n'y aura jamais que lui. Je refuse que tout s'arrête maintenant."
Il la fixa à nouveau de son regard émeraude.
"Qu'il tombe aujourd'hui ou par le poids du temps, il tombera un jour. Qu'espères-tu vivre encore à ses côtés ? Que lui reste t-il à accomplir ?"
Ils se toisaient l'un et l'autre, se jaugeant mutuellement sans pouvoir en lire les intentions.
Puis, Kikyo ferma les yeux, son aura ne faiblit pas et elle pris une profonde inspiration.
"L'avenir."
Un sourire éclaira son visage froid, marqué par la douleur.
"Il se laisse si aisément aveugler par la colère et l'orgueil. Je sais qu'il a encore des choses à faire, mon rôle est de lui ouvrir la voie."
Parce qu'elle l'avait rencontré et pour la première fois de sa vie, sa raison, son ambition et son coeur avaient trouvé le parfait équilibre. La mort de Lantis avait peut-être laissé un grand vide, elle avait peut-être tatonné et fait plusieurs erreurs, mais...
"J'étais... à deux doigts de réussir. Je peux encore réussir, il est tellement plus qu'il ne l'imagine lui-même tant il s'accroche à ses idées reçues. Cet avenir je l'ai touché du doigt, je l'ai senti juste avant que ce malheur n'arrive, je refuse d'y renoncer vous m'entendez ? Il m'appartient !"

Le silence s'abattit de nouveau sur le sanctuaire des rêves, concluant ce huis-clos entre le kami qui haïssait les hommes, et l'épouse de l'homme qui haïssait les esprits.
Gaïto ferma les yeux.


"Je ne promets rien."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Kimiko avait pleuré à chaudes larmes. Lorsqu'elle vit son père passer la porte de la chambre, un cri aigu retentit dans toute la maison, un cri mêlant la joie, la colère et le soulagement dans la bouche d'un enfant de deux ans. Elle avait tendu les bras, répétant mille fois le mot "papa" jusqu'à ce qu'enfin elle puisse enfouir son visage contre lui. Kikyo observait la scène, les larmes aux yeux sans pour autant s'autoriser à les verser.
Quel sentiment étrange, que de se sentir à la fois au comble du bonheur et le coeur déchiré. Ils avaient vaincu, ils avaient ramené Akira Kurusu sain et sauf, ils étaient tous rentrés... sauf un. Le corps de Mitsuhide reposait à présent dans une chambre au repos du Lotus, aux bons soins de Hotaru, son urne funéraire rejoindrait l'autel des ancêtres.
Le soleil commençait à poindre sur la Mer Orientale quand Kimiko s'endormit enfin, et que le baiser interrompu par Haku et Murasaki quelques heures plus tôt pu reprendre où ils s'en étaient arrêté. Dormir pouvait attendre, après toutes ces semaines passées, cette angoisse, elle retrouvait la chaleur de ces draps blanc parfumés. De longues heures elle plongea son regard dans le sien, changé pour toujours par sa confrontation avec le démon Orochi, mais il était toujours le même. Pour la première fois depuis longtemps, elle s'endormit presque paisible.

Il faisait grand jour lorsqu'elle ouvrit les yeux, sans doute le début de l'après-midi. Dans la maison, les servantes s'affairaient à leurs tâches, il y avait du bruit dehors dans la rue, le monde entier retrouvait la vie à travers ses sens depuis qu'elle avait retrouvé la pièce manquante.
Allongée sur le dos et blottie contre son amant, Kikyo serrait toujours sa main dans la sienne, elle ressentait sa prise autour de sa taille, se berçait dans le souffle lent et régulier de son sommeil profond. Elle songeait au combat mais aussi à ce qui suivit : A la mort de Mitsuhide, à ses hommes réunis sur le pont et tous leurs alliés remerciés par Akira et par elle, au vent qui jouait dans les voiles tandis que le tigre promettait de toujours les soutenir, et qu'elle promettait d'être digne d'eux en retour. Elle songea à ce qui se passa ensuite, derrière les portes du Lotus, et à la fin ud clan. S'était-il vraiment vu dans Orochi ? Oui, elle avait elle-même eu ce sentiment étrange, lorsque Mitsuhide avait parlé de l'avenir, Orochi et Akira auraient pu ne faire qu'un, si Akira n'avait pas su se contrôler, s'il n'avait pas été entouré. Ces révélations et sans doute de nombreuses réflexions avaient conduit à cette conclusion, il était épuisé. Il ne voulait plus porter le poids de ces vies, il n'avait jamais voulu être le ciment du clan sans qui tout s'écroule, il voulait une famille et il l'avait déjà trouvée. Nul besoin du clan, d'un serment ou d'un emblème. Ainsi, c'en était fini, un chapitre qui se clos.
Que faire à présent ?
La réponse était toute trouvée, bien sur. Après tout ce qu'ils avaient donné pour elle, pour sa famille, comment pourrait-elle seulement hésiter ? Ils avaient perdu bien assez de temps, elle se DEVAIT de leur rendre la pareille, et plus encore, une vie entière de suffirait pas à leur montrer à quel point elle leur était reconnaissante, ainsi qu'à tous ceux qui avaient contribué, de près ou de loin, à cette victoire. Il y avait aussi la disparition de Lenore, son... amie ? C'était encore flou sur les détails mais, quelque part en Eorzéa, un homme était encore séparé de son épouse et de son enfant ; inacceptable. Elle irait, si on voulait de son aide.

Je suis le capitaine Kurusu, je suis l'épouse du Tigre du Lotus Blanc, celle qui commande à l'Eternal. Je dois à présent devenir celle que mes hommes méritent, celle qui sera digne d'eux. Je ne peux pas me contenter de les emmener simplement à Nynceryil ou bien à la chasse aux cavaliers il faut... il faut que je leur offre l'aventure au bout du monde que je leur ai promis, que l'Eternal nous a promis.

Tandis qu'elle réfléchissait, de petits pas résonnèrent dans le couloir de l'autre côté du fusuma. Le temps de reconnaître la démarche maladroite mais déterminée de Kimiko, les petites mains de la princesse tapèrent plusieurs fois contre la cloison de papier.
"Mama ! papa ! gouter !"
Il n'en fallut pas plus au Tigre pour ouvrir les yeux et se redresser, grognant légèrement pour la forme tel le soldat de retour de la guerre. Kikyo sourit, replaçant une mèche de cheveux derrière sa corne.
"Quelle heure est-il ? demanda Akira.
- Pas loin de cinq heures de l'après-midi, visiblement."
A peine le temps de se vêtir d'un pantalon ou d'un haori, au prix de plusieurs tentatives et d'un gros effort, Kimiko avait réussi à ouvrir la porte suffisamment pour se glisser à l'intérieur de la chambre et courrir vers le lit. D'ordinaire, ce genre d'attitude aurait été réprimandée, mais pour avoir manqué son anniversaire et de nombreuses parties de pêche au clair de lune, le patriarche pouvait bien laisser passer cet écart aujourd'hui.
"Les jumeaux doivent avoir faim, eux aussi." Suggéra Kikyo tout en contournant le lit pour les rejoindre. Akira se redressa, tenant leur fille aînée sur son bras. Tout était revenu à sa juste place.
"Allez-vous au relais ce soir ? Demanda Akira lorsqu'elle lui pris le bras pour le mener vers la sortie.
- Oui. Mais avant, je voudrais aller me recueillir auprès d'Akihiko. Hotaru-chan doit avoir déjà fini de tout préparer."
Il hocha simplement la tête. Sur le palier, Sunori avait déjà servi le thé et le gouter des enfants. Kiyoko avait gagné en masse et se tenait déjà assise dans le couffin qu'elle partageait avec son frère. Toujours couché, le petit garçon appela sa mère sitôt qu'il la vit, tendant ses bras dans un simulacre de sanglot capricieux. Tandis qu'Akira prenait place dans son fauteuil, Kimiko sur les genoux, après avoir passé une main affectueuse sur la tête de Kiyoko, Kikyo se saisit de son fils pour le bercer tout contre son coeur.
"Shhht... tout va bien, là. Mon enfant, mon Aki, tu n'auras jamais à craindre de mes absences. Ta mère ne t'abandonnera jamais."
Il ouvrit les yeux, elle caressa sa joue du pouce, et murmura contre son front.
"Tu as tant de choses à vivre et à connaître, avec tes soeurs et ta cousine Cassandre. Mais la première et la plus importante, c'est que nous vous aimons. Par amour, ta mère comme bien des gens, peut faire des choses insensées, des choses qu'on pourrait croire impossible, mais ils ont tort."
Les petits doigts du bébé vinrent serrer son index tandis qu'il la fixait, son attention toute portée sur la voix douce et assurée de sa maman.
"On te dira beaucoup de choses sur lui, sous toutes ses formes et beaucoup s'en servent d'excuse ou de prétexte pour justifier leurs actes imbéciles. Mais l'amour vrai, celui qu'on ne sait reconnaitre qu'une fois qu'on l'a découvert, nous tire vers le haut, il nous rend plus fort... fort au point de pouvoir défier un monstre comme Orochi ! Fort au point de rester stoïque même quand tout semble s'écrouler autour de toi parce qu'il fait grandir la confiance. Un jour je te raconterai l'histoire de ce garçon qui s'est jeté dans le vide, armée d'une épée cristalline pour l'abattre sans une once d'hésitation. Et il a réussi, il a sauvé l'avenir. Ton avenir mon fils."


Par amour, on fait des choses insensées ; quand on ne se contrôle pas on peut faire des choses stupides, mais quand on sait où l'on va et ce que l'on veut atteindre, on peut accomplir de grandes choses. Elle avait accompli quelque chose de grand, mais elle ne l'avait pas accompli seule. Même si, pour le moment, elle pouvait prendre le temps de savourer chaque minute de sa victoire à elle, et de pleurer la perte de Mitsuhide.
Par amour pour les siens, qu'ils soient de cette maison ou de son navire, elle était bien décidée à en accomplir bien d'autres.


"Vers l'Infini, et on verra."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Kikyo croqua dans le fruit enrobé de sucre sans décoller son regard de la couverture en cuir de l'épais volume posé sur son bureau. Nashasha l'avait rangé à sa place, mais le Charivari était un artefact particulier, et après une nuit de plus à en explorer les pages colorées, les images devenaient plus précises. Certaines d'ailleurs présentaient des scènes dignes d'un roman pour jeune fille dont il vallait mieux que jamais personne ne reconnaisse le visage des malheureux protagonistes.
"La magie combinée à l'imagination d'un vieux farceur. Quels autres secrets renfermes-tu ?"
Bien entendu, le livre ne lui répondrait pas. Elle n'attendit d'ailleurs pas qu'il lui réponde et se leva du fauteuil pour aller le ranger au hasard sur l'un des rayonnages de ses propres archives ; inutile d'aller le remettre à sa place il allait probablement y réapparaitre tout seul d'ici quelques heures.

jusqu'à tout récemment, ce livre enchanté n'avait été aux yeux de tous qu'un artefact innoffensif, un peu farceur qui apporte du rêve et du divertissement à ceux qui l'utilisent, ainsi que l'avait voulu son créateur, mais à bien y réfléchir, pour réussir une telle création il faut un grand pouvoir. Chari Vari était un mage sharlayanais, d'une grande intelligence et d'une grande capacité, mais de ce qu'ils savaient il ne vouait ce pouvoir qu'à des futilités comme les contes pour enfants et l'amusement. Silius avait déjà trouvé son cristal dans le livre, un puissant cristal d'invocateur bien qu'il lui faudrait du temps sans doute pour le maîtriser, et d'autres objets ou effets personnels se trouvaient peut-être encore à l'intérieur.
Chari Vari, son histoire était liée à celle de ce livre, et Kikyo avait ce sentiment étrange que cette histoire-là avait encore plus d'un secret à offrir s'ils continuaient à entrer dans ce livre. Sous les décors enchanteurs et les personnages colorés, ces aquarelles et ces gravures dissimulaient un héritage, et une forme de pouvoir bien plus dangereux qu'il n'y parait. Une forme d'inquiétude s'était fait ressentir lorsque, sur la terrasse du flamboyant château d'Emerveil, en regardant l'étendue de ce monde imaginaire, elle avait songé que peut-être d'autres personnes y avaient eu accès. A voir les horreurs du monde réel, se pouvait-il que certains aient choisi de rester à jamais dans le livre ? Était seulement possible ?

Le regard de Kikyo se posa sur l'enveloppe près du livre. Elle s'était éveillée avec ce pli dans la main à la fin du dernier chapitre et l'avait conservé précieusement sans l'ouvrir. Elle devait attendre un peu avant d'être sure, ou alors peut-être devrait-elle la remettre à Silius et Ivanhault lorsqu'ils retourneraient à Sharlayan.
Son regard dévia sur l'étagère où elle avait rangé le livre, il avait déjà disparu.
"Bien, plus de questions ce soir."
Son manteau sur l'épaule, elle quitta le bureau après avoir éteint la lumière. Les lumières tamisées du relais couvraient d'une chaleur apaisante les quelques clients installés sur les canapés. Ces temps-ci, l'établissement voyait sa fréquentation augmenter les soirs sans animation. Bien sur les compliments pleuvaient sur la nouvelle décoration et Kikyo s'assurait que Shinme en récolte la plupart des lauriers. Depuis sa dernière conversation avec Akira, elle préférait ne pas s'étendre sur le sujet même pour recevoir des compliments. Elle se contenta d'un "bonsoir" et d'un signe de main avant de quitter les lieux ; une fois dehors elle accéléra le pas jusqu'à l'ethérite.



Dans la demeure, tout était silencieux. Plusieurs pièces encore en travaux, des toiles en lin étaient encore tirées devant les fusuma. Depuis qu'il n'y avait plus de clan, la maison des Kurusu était vouée à devenir une simple demeure familiale, une famille fortunée certes, mais une famille simple. Mais la porte coulissante entrouverte qui donnait sur le salon laissait encore passer de la lumière.
En entrant, elle trouva le Tigre paisiblement endormi sur le canapé, allongé la tête sur l'accoudoir, et sur son ventre Kimiko elle aussi plongée dans le sommeil, qui serrait très fort entre ses bras la peluche tigre blanc. Kikyo éteignit la lampe, ne laissant que les braises dans la cheminée pour éclairer la pièce. Sans se presser elle se pencha au-dessus d'eux, assise sur le bord du canapé, pour les contempler ; sa famille. D'une main, elle carressa les cheveux de Kimiko, et usa d'une volonté certaine pour ne pas succomber au souffle régulier du hyurois, si près qu'elle pouvait sentir le parfum du thé qu'il avait bu. Elle lutta intérieurement, le réveiller maintenant ne serait guère correct surtout avec leur fille à côté, et puis cela flatterait son égo un peu trop à son gout, de se savoir si irrésistible en cet instant. Cette pensée lui arracha un sourire.

Avec une grande douceur, elle souleva la petite fille dans ses bras pour la porter jusqu'à l'étage et la déposer dans son lit, elle ne broncha pas et ne remua même pas, déjà bien loin au pays des songes. Les jumeaux aussi dormaient profondément dans leur berceau juste à côté, mais lorsqu'il la sentit passer le petit garçon ouvrit les yeux et commença à gémir pour attirer son attention.
"Shhhht doucement Aki" murmura Kikyo en le prenant dans ses bras. "Ne réveille pas tes soeurs pour si peu. Maman est là."
Après l'avoir bercé quelques instants, Akihiko s'endormit à nouveau, apaisé dans les bras de sa mère. Elle le reposa à sa place sans qu'aucun autre enfant ne se réveille, petite victoire pour une jeune mère. Peut-être faudrait-il songer à leur offrir des chambres séparées, au moins pour Kimiko. C'est sur cette idée qu'elle quitta la pièce pour regagner la chambre conjugale. Sans grande surprise, elle vit la silhouette de son époux qui montait les escaliers dans la pénombre pour se rendre lui aussi dans leur chambre.

Elle l'y retrouva torse nu devant le lit, de dos ; il avait posé son haori à sa place sur la chaise, là où elle pourrait s'en vêtir le lendemain matin. Pas un mot, juste un regard par-dessus son épaule. Comme elle aimait ce regard, comme elle ne pouvait s'en lasser, avec un tel regard tout était dit, il n'y avait rien de plus à dire, aucune réponse n'était attendue. La porte se referma dans l'obscurité de Ten no Tsuki.


Non, elle n'échangerait son monde à elle pour aucun autre.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Il n'était pas prévu qu'elle se joigne à cette mission, ni qu'elle se rende sur la Steppe, contrée hostile et dangereuse qu'elle détestait tant pour son climat, ses monstres et ses habitants "sauvages et esclavagistes". Son expérience passée des xaelas violents et irrespectueux l'avaient conduit au choix de la distance raisonnable... mais c'était pour Hotaru, c'était pour Kyuuji.
S'il fallait passer une fois encore la porte des songes, agir en héritière de la lignée Tenshi, elle le ferait pour eux.

Il étaient bien assez nombreux pour entrer et tenir face à ce qu'ils trouveraient, dès le départ elle se doutait que si Ivanhault l'avait appelé ce n'était pas pour une tâche qu'ils auraient très bien pu accomplir sans elle afin de sauver Kyuuji. Elle n'avait pas les pouvoirs de Hotaru, mais elle pouvait au moins sentir la présence de son ennemie viscérale, et Akio auprès d'elle la sentait aussi.
"Ce n'est pas un songe, c'est un traquenard."
Elle ressentait, entendait dans le silence glaçant le murmure de son nom au plus profond de son être comme si tout son sang se mettait à pétiller dans ses veines.
"Jorogumo..."
Dès lors, elle laissa aux autres le soin de s'occuper des reflets de Kyuuji. La compagne de ce dernier avait assez de fougue pour entraîner les autres, Valorius un vrai roc prêt à tenir contre tout ce qui chercherait à atteindre son ami, ils pouvaient réussir sans elle, ils s'en sortiraient. Si elle voulait vraiment les aider, elle devait suivre ces sensations et débusquer celle qui tissait ce cauchemar dans lequel Kyuuji était enfermé.

"Je détruirais de mes mains ce cauchemar fil après fil jusqu'à ce que tu sortes de ton trou !"

Sa main glissa sur le fourreau de Shiroyume, et la lame se matérialisa devant elle, éclatante dans le décor grisâtre de ce songe privé de tout espoir. L'apparition soudaine de l'immense loup noir à la langue tentaculaire et son aura de peur la destabilisa, réveillant en elle la terreur provoquée par Kurokami trois ans plus tôt ; mais c'était la première erreur de son adversaire : elle avait capté son attention.

"Je te sens, tu me sens aussi. Tu la vois, tu la crains, viens la briser si tu l'ose...!"

La peur allait bientôt changer de camp. Elle rendrait visible l'ennemi afin qu'ils puissent la mettre à terre et sauver Kyuuji.
"AKIO !"
Le loup qui grognait et jappait depuis leur arrivée dans cette forêt glaciale se rua vers elle, n'hésitant pas à percuter les reflets de Kyuuji qui se tenaient entre lui et sa compagne humaine. Elle saisit son harnais au vol afin de se hisser sur son dos et tendit le bras à Ivanhault, puisqu'il était décidé à la suivre. S'ensuivit une course poursuite dans la forêt, envahie de toiles d'araignées une fois passé le pont.
"C'est la bonne direction !"
Ivanhault pointa du doigt ce qui sembla être un hibou volant dans une direction précise.
"Par ici, suivez cet oiseau !"
Qu'est ce qu'un hibou faisait là ? Ivanhault était du genre à avoir une confiance absolue en tout ce qui pouvait lui rappeler Silius, quitte à les précipiter dans un piège ; et Kikyo avait la fâcheuse tendance à placer une confiance aveugle en Ivanhault, quitte à sauter dans le piège. Ils suivirent le hibou jusque dans une clairière, à découvert, entourée de toiles d'araignées plus grandes et plus solides, impossible de fuir, ils étaient coincés.
Mais ils l'avaient coincé, lui aussi. Kikyo saisit la garde de son katana de diamant.
"Voici ton antre, je ne partirais pas d'ici sans ta tête."

L'ombre du loup qui les poursuivait se dessina à l'entrée de la clairière. La Lune, ronde et pleine, s'éleva à cet instant précis au-dessus d'eux, baignant de lumière la courte étendue d'herbe humide et la blancheur des toiles d'araignées entre les arbre. Le rire glaçant de la tisseuse se fit entendre, elle avait la voix d'Hotaru, à l'identique, mais ce rire mauvais n'était pas celui de sa cousine.
Elle entendit Ivanhaut prier dans son dos alors qu'il empoignait sa lance. L'elezen avait laissé la place au chasseur gelmorréen, presque trop heureux d'être ici. Elle sentit que Shiroyume vibrait toujours entre ses doigts.
"Montre-toi ! ordonna t-elle à son adversaire.
- Pas encore, ce n'est pas encore le moment... répondit la jorogumo, rieuse.
- Si tu crois que je vais t'accorder le moindre répits tu te trompes !"

Ivanhault était près à lancer, elle n'avait aucune idée de comment s'en sortaient les autres. Son regard fut attiré par un rayon de lune qui vint lui caresser le visage.
Elle était dans l'antre de son ennemie, là où elle est la plus forte, mais aussi où elle est le moins sur ses gardes. Son bras se leva au-dessus de sa tête, glissant la lame sous la lumière de la lune. Elle en sentit tout le poids, et une onde chaude descendre du bout de ses ongles jusqu'à son épaule. La lumière de la lune passa au travers du diamant et se dispersa dans tous les recoins de la clairière.
"Révèle !" Tonna Kikyo.
Un cri de douleur s'en suivit. La lance d'Ivanhault venait de percer le poitrail de la créature du cauchemar. Il n'était pas mort, mais son rugissement d'agonie avait provoqué la douleur et la peur chez la tisseuse qui fut révélée par la lueur émanée de la lame. Elle avait pris les traits d'une Hotaru aux cheveux bleu nuit, tenant entre ses mains un crâne en cristal. Kikyo mit à profit ces quelques précieuses secondes, où la jorogumo était la plus vulnérable, pour rematérialiser Shiroyume sous son second aspect, les chakrams. Elle n'en matérialisa qu'un seul, faute de temps, mais le lança de toutes ses forces en direction de son ennemie, et plus précisément de son artefact. Elle en ignorait tout, mais qu'importe, cet objet précieux était lié à ce cauchemar et à son pouvoir. Quoi que ce fut, elle devait le viser même si ses chances de l'atteindre étaient minces elle voulait provoquer la peur chez elle.

Une lueur aveuglante mit fin au cauchemar avant qu'elle ne sache si Shiroyume avait atteint sa cible. Le songe se dissipa, ils étaient de retour dans les Steppes, et sa lame de retour dans sa main.
"C'est terminé." Déclara son second, Akio se détendit enfin.




Plus tard, à Tenshi-ka, le hanyo blanc et sa cavalière traversèrent le village presque achevé dans le silence le plus total. A cette heure, les mineurs et leurs familles dormaient, elle se signala simplement au veilleur nocturne afin qu'il ne sonne pas l'alerte et se dirigea vers la forêt sans un mot.

Gaïto ne vint pas à sa rencontre, lorsqu'elle franchit les portes végétales du sanctuaire des rêves. Une fois en face du lac miroitant les étoiles mourrantes d'une nuit qui s'achève, elle posa le pied à terre et flatta l'encolure du loup qui s'écroula de fatigue, museau contre terre.
"Attendons qu'il revienne, tu peux te reposer.
- Tu es songeuse."
Répondit le loup maintenant qu'ils pouvaient discuter.
Kikyo se contenta d'acquiescer, prenant place à ses côtés.
" J'ai fait ce que j'ai pu ce soir.
- Tu as été brillante, une guerrière.
- Mais pas une miko. Il ne faut pas se leurrer Akio, je sais tirer profit de mes quelques minces capacités mais c'est tout de même ce qu'elles sont : minces. J'ai fait le choix de laisser cet héritage derrière moi après la mort de Okamisama, et de le confier à Hotaru qui a un vrai talent.
- Alors qu'est ce qui te contrarie ?"

La raenne baissa son regard sur le fourreau "vide" posé sur ses genoux.
"J'ai sentit une puissance nouvelle imprégner la lame lorsque je l'ai brandit tout à l'heure. J'ignore si c'est parce que Ivanhault a prié, si cela vient de moi ou bien si quelque chose d'autre s'est produit que nous ignorons. Mais je sens qu'elle a accumulé plus de puissance.
- Tu possède une lame puissante, amie. Une arme contre le Cauchemar, une arme de guerrière Tenshi.
- Et c'est à une véritable Tenshi qu'elle devrait revenir, Akio."

Le loup leva la tête, surpris ; Kikyo ferma les yeux.
"Shiroyume a été forgée dans un seul but : combattre les créatures du cauchemar. Que deviendra-t-elle entre mes mains ?"
Ses doigts glissèrent sur le relief du fourreau, elle en sentait les motifs ciselés avec précision par les armuriers du Clan de la Grue. Poursuivant son geste, elle matérialisa Shiroyume, et contempla son reflet sur la lame partiellement tirée. son regard s'était durcit au fil des ans, elle avait embrassé une voie de plus en plus éloignée des esprits et de la magie, et même de l'Orient bien qu'elle porte toujours en son coeur une loyauté indefective envers Doma et les siens.
"Avec moi, Shiroyume ne peut accomplir ce pour quoi elle existe, tu ne penses pas ?"
La surprise se lisait dans les yeux du hanyo, mais ce n'était pas du aux propos de son amie. Plus loin sur le lac, une silhouette lumineuse les observait. Quand Kikyo le réalisa à son tour, elle leva lentement le regard dans sa direction.

Elle avait déjà vu ce jeune homme raen, aux longs cheveux noir et au sourire doux. Il flottait debout à la surface du lac vêtu d'un long yukata blanc, immobile, entouré de lucioles. L'apparition fut très brève, son image fut balayée par un léger courant d'air entre les arbres, emportant avec lui les lucioles qui se dispersèrent.
" Tenshi no Yume...
- Je crois qu'il essaye de te dire que... tes ancêtres sont avec toi, quoi que tu décides, Fille des Songes."

Kikyo sourit faiblement, remettant la lame dans son fourreau avant de serrer ce dernier contre son coeur.
" Elle a fait le choix de se battre désormais, il lui faut une arme digne de ce combat."
Ses yeux fatigués se fermèrent lentement.
"Mais, et toi, que feras-tu sans ton arme ?
- Cela n'a pas d'importance, pour l'instant."

Le hanyo n'insista pas, se contentant de replier son corps massif autour de sa protégée qui sombra dans un sommeil sans rêve. Entre ses bras, le fourreau vide pulsait légèrement d'une aura tiède et réconfortante.


Le transmettre était une évidence,
Mais s'en séparer plus douloureux.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours

"Voilà, on a fini de décharger."
Le capitaine hocha la tête, savourant la chaleur d'une fin d'après midi sur la mer du sud. Chacun faisait sa part, même Akio dont les sacoches pleines pesaient sur son dos bien plus que sa cavalière. Après une demi journée de voyage entassés sur le pont de l'Eternal, ils avaient tellement hâte de se dégourdir les jambes qu'ils leur fallut moins de deux heures pour en descendre tout le matériel, et le remonter au campement choisi, sur le site de l'ancienne village abandonné dans le périmètre à végétation mauve. Ce serait ainsi à portée des points de récolte pour le mandat du Bismarck.  Kikyo les observait avec bienveillance. Beaucoup de nouvelles têtes, certains peu habitués au camping sauvage, d'autres déjà rompus à la manoeuvre et dont les tentes furent montées en moins d'une heure. Elle eut tôt fait de dresser la toile de son "poste de commande", cette fois elle avait prévu une toile plus solide, une table et un coffre pour ses cartes et parchemins.

La première nuit fut agitée, suite à l'incident sur la plage. Après s'être assurée que l'Eternal n'avait pas trop souffert de l'affrontement avec les "crabes mutant" sur la plage et qu'aucun blessé n'avait besoin d'être rappatrié en urgence en Noscea, Kikyo gagna sa couchette coincée derrière le coffre et une couverture suspendue en guise de paravent. On ne peut pas dire qu'elle y dormit bien. Ce n'était pas seulement le fait de ne pas dormir dans son lit ou de s'être loin de son mari et des enfants, cela affecterait n'importe qui. La cause de son insomnie était toute autre, et se trouvait d'ailleurs posée à côté de son sac de son oreiller. Elle n'avait pas encore pur remettre Shiroyume et Hotaru, même hier soir elle était partie trop vite avec les autres sur la plage, volontaire comme toujours.
Quand elle se décida à ouvrir les yeux, le soleil perçait à travers les arbres, plongeant les collines dans une lumière pâle et violacée au travers de la végétation si particulière dans ce secteur de l'île. Encore ensommeillée, elle repoussa les couvertures et se redressa. Elle vit l'ombre de la silhouette d'Akio sur la toile, qui se redressait de l'autre côté ; il avait du la sentir bouger.
"Hmmm... bonjour."
Elle s'étira, avant de réprimer un frisson. La matinée était un peu fraîche, et elle s'empressa de chercher ses vêtements. Sur la table, les restes de son dîner l'attendaient, celui que Shinme avait préparé pendant qu'elle était à bord. Il était froid à présent mais qu'importe, cela ferait office de petit déjeuner.
Assise à la table des cartes, elle observait les différents secteurs de l'île déjà carthographiés, se remémorant le précédent voyage et les dernières trouvailles. Son oeil dévia sur les évènement prévues aujourd'hui : la visite du sanctuaire ombral, la piste du vautour mort-vivant -celui-ci l'inquiétait particulièrement- et l'exploration de l'ancienne tour en ruines à l'Est. De quoi occuper tout ce beau monde pendant qu'elle aiderait à sa manière, c'est tout ce qu'elle pourrait faire pour l'instant. Son regard dévia une dois de plus vers Shiroyume.
Elle soupira, et se leva pour marcher vers l'entrée de la tente.

Dehors, elle entendait tout ce petit monde s'agiter avec plus ou moins d'enthousiasme. En soulevant la toile, elle vit Edna débattre avec Y'chap du meilleur emplacement pour leur tente, Yul montrait sa nouvelle hache à qui voulait la voir, n'ayant cure de se promener torse nu dans le camp alors qu'il était transformé en femme pour on ne sait combien de temps et ramenait toujours plus de bois pour construire des cabanes plus solides. Les soigneurs étaient déjà -ou encore- au chevet des blessés de la nuit dernière, la Ligue s'éveillait.
"Bonjour capitaine !"
Elle salua d'une main, réprimant un bâillement. Elle dormirait sans doute mieux la nuit prochaine.
"J'ai besoin d'un bain.
- Sur la plage cela risque d'être difficile, dit Akio. Ils sont plusieurs à y être descendus faire des prélèvements.
- Allons faire un tour à la rivière alors, maintenant je doute qu'il y ai encore des crabes tueurs près de la forêt aux tréants.
- J'ai vu Kyuuji y aller, tantôt.
- Hmhm. Il a du aller dans la forêt, nous le croiserons peut-être sur le retour."

Avant de quitter la tente, elle saisit une serviette et sa paire de bottes, puis elle monta sur le dos du loup sans lui mettre son harnais. Il n'en avait pas besoin ici, aucun membre de l'expédition ne le prendrait pour un loup sauvage.

En traversant le campement, elle n'avait pas la sensation qu'il y avait plus de monde que la dernière fois, ni moins. Les nouvelles têtes avaient remplacé ceux qui étaient partit, ou qui n'avaient pu venir. Dans l'ensemble, tout semblait fonctionner. Les plus impatients préparaient déjà l'excursion à venir le soir venu tandis que d'autres s'affairaient à étudier les échantillons du dernier combat, ou encore pour les nouveaux venus, s'émerveillaient devant le paysage.
C'est vrai, la première nuit avait été mouvementée, mais ce n'était jamais que la première nuit.


Qui peut dire ce qui devrait arriver durant les prochains jours...
...voir les prochaines heures ?
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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"Capitaine sur le pont !"
Il n'était pas prévu de lever l'ancre avant le milieu de la matinée. Après toutes ces aventures et de nombreuses nouvelles rencontres sur l'île, pas toutes pour le meilleur, Kikyo n'avait pas tenu à appareiller à l'aube ; ils méritaient tous de profiter d'une dernière nuit paisible dans la quiétude du campement. Pourtant, force est de constater que même lorsqu'on accorde une nuit entière longue et paisible, il s'en trouve toujours pour faire des insomnies et revenir à bord de l'Eternal.
Elle ne risquait pas de les blâmer, elle était la première sur place avant même que le soleil ne se lève, et ne fut pas la seule à pouvoir admirer l'aurore poindre derrière les hauteurs de Nynceryil.
"Il est difficile d'imaginer qu'autant de menaces grondent sous une telle splendeur."

Marchant sur le pont, le capitaine savourait la fraîcheur du vent marin, songeant à sa famille qui l'attendait à Ten no Tsuki, à Kimiko qui s'était donné pour mission de veiller sur sa cousine Cassandre en leur absence. Shinme devait avoir hâte de rentrer elle aussi, pour la première fois elles seraient deux à faire le récit de ces innombrables péripéties. Déjà au berceau, Kikyo sentait l'intérêt de Kimiko pour l'évasion et l'exploration, ne serait-ce qu'entre les murs de la maison familiale qu'elle avait arpenté envers et contre tous, s'échappant de son lit ou de sa chambre dès qu'elle en avait l'occasion, la seule fausse note dans ce portrait quasiment à l'identique de son casanier paternel. Elle se demandait d'ailleurs comme il s'en était sortit cette fois, seul avec quatre enfants à la maison.
"Tout s'est bien passé" assura-t-elle pour sa propre tranquillité. Toute bonne mère s'inquiétant parfois trop et elle le savait, elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer les efforts d'un chef de guerre relégué au poste ô combien délicat de père au foyer. L'image seule lui arracha un rire discret, dissimulé derrière sa main. Il n'y avait personne autour, si ce n'est la seule conscience du navire, pour témoin de cet instant d'égarement.

Petit à petit, au fil des heures, elle vit descendre sur la plage tous les membres de l'expédition avec leurs affaires. On pouvait malgré tout constater quelques blessés, plus ou moins graves, mais aucun en état critique fort heureusement. Chacun rapportait de ce voyage un ou plusieurs souvenirs, à étudier ou à offrir, voir à revendre. Les cales étaient d'ores et déjà pleines de ces denrées mauves à traiter et à vendre au Bismarck avant de partager les gains entre tous les participants, sans parler de la prime du maelstrom au vue des récentes découvertes effectuées. Mais ce ne serait pas leur dernière expédition, loin de là.
"Est-ce que tout le monde est là ?
- Oui capitaine, affirma Ivanhault avec son flegme habituel.Tout le monde est prêt à partir."

Le point grouillait à présent de monde, la tête remplie d'histoires et d'impatience de les raconter. Elle aussi avait hâte de retrouver les siens, de leur raconter ce qu'elle avait vu et les dangers qui se terrent à Nynceryil, l'île aux multiples facettes qui avait encore bon nombre de secrets à dévoiler.
"Nous allons avoir besoin de nouvelles autorisations du maelstrom si on veut pousser les études au contact de ce peuple marin. Sans parler de leur kraken qui n'a, à priori, rien d'un primordial mais qu'ils semblent considérer ainsi. Cela pourrait donner lieu à des dérives inquiétantes.
- A quoi pensez-vous ?
- Les prières sont dangereuses, qu'importe qui en est la cible. N'est-ce-pas ?
- Oui."

Beaucoup de préoccupations accompagnaient ce retour au bercail, en plus de l'enthousiasme général qui n'était pas retombé durant toute la durée de l'expédition. Une divinité kraken, un peuple pacifiste, un marais infesté de parasites, des araignées, des morts-vivants... un roi maudit. Plus ils en apprenaient sur le passé de Nynceryil, plus les choix difficiles s'imposaient, comme celui de brûler tout un secteur afin d'endiguer la propagation de ces terribles insectes. Détruire la nature ne lui plaisait pas plus qu'à Kyuuji qui s'était muré dans le silence à cette idée, compréhensible. Pourtant il le fallait, cette forêt était déjà morte, un incendie maîtrisé permettrait aux arbres de repousser sur une terre débarrassée de ces abominations. C'était certainement la meilleure solution... Quant à ce roi déchu, et ces histoires de nécromancie, elle espérait qu'un prochain voyage davantage ciblé sur ces questions leur permettrait d'en apprendre plus. La théorie du centre de recherches ne disparaissait pas pour autant de son esprit, l'un et l'autre sont parfaitement compatible. La seule grande question demeurant : à quelles fins ?

Les voiles se déployèrent dans le vent du matin, sous un ciel clair et un soleil radieux. Dans quelques heures ils apercevraient les contours de Limsa Lominsa, et de la baie de Brumée.


"Cap sur la Noscea."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours

Même les soirées qui débutent mal peuvent surprendre sur la fin. Une erreur de calendrier de Shinme avait conduit l'équipage à se réunir sans idée du pourquoi. Ce repas improvisé s'était pourtant achevé tard dans la soireée, quand Ivanhault, Nashasha, Hotaru, Singing Cyclone et Kikyo partirent chacun de leur côté après s'être souhaité bonne nuit. C'était une bonne nuit, une nuit paisible où Brumée ne subissait pas les frasques bruyantes d'aventuriers agités sur la plage, ou de débat sans fin près du ponton. personne si ce n'est l'aimable Kamiya-san avec qui elle s'autorisa une dernière promenade le long des falaises avant de rentrer.

Les étoiles brillaient au-dessus de la Noscea lorsque les deux femmes se séparèrent, et que Kikyo rejoignit Akio qui attendait un peu plus loin, de peur d'effrayer la raenne inconnue. Elle serait volontiers restée davantage s'il n'y avait pas tant à faire, s'il n'était pas déjà si tard.
"Il est rare de te voir en compagnie d'autant d'inconnus, en si peu de temps" fit remarquer le hanyo tandis qu'il s'abaissait afin qu'elle monte sur son dos. Kikyo hocha la tête simplement.
"Cette semaine fut riche en rencontres, et en nouvelles opportunités. Comment puis-je espérer repousser les frontières de ce monde si je ne cherche pas à le comprendre.
- Et il y a une chose que tu ne comprends pas ?
- Il y a beaucoup de choses que j'ai du mal à comprendre, Akio."


Alors qu'ils marchaient vers la ville, elle sentait le vide à son côté gauche et l'absence de fourreau qui l'avait accompagné tout ce temps. Ce soir, elle s'était séparé de Shiroyume désormais entre les mains d'une personne qui la méritait vraiment, une véritable Tenshi. Elle se retrouvait sans arme, pour la première fois de sa vie dénuée de toute lame, une situation plus perturbante et difficile à supporter qu'elle ne l'avait imaginé.
"Peut-être que c'est la raison de ma soudaine ouverture, avoua-t-elle à mi-voix. Même si je n'ai pas le droit de me plaindre, tout change en ce moment en dehors de l'Eternal ; peut-être est-ce le moment d'envisager de nouvelles choses, de nouvelles idées...
- Est-ce en lien avec Shinme, Hotaru ?"

Kikyo secoua la tête.
"Mhm. Shinme passe de plus en plus de temps avec ces nouvelles amies, c'est normal, je ne veux pas être une entrave et elle le sait. Quant à Hotaru-chan... elle était prête à voir qui elle est, c'est ce qu'elle a toujours voulu être depuis qu'elle connait son nom bien que sa pudeur et son respect des codes l'ont toujours amené à penser que c'était mon rôle. Elle voyait en moi le reflet de ce qu'elle aspire à devenir, mais ce n'est pas moi, ça n'a jamais été moi.
- Et toi, Fille des Songes, que vois-tu ?"

Il s'était arrêté près de la rivière, sur le pont des Égarés, qui cette nuit portait bien son nom. Par-dessus le mur elle pouvait se voit dans le miroir de l'eau, troublée par quelques poissons joueurs.
"Je vois un diamant solitaire au milieu d'étoiles scintillantes, taillé et poli avec droiture et justesse, mais toujours aussi froid. Le relais, le dispensaire, la musique, les amis ou les mandats... ils savent tous ce qu'ils sont et vers quoi se tourner."
Faire don de Shiroyume revenait à se départir de sa dernière image en dehors de celle de capitaine, et elle savait ce qu'elle perdait, au-delà de l'objet. Au final, le schéma demeure toujours le même, l'intérêt que l'on nous prête n'est pas dû à qui nous sommes au fond de nous, mais à l'image que l'on renvoie, à ce reflet.
"... Mais je sais vers qui me tourner."


Elle ne s'attendait pas à trouver qui que ce soit lorsqu'elle franchit le portail de Ten no Tsuki, pourtant il était là, assis sur le banc sous un cerisier en fleurs, un bol de thé vide posé à côté. Elle poussa la porte d'entrée afin de laisser entrer Akio, mais la referma ensuite pour le rejoindre. Lui aussi remarqua qu'elle ne portait plus ce fourreau vide ni à la ceinture, ni sur le harnais de sa monture.
"Alors vous l'avez fait. Dit-il simplement.
- Haî."
Elle n'ajouta rien, prenant place à ses côtés. Plusieurs minutes passèrent sans qu'aucun des deux ne parle. Les étoiles étaient les mêmes, mais à Shirogane le ciel se couvrit bien vite et de fines gouttes de pluis commencèrent à tomber ; heureusement ils se trouvaient sous un parasol oriental. Mais cette fois, il ne tendit pas sa main à plat, paume vers le haut, pour l'inviter à y joindre la sienne. Il attendit simplement qu'elle se rapproche pour enfin lever un bras autour de ses épaules.
Les minutes s'écoulèrent, la pluie devint averse, et les gestes devinrent une étreinte silencieuse. Elle aimait la pluie, et ce banc, elle l'aimait lui. Pour l'heure, elle n'avait pas besoin de plus, il serait toujours temps demain de songer à ce vers quoi elle se tournerait. Peut-être un nouveau Katana, peut-être autre chose. Une arme n'est qu'un outil, l'important demeure la voie choisie, et la droiture de l'esprit, et ici elle ne risquait pas de dévier.


Raison et coeur, pour Kikyo, ne se rejoignent jamais qu'entre ces bras.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Cela faisait maintenant une heure que la carte était déroulée sur son bureau, tenue par son plumier et une bouteille de saké vide. Les yeux azur du capitaine en parcourraient les tracés encore et encore, inlassablement, animés par une nouvelle flamme. Elle n'aurait pu espérer plus beau présent de la part de ses deux comparses sharlayanais, ce petit morceau de tâché de café était peut-être la clé de ses ambitions les plus folles pour l'Eternal.
C'était une vieille carte, vraiment très vieille, dont les lignes correspondaient approximativement au tracé des cartes récentes, celle-ci semblait correspondre à la côte Nord, bien au-dessus d'Eorzéa, proche d'Ilsabard.
"La ligne correspond, ces îles également, mais plusieurs points ne figurent pas sur les cartes récentes... je me demande si..."
Chaque note, chaque dessin attirait son attention. Cet objet ne venait pas de n'importe où mais des archives de Sharlayan, une expédition oubliée dans un tiroir où aucun chercheur de la cité n'avait encore osé se rendre faute de "chair à canon" à envoyer sur site. Silius ne s'était pas gêné pour présenter l'équipage comme volontaires, une bande d'explorateurs suffisamment fous pour y aller... C'était presque vexant. Réalise, mais presque vexant quand même.

"Si nous réussissons, nous aurons capté leur attention. Cette expédition ne sera que la première, si nous réussissons ils pourraient nous confier d'autres missions et à terme, peut-être, nous ouvrir leurs portes."

Un sourire se dessina sur les lèvres de la demi-raenne. Elle ne voyait aucun intérêt à visiter la cité des sages, autrement qu'une banale curiosité touristique. Ce qui l'intéressait vraiment, ce qui enflammait son coeur, c'était d'avoir accès à d'autres cartes comme celle-ci, d'autres destinations inconnues et énigmes cachées dont seuls les archontes sharlayanais étaient les détenteurs. Elle voulait briser ce mur de verre, cette frontière étanche entre eux et l'Eternal, peu importe que cela prenne des lunes, des années, elle était prête à tout pour obtenir ce qu'elle voulait. Mais l'équipage, suivrait-il ?
Nul doute qu'Ivanhault et Silius étaient partant, elle visualisait très bien le deuxième entrer dans les archives, qu'elle s'imaginait immense et froides sur des étages et des étages de casiers à cartographie, poussant les portes à deux mains pour s'avancer tel un paon et prendre au hasard la première carte passant à sa portée pour l'emporter sans donner la moindre explication à qui que ce soit, usant de son nouveau statut de sage.
"Il en serait bien capable" ricanna-t-elle en reculant dans son fauteuil.
Elle voulait franchir ces portes, plus que tout excepté sa famille et ses hommes. Elle voulait percer un trou dans cette muraille interdite et la faire voler en éclat, dévorer l'horizon sans contrainte et offrir ce monde aux siens. Sharlayan était à la fois un obstacle et un coffre au trésor dont elle n'avait pas la clé.
"Ce monde ne saurait être le nôtre si tout son savoir demeure caché entre les mains de quelques savants isolés. Non, hors de question de passer à côté de cette opportunité."

Sa main s'attarda sur les bords du parchemin ; elle finit par le rouler et le ranger dans son étui. Le contempler des heures durant ne les ferait pas lever l'ancre plus vite. Pour un tel voyage il faudrait plus que de simples préparatifs pour Nynceryil, cette île, il faudrait plusieurs jours de vol et de navigation pour s'y rendre. Il faudrait des fonds, des vivres, du matériel, plus d'informations sur les provinces environnantes et la situation géopolitique avec l'Empire en pleine déroute. Il fallait aussi régler certaines affaires ici, à commencer par Nynceryil et si l'équipage était partant, elle comptait en parler à la Ligue. Vu les risques, quelques combattants supplémentaires ne seraient pas de trop.
Kikyo boutonna sa veste et ajusta son col. Le chant des mouettes par la fenêtre ouverte laissait entendre qu'il était l'heure de déjeuner.

Sur la table où L'kihi avait déposé son courrier, elle ne put s'empêcher de reconnaître l'écriture de Hotaru sur l'une des enveloppes ; son sourire s'élargit.
"Ah, elle s'est enfin décidée."
Kyuuji avait déjà laissé entendre qu'il se joindrait à l'excursion dimanche, au même titre que les membres de l'équipage, c'était pour tous les deux une forme de "candidature" des plus explicite. Elle s'en contenterait, la paperasse n'était pas son fort.
L'Eternal compterait bientôt deux membres supplémentaires dans son registre.


Une nouvelle voie se profilait à l'horizon,
obscurcie par d'étranges tours sorties de terre.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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La soirée battait son plein au relais tandis que dans le bureau du capitaine, Kikyo posait son front contre celui de Shinme. Un de ces rares moments de tendresse ouvertement partagée entre la femme au coeur de diamant brut, et son ancienne suivante désormais soeur. Elle avait longtemps redouté ce jour, tout en sachant qu'il arriverait, et combien de fois l'avait-elle encouragé à faire ce choix plutôt que de s'accrocher à elle par devoir ou par affection.
"Le voyage me fait vibrer, avoua la rouquine, mais pas autant qu'il hante votre coeur."
Shinme nourrissait d'autres ambitions, que Kikyo n'avait eu de cesse d'encourager, sans parler de Cassandre qui devait déjà vivre sans père là où Kikyo pouvait compter sur Akira.
"Il faut que tu restes à terre. Sois notre support, notre voix, tu gères déjà mes affaires lors de mes absences, cela te laisseras du temps pour nourrir tes projets musicaux."
L'émotion se lisait dans les yeux de la raenne si exigeante avec elle-même. Pendant si longtemps Kikyo ne lui avait rien épargné, soulignant chaque faute, chaque échec, elle craignait encore d'avoir échoué après s'être engagée comme Quartier Maître, mais le capitaine le savait mieux que personne, qu'elle tenait sa part de responsabilité. Sans l'avoir voulu, et même en ayant tout fait pour l'éviter, elle était devenue une entrave pour sa précieuse yamaboto qui ne cessait pourtant de dire qu'elle ne l'avait pas été suffisamment.
"Ce n'est pas un échec, c'est la place qui est tienne, toujours à mes côtés.
- Mon amour pour vous, jamais ne faiblira."

Avait-elle encore besoin de le dire, comme si cela risquait de faire douter de sa loyauté ? Non, jamais. Encore ce soir, elle avait fait preuve d'observation et d'une opinion avisée quant aux capitaines de la Ligue des Affranchis venus proposer une entente commerciale avec l'Eternal. Ces temps-ci il semblait que tout s'accélère avec la Cale, les projets de Shinme, d'Edna et son nouveau groupe d'artiste, dame Yalie, Sharlayan... et bien sure les récents événements de l'Equinoxe de Printemps.
"Tout ira bien et je peux partir confiante, tant que je sais que tu m'attendras au port chaque fois que je partirais sans toi."




Son retour à ten no Tsuki fut solitaire, mais ce n'était pas plus mal de se retrouver seule avec ses pensées. Elle Songeait à Shinme, bien sur, mais aussi à Hotaru qui s'était anormalement refroidie au cours de la soirée. Le visage de sa cousine était toujours marqué par les cauchemars et le poids de cette menace que représentait la Tisseuse, et cette jorogumo dont l'apparence s'était associée à celle de la miko. Mais actuellement, Kikyo était démunie, sans arme, son aide se limitait au conseil et à son maigre savoir.
"Et je n'ai pas pensé à leur dire, pour Sharlayan... mince, je dois les réunir."

Les idées se bousculaient dans sa tête lorsqu'elle poussa la porte de Ten no Tsuki. Il n'était pas aussi tard que la veille ; les enfants étaient certainement déjà couchés mais pas les serviteurs ni probablement son époux. Du bruit provenant de la chambre principale suggéra qu'il prenait son bain et plutôt que de le rejoindre -ce qu'elle faisait la plupart du temps-, cette fois-ci elle préféra se rendre dans la salle de séjour contempler la mer au travers de la baie vitrée, et ainsi mettre de l'ordre dans son esprit avant de retrouver la chaleur du lit conjugal.
Quelle ne fut pas sa surprise, lorsque ouvrant la porte coulissante, elle aperçut posé sur la table de la salle à manger un long paquet, presque aussi long que la table elle-même, que la lumière éclatante de la lune passant à travers la vitre éclairait en même temps que le pelage blanc d'Akio couché entre les deux.
"Qu'est ce que ...?
- Il dit que tu as bien assez de robes, déclara le loup avec amusement. Il semblait très sérieux en la posant ici, cela doit vouloir dire qu'il y a mit beaucoup de coeur le connaissant."

Intriguée, et mesurant son impatience, Kikyo se mit à genoux sur l'un des coussin avant de déballer avec précaution ce nouveau d'anniversaire. Ses yeux azur s'ouvrirent en grand une fois posés sur la lance à la pointe d'acier étincelante dont le bois du manche était gravé d'une grue aux ailes déployées. Cette arme était bien moins imposante que celles dont se munissent d'ordinaire les chevaliers dragon d'ishgard, mais sa portée semblait adaptée au combat monté, plus particulièrement aux mesures de sa seule monture, Akio. Le loup gonfla le poil, il avait de toute évidence compris bien avant elle ce que cela voulait dire.
"Qu'est ce que tu en penses, Akio, on devrais essayer avec ceci ?
- Aucune arme n'a jamais été inutile, voyons ce que cela donnera avec elle-ci."

Un pas de plus vers l'inconnu, mais après tout pourquoi pas. La simple idée d'essayer lui provoqua un frisson d'excitation ; si elle n'avait été fatiguée de sa journée elle serait sans doute ressortie sur l'heure pour faire quelques mouvements. Au lieu de cela, elle se contenta de prendre en main la lance et de se lever, testant son poids et sa maniabilité en la passant d'une main à l'autre, la soulevant et l'abaissant une ou deux fois.
"Tu devrais aller le voir.
-...Hai !"

Les réflexions reprendraient demain matin. Elle déposa la lance avec plus de soin qu'elle ne l'aurait jamais à l'entrainement qui débuterait bientôt avec celle-ci, et quitta la pièce aussi rapidement qu'elle y était entrée. Traversant la demeure, elle entendit des pas sortir du bain alors que les siens se rapprochaient de la chambre. La porte s'ouvrit, éclairant le couloir d'un trait de lumière chaude et l'ombre de la silhouette du maître des lieux s'y dessina. Mais avant qu'il puisse sortir, son épouse se jeta à son cou.
Une servante qui passait par là les bras chargés de linge leva la tête en entendant sa surprise contenue, mais elle ne vit rien d'autre que le fusuma se refermer dans un claquement sec.


"Eeh... Kikyo-sama devient entreprenante !" Laissa-t-elle échapper dans un gloussement discret.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Selon les domien, aucun paysage ne saurait être plus beau que celui qui pare d'or les plaines de Yanxia au soleil couchant, quand le ciel et la terre se fondent dans un même tableau, comme si le monde entier s'embrasait. Près d'un arbre isolé dans les hautes herbes claires, un loup blanc couché près d'un cheval à la robe sombre profitait d'un paisible moment de calme, encore à bout de souffle par les exercices de la journée. Il s'était entraîné des heures durant et le professeur ne leur épargnait rien.
Cela faisait du bien à sa compagne surtout, soucieuse à la fois pour sa cousine et pour Shinme, Kikyo avait parfois du mal à penser à autre chose. Shinme n'était plus là, et bien qu'elles s'écrivaient et que leur lien demeure indéfectible, il fallait se faire à l'idée qu'elle ne serait plus à ses côtés au quotidien au moins pendant un moment. L'équipage devait avoir un nouveau Quartier-Maître, et le relais ne lui ressemblait plus à présent. Ce qu'Ivanhault appelait le "cycle ascendant" apportait aussi sa part de changements difficiles et de situations inconfortables.
Entre les affaires et la diplomatie, le commerce et les expéditions, elle tenait la barre envers et contre tous avec confiance et volonté. Cet entraînement lui donnait l'occasion de se recentrer et de mettre de l'ordre dans son esprit, il contribuait à sa stabilité, il la faisait avancer au-delà du simple maniement des armes.

Plus que n'importe qui, Akio savait à quel point cette femme si forte pouvait se renfermer quand l'incertitude s'emparait d'elle, mais grâce à ses hommes et au stoïcisme de son époux, Kikyo était devenu un roc inébranlable qui s'était hissé au plus haut de ce cycle pour en contempler toute l'étendue en affrontant les difficultés et les choix les moins agréables. Elle était sur la bonne voie.
Akira inspirait déjà le sérieux de la martialité, toutes leurs passes d'armes étaient dures, parfois violentes. En trois semaines les progrès étaient déjà visible mais au prix de lourds efforts et d'une intransigeance propre à l'ancien daimyo. Les habitants de Namaï s'étaient habitués à entendre le son des lances qui s'entrechoquent et la charge des montures se heurtant l'une contre l'autre. Matsukaze se montrait aussi solide et inflexible que son cavalier, soufflait presque comme lui, froid et tenace, sans peur face au loup qui n'avait ici qu'un rôle de monture ; Kikyo devrait d'abord apprendre à se battre sur son dos avec cette nouvelle arme sans qu'il ne s'attaque lui aussi à l'adversaire, avant de passer au stade supérieur.
Aujourd'hui comme chaque fois qu'ils venaient sur cette plaine, les passes d'armes s'étaient succédées pendant des heures d'abord au sol puis en selle, ils n'hésitaient jamais à se blesser. Bien souvent, Kikyo rentrait à la maison la plus amochée des deux, le revers de l'apprentissage. Elle cachait encore les marques de ces combats sous ses chemises et manteau de capitaine, sans rien confier à l'équipage de sa grande fatigue. Elle ne ménagerait aucun effort, il ne la ménageait pas non plus, ce soir-là aurait pu être comme les autres même si le calme était revenu sur la plaine un peu plus tôt que d'habitude.

Le loup jeta un regard sur les deux lances d'entraînement plantées dans le sol quelques pas plus loin, en plein soleil. Il ne s'attarda pas dessus et retourna à sa contemplation du ciel, sans prêter plus attention au mouvement dans les hautes herbes à côté, qu'une légère brise courba pour laisser apparaître un instant la nuque du hyur à la peau laiteuse qu'une main brune s'empressa de redescendre.
"Je doute que vous reteniez quoi que ce soit de la leçon ainsi.
- Cela est de votre faute, anata."

Le coucher de soleil sur Doma était unique, mais voir le Tigre, Akira Kurusu, droit sur sa monture une lance à la main, torse nu face à elle dans les rayons vermeil était un de ces rares instants où Kikyo pouvait tout oublier, même de se défendre. Au lieu de cela elle avait simplement lâché son arme et bondit de sa monture en pleine charge pour le plaquer au sol, ils ne s'étaient pas relevés depuis et l'entrainement s'était arrêté là ; elle poussa un long soupir contre ses lèvres.
"Je ne vois que vous."
Ils seraient probablement resté ici un moment, si rien ne s'était passé. Kikyo lui aurait sans doute parlé de ses projets d'expéditions, demandé conseil à propos de Hotaru et oublié dans ses bras l'absence de Shinme ; ils auraient certainement fait l'amour avant la tombée de la nuit, et elle l'aurait peut-être vu sourire ainsi que l'on s'y attendrait lorsqu'une bonne histoire se termine.

Une onde de choc balaya soudain la plaine, faisant trembler la terre un court instant, provoquant un sursaut chez le couple qui se redressa. Plus loin à l'horizon, l'une de ces mystérieuses tours venait de se "réveiller". Trois fois rien, à peine quelques ondes et pourtant cela suffit à faire froncer les sourcils aux deux Kurusu.
"Que se passe t-il ?"
Leurs regards se figèrent sur la tour, comme s'ils s'attendaient à voir quelque chose d'autre, peut-être plus grave, se produire. L'incertitude, ce poison pour l'esprit. Les minutes passèrent sans que rien de nouveau de se produise et pourtant la nature elle-même semblait en suspend et les couleurs chaudes laissèrent place à un crépuscule froid lorsque le soleil disparut derrière les montagnes. La perle de Kikyo vibra près de sa corne.
- ♪ - "Hai ?"
- ♪ - "Capitaine Kurusu ? Les éclaireurs du Maelstrom rapportent qu'un genre de néo-primordiaux sont apparu en Eorzéa, c'est certainement lié aux tours. Votre équipage a demandé à participer aux études voulez-vous que je vous transmette les informations autorisées ?"
- ♪ - "Oui, s'il vous plait."

Elle coupa la communication. L'expression d'Akira en disait long, et celle de Kikyo s'y accordait parfaitement. S'il était un sujet sur lequel ils étaient certains de toujours s'entendre c'était bien celui-là.
"Les enfants." Dirent-ils de concert.

Sans attendre, ils sortirent leurs lances du sol et enfourchèrent leur monture, en route vers Namaï. Ces tours ne présageaient rien de bon et plus le mystère grandissait, plus ils envisageaient le pire. Tôt ou tard il faudrait bien agir, mais avant mettre leur famille en sécurité.
L'histoire ne devait pas se terminer ainsi, dans la stabilité et le calme au sommet du monde à contempler l'avenir. L'avenir semblait fait de chaos, et la menace serait bientôt là.


Ce n'était que le calme avant la tempête.
Ce n'était que les prémices de l'apocalypse.





Tome III - AU DELÀ DE L'ETERNEL
[size=6]FIN[/size]

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