[Kikyo] II - Coeur de Diamant

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Lerith Il y a 12 mois et 3 jours

Kimiko enfin endormie, Akira referma lentement le fusuma. Bientôt cette petite chambre accueillerait un pensionnaire de plus, mais pour l'heure les pensées de Kikyo allaient vers sa fille. Après avoir passé la soirée à repousser l'heure du coucher elle avait finalement eu ce qu'elle voulait : un moment avec son père.
"Cela faisait un bon moment que je n'avais pas passé autant de temps avec elle, avoua Kikyo tout en retirant ses getas. Elle n'a plus l'habitude que je reste si longtemps, elle s'endort toujours après mon départ."
Passé la sixième lune de grossesse, plus question de se téléporter de peur d'altérer l'ether du bébé désormais dans sa dernière phase de développement.

Les servantes avaient pris soin de raviver le feu avant de partir se coucher. Il n'était pas si tard que ça, depuis combien de temps ne s'étaient-ils pas retrouvés ainsi, seuls entre ces quatre murs, sans que l'un ne soit déjà couché ? Deux ans déjà qu'elle partageait les nuits du Tigre, des nuits qui se ressemblaient bien souvent, des nuits dont elle ne se laissait pas pour autant. Elle n'était pas la première, elle l'avait toujours su. Et encore aujourd'hui on aurait du mal à imaginer Akira Kurusu dans les bras d'une raenne. Pourtant il l'avait choisie, et chaque fois qu'elle l'entendait passer la porte de leur chambre elle se souvenait.
Il haussa un sourcil lorsqu'elle entoura ses épaules de son bras, avant de poser sa tête contre la sienne.
"Vous êtes bien entreprenante ce soir.
- Hai, anata."

Il souffla par le nez, amusé, glissant à son tour la manche de son haori dans le dos de son épouse.
"Trois lunes, encore... souffla t-elle.
- Il se fait de plus en plus sentir, n'est ce pas ?"

Akira posa son autre main sur le ventre arrondi de son épouse, plus volumineux qu'à sa précédente grossesse ; elle avait d'ailleurs l'intime conviction que ce serait un garçon, un petit conquérant au vu de la place qu'il prenait. Au fond, qu'importe que ce soit vrai ou qu'ils aient une autre fille, ils auraient bien d'autres enfants, autant qu'il en voudrait.
Elle hocha la tête avant de poser son front contre le sien, les yeux fermés.
"Il vous ressemble, watashi no tora."
Il avait pris l'habitude de dire qu'ils n'étaient plus des jeunes mariés ; chose vraie. En deux ans leur relations était passée des étincelles de leurs premiers contacts physique à une routine passive couplée avec leurs devoirs et engagements respectifs, l'image du Lotus Blanc, sans oublier l'éducation de leur premier enfant. Elle avait changé elle aussi, de l'ombre recluse des Kakita elle était passée sur le devant la scène tout en rejetant la politique. Elle s'était affirmée non pas comme on l'attendait mais comme elle l'avait souhaité ce qui n'était pas pour déplaire à son seigneur, quoi qu'il en dise. Elle lui tenait tête, elle avait appris à rugir...
Pourtant certains choses ne changeaient pas comme ces frissons chaque fois qu'il posait la main sur elle, ce sourire qu'il affichait quand elle s'abandonnait dans ses bras et qui n'appartenait qu'à elle, deux ans et le feu de la passion ne s'était pas éteint, ils le ravivaient d'un seul regard.
"Mais vous êtes songeuse."

Difficile de le cacher, en effet, surtout à lui. Elle pensait encore à Fjrn et Shinme désormais privées de cette intimité tandis qu'elle, fort de son devoir accompli, pouvait se perdre tant qu'elle le voulait contre le corps de son amant. Il y avait une forme d'injustice qui passait dans son esprit de temps à autres, bien qu'elle se ressaisit rapidement ; elle devait le faire.
"Je songe... à la chance que j'ai, Akira-sama."
Deux années. Si peu et pourtant cela semblait une éternité quand elle se comparait aux gens qu'elle croisait. Entre les instables et les esseulés, elle se sentait à part, bénie des dieux qui l'avaient guidée dans le sillage de cet homme et par le fruit du hasard, capter son regard. Elle frémit lorsqu'il la pressa contre lui un peu plus fort ; le silence régnait dans la maison à présent. Kikyo ferma les yeux.

Comment deux années avaient-elles pu passer ? Impossible. Elle était toujours la même jeune femme qui rougissait à ses murmures, n'osant imaginer ce qui s'en suivrait bien qu'elle le sache déjà au fond d'elle-même.


"Embrassez-moi."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours

"Inelis Qerel, Lieutenant-médecin au sein de l'Ordre des Deux Vipèrs, largement investie et active sur le front et dans les hôpitaux de campagne, est décédée."
La nouvelle ne l'avait pas effondrée, ou surprise plus qu'une autre nouvelle. Inattendu n'était pas le mot, cela faisait bien longtemps qu'elle n'attendait plus son retour, néanmoins Kikyo ferma les yeux devant la peine de Shinme et du reste du conseil. Surprise ou pas, cela demeurait une triste nouvelle.
"Je prierai pour elle, puise t-elle trouver la paix auprès de ses ancêtres."
Le Conseil des Quatre se termina quelques minutes plus tard, sur une note positive malgré l'ampleur de la tâche qui les attendait. Kikyo se retira d'abord dans son bureau, satisfaite de ces échanges. Les adieux avec Romarique lui arrachèrent un léger pincement au cœur mais au fond, les affaires de l'Ordre allaient bien, et pour le mieux surtout à l’Épée. Après les tensions des dernières semaines, et avec le retour d'Ana saine et sauve, les Quatre Tours lui semblaient plus unies que jamais.

"Kikyo, il faut que je vous parle."
L'appel d'Alexois sur la linkperle intervint alors qu'elle s'apprêtait à passer la porte de Ten no Tsuki. Soupirant elle choisit de demeurer à l'entrée pour l'attendre et écouter ce qu'il avait à dire. Cela faisait un moment qu'il voulait la voir et qu'ils repoussaient sans cesse, et même si son ventre commençait à lui peser elle pouvait bien lui accorder quelques minutes. Elle ne s'attendait pas à ce que cela la concerne directement lorsque le médecin se présenta à elle, essouflé de l'avoir rattrapée en traversant tout Shirogane jusqu'ici.
"Qu'y a t-il ?
- ... C'est à propos de votre grossesse. Je sais que vous faites comme si de rien était mais il va bien falloir que vous saviez la vérité les signes clinique ne trompent pas."




Elle referma derrière elle la porte de Ten no Tsuki, après avoir quasiment planté Alexois devant le portail de la résidence. Ses pensées se bousculaient dans sa tête. Que dire, que faire ? Elle n'aurait même pas le loisir de réfléchir à la meilleure façon d'aborder le sujet, ni même de le dissimuler le temps de rassembler ses idées. Le sort en avait décidé ainsi : le Tigre était là, rentré plus tôt ce jour là et déjà installé dans son fauteuil un livre à la main, son thé servi. L'expression confuse de son épouse enceinte ne pouvait que lui sauter aux yeux.
"Que vous arrive t-il, femme ?"
Il avait simplement levé son regard, sourcils froncés, s'attendant sans doute à ce qu'elle évoque un souci quelconque provoqué par ses "éorzéens" de compagnons d'aventure. Elle devait répondre vite, trouver les mots juste. Elle les aurait trouvé, s'il avait bien été question de ses hommes. Une énième dispute aurait sans doute été préférable à ce silence agaçant.
Voyant qu'elle ne répondit pas dans l'instant, il fronça les sourcils un peu plus.
"Je dois vous parler de quelque chose..."
Elle n'avança pas, restant debout devant la porte. Akira attendit encore quelques secondes de plus et puis, voyant qu'elle cherchait encore ses mots, se leva, ce qui n'aida pas Kikyo à se concentrer. Au fur et à mesure qu'il s'approchait, elle se sentait de plus en plus tendue. Cette nouvelle allait bouleverser pas mal de plans, il y aurait énormément de détails à revoir.

"Parlez." Ordonna t-il, fixant ses mains serrées contre son ventre. Il avait compris que cela concernait sa grossesse. Lorsqu'il adoptait ce ton elle aurait volontiers baissé la tête mais pas cette fois. Elle avança d'un pas, et le fixa droit dans les yeux.
"Akira-sama, votre clan est proche de s'agrandir non pas d'un membre de plus, mais deux."
Il cligna des yeux. Ce fut son tour cette fois de faire silence. Il s'avança alors jusqu'à elle d'un pas déterminé.
"Anata, j-..."
Elle ne termina pas sa phrase, deux mains possessives se posèrent sur son ventre, écartant presque les siennes. Ce n'était pas un geste doux, bien qu'il ne soit pas violent non plus, et pourtant elle frémit en voyant le regard du seigneur Kurusu s'illuminer d'une flamme nouvelle, son aura plus flamboyante que jamais, comme lorsqu'il avait su pour sa première grossesse. Celle-ci n'était pas une surprise, mais un nouvel enfant s'ajoutait à l'attente.

A l'étage en dessous, les servantes ne faisaient pas un bruit, regroupées dans les escaliers à espionner le couple Kurusu debout dans l'entrée. L'une d'elle sursauta lorsque le dos de l'épouse heurta le bois de la lourde porte, sans violence mais non sans surprise. Une main sur sa gorge, qui ne serrait pas, lui maintenant le menton levé vers son daimyo dont elle soutenait le regard courageusement. Les autres servantes rougirent et détournèrent le regard, choisissant de s'éclipser. Un seul mot sortit de la bouche du Tigre avant qu'il n'oublie tout le reste.
"...Deux."
La maison du Lotus Blanc devait sans doute avoir reçu une bénédiction. Trois enfants en deux ans alors que Kikyo était à moitié raenne. Quelque soit la volonté des kamis, ou celle des ancêtres, c'était pour elle une évidence que la nature elle-même désirait leur union.
"Vous m'en donnerez bien d'autres, Kurusu-tsubone."
Cette promesse, pour une fois, lui permettait d'envisager l'avenir avec un peu moins d’appréhension. Elle savait ses récents choix mais il n'était pas plus pressé de mourir, surtout pas maintenant.

Il n'y aurait personne d'autre ce soir-là pour voir, non pas le démon, mais l'homme qui s'abaissa pour coller son front contre le ventre de son épouse, impatient de voir ses deux futurs tigrons ouvrir les yeux sous le ciel d'orient.


Le lotus peut fleurir...
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours

Ils étaient tous présents, tous ceux qui avaient pu se déplacer ce soir-là. Ceux qui n'y étaient pas ne furent blâmés, car seules les responsabilités et devoirs de chacun les avaient retenu. Ils seraient de toute façon informés de ce qui s'était passé ce soir et ce, dès le lendemain matin.
Ce serait peut-être l'une des dernières réunions qui se tiendraient dans ce bâtiment. Le Haut-Commandeur avait tenu à se présenter debout, face à ses hommes, bien que forcée de se tenir à Shinme.

Elle prit une profonde inspiration. L'heure était venue.

"Ce soir, il est important que vous repartiez tous au même niveau d'information. Mais avant de commencer il me faut clarifier une base essentielle. Ce que vous allez apprendre ne vous a jamais été caché, il n'y a eu aucune rétention d'information et aucun secret. Je sais que certaines maladresses ont causé du tort, faisant croire à certains d'entre vous qu'une menace planant sur l'ordre leur a été dissimulée. Si vous avez été appelés ce soir à vous rassembler, c'est parce que cette menace est désormais réelle. Ce qu'elle n'était pas jusqu'à tout récemment.


Tout a commencé parce que plusieurs d'entre vous, ceux que vous appelez "les neuf" se sont découvert il y a plusieurs lunes un lien étrange. Cela relevait de leur vie privée, et ne représentait aucun danger pour nous, ni pour eux. Cette quête personnelle a, à plusieurs reprises et dues à divers malentendus, été perçue par une sorte de "mission secrète" allouée à une petite partie privilégiée. Il n'en est rien, au commencement ce n'était qu'un détail, une "coïncidence" que ce lien concerne uniquement des membres de l'Ordre.
Mais à toute coïncidence il y a des septiques..."


Elle s'interrompit un instant, son regard porté sur l'elezen sombre et inexpressif, discret au milieu de ses hommes rassemblés.

"...Des théories se sont profilées au sein de ce groupe, d'un possible lien entre leur enquête -toujours inoffensive jusqu'à lors- et notre compagnie. Des théories dont je fut informée, mais qui restaient alors des théories. Des questionnements, des reflexions sans aucune certitudes, qui n'engageaient pas notre compagnie sur de nouvelles péripéties.
Mais ces réflexions ont porté leurs fruits. Et maintenant que des faits clairs sont établis, que le lien entre les Neuf et leur mission se révèle faire partie de la notre... Maintenant que cette "trame" qui relie neuf d'entre nous s'avère faire partie de notre combat, et qu'il est possible d'en parler clairement sans se perdre dans les théories et les hypothèses, je laisse le Commandeur Icewind vous informer.

Je vous demande de l'écouter attentivement, mais de ne pas perdre de vue une chose :
Ce qu'il va vous dire n'est qu'une pièce du puzzle que compose notre Ordre. La Trame des Neuf n'est qu'une partie de cette grande quête de réponses que nous avons entrepris sur les origines des Quatre Tours, et la mission qui est notre. Le Cerf Blanc nous a avertit, cela fut mentionné dans le rapport de Fjrn : plus nous avancerons, plus nos ennemis se rapprocherons eux aussi.

Il est possible -et ce n'est pour l'heure qu'une théorie- que la trame soit le sortilège, ou une partie du sortilège, pour lequel les commandeurs du passé ont donné leur vie. Les Neuf en sont les porteurs, mais leur rôle est visiblement transmissible. Cela nous concerne tous. Que vous soyez porteurs de ce lien, ou de "simples" membres de la compagnie. Nous avons tous un rôle dans cette histoire, mais nous ne les connaissons pas tous. Il nous appartient désormais de le découvrir ensemble par nos missions en cours. Les recherches sur la trame sont aussi importantes que l'expédition dans le Coerthas sur les traces de la famille Gauphron. Tout cela est lié.

Ensemble, nous viendrons à bout de cette menace."


L'annonce faite, l'échange semblait avoir porté ses fruits... sauf avec Nazah. Alors que l'unité était requise, la miqo'te n'avait rien trouvé de mieux à faire que d'adopter un comportement séditieux une fois les autres partit. Kikyo ne pouvait trop lui en tenir rigueur, pendant des semaines l'intuition de la miqo'te s'était révélée juste bien que basée sur de fausses informations ; cela avait entraîné un sentiment d'incompréhension et de frustration, ajouté à son orgueil. Elle s'était sentie ignorée, et refusait maintenant d'écouter la voix de la raison.
Kikyo craignait maintenant que l'un de ses officiers finisse par faire sédition, ajoutant à cela qu'elle venait à reprendre Licinia à l'Epée ce qui n'augurait rien de bon à ses yeux connaissant l'influence jugée néfaste de la garlemaldaise.

Si l’Épée venait à se montrer dissidente, elle devrait agir, bien que cela ne lui rappelle que trop les avertissements du passé sur les guerres intestines qui avaient précipité l'Ordre à sa perte. C'était là une faille que l'ennemi pouvait exploiter à tout instant.
"Je dois faire confiance à Nazah" se répétait-elle, le regard levé vers les étoiles. "Je dois croire en elle." Cette intuition qu'elle avait eu ne pouvait être un simple hasard, elle n'y croyait plus. Nazah avait peut-être senti quelque chose venir sans le savoir, un "don", ou autre chose, tout était encore possible.Mais difficile pour une mère d'être raisonnable, quand la vie de son enfant est menacée, quand la vie de l'ensemble de l'Ordre était à présent menacée. Ce n'était pas la faute des Neuf ni de qui que ce soit, s'ils ne l'avaient réveillée maintenant ils l'auraient de toute façon croisée, cette épée de Damoclès, à force de creuser dans le passé de l'Ordre.

"Madame, tout est prêt."
Elle se tourna, voyant l'une des servantes debout près de la porte de Ten no Tsuki, ses valises à la main.
"Bien. Kimiko ?
- Elle dort, madame."

Kikyo hocha la tête une fois. Elle lui avait dit aurevoir avant de la coucher, pas question que l'enfant assiste à son départ et se mette à pleurer comme tout enfant le ferait. Elle ne voulait pas pousser sa fille à afficher la moindre larme, de toute façon elle reviendrait bien assez tôt, et pas seule.
Akio vint se frotter doucement contre elle, il ne la quitterait pas un seul instant durant les prochaines semaines, peut-être les prochains jours. Combien de temps exactement ? Nul ne pouvait le dire ; moins de six semaines assurément.
"Accompagnez-moi jusqu'à l'aerodrome de Kugane, Lantis et Hotaru me retrouveront là-bas."

Yume-dori, y avait-il un lieu sur terre où elle se sentait plus en sécurité en dehors de chez-elle ? Et Akira-sama avait raison, ici elle ne risquait pas d'exposer les habitants de Shirogane aux phénomènes surnaturels que la naissance de ses jumeaux avait annoncé. Mieux vaut prévenir que guérir, le seigneur viendrait le moment venu la rejoindre.
Pour l'heure, c'est face au gardien des lieux qu'elle se trouvait. Le gigantesque loup noir les toisait de toute sa hauteur.
"La Marque du Loup ?
- Hai. Ainsi que Okamisama l'avait annoncé. L'un de mes enfants portera cette bénédiction et un jour il pourra choisir de-...
- D'emprunter la voie qui est tienne, et de prendre ta place quand tu ne seras plus.
- ... Hai."

Le loup noir se détourna, grognant dans le vide ou bien à l'adresse du lac et du reflet du Cauchemar.

"Repose-toi, Fille des Songes. Quant à toi, enfant..."
Il se tourna vers Petite Lune, toujours aussi silencieuse.
"Tu ferais mieux d'aller prendre quelques uns de ces diamants dans le temple et de revenir ici pour t'entraîner. Les journées vont d'être longues mais personne n'entrera dans ces bois, j'y veillerai."

Akio s'approcha une nouvelle fois de Kikyo, qui lui enserra le museau avec affection. Oui, de longues journées s'annonçaient en ces lieux. Elle entraînerait Petite Lune à façonner le diamant, au moins les bases qu'elle connaissait grâce à ses pouvoirs. Lantis veillerait sur elle, mais elle savait déjà avant leur départ que ce voyage serait peut-être leur dernier ensemble. Ainsi le voulait la justice, pour sa faiblesse, elle payerait le prix.
"Hélas, mon vieil ami... je crains de n'avoir jamais droit à une maternité paisible, et pour chaque enfant que je donne, je perdrais un être cher."
Le loup ne dit rien, et se contenta de fermer les yeux tristement, la truffe contre la poitrine de celle qui partageait son cœur fidèle. Seuls les canidés, domestiqués ou non, sont capable de ressentir à ce point la douleur de leur maître. Gaito n'en était pas exclu, assis plus loin près du lac, il ressentais sa douleur...


... Alors qu'elle n'était pas encore venue au monde.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours


"J'ai décidé de renoncer à la noblesse."
Il l'avait fait, finalement. La question n'était plus de savoir "si" mais "quand" depuis quelques temps déjà. Il renonçait à tout. Alliances, privilèges, politique et tout ce qui faisait que l'on posait ce prétexte de seigneur domien à toutes ses colères. Kikyo sentit un élan de fierté l'envahir jusqu'au creux de son ventre, là où ses deux petits tigrons n'attendaient que de voir le jour. Ainsi, rien ne changerait et pourtant tout allait changer. Ce n'était pas tant l'étiquette ou les codes disciplinaires qui allaient basculer mais bien cette lassante et permanente critique sociale de l'aristocrate domien.
"Quand le paysan s'insurge et réclame le respect, on loue son courage, quand le seigneur en fait autant on le conchie."
Ainsi, qu'avait-elle cette noblesse ? Rien. Ses hommes lui étaient loyaux, qu'il soit ou non le seigneur Kurusu. Il demeurait le tigre, le démon du Lotus Blanc, fortuné et engagé pour son pays. Qu'importe le sang d'une caste devenue inutile après la libération, ils avaient leur famille.

"Maîtresse, tout est prêt."
Shinme soulevait à grand peine la valise de Kikyo. Celle-ci finit remplaça la peluche namazu entre les mains de sa fille endormie avant de lui baiser le front.
"Encore un peu de patience, mon petit lotus. Nous serons bientôt de retour."
Sa suivante referma sur son passage le fusuma de la chambre d'enfants avant de la suivre dans les escaliers. Toutes les servantes de la maison s'étaient rassemblées pour lui souhaiter bon voyage. Cette visite, pour le mariage de Byakuya, avait été brève mais elles savaient toutes qu'à son prochain retour Kurusu-tsubone leur apporterait une nouvelle source de joie et de travail. Après les avoir salué une à une, elle quitta la maison en direction de l'aeronef du Lotus Blanc.
"Tu dois voir tes parents ce soir, n'est ce pas Shinme ?
- Hai, répondit l'ambre.
- Et après-demain se tiendra le conseil, auquel je ne pourrais assister. Je compte sur vous, et sur toi.
- Hai."
Répondit encore une fois Shinme.
Une si longue séparation ne laissait pas de marbre sa précieuse Shinme, si lourdement touchée par les évènements de ces dernières semaines. Oh, bien sur elle avait fait en sorte que sa nouvelle amie rencontrée à Kugane lui apporte sourires et réconfort, mais malgré cela elle sentait le poids de son absence sur ses frêles épaules. Arrivée devant le portail, elle se tourna.
"Je serais bientôt de retour.
- Hai."
fut encore le seul mot qui fut rendu, de la bouche de l'ambre à tête baissée.
Kikyo posa alors une main sur sa joue, lui faisant lever le menton vers elle. Elle l'avait vue partir en joie la veille, contenant avec peine le sourire radieux qui ne demandait qu'à éblouir le monde, et ce matin la suivante si fidèle et si déterminée pleurait presque le départ de son phare.
"Nous méritons ce qui nous arrive, yamaboto. Le bon comme le mauvais, tu as eu bien des mésaventures, bien des larmes et tant de rage au cœur... Nous serons bientôt réunies. Le temps est venu pour toi de récolter les fruits de ton labeur."
Sans lui laisser le temps de s'opposer à l'effort fourni, Kikyo s'avança sur la pointe des pieds, portant son ventre à bout de bras, elle posa ses lèvres sur le front de Shinme le temps d'un baiser semblable à celui offert à Kimiko un instant plus tôt.
"Princesse ou mendiante, ma famille est la tienne, Shinme Kurusu."

Un bruissement dans l'herbe annonça la venue du maître de maison. Les deux femmes se turent, interrompant ici leur discussion. Le tigre s'avança jusqu'à elles, silencieux, et ne prit la parole que lorsqu'il fut arrêté.
"Je vais l'accompagner."
Plus qu'un ordre, c'était un fait. Il se saisit de la valise d'une seule main, et celle de son épouse de l'autre, laissant là la jeune femme seule à l'entrée du jardin. Kikyo eut un regard en arrière à son attention, un dernier sourire avant que sa main ne se resserre dans celle de son époux. Il n'y avait que Shinme pour saisir ces instants fugaces où ils avaient l'air de deux amants ordinaires marchant côte à côte. Ce n'était pas une promesse en l'air, aucun d'eux ne promettait jamais quoi que ce soit sans aller au bout de leur parole. Une nouvelle aube s'annonçait pour le Lotus Blanc et la famille Kurusu, toujours plus grande.


"Encore un peu de patience, yamaboto."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours

Le vent jouait dans les roseaux, accompagnant la berceuse d'une mère dans un jardin baigné de soleil. Ce printemps avait tout d'un été. Kimiko s'était couchée contre sa cuisses, sa peluche de tigre blanc dans les bras, et se servait de sa robe de chambre comme d'une couverture. Kikyo gardait un œil sur elle tout en berçant tendrement le garçon nouveau né dans ses bras tandis qu'à ses côtés, dans un couffin en bambou tressé, sa jumelle s'endormait au son de sa voix. Depuis la pleine lune, soir de leur naissance, elle n'avait que très peu eu de moments comme celui-ci. Non pas qu'on le lui interdisait, mais chaque servante de la maisonnée sans parler de Hotaru et Shinme, se pressaient constamment pour l'assister. Une aide précieuse après un accouchement difficile, pourtant elle chérissait ces instants de quasi-solitude, ces moments où ils n'étaient pas les héritiers du Lotus Blanc mais ses enfants à elle.
A les voir, tous les trois, elle se surprenait à sourire, songeant à leurs prochaines années. Combien d'aventurières ou de farouches guerrières avaient, devant telle vision, choisi de déposer les armes pour se consacrer pleinement à cette vie ? Elle aussi, d'une certaine façon, était bien tentée.

"Mais votre mère a encore bien des choses à accomplir, mon fils" murmura t-elle à son bébé, plus pour elle que pour lui qui s'était déjà endormi dans ses bras. "Ce monde que je veux vous offrir n'attendra pas qu'un autre mène mes combats à ma place."
Elle ne voulait pas penser tout de suite à la séparation, qu'elle voulait atténuer le plus possible, lorsqu'elle retournerait à ses devoirs de Haut-Commandeur ; cela se ferait de manière progressive.
"Je suis une femme chanceuse."
Contrairement à tant d'autres, elle pouvait bénéficier de toute l'aide nécessaire à sa vie de mère active : un époux non conservateur, des servantes efficaces pour veiller sa progéniture en son absence, une suivante dévouée pour l'accompagner aussi bien au combat que dans une nurserie, et désormais une proche parente faisant preuve d'autant de respect que d'affection mesurée, juste le nécessaire pour que Kikyo se sente en confiance. Oui, Kikyo Kurusu avait tout, et elle avait conscience de tout avoir. La moindre des choses était de les mettre à profit.
"Maman."
Sortie de ses songes, la demi-raenne posa son regard sur la petite fille de un an et demi qui s'était réveillée. Toujours couchée, elle s'était redressée sur les coudes et tirait doucement sur le tissus de sa manche pour capter son attention, sourcils froncés.
"Qu'y a t-il, petit lotus ?"
Pour toute réponse, la petite fille pointa du doigt la feuille tombée sur son petit frère. Ce n'était qu'une petite feuille verte, détachée de sa branche par le vent alors qu'elle poussait encore. Elle était tombée sur la main du nourrisson, et s'était posée sans bruit. Intolérable pour Kimiko Kurusu, que le plus discret des végétaux risque de troubler la sieste des jumeaux. Kikyo souffla un rire, chassant du bout des doigts l'impudente feuille que Kimiko suivit du regard avec une grande sévérité jusqu'à ce qu'elle touche le sol.
"Té !" Conclut la petite princesse en la pointant du doigt, babillant à ce sujet maladroit le châtiment du chef de clan. Kikyo sourit un peu plus, ramenant l'enfant contre elle de son bras valide. Ainsi protégée, l'enfant oublia bien vite le reste et se blottit contre son ventre, une petite main serrant le tissus cotonneux. Elle ne bougea plus, laissant à sa mère assez de liberté de mouvement pour qu'elle puisse coucher l'enfant auprès de sa jumelle.
"Dormez bien Akihiko, Kiyoko.
- Aki. Kiyo."

Faute de savoir encore parler correctement, c'était la fille aînée qui trouva les surnoms des deux tigres jumeaux. Tous deux étaient semblables par la couleur de leur peau légèrement foncée, mais Akihiko était plus chétif que sa sœur. Ils avaient les mêmes yeux vairon, bleu et violet, mais inversés. Si on devinait à Akihiko de futurs cheveux brun, Kiyoko était née avec une mèche de cheveux châtains allant de sa tempe gauche jusqu'à la base de son cou, exactement la même que Kikyo avait eu à la naissance. Comme leur sœur, ils avaient eux aussi un petit collier d'écailles blanches très fines, et ne pleuraient presque pas. Ils étaient bien jumeaux, mais ne se ressemblaient pas autant que tous ceux que l'on pouvait croiser en Eorzéa, ils avaient suffisamment de points similitudes pour se reconnaître comme une fratrie, et assez différents pour ne pas s'associer trop l'un à l'autre et grandir selon leurs propres choix.
"Votre père et moi ne laisserons personne vous dicter votre destinée."

Le Lotus Blanc continuait de servir Doma, libéré des contraintes et des codes de l'aristocratie. L'Ordre des Quatre Tours continuerait d’œuvrer pour un monde meilleur au-delà des frontières de leur pays. Être mère de trois enfants était loin de pousser Kikyo à poser les armes, c'était même tout le contraire.
Les chakrams que Kaaz lui avait fabriqué à partir de la lame de Shiroyume avaient révélé autre chose que le forgeron lui-même ne soupçonnait pas, un pouvoir que Kikyo devait encore apprendre à maîtriser mais sa découverte, les jours précédant la naissance, avaient nourri un désir brûlant de voir jusqu'où elle pourrait aller avec cette arme, maintenant que Hotaru était en mesure de réussir dans le domaine de la magie des rêves, domaine que Kikyo se savait incapable d'exploiter pleinement à la manière des miko. Il lui restait encore un peu de temps pour profiter de ses trois tigrons, et pour retrouver ses forces. Ce temps, elle le mettrait à profit pour préparer son retour, plus déterminée que jamais.
"Vous rêvassez, femme."
Elle ne l'avait même pas entendu sortir, et ne réalisa sa présence que lorsqu'il prit place à ses côtés. Kimiko se détacha alors de sa mère pour aller s'asseoir entre les deux, trônant au centre de ce banc de jardin avec fierté.
"Pardonnez-moi, anata. J'étais perdue dans mes pensées.
- Oh ?"

Le ton laissait entendre qu'il était curieux de connaître la teneur de ses rêveries. Kikyo rajusta la couverture sur les jumeaux, veillant à ce qu'ils soient aux aussi installés entre eux, Kimiko assise devant et penchée dessus avec le plus grand sérieux.

Et tandis qu'ils parlaient, à l’abri de ce jardin, le hanyo veillait de loin aux côtés d'un homme en tenue de pèlerin, aux cheveux noir grisonnants et aux yeux verts émeraude. Gaïto ne quittait que rarement le sanctuaire, mais il avait à présent une raison de le faire.


"Tsss, les humains."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours

"Apportez-moi le courrier d'hier.
- Tout de suite madame !"

Le processus de mise à jour des dernières informations se montrait particulièrement long, bien qu'elle ait eu la satisfaction de voir qu'en son absence, tout s'était plus ou moins bien déroulé. Le long travail de lecture des rapports lui prenait finalement plus de temps que d'énergie, force était de constater que la demande était croissante autant au niveau des candidatures que des missions mais le conseil s'était montré particulièrement exigeant et sélectif.
"Je constate toutefois un léger relâchement au niveau de la discipline globale. Mais sans doute est-ce dû à la récente destruction de la trame, ce fut un coup dur pour plusieurs d'entre nous."

Plus elle voyait passer le courrier, plus son visage se détendit. Hormis cette affaire avec les meurtres, sur laquelle travaillaient déjà une bonne partie des effectifs, s'engageait une période plutôt calme pour les Quatre Tours. Et pour chacune d'elles, Kikyo pouvait entrevoir la suite.
Les membres de l’Épée, en plus de protéger les autres contre les attaques de leur nouvel adversaire déclaré, prenaient le chemin choisi par Nazah. Les plus dissipés s'étaient assagi, recentrés sur leur propre progression avant de vouloir à tout prix porter assistance. La patience serait de loin la vertu la plus difficile à leur faire appliquer mais rien d'impossible, Nazah y veillerait. Pour eux, l'héritage Gauphron avait laissé un objectif évident : retrouver la discipline, les techniques perdues, les arts de combats anciens jusqu'à les hisser à l'égal de leurs prédécesseurs. Elle le sentait en les voyant, ils le voulaient plus que tout.
Pour le Sablier, la question ne se posait même pas. Ils n'attendraient pas de réponse de Sharlayan -si jamais elle venait un jour- pour pousser leurs recherches. Que ce soit au travers de Meleth, de Hotaru ou des autres, la volonté de découvrir le passé, d'en percer les mystères et de lever le voile sur le mystérieux sceau qu'ils devraient tous retrouver et garder, se faisait plus forte de jour en jour. En lisant le rapport d'Itaru elle avait haussé un sourcil : Nym. Voilà une origine possible, loin d'être incohérente, mais encore trop tôt pour l'affirmer avec certitude.
La Plume traversait une nouvelle phase délicate, au gré des humeurs de son commandeur. Pourtant Alexois, en dehors de ses crises dépressives, était plus qu'aucun autre attaché à l'Ordre, bien plus que lui-même ne voulait l'admettre mais il ne trompait personne : un esprit indifférent ne serait pas aussi expansif au moindre problème, ou illusion d'un problème. Pour retrouver ses liens, il faudrait faire quelque chose... bientôt. Elle en avait une vague idée, mais rien d'urgent. Pour l'heure, le repos était de mise pour lui encore quelques jours. En attendant Ivanhault saurait gérer la situation.
Enfin vint la Balance, sur tous les fronts. En dehors de ces dossiers attendus par la Plume depuis des semaines pour l'intervention à Priance, Shinme et Fjrn étaient dans les temps et vraisemblablement épuisées. La nouvelle recrue, Johanna, semblait parfaitement s'intégrer et apporter son lot de travail nécessaire. Kikyo réfléchissait encore ; elle savait exactement vers quoi elle voulait les diriger pour les prochaines lunes, encore fallait-il leur en laisser le temps. La Balance avait besoin d'hommes, et de soutient. Ne serait ce qu'une seule personne de plus pour changer la donne.
"Gyoban.
- Oui, madame ?
- Faites envoyer un courrier à Kugane avec un biller de transport, à mes frais. Aller simple. Oh, et prévenez Shinme, qu'elle fasse le nécessaire.
- Que dois-je lui dire, madame ?
- Que le temps est venu."


Le petit namazu quitta le bureau, laissant seule le Haut-Commandeur avec ses papiers. Celle-ci abandonna son fauteuil pour s'approcher des vitraux clairs qui donnaient sur l'océan. Aucun paysage n'égalait celui des montagnes yanxiennes et pourtant elle s'était pris d'affection pour Eorzéa, pour le monde au-delà des frontières de son pays bien aimé. Nul déchirement, nul manque, tant qu'elle savait que de l'autre côté du monde son époux menait le clan sur une voie plus libre mais toujours aussi déterminée.
Peut-être que pour les Quatre Tours aussi, le temps était venu d'embrasser leur véritable destinée, pour peu qu'ils la choisissent.
"Commençons par briser ce cycle d'errance millénaire."


Ainsi avait parlé la Grue de Diamant.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours

Les lanternes autour du relais s'allumèrent peu avant qu'ils ne sortent. Contrairement aux autres soirs de la semaine passée, le jardin était plutôt calme, bercé par le souffle de l'océan sous leurs pieds. Depuis que l'accès sur le front de mer avait été aménagé à l'ouest du bâtiment, elle prenait plaisir à s'y rendre et ce soir ne ferait pas exception.
"Vous avez tout vu à présent, enfin tout ce qui est à voir."
Elle observait Akira, toujours aussi silencieux. Il l'avait suivi durant la visite, à la fois intéressé et distant comme à son habitude. A présent qu'ils étaient seuls, le tigre s'était tourné vers la mer, appréciant la vue et les aménagements.
"Vous avez bien fait. Déclara t-il simplement.
- Les travaux vont prendre encore quelques temps et l'argent ne pousse pas sur les palmiers. Cela vous plait ?"
Elle croisa ses mains devant elle, le regard empreint d'une certaine fierté, mesurée.
"Oui, beaucoup."
C'était bien la première fois qu'il la complimentait sur son établissement. Lui si prompt à railler l'inconstance et l'indiscipline de ses clients apparaissait ce soir plus mesuré à son tour.
"Vous m'avez appris comment faire d'une terre stérile une pièce incontournable de ce vaste puzzle.
- Oh ?"

Il se tourna vers elle, et elle croisa enfin son regard.
"Vous le savez bien, appuya t-elle plus assurée.
- Que voulez vous. J'aime l'entendre dire."


Le vent balaya ses cheveux mal attachés pour ses séances de travail au bureau. Elle ramena une mèche près de sa corne, saisissant les moindres détails de son visage. Personne ne viendrait ce soir, elle pouvait parler librement.
"Je n'étais rien, vouée à être cachée sous le tapis le restant de mes jours, limitée à ma seule loyauté envers Sanjuro-nii-sama. Puis vous m'avez choisie, sans que je comprenne pourquoi. Vous ne m'avez rien épargné, sans cesse poussé vers le haut."
Il se redressa légèrement, sans esquisser le moindre geste pour l'intimer au silence ou l'inciter à poursuivre.
"J'ai atteint un statut que je pensais totalement hors de ma portée, même après notre mariage. Aujourd'hui les gens qui viennent ici me voient comme une figure de tête dans le milieu des aventuriers. Ils me disent "influente"...
- Approchez."

Les mots sonnaient comme un ordre et elle s’exécuta sans attendre. Au plus près de lui, elle le vit se pencher légèrement, murmurant à sa corne :
"C'est ainsi que l'on dévore le monde, ma femme."
Kikyo rougit, le souffle coupé. Akira la saisit par la taille, plaçant sa main le long de son dos. Il ajouta :
"C'est cela, être un tigre. Les ailes de la Grue sont peut-être élégante, mais le Tigre avance droit devant lui. Sans compromis. Il suit son chemin."
Poussée par une audace subite, Kikyo entoura le cou d'Akira de ses bras. A son tour elle l'écouta, buvant ses paroles tout en profitant de ces instants si rares dont ils ne prévoyaient jamais le début ou la fin. Tout en parlant à voix basse couverte par le chant des vagues, il posa une main sur la poitrine de son épouse, au niveau de son coeur juste en dessous de son corsage blanc.
"Certes. Je vous ai choisi, je vous ai façonné. Mais une pierre ne devient pas un diamant, même entre les mains d'un maître. Le potentiel était déjà ici. Il ne vous fallait que le découvrir, et endurer. Et endurer, vous avez fait. Vous le devez à vous, de vous être offerte à moi."
Elle le sentait presser son étreinte au travers du cuir de son corset. Lentement elle ramena l'une de ses mains sur la sienne, alliant sa douceur féminine à cette puissance dominatrice. Un lent sourire se dessina au coin de ses lèvres tandis qu'elle répondait à ses murmures tout en soutenant son regard de prédateur :
"Et je le ferais encore, chaque nuit jusqu'à mon dernier souffle.
- Alors je serais le puit qui étanche votre soif, femme avide."
Souffla t-il en approchant son visage du sien.
De sa main elle leva l'index, le posant contre ses lèvres tout en sachant que cela ne ralentirait en rien les ardeurs de celui qui occupait déjà toutes ses pensées et plus encore.
"N'essayez pas de me duper, tigre affamé."
Le ton était celui du défi, elle approcha son visage du sien à son tour. Akira saisit la main de Kikyo dans la sienne, avec force, retirant son index. Le tigre n'aimait pas qu'on lui résiste, et en même temps il ne la désirait que plus encore. Leurs lèvres se frôlèrent sans qu'aucun ne cède.
"Votre corps hurle, soufflat-t-il, rauque, tandis qu'elle fermait les yeux.
- Vos yeux brûlent" répondit-elle.
Dans un dernier élan et avant de lui céder, elle décida alors d'user son arme absolue. D'un mouvement de tête léger sur sa gauche, elle dégagea sa nuque et son épaule de ses cheveux. L'effet sur lui était radical et elle le savait, elle sentait son regard se focaliser sur sa peau exposée et ce cou offert. Il fronça légèrement, et alors qu'il remontait sa main le long de son dos, et l'autre vers sa gorge, la faisant frémir.
"Pliez."
Lorsque la force diminue, l'orgueil prend le relais. C'était un ordre, auquel elle n'obéirait pas, et au fond elle savait qu'il appréciait qu'elle lui tienne tête ici et maintenant. L'épouse du tigre avait sur lui un pouvoir qui n'appartenait qu'à elle et dont elle n'abusait pas. Ses lèvres s'entrouvrirent, tentatrices, alors qu'elle le défiait à nouveau.
"Faites-moi plier dans ce cas... Akira-sama."
Elle ponctua chaque syllabe du dernier mot. Il referma sa main sur sa gorge, tandis qu'elle en caressait le dos du bout de l'index ; il souffla du nez.
"Femme terrible."
Mais le tigre ne se laisserait vaincre qu'à moitié. Il se pencha, déposant un baiser sur son épaule, inutile de résister plus longtemps.
"Une promesse, pour la nuit."




Il faisait bon dès le matin à Shirogane, le printemps venu en avance avait laissé place à une chaude brise soulevant les rideaux entourant le lit depuis les fenêtres laissées ouvertes toute la nuit. L'un comme l'autre ne tarderaient pas à se lever, préoccupés par les affaires courantes qu'ils devraient gérer chacun de leur côté, l'un protégeant le pays de leurs enfants, l'autre investie dans la quête d'un monde à reconstruire.
L'oiseau qui chantait dans le jardin ne troublait pas leur silence. Le tigre était assis adossé contre la tête de lit, appuyé sur les larges oreillers baignés de soleil, tenant contre lui le frêle corps de son épouse. Il la savait réveillée depuis longtemps pourtant mais elle ne bougeait pas. Il porta alors l'une de ses mains jusqu'à ses lèvres.
"Il est l'heure, anata."
Comme pour appuyer ses propos, deux petites mains vinrent taper au fusuma de leur chambre, et on entendit des babillements impérieux provenant du couloir vite interrompus par une servante confuse venant récupérer l'enfant qui aura sans doute profité d'un instant d'inattention pour s'échapper de sa chambre.




Face au miroir, elle ajusta son insigne, juste en dessous de la décoration remise par le Maelstrom à l'issue de l'affrontement avec la fratrie des Trois Crânes. La femme qu'elle voyait dans ce miroir n'avait rien de celle qui s'était présenté devant la première fois, au lendemain de sa première nuit dans l'antre du tigre. L'enfant de la prison au destin incertain embrassait l'avenir d'un regard toujours plus affûté.
Fille de rien, malgré-nous, déserteuse, duelliste, émissaire, épouse, mère, Haut-Commandeur, autant de marches à gravir, certaines la suivaient encore. Beaucoup s'en contenteraient, seraient tentés de s'arrêter après avoir obtenu autant.

Mais Kikyo n'était pas ainsi.

A l'extérieur, l'attendait son indéfectible suivante et première compagne d'aventure. De l'autre côté du monde, bien d'autres l'attendaient avec impatience, d'autres ennemis aussi ne rêvaient que de la tuer et, dans les méandres d'une prison oubliée, elle savait que l'un d'entre eux luttait pour se libérer et faire d'elle la première des nombreuses cibles de sa terrible vengeance.
Tandis qu'elles s'avançaient vers l'éthérite, un coup de vent souleva sa cape, la faisant paraitre plus imposante l'espace d'un instant, une image qui fit se tourner quelques têtes sur son passage et gonfler de fierté la poitrine de Shinme.


Ce diamant si bien taillé, qui oserait lui barrer la route ?





Tome II - Cœur de Diamant
[size=6]FIN[/size]

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