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[Anima] Noah Ravenhood

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Lerith Il y a 1 semaine et 6 jours

Quatre pour un mariage, et l'apocalypse

Partie 1 : dernier verre avant la fin du monde


Comme toujours, levée aux aurores après une courte nuit d'un sommeil dul'zarist, Noah avait attendu le lever du jour en salle d'entraînement et salué Marek occupé dès le petit déjeuner avant de quitter le Manoir Ravenhood pour prendre le sien chez ses amis. Il existe de nombreuses façons d'annoncer à vos équipiers que l'un d'entre vous a prévu de se marier dans trois jours alors que la fin du monde est proche, aucune ne lui semblait meilleure que les autres alors autant arracher le pansement. Eleven allait être bien trop occupée aujourd'hui pour le leur annoncer elle-même. Curieusement, elle n'avait pas trouvé Blacky dans son panier et suggéra qu'il avait dû retourner dormir chez le reste de l'équipe, chien de luxe.
En frappant à la porte, elle attendit quelques minutes avant qu'Ambrosia vienne lui ouvrir, tasse de café à la main.
"Noah ?
- J'apporte les brioches, une bonne et une mauvaise nouvelle. Je peux entrer ? Bonjour Stephan."

Leur chef d'équipe, frais comme une rose après deux heures de course matinale, entra derrière pour aller se changer et les rejoindre à la cuisine pour une collation commune.
"Donc, une bonne et une mauvaise nouvelle ?
- Oui, je commence par la bonne : Eleven va se marier dans trois jours.
- ... et la mauvaise ?
- ... Eleven va se marier dans trois jours..."

Sur ces mots, le front de Noah toucha la table. Trois jours, tout à faire et même avec Brenda qui allait tout organiser ce serait un tel marathon qu'elle risquait de mourir d'épuisement avant le début des festivités. Mais qu'à cela ne tienne, elle avait un devoir sacré de demoiselle d'honneur à remplir. Tout en visant la cafetière, elle leur fit le récit complet de la journée de la veille dont sa visite à Ebersbacher ainsi qu'à Legium Ramsès et les résultats fort peu concluants de son enquête préliminaire visant à anticiper tout nouvel imprévu d'ici à leur voyage vers Tol Rauko. Le mariage d'Eleven ne figurait pas sur sa liste, comme quoi on peut toujours se faire surprendre.
Avant de se pencher sur la tâche fastidieuse d'habiller Stephan pour le mariage passa en priorité mais juste avant ils se rendirent au bureau des Corbeaux du palais pour demander des nouvelles de l'affaire des inquisiteurs vaporisés devant l'ancienne planque de Samael. Les chances que de nouvelles informations soient arrivées depuis la veille étaient moindre mais dans le doute ils n'auraient plus le temps de poser la question ensuite. Après ce bref détour, et après avoir insisté auprès de Stephan qui avait eu pour première idée de se rendre à Archange par portail pour s'acheter une tenue de soirée, Noah parvint à le convaincre d'aller chez Oliver. Le meilleur tailleur de Du'Lucart serait selon elle plus que suffisant, et servait ainsi son patriotisme.
Oliver le accueillit avec courtoisie, plus encore lorsqu'il vit entrer l'héritière des Ravenhood qui lui avait déjà commandé pas moins de trois robes sur-mesure en un an. Autant dire que tandis que Stephan fut emmené à l'essayage, le duo féminin fut traité avec tous les égards des invités de marque, thé et petits gâteaux inclus tout en commentant les nombreuses tenues qu'enfila leur coéquipier.
"Quel style ? Quelle couleur ? Vous êtes grand il faudra peut être quelques retouches rapides mais je peux vous faire cela en quelques heures.
- Ah, euh... je me fie à l'experte. Mais j'aimerais du vert, c'est pour le mariage d'une amie qui apprécie cette couleur."

Noah échangea un regard avec Ambrosia, puis avec les employés d'Oliver avant de déclarer le plus platement du monde :
"Trouvez-lui quelque chose d'inspiration extrême-orientale, avec un col haut et une large ceinture vu son gabarie. Oh et il lui faudra une cape, la cérémonie se tient en extérieur."
Ni une ni deux, le personnel se mit à trottiner dans toutes les directions, apportant à Stephan plusieurs tuniques élégantes dans les tons verts. Il les essaya les unes après les autres jusqu'à se satisfaire de son choix et approuvé par le pouce levé de ses deux camarades.
"Et toi Ambro, j'imagine que tu ne veux rien ?
- Pourquoi veux-tu que je dépense une seule pièce d'or dans ce que ma magie peut faire ? C'est surtout Noah qui me surprend, pas de nouvelle robe pour un tel évènement ?"
Alors qu'ils rentraient vers le Manoir Sigma, Noah sortit de la poche intérieure de sa veste le petit ticket qu'Ambrosia lui avait offert en guise de présent pour la Nuit de la Bénédiction.
"Oliver a beau être le meilleur couturier du Lucrécio, il n'aura jamais le temps de finir la robe d'Eleven et de me confectionner une robe neuve à temps pour le mariage. Et Eleven passe en priorité. Donc, j'ai l'intention de me servir de ceci lorsque nous serons arrivés chez vous."
Ambrosia sourit en coin, reconnaissant le fameux "bon pour une robe exceptionnelle" dont elle avait eu l'idée. Une fois la porte d'entrée fermée et les rideaux tirés, la magicienne fit craquer ses doigts et invoqua son golem créateur.
"Parfait, accroche-toi princesse on va te créer une œuvre d'art."
En moins de temps qu'il n'en faut pour le lire, le petit golem se mit en action, tissant à toute vitesse à partir de l'air ambiant pour réaliser la robe parfaite, plus parfaite que toutes les robes sur mesure que Noah eut jamais porté. Ambrosia elle-même se surprit d'une telle poussée d'inspiration et d'une réussite aussi parfaite. C'était comme lancer un dé 100 et obtenir le score maximal du premier coup. Le tissus étincelait comme si on avait arraché un morceau de ciel. 
"Voilà ! conclut fièrement Ambrosia. Alors, verdict ?
- Suffisant pour ne pas faire d'ombre à la mariée, et assez exceptionnel pour le regard de l'homme le plus inaccessible du continent. Ambrosia, tu es la meilleure.
- Je sais, je sais... Minute. Le prince sera présent ?"
Alors qu'Ambrosia commençait à se dire que d'un coup les efforts de Noah prenaient tout leur sens, on entendit une voix dans le hall d'entrée et des pas qui se dirigeaient vers le salon.
"Salut Ambro ! Je viens chercher ton fils j'ai proposé de l'emmener au musée aujourd'hui. Oh, tout le monde est là je vois."
Miasquier leva la patte à l'entrée du salon, tout sourire, avant de poser les yeux sur Noah en robe de soirée. Il siffla d'approbation.
"Mazette, wouh ! Mademoiselle Noah !
- Merci Miasquier. J'imagine que vous vous occupez de la musique au mariage ? Eleven m'a demandé de composer quelque chose il faudra que je vous transmette une partition.
- Tout juste ! Enfin je ne ferais pas que cela mais oui, comptez sur moi. Du coup, Ambrosius est là ?"

La magicienne acquiesça avant d'appeler son fils du bas des escaliers. L'adolescent aux cheveux blanc dévala les marches le sourire jusqu'aux oreilles, plus heureux de voir que sa mère était encore là que de sortir avec son ami.
"Tu es encore là ! En ce moment tu pars sans arrêt.
- Et je vais rester encore quelques jours, Eleven va se marier.
- Oh, chouette ! Je peux venir ?
- Évidemment que tu viens, je m'occuperais de ta tenue ce soir en même temps que la mienne. Profite bien de ta sortie au musée.
- J'ai hâte, Miasquier a dit qu'ils avaient une maquette du tout premier zeppelin construit par le prince. C'est vrai Noah ?"

La désignée hocha la tête, se rappelant brièvement de sa propre première visite au musée avec lord Kandras afin de mémoriser rapidement toutes les informations essentielles du Lucrécio. Elle ne vit pas tout de suite l'immense sourire de Miasquier qui tenait encore la porte ouverte.
"Oh d'ailleurs, j'ai entendu une chose intéressante de la part de dame Brenda ce matin. C'est vrai que le prince a demandé votre première danse, mademoiselle Noah ?"
Le silence soudain et les rougeurs de Noah le firent éclater de rire juste après un jeu de sourcils évocateur, le ménestrel se hâta de quitter la maison en plaisantant avec Ambrosius. Stephan et Ambrosia tournèrent tous les deux leurs regards vers Noah mais n'eurent pas le temps de faire un seul commentaire. Une détonation se fit entendre dans le jardin à l'arrière du manoir. Craignant une nouvelle catastrophe, le trio sortit en trombe, Noah un peu en retard le temps de remettre sa tenue habituelle. Quand cette dernière déboula dans le jardin enneigé en sortant ses cheveux du col de son manteau, comme les deux autres elle vit un portail obscur se former mais plus large que ceux que prenait Blacky habituellement. Prêts à massacrer le premier intrus qui en sortirait, ils clignèrent des yeux en voyant Blacky justement, sortir le premier, suivit d'un jeune homme d'une trentaine d'années tout aussi incrédule.
"Euh... bonjour."
Il regarda autour de lui, l'air de ne pas reconnaître les lieux. Blacky remuait la queue joyeusement entre eux, sautant dans la neige comme s'il était monté sur ressors. Il fallut quelques minutes d'échange sur la situation avant que Noah ne percute qu'il s'agissait du frère d'Eleven, pas le sylvain dont elle avait été la sœur dans sa vie antérieure, son véritable frère humain, né de leurs deux parents biologiques et dont elle n'avait pas eu de nouvelles depuis des années. Celui qu'elle avait vu dans une des visions aux confins des mondes. Il se présenta comme Conrad Zavaskia, bien qu'il n'utilise plus le nom de son père. Noah comprit que Blacky avait été envoyé par Brenda pour le ramener, afin qu'il fasse la connaissance de sa sœur et soit présent à son mariage. Ce serait, pour sur, le plus beau des cadeaux.
A l'exception près que le dénommé Conrad n'avait pas revu sa sœur depuis qu'elle était enfant, qu'il ne savait rien de sa vie et encaissa difficilement toutes les informations.
"Je me bats depuis des années afin d'essayer de faire tomber mon père et ses associés tout aussi douteux. Je pensais que ce serait mieux pour ma sœur si je la tenais loin de tout cela. Si j'avais su qu'elle traverserait tant d'épreuves...
- Vous avez fait ce que vous pensiez le mieux pour vous deux. Elle ne vous en veut pas.
- Mais vous me dites qu'elle vit ici, donc elle s'est émancipée de notre père ? Et qu'elle travaille pour le prince du Lucrécio ?
- Oui, elle a une bonne situation, elle vit ici dans ce manoir, elle a des amis et un fiancé. Vous aurez largement le temps de vous retrouver mais pour l'heure nous allons devoir vous trouver un logement. Si Brenda veut lui faire la surprise, et vous que vous puissiez digérer tout cela... on devrait vous conduire directement chez elle. Par contre, je vais devoir informer mes supérieurs de votre présence et de la... façon... dont vous êtes entrés dans la capitale malgré vous."

Noah eut un regard en coin pour Blacky, pesant de l'interdiction sous-jacent à l'avenir d'ouvrir un portail dans la capitale où le prince avait ordonné de renforcer les défenses afin qu'il n'y ai plus d'intrusion à l'avenir. L'obscurias répondit par un regard de chien battu fort appuyé qui adoucit, hélas, sa maîtresse plus vite qu'elle ne l'aurait voulu. Mais Conrad, lui aussi, la fixait avec une question bien précise à l'esprit.
"Vos supérieurs... vous travaillez aussi pour le prince du Lucrécio ?"
Noah répondit du tac au tac, la réponse automatique qu'elle avait répété à moult occasions dans un mécanisme parfaitement huilé.
"En effet, je travaille au service des renseignements et de la diplomatie du palais.
- Alors... vous connaissez peut-être des personnes qui pourront m'aider ?"

Tous les trois se regardèrent sans comprendre, mais Conrad précisa aussitôt :
"Cela fait des années que je rassemble des informations, des preuves, tout ce qui pourra m'aider à faire tomber mon père. Il ne m'a jamais vraiment laissé tranquille mais depuis quelques temps il s'acharne sur moi avec encore plus de rancune. Je n'ai plus rien en dehors des vêtements que je porte et des informations que je possède. Peut-être connaîtriez-vous quelqu'un dans vos relations au palais... quelqu'un qui pourra mettre un terme à ses activités."
Ambrosia et Stephan tournèrent de concert leurs visages vers Noah qui laissa un sourire félin s'étirer sur ses lèvres, le genre de sourire qu'elle réservait aux entretiens professionnels quand elle sait qu'elle tient quelque chose de piquant.
"Oui, c'est bien possible que nous connaissions quelqu'un. Si cela vous conviens je propose de faire un détour par le palais avant de nous rendre chez Brenda."

Durant tout le trajet, Noah écouta avec bien plus d'attention le récit des aventures de Conrad. Jusqu'à présent, elle n'avait jamais pris le temps de s'intéresser à la famille Zavaskia bien qu'Eleven lui avais vaguement raconté que son père trempait dans des affaires louches. Elle se doutait que si Eleven travaillait pour le Lucrécio, les corbeaux savaient et qu'elle n'avait pas de raison de poser plus de questions. Elle le pensait toujours, mais ce que Conrad avait à apporter pouvait s'avérer... utile, très utile.
"Vous pensez vraiment que vos supérieurs voudront m'aider, mademoiselle  Ravenhood ?
- Il se trouve que mon service prend en charge ce genre d'affaires délicates qui concernent les relations extérieures."

Ambrosia leva les yeux au ciel, amusée par ce baratin bien travaillé tandis que Noah faisait enregistrer leur invité auprès de l'administration avant de demander "une plume noire". Elle le guida ensuite vers l'aile des Corbeaux où il put s'entretenir avec un suppléant de lord Bergvist directement dans les bureaux. Ce dernier sembla particulièrement intéressé par les informations et preuves fournies, il assura devant le groupe qu'un dossier serait ouvert dans les plus brefs délais et pourraient intéresser les "hautes instances" du palais. Noah pouvait quitter le bureau avec le sentiment d'une journée productive, ce qui compensait avec le vide du matin. Et c'est lorsqu'ils se retrouvèrent dans la couloir, prêts à repartir, qu'il apparut et dans le champ de vision de Conrad qui demanda à voix basse : "Qui est-ce ?"
Le prince Lucanor avançait dans leur direction, calme, accompagné de Daaku. Le groupe s'aligna contre le mur et tous s'inclinèrent tandis que Stephan répondait à Conrad sur le même ton :
"Je pense que vous avez deviné."
Il aurait pu passer sans rien dire et incliner simplement la tête mais il s'arrêta sur un "bonjour" impassible. Son regard se posa sur Conrad, un silence qui se passait de toute question puisque Stephan s'empressa de présenter le nouveau venu, comment et quand il était arrivé et enfin les raisons de sa présence à la fois au Lucrécio et à la sortie du bureau des Corbeaux.
Pendant tout ce temps, Noah resta silencieuse. Pour cause : Daaku venait de s'approcher d'elle, poussant de son museau sous sa main pour réclamer des caresses. Ici, en plein milieu du couloir. Gênée, Noah répondit à la demande silencieuse en caressant d'une main la tête de la panthère, tâchant de garder un visage imperturbable et de se faire la plus discrète possible. C'était sans compter sur l'ouïe sélective de sa meilleure amie qui capta les ronronnement du félin et offrit un sourire entendu.
"Bienvenue au Lucrécio, monsieur Zavaskia."
Le prince reprit sa route comme si de rien était après avoir obtenu ses réponses, Daaku sur ses talons. Noah souffla, le frère d'Eleven cligna des yeux plusieurs fois et les suivit à l'extérieur du palais. Impressionné par le charisme de sa majesté, il leur posa plusieurs questions à son sujet mais n'obtint que de vagues réponses et quelques sourires amusés du duo Stephan/Ambrosia accompagnant leurs taquineries habituelles sur le "Noah le fréquente UN PEU plus que nous, elle devrait pouvoir vous répondre".
"Traîtres..." songeait-elle, avec affection.

Ils se séparèrent un moment après cela. Noah rentra chez elle une petite heure pendant que Stephan et Ambrosia accompagnaient Conrad chez Brenda. Elle ne voulait pas le montrer mais elle commençait à s'interroger sur le silence de son père. Elle n'en était pas encore au stade où elle s'inquiétait mais cela faisait maintenant une semaine qu'il était partit pour Archange et elle n'avait toujours aucune nouvelle alors qu'il avait lui-même annoncé qu'il lui écrirait à son arrivée.
"Peut-être est-il juste trop occupé à roucouler avec sa nouvelle épouse" tentait-elle de se rassurer en parlant à voix haute. Elle s'adressait en fait à Edward, son coffre magique hélas toujours inerte depuis la dernière apparition des filaments rouges. Il commençait même à rouiller un peu comme si le temps le rattrapait. Mais Noah n'eut guère plus de temps pour s'inquiéter ou se morfondre, ce n'était ni le jour ni le sujet. Elle avait prévu de passer la soirée avec Stephan et Ambrosia, la "dernière soirée" avant l'apocalypse. L'apocalypse étant ici une analogie du mariage à venir comme pour conjurer le sort qui les menaçait tous au-delà de l'évènement. Mais ce jour leur réservait encore quelques surprises en la personne de Miasquier, de retour du musée avec Ambrosius.
"On est passés par chez Brenda en rentrant, vous voulez bien y retourner avec nous ? je crois que votre invité ne va pas très bien."
Inquiets, le trio se rendit à nouveau chez Brenda accompagnés de Miasquier et Ambrosius. L'excentrique rouquine les accueillit, non pas avec son expression enjouée habituelle mais avec une mine soucieuse, presque blême quand elle leur expliqua la situation :
"Nous avons pris le temps de parler de la situation. Je lui ai expliqué ce que vous faisiez tous -bien sur sans entrer dans les détails et le secret de votre fonction- et je lui ai parlé de Samael, des créatures surnaturelles et bien entendu des nephilims afin qu'il comprenne la nature de sa jeune soeur. Au début tout allait bien mais quand j'ai abordé le sujet de son autre frère, il a commencé à déchanter. Cela ajouté à son absence de la vie d'Eleven je crois... qu'il se sent indésirable, inutile... remplacé."
En passant la tête par la porte du salon, ils virent Conrad assis sur un canapé, la tête dans les mains, déboussolé et les larmes aux yeux. La confusion était palpable mais le désespoir commençait à se répandre. Noah fronça les sourcils. Face au silence contris de ses camarades elle hésita un moment, soupira puis déclara à leur attention :
"Que ce soit clair. Ce à quoi vous allez assister ne s'est jamais produit. Pour lui comme sa sœur, je nierais tout même sous la torture."
Et sans attendre de réponse, elle pénétra dans le salon d'un air décidé pour aller s'asseoir sur la table basse, en face de Conrad. Elle posa sa main sur son épaule et se mit à parler d'une voix calme, presque douce.
"Je vais vous raconter une histoire..."
Conrad leva les yeux vers elle, perdus et désemparé. Il écouta.
"C'est l'histoire d'une jeune femme qui vous ressemble un peu. Elle avait un frère jumeau. Tous les deux ont été arrachés à leur famille, puis ils ont été arrachés l'un à l'autre, torturés et endoctrinés. Quand, de nombreuses années plus tard, elle se souvint de lui elle apprit qu'il était mort très jeune, seul, terrifié. Elle n'a pas pu être là pour lui alors que de son côté elle a eu la chance de survivre et d'être sauvée."
Elle marque une pause, assez longtemps pour que Conrad respire, captivé par son récit comme s'il y trouvait un écho. Elle reprit, tout aussi lentement.
"J'ai une famille, même si au départ ce n'était pas sensé l'être. Un foyer, des amis, un pays et un dirigeant qui donnent un sens à ma vie. Mais je n'oublierais jamais... que je n'ai pas été là pour lui quand il avait besoin de moi. Alors je vous comprends."
Elle le sentit au bord des larmes, mais plus réceptif que jamais. C'était le bon moment.
"Il y a pourtant une différence importante entre vous et moi. Eleven est encore en vie, et elle vous a cherché. Elle voulait vous retrouver, vous rencontrer. Vous pourriez vous morfondre des jours, une vie entière sur vos remords et l'idée qu'un autre frère est entré dans sa vie tandis que votre père vous séparait l'un de l'autre. Ou bien vous pouvez faire partie de sa vie à nouveau, vous construire ensemble une nouvelle famille et qui sait ? Vous y gagnerez peut-être un frère vous aussi."
Elle entendit sa respiration se suspendre comme s'il retenait un sanglot. Quelque chose venait de céder à lui mais il affichait un regard soulagé. Il lui faudrait du temps mais il irait mieux elle en était certaine. Alors elle hocha la tête et se leva.

Pendant ce temps, à la porte du grand salon, les autres n'en avaient pas loupé une miette et Brenda irradiait de lumière, le regard brillant. Tandis que Noah et Conrad discutaient elle se mit à couiner, au bord des larmes :
"Elle le fait, elle l'a faiiiiit !
- Quoi donc, Brenda ?
Demanda Ambrosia.
- Je le sens, elle est en phase avec ma maîtresse Gabriel...!"
Ambrosia allait demander des précisions mais elle sentit la main d'Ambrosius serrer le tissus de sa robe. Le garçon tremblait un peu lui aussi, ému mais pas seulement. Quelque chose le perturbait. A son tour il demanda :
"Dis, maman... le père d'Eleven et Conrad il leur a fait du mal. C'est quelqu'un de mauvais.
- Oui. Mais il ne pourra plus jamais leur faire de mal.
- ... Et le miens de père, il peut encore ?"

La magicienne se mordit la lèvre inférieure, cherchant une réponse juste mais appropriée.
"Lui comme moi n'avions pas prévu que ma magie te donnerait la vie. Mais même s'il voulait se servir de toi tu es affranchis de son influence à présent. Ta famille, tu l'as ici avec nous tous.
- Tu crois que j'aurais un petit frère ou une petite sœur un jour ?"

Ambrosia manqua de s'étouffer.
"Je ne vais pas te mentir, ce n'est pas au programme pour le moment ! Mais, euh... un jour peut-être ? On ne sait pas de quoi demain est fait après tout. Déjà on va tâcher de trouver qui appeler papa dans l'histoire.
- Et Stephan, je peux l'avoir comme papa ?"

Question gênante à nouveau, Ambrosia se contenta d'acquiescer pour botter en touche. Après tout, Stephan s'occupait déjà d'Ambrosius comme un père le ferait, si cela pouvait faire du bien au garçon de le voir comme tel ce ne serait pas un mauvais exemple à suivre. Mieux vaut lui qu'un autre. Ce dernier vint d'ailleurs prendre la main d'Ambrosius, proposant de l'emmener faire un tour avec Miasquier pour lui changer les idées ce qu'elle accepta sachant parfaitement où il comptait l'emmener : l'Anguille Ecarlate.
"Celui qui se rapproche le plus d'un père pour Ambrosius veut lui remonter le moral en l'emmenant dans un bar de créatures surnaturelles... et avec ma bénédiction en plus. Quel genre de mère suis-je donc ?"
Elle n'en perdit cependant pas son sourire en voyant Noah revenir vers elle, le visage impassible. Brenda était à deux doigts de la prendre dans ses bras. Elle avait déjà ruiné son mouchoir à force de verser d'énormes larmes.
"Ce que vous avez fait, Noah, est extraordinaire...!
- Oui je sais, remerciez Jedah et les dons qu'il m'a offert pour persuader autrui."

La jeune Ravenhood enfila son manteau sans faire attention au regard dépité de la dragonne sous forme humaine. Quelque part dans les confins de l'univers, le shajad de la manipulation devait certainement se gausser en face de la béryl des sentiments agacée de se faire souffler le mérite de cette réussite. Mais cela, Noah l'ignorait et n'en avait cure, totalement inconsciente des effets et surtout des conséquences de ce renforcement de son élan avec Gabriel. Quand elle s'en rendra compte... cela risque de ne pas être triste.
Ambrosia non plus n'en avait cure, elle passa son bras autour de ses épaules et la suivit vers la sortie.
"Bon, maintenant qu'on est là et qu'on n'a plus rien à faire... Si on profitait de notre dernière soirée sans devoir ni responsabilités en allant rejoindre les garçons au bar ?
- Et nous assurer qu'ils ne font pas faire d'âneries à Ambrosius ?
- Et nous assurer qu'ils ne font pas faire TROP d'âneries à Ambrosius. Je ne me fais pas d'illusions."

Arrivés au bar, elles ne furent pas surprise de trouver salle comble et une ambiance joyeuse. La nouvelle du mariage prochain s'était répandue, et même s'ils n'étaient pas compris dans les invités les clients anonymes célébraient l'évènement comme tout bon prétexte pour se réjouir et surtout picoler. Stephan avait déjà trouvé sa place dans un concours de bras de fer et Ambrosius l'encourageait en sirotant son jus de fruit sous l’œil du ménestrel en train de travailler la partition que Noah lui avait donné plus tôt.
"On dirait que tout va pour le mieux. Un verre Noah ?
- Oh oui, volontiers."
Cette nuit-là, ils la passèrent dans leur bar favoris, conscients que dès demain tout allait s'accélérer. Assises au bar, les partenaires les plus explosives de cette aventure profitaient d'un moment de paix -bruyante, la paix, ceci dit- au milieu de la foule. Entourées de rires et de chants d'ivrognes, elles trinquèrent aux lendemains toujours plus surprenants.

Lerith Il y a 1 semaine et 5 heures

Quatre pour un mariage, et l'apocalypse

Partie 2 : Union et Rupture


Entre essayages et tasses de thé, les dernières heures défilèrent à une vitesse vertigineuse. Le manoir Ravenhood choisi comme quartier général des dames pour le dernier soir avant le mariage, le salon résonna des rires et des discussions sur l'avenir. Son chat -obscurial- sur les genoux, Noah participait au travers d'un silence posé et paisible, écoutant ses invitées s'enthousiasmer sur l'avenir des jeunes mariés. Personne n'était dupe cependant. Tout le monde ici savait pour l'Apocalypse, que ce soit Brenda ou Itahsi. L'humeur n'était pas au "et si ?" mais plutôt au "que fera t-on après ?" pour parler de choses heureuses, comme la naissance de l'enfant d'Eleven et Sael.
"Vous envisagez toujours de vous installer en Sphéria et devenir agent de liaison pour le Lucrécio ? demanda Brenda entre deux tasses de thé.
- Je ne sais pas encore, répondit Eleven, songeuse. Sael l'a évoqué mais il a un travail ici.
- Ambrosia y aurait sa place en revanche, un pays où la magie se pratique librement !"

La concernée sourit en coin au fond de son fauteuil.
"Je vais y réfléchir, mon avenir n'est pas fixé. De toute façon que j'y installe ma résidence permanente ou non je ne serais qu'à un portail de Du'Lucart vous me verrez souvent."
La magicienne n'oubliait pas non plus son projet de voyage avec Ambrosius. Le garçon lui ressemblait de plus en plus d'ailleurs. Au même moment il plumait toute la tablée au poker quelques rues plus bas, dans le salon du manoir Sigma. Lui aussi méritait plus que n'importe qui d'autre un avenir.
"La seule qui ne risque pas de vouloir changer quoi que ce soit à sa vie en tout cas, c'est bien Noah !"
L'interpellée sourit en guise de première réponse, et hocha la tête :"Je suis chez moi ici, à ma place."
Elle savait au fond, et Brenda le fit remarquer, que même si Marek n'était pas l'héritier et uniquement lié par le mariage de sa mère à la maison Ravenhood, le fait qu'il soit âgé d'un an de plus et surtout qu'il soit un homme, le plaçait au même niveau de légitimité qu'elle dont nul n'ignorait les origines "officielles" d'orpheline adoptée par le vieux baron célibataire. Sur le plan purement technique, il pouvait revendiquer le titre. Et lui, avait une fiancée et la promesse d'une descendance. Noah ne pouvait ignorer cette réalité qui lui tordait l'estomac. Le problème, au fond, ce n'était pas Marek. Si elle l'avait épousée -ce qui était prévu au départ rappelons le- il aurait de toute façon hérité du titre. Qu'il soit son frère, son binôme, son homme de confiance, tout lui allait. Mais depuis trois ans on l'avait préparée, éduquée, entraînée à devenir la future baronne Ravenhood. Marek n'était pas comme elle, même avec toute la volonté du monde et même si l'on pouvait supposer qu'il adopte aisément la position loyaliste de la maison Ravenhood et jure fidélité au prince Lucanor, il ne serait jamais aussi loyal, aussi dévoué, aussi profondément attaché au Lucrécio qu'elle ou son père. C'est ce qu'elle pensait, égoïstement, obstinément et avec toute l'affection (discrète) qu'elle pouvait lui porter. Elle préféra changer de sujet : "Enfin, j'ai tout de même un projet oui. Avec l'aide d'Ambrosia, je compte me faire aménager un cottage près de l'étang en dehors de la ville. Rien de grandiose, pour mes jours de repos."
Brenda haussa un sourcil.
"Je croyais que l'achat de terres autour de la capitale n'était plus possible depuis l'abolition des privilèges de la noblesse ?"
Noah réalisa son erreur dans les yeux plissés de la dragonne sous forme humaine. Elle avoua, la mort dans l'âme et la main sur le pelage du chat noir qui bailla la mâchoire grande ouverte.
"Il s'agit d'un cadeau à l'issue de ce que vous savez, au nouvel an."
Eleven et Ambrosia étirèrent un large sourire, déjà au courant. Et c'était repartit pour dix minutes de gloussements et ragots durant lesquelles Noah ne trouva son salut qu'en Ambrosia, qui assumait pleinement de partager l'avis de Brenda mais par principe soutenait sa meilleure amie dans ses esquives. "Vous ne voyez donc pas qu'il vous aime ?", "en plus il a réservé sa première danse demain", Eleven elle-même se perdait en rêveries à ce sujet et bien mal avisé celui ou celle qui oserait gâcher le plaisir de la future mariée. "Depuis toutes ces années, on ne lui a connu aucune relation officielle il me semble."
Noah ne put que soupirer avant de répondre.
"Si les codes sociaux de l'aristocratie m'interdisent de m'afficher avec un homme sans promesse de mariage, imaginez ce que ce doit être pour le prince du Lucrécio. Et nombreux sont ceux de ses partisans à travers tout l'Empire qui voudraient le voir épouser l'impératrice Elisabeth pour récupérer le trône des Giovanni."
A cette évidence, même Brenda devint plus sérieuse pendant une minute. Toutes les unions ne sont pas aussi aisée et belles que celles du lendemain. Noah elle-même faisait partie de la faction des partisans loyalistes, les amis de son père approuvaient cette idée. Elle alla jusqu'à leur parler du cardinal durant la visite de l'impératrice qui s'était entretenu avec Lord Kandras à ce sujet durant le dîner. Pourtant, plus les filles insistaient en repassant le fil des derniers mois, plus elle se mettait à douter. Il avait dit devoir fermer son cœur, mais tout ce qu'il faisait depuis laissait entendre d'autres intentions.
"Mademoiselle, une lettre de votre père."
Sauvée par le facteur. Noah se leva rapidement. Elle laissa ses invitées à leurs spéculations sur ce que le prince ferait demain et s'empressa d'ouvrir l'enveloppe. La surprise se lit alors sur son visage.
"Comment ça, il rentre demain tout seul ?"
Comme d'habitude, les messages de lord Kandras sont concis et minimalistes. Il lui annonçait simplement rentrer le lendemain et laisser son épouse à Archange rendre visite à des proches. Il ne donnait ni la raison de son retour, ni s'il avait l'intention de repartir ensuite. Qu'à cela ne tienne, Noah donna ses consignes aux domestiques afin que l'on prépare ses appartements pour le lendemain matin en même temps que l'on préparait une chambre pour Eleven.
"Mais au fait, Eleven, vous vous êtes entraînée pour votre première valse demain ?"
Ah, enfin un sujet où Noah pouvait exceller sans être le centre de l'attention. Les rougeurs aux joues de la future mariée la rappelèrent à son rôle qu'elle prenait très à cœur : s'assurer que tout soit PARFAIT pour Eleven. Cela comprenait aussi la préparer à danser avec son mari sans trébucher tous les deux pas.
"Je vois, on va tâcher d'éviter la catastrophe. La salle de bal est par ici."
Brenda au piano, Ambrosia et Itahsi en commentatrices du dimanche verre de vin à la main, la soirée se poursuivit ainsi. Eleven vit son enterrement de vie de jeune fille mué en un entraînement intensif à la valse avec une instructrice à la rigueur militaire et perfectionniste en la personne de sa propre demoiselle d'honneur. Et les dieux savent si Noah, d'ascendance duk'zarist, pouvait être la pire des sergent-instructeur  face à une jeune recrue sur le point d'être envoyée au front.
"Encore !"
"Ton dos n'est pas droit !"
"Recommences !"
"On s'en fiche des ampoules, Ambrosia peut les faire disparaitre en un claquement de doigts."
"Respire doucement, tu es raide comme un piquet !"
"Aller, on reprend !"

Ce n'est qu'à l'approche de minuit qu'enfin le calvaire de la pauvre Eleven prit fin et qu'elle monta enfin se coucher tandis que Brenda, Ambrosia et Itahsi rentraient de leur côté. Demain vint bien trop vite malgré le peu de sommeil nécessaire au nephilim. Mais tout était prêt, les tenues livrées, le lieu de la cérémonie décoré, et même le problème de mousse de crevettes qui avait terrorisé Brenda toute la journée semblait bien loin à présent. Ils n'auraient plus qu'à profiter de cette dernière journée sans penser à ce qui viendrait après.



"Qu'est ce qui vient après ?! Je ne sais plus !
- le corset, et ensuite la ceinture ! ensuite !"

Adossée à la porte de sa chambre, Noah déjà prête depuis une demi heure observait avec délice le spectacle d'habillage de la mariée, livrée aux mains expertes de Vanessa et Marie-Louise les deux femmes de chambre de la maison Ravenhood. Les deux vieilles dames se frottaient les mains depuis la veille à l'idée de jouer à la poupée avec une autre jeune femme que celle dont elles avaient la charge quotidienne. Cela n'avait pas épargné à Noah le même rituel matinal mais elle en avait l'habitude. Aujourd'hui elle souriait presque normalement.
"Mademoiselle, dame Brenda est arrivée et on m'informe que votre père sera ici d'une minute à l'autre !
- Je descends."

Dans le hall, Brenda faisait les cents pas, légèrement contrariée.
"Brenda si c'est encore pour cette histoire de crevette, prenez du saumon.
- Non, non, ça c'est réglé ! Mais je me disais que nous devrions présenter vous-savez-qui à Eleven dès maintenant. On ne va pas attendre la dernière minute non plus.
- Mhm. Oui vous avez raison. Prévenez les autres, et installez-vous au salon le temps que j'accueille mon père."

Le temps qu'Eleven soit enfin habillée, Brenda eut le temps de passer un appel pour faire venir toute l'équipe. Ambrosia, Ambrosius, Stephan, Miasquier. Lord Kandras fut accueilli dans la foulée par les domestiques et sa fille, dans son bel uniforme d'apparat ce qui fit comprendre à Noah la raison de son retour imprévu. Brenda lui avait envoyé une invitation pour le mariage, et il avait trouvé un prétexte pour s'éclipser un jour ou deux. Son épouse n'était pas au courant de l'existence du surnaturel, elle n'aurait pas pu y assister. En voyant sa fille dans la superbe robe réalisée par Ambrosia, il eut un sourire et replaça une mèche de cheveux au-dessus de son oreille.
"Tu es parfaite."
Noah sourit à son tour mais ils n'eurent pas le temps de parler davantage. Conrad Zavaskia entra dans le manoir au moment où Eleven apparaissait en haut des escaliers. Elle le reconnut aussitôt et se jeta dans ses bras avant qu'il ai prononcé le moindre mot. Il s'excusa mille fois de l'avoir laissée seule toutes ces années. Loin d'être rancunière, Eleven ruina son maquillage à force de pleurer mais en redemandait sans cesse à vouloir qu'il lui raconte tout sur sa mère défunte, celle qu'elle n'avait jamais connu. Depuis la salle à manger adjacente, le reste des invités présents devaient retenir Brenda irradiant de sa lumière les larmes aux yeux. Loin d'être aussi émotive, Noah pestait à côté d'Ambrosia comme quoi il faudrait lui refaire tout son maquillage et manqua d'assassiner du regard Conrad lorsqu'il suggéra à Eleven qu'elle lui présente son fiancé avant de partir pour la forêt de Shiefer.
"Et puis quoi encore ? Sael ne verra pas la robe avant la cérémonie, il y a des traditions !"
Conrad ne put s'empêcher de rire.
"C'est vrai. Ma soeur tu as choisi la demoiselle d'honneur la plus zélée qui existe visiblement.
- Et encore mon cher, vous n'avez pas idée de ce qu'el-...
- Stephan, écrase tu veux ? j'ai été à bonne école c'est tout."

Noah lança un regard vers son père qui rehaussa le menton avec fierté. Elle s’apprêtait à lui prendre le bras quand le majordome du manoir s'avança, un peu fébrile, devant le maître de maison et sa fille.
"Monsieur, mademoiselle... IL est arrivé."
Noah ouvrit grand les yeux.
"Comment ça il est arrivé, pourquoi ?"
Ce n'était pas prévu. Ambrosia se précipita à la fenêtre du salon pour apercevoir cinq carrosses alignés dans la rue en face du manoir, tous conduits par un cocher en uniforme de corbeau. Sur le perron, sa majesté le prince Lucanor attendait patiemment accompagné de Daaku. Noah ne se donna pas le temps de réfléchir ou de se poser trop de questions. Il ne serait pas dit qu'un Ravenhood aurait fait attendre le prince du Lucrécio sur le perron comme le dernier des coursiers.
Il était venu plus tôt. Il avait tenu à saluer la mariée et avait pris la peine d'organiser le transport afin qu'Ambrosia n'ai pas à ouvrir elle-même un portail pour tout le monde. Entre autres, il fut le premier à offrir un cadeau de mariage. Il annonça qu'il avait personnellement examiné le dossier transmis aux corbeaux par Conrad et qu'il s'était arrangé pour qu'il arrive avant la fin de cette journée entre les mains de l'impératrice. Au vu des preuves accablantes, le patriarche Zavaskia serait probablement expulsé de ses terres d'ici demain et il avait d'ores et déjà envoyé une équipe de corbeaux pour le cueillir et s'assurer qu'il soit "logé" quelque part sous bonne garde. Ainsi, dès demain Conrad pourrait reprendre les affaires familiales. De quoi donner à Eleven un sourire à la fois radieux et reconnaissant pour entamer les festivités.
Avant de partir, Noah la retint et plaça sur son front la tiare et le voile qu'elle lui avait offert pour la Nuit de la Bénédiction.
"Voilà, maintenant tu es prête."
Et elle la laissa monter avec son frère dans le premier carrosse sous les regards émerveillés des nobles et riches bourgeois du voisinnage. Brenda s'installa dans le deuxième, Miasquier, Itahsi et toute la ménagerie dans le troisième, Ambrosia, Ambrosius et Stephan dans le quatrième, Noah et son père furent invités à monter dans le dernier avec sa majesté. Le convoi fit la route jusqu'à l'aire des portails dissimulée à la sortie de la ville et franchit sans s'arrêter ni ralentir celui que deux magicien ouvrirent en les voyant approcher. La forêt était magnifique, décorée de guirlandes de fleurs et illuminée par des lanternes donnant au sous-bois un aspect féérique. C'était tout ce qu'Eleven et Sael étaient après tout : des sylvains, proches de la nature et (à en croire Noah) aussi mièvres que des tourtereaux qui roucoulent au milieu des fleurs et des petits cœurs flottant.

Néanmoins, la cérémonie fut une réussite, et sans accro, une fois n'est pas coutume. La rencontre entre Conrad et l'autre frère se fit sans heurt. Sael se montra des plus amical et accueillant lui aussi. Eleven fit son entrée, tout le monde se leva. A la place du prêtre, même Miasquier affichait son visage le plus solennel et ce fut Noah qui -ironiquement- manqua de s'étrangler en le voyant ainsi. Debout à côté des frères d'Eleven elle lança tout de même à Ambrosia un regard qui disait "tu savais qu'il était aussi prêtre de la religion sylvaine toi ?!" ; à ses gros yeux Ambrosia haussa simplement les épaules, hilare. Ce fut les cinq secondes de confusion totale, tout le reste fut absolument parfait.
"Par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare mari et femme."
Les applaudissements fusèrent. Noah sourit. Voilà, c'est fait, ils sont mariés. Eleven était heureuse, comblée, c'est tout ce qui importait aujourd'hui. en les regardant traverser l'allée centrale sous les jets de pétales de fleurs, elle inspira et expira longuement. Si longuement qu'elle ne vit pas le bouquet de la mariée être jeté en l'air. S'il lui était tombé dessus elle ne l'aurait même pas senti, ni esquivé. Mais elle fut chanceuse, Ambrosia beaucoup moins. Un petit cri de surprise annonça que la magicienne venait de réceptionner le bouquet, incrédule, tenant l'objet comme on tient une grenade dégoupillée dont on ne sait que faire.
Ambrosia leva les bras en l'air en s'exclamant, joyeux :
"Tu l'as eu maman ! Est-ce que ça veut dire que tu seras la prochaine à te marier ?"
En voyant la détresse dans les yeux de son amie, Noah lui rendit volontiers la solidarité de la veille :
"Oui enfin on a pas précisé quelle année, hm.
- Mh mh ! Et il faudra que tous les autres soient patients alors parce que je compte vivre quelques siècles... c'est pas demain la veille !
- Ben, y a Stephan !"

Noah leva les bras, là elle ne pouvait plus rien pour elle. Et de toute façon, Miasquier s'approchait déjà discrètement.
"Psst, Noah, ils vont bientôt ouvrir le bal il faudrait qu'on y aille.
- Oh, oui. J'arrive tout de suite Miasquier."

Le menestrel ayant accompli son œuvre religieuse s'empressa de retrouver ses instruments. Noah glissa juste un mot à Ambrosia pour lui dire de préparer leur cadeau commun, et le rejoignit sur la scène sans s'annoncer ni prévenir personne. Elle préférait encore l'effet de surprise que d'affronter les regards et les jugements qu'elle imaginait déjà. Et elle chanta, la chanson qu'elle avait elle-même composée à la demande de la mariée pour l'évènement. Noah n'était pas la meilleure chanteuse, ni la meilleure compositrice, mais elle avait mit tout son cœur à ce cadeau. Pour une amie, juste pour la voir sourire et lui offrir le mariage dont elle rêvait. Et cela se vit, ou du moins s'entendit, car elle réalisa une performance bien au-dessus de ses capacités ce jour-là. Le même genre de miracle que celui qui avait conduit Ambrosia à lui confectionner une robe éblouissante deux jours plus tôt.


Les jeunes mariés valsaient à la lueur des lanternes dans le sous-bois tandis que sur le lac, Samba faisait bouger l'eau en rythme avec la mélodie sans éclabousser personne. Noah acheva son chant et s'éclipsa aussi doucement qu'elle était apparue, peu encline aux ovations surtout après avoir vu le visage de son père cachant mal son émotion. Il s'en était fallu de peu qu'elle lève les yeux au ciel. Elle préférait de loin le Kandras sérieux et implacable. Ambrosia l'attendait tout près.
"Je l'ai, c'est bon. On peut aller lui donner maintenant ce serait une bonne façon de boucler la boucle."
Noah acquiesça, mais Ambrosia revint aussitôt sur sa proposition.
"Je crois qu'en fait, on va attendre un peu..."
La magicienne étira un fin sourire, pointant du doigt par-dessus l'épaule de Noah, la silhouette traversant la petite masse des invités. Elle n'eut que le temps de se retourner, le prince lui tendait sa main. Elle retint son souffle, et lui tendit la sienne sans qu'un mot ne soit prononcé. Il l'emmena au centre de la piste de danse sous l’œil amusé d'Ambrosia qui les suivait du regard, bras croisés, ainsi que son fils qui venait de tomber dans les filets d'une jeune sylvaine aux yeux bleus.
"Mon fils, ce tombeur.
- Aller Ambro, reste pas là. On y va nous aussi !"

Stephan venait de passer dans son dos et l'emmena elle aussi. Lui aussi était bon danseur d'ailleurs, si bon qu'il éclipsait les deux pieds gauche d'Ambrosia, attirant les regards presque autant que les mariés. Noah en aurait souri si elle n'avait eu l'esprit accaparé par autre chose. Assis à table, en revanche, lord Kandras ne manquait rien de la scène.
"Est-ce... c'est sa première danse n'est ce pas ?"
Eleven s'approcha au bras de Sael, tout sourire.
"Exact, monsieur. Le prince l'a réservée.
- Comment cela, réservée ?!"

Et c'est ainsi que la mariée, appuyée par Brenda, ne manqua pas de raconter dans les moindres détails la scène dont elles avaient été témoins trois jours plus tôt dans le bureau. Si bien que lord Kandras se laissa tomber sur une chaise et saisit la première bouteille de vin à sa portée.
"Et il le fait en public... J'ai besoin d'un verre."
Pendant de longues minutes, rien d'autre n'exista pour Noah, que la musique, et l'homme qui la faisait tournoyer entre ses bras. Quand la musique cessa et qu'elle fit sa révérence, elle souriait. Il lui fit un baisemain puis s'en alla saluer les mariés avant de prendre congé. Noah resta là, heureuse et finalement pas si surprise. Hier soir, les filles avaient fini par lui faire admettre que, malgré toutes les barrières qu'elle posait sur son esprit logique, malgré ce que lui-même avait dit, Lucanor lui envoyait des signaux clairs.
Il n'a dansé qu'avec moi.
Elle sourit en regardant vers son père, mais ne vint pas s'asseoir tout de suite. Sitôt qu'il eut satisfait sa curiosité sur les "codes sociaux" à propos de la danse, et qu'il fut certain que son âge l'excluait d'office de toute rivalité amoureuse  avec sa majesté, Ambrosius tendit sa main à Noah pour l'inviter à son tour, ce qu'elle accepta volontiers.
"Ambro, ton garçon est un véritable gentleman.
- Et c'est moi qui l'ai fait"
répondit la concernée avec un clin d’œil.

Ce fut une belle journée, suivie d'une belle soirée. Kandras discuta longuement avec Brenda et la fit même danser. Noah ne dansa avec personne d'autre pendant un long moment après Ambrosius, en tout cas personne d'humain. A un moment elle retira ses chaussures et vint danser avec Samba à la surface du lac, légère comme de l'air. Elle ne mangea quasiment pas, la tête ailleurs. A la tombée du jour, elle alla trouver son père pensif sur la rive et lui dit en lui tendant sa main : "Je donne ma première danse au prince Lucanor, mais la dernière sera toujours pour vous père". Elle n'aurait pas voulu terminer cette journée sans danser avec celui qui l'avait adoptée et qui lui avait tout appris.
Au moment de couper le gâteau, Eleven fit un beau discours très émouvant. A voir Ambrosia émue et Stephan essuyer une larme, elle préféra tourner les talons et marcher un peu plutôt que d'admettre publiquement que OUI BON D'ACCORD l'amour guimauve ce n'est pas SI horrible que cela. Elle avait encore un peu de dignité, juste un peu. Et c'est finalement au bras de lord Kandras qu'elle quitta la fête à la toute fin, la première des membres de l'équipe à partir mais elle avait eu une longue journée.
Au moment de se jeter sur les draps de son lit à baldaquin entre les coussins et le chat qui vint s'étaler sur son ventre, elle souriait encore, fredonnant sa propre chanson : "pourrait-on rêver encore...?"



Au matin, elle fut éveillée par un cri. Pas un cri de surprise mais de terreur. Noah ouvrit grand les yeux et sauta de son lit dans la seconde pour se ruer dans le couloir, pieds nus et en chemise de nuit. Elle trouva Vanessa debout face à l'une des grandes fenêtres du palier, une pile de linge à ses pieds qu'elle venait de lâcher. La vieille femme de chambre fixait le ciel gris d'hiver, déchiré par des filaments rouge, brillant et épais, qui ne disparurent pas au bout de quelques secondes cette fois. Ils restèrent là. L'air ambiant était plus sombre, plus lourd, plus menaçant. C'était la fin du rêve.
"Ne réveillez pas mon père. Quand il se lèvera, faites comme d'habitude et s'il le demande, dites-lui que je suis simplement partie remplir mon devoir."
Froidement, la fille Ravenhood pris son bain, s'habilla, se chaussa, et répondit à l'appel de ses camarades qui voyaient la même chose qu'elle. Elle finissait de nouer ses cheveux et d'ajuster ses gants quand ils entrèrent ensemble dans le palais. Les gardes se tenaient à leur poste, silencieux. Dans le hall, pas un chat en dehors du coursier à l'accueil.
"Sa majesté vous attend."
Dans le bureau, ils le trouvèrent debout en face de la fenêtre à côté de Conrad, pas le frère d'Eleven mais le commandant des Templiers. Ce dernier était prêt à nous emmener à Tol Rauko, enfin presque. Il avait encore besoin de quelques heures pour préparer son zeppelin personnel et eux pour établir un plan, car entrer à Tol Rauko ne se fait pas si aisément. Conrad était leur ami, mais les Templiers vivent reclus depuis si longtemps et sont si dévoués à leur mission que même les corbeaux de Lucanor ne parviennent pas à infiltrer leur forteresse.
Le prince avait retrouvé toute sa froideur lui aussi. Calme, en apparence, il prit place derrière son bureau et les invita à préparer leurs arguments devant lui, à faire comme s'il était le grand maréchal des Templiers et tenter de le convaincre et les laisser accéder à la machine de Rah. Noah mit en marche son sens tactique.
"Les arguments matériels et politiques ne fonctionneront pas, l'émotionnel non plus, il faut taper dans le pragmatique. Viser leur mission, c'est tout ce qui compte à leurs yeux.
- Oui, oui. Vous chauffez."

Après plusieurs minutes, Ambrosia suggéra de les mettre devant le fait accompli mais Noah redoutait que cela les braque d'être accusés. Stephan tourna la question autrement, moins une accusation qu'une évidence. Si ça tourne mal, ils seront la cause, donc ils ont tout intérêt à ce que cela ne tourne pas mal.
"Bien, très bien. Mais il reste le problème de la confiance. Ils ne vous connaissent pas, ils ne vous laisseront pas descendre seuls. Que vont-ils faire.
- Nous faire surveiller, grinça Eleven."

Noah acquiesça, on entrait dans son domaine de compétence pour ainsi dire.
"Il faut les inciter à nommer Conrad et ses hommes pour nous surveiller, mais sans évoquer nos relations. Ils doivent croire que l'idée vient d'eux."
Lucanor hocha la tête.
"Dernier point, quel rôle devez-vous jouer pour cela ?
- Des mercenaires. Ils ne doivent en aucun cas faire le lien entre nous et le Lucrécio, ni qui que ce soit d'autre. Ce qui en théorie ne nous donnerait pas les moyens dont nous prétendons disposer, sauf si nous nous affichons comme mercenaires ayant travaillé pour un peu tout le monde.
- Et si ils ont les moyens de déceler la vérité ?
demanda Ambrosia.
- En dehors de mademoiselle Ravenhood, aucun de vous n'est membre des corbeaux. Je vous emploie comme des mercenaires. En grossissant le trait vous devriez trouver le discours approprié."
Toute l'équipe s'accorda sur une version, et sur les braises diplomatiques sur lesquelles il faudrait marcher. Ils arriveraient à Tol Rauko comme des captifs, livrés par le Lucrécio à Conrad avec des informations dites douteuses à transmettre et surtout entravés par le fameux dispositif KRONOS des Templiers. Dispositif que le prince tint à leur montrer, afin qu'ils se préparent mentalement car ce ne serait pas une partie de plaisir.
"Je vous le demande une dernière fois : êtes-vous prêts pour cette mission ?"
Ils échangèrent un regard, un seul, avant de hocher la tête tous les quatre, quasiment de concert. Cette équipe avait été constituée dans ce but. Le groupe le plus chaotique qui soit, pour affronter la plus chaotique des machines jamais conçues pour menacer l'existence de ce monde tout entier.
"Il vous reste quelques heures, je vous ferais appeler quand tout sera en place. Retournez auprès de ceux que vous aimez mais ils ne doivent rien savoir de cette mission. Nous vivons une nouvelle Rupture des Cieux."
Encore ces mots, juste et pourtant si cruels dans le cœur de Noah. Elle ne dit rien, se contenta de s'incliner. A la sortie, Daaku leur barra le chemin et vint poser sa tête contre leurs mains l'un après l'autre. Eleven se baissa sur la panthère et lui murmura : "prends soin de ton maître, d'accord ?" il n'y avait rien d'autre à ajouter. Noah s'accorda une seconde de plus pour gratter l'énorme félin derrière l'oreille avec un léger sourire entendu et l'équipe se dispersa pour le temps restant. Noah prit d'abord la route de l'aerodrome. Elle ne voulait pas rentrer au manoir sachant qu'elle ne pouvait rien dire à son père. Le vieux corbeau avait servi dans les services secrets du Lucrécio pendant près de vingt ans, il ne lui faudrait pas plus de dix secondes pour la percer à jour même s'il ne voulait rien savoir. Elle ne voulait pas non plus infliger à Blacky la souffrance d'une seconde séparation comme le jour de sa mort quelques siècles plus tôt. Elle choisit la solitude dans un premier temps, mais son cœur lui hurlait que sa place n'était pas ici. Elle lâcha la rambarde, tourna les talons, et courut jusqu'aux palais. Elle monta les marches quatre à quatre, et se hâta de se rendre aux archives. Non, elle n'irait pas frapper au bureau de Lucanor, elle n'irait pas quémander pour passer ses dernières heures auprès de lui. Elle s'était promis de ne jamais rien attendre ou réclamer, qu'elle ne serait pas cette distraction qu'il voulait éviter. Ici, plongée dans son travail du quotidien, c'était là qu'elle se sentait au plus près de lui qu'elle ne pouvait se l'accorder.

Quelques heures plus tard, les communicateurs sonnèrent tous en même temps. Ils se retrouvèrent à nouveau dans le bureau pour lancer officiellement la mission Upnapistim, du nom de la machine de Rah. Le prince les accompagna jusqu'à l'aerodrome dans une voiture fermée. Conrad les attendait sur la plateforme d'embarquement.
"Nous sommes prêts à partir, il faut faire vite."
Tous les quatre s'inclinèrent une dernière fois devant leur prince avant de suivre le templier. Lucanor les regarda tour à tour, sérieux, froid, mais peut-être aussi confiant comme s'il voulait leur offrir un dernier encouragement. Eleven, Stephan, Ambrosia, puis Noah qu'il fixa une seconde de plus. Juste une seconde mais elle s'en rendit compte. Rien qu'une petite seconde et il se détourna. Il remonta dans le carrosse fermé, et s'en alla avant le décollage. Noah monta en dernier.
"C'est quoi ça ?"
Une boule noire fusait dans leur direction. Stephan prononça son nom comme une évidence, Noah se tourna et ouvrit ses bras pour réceptionner le caniche qui s'y jeta en pleurant. Il savait, le petit futé.
"Non, non, on ne peut pas l'emmener !" commença à protester Conrad. "S'il met une seule patte à Tol Rauko les templiers ne le laisseront jamais repartir !" mais Ambrosia le fit taire d'une voix posée. "Laissez-le dire au revoir, juste ça."
Noah serra son familier contre elle, murmurant doucement.
"Je sais, c'est la deuxième fois que je te laisse en arrière mais cette fois je ne pars pas pour mourir. Je vais revenir. Et j'ai besoin que tu restes ici pour veiller sur tout le monde. Tu peux faire ça pour moi ?"
L'obscurias couina comme un chiot en se blotissant contre elle. Puis il en fit de même avec tous les membres de l'équipe avant de reculer sur la plateforme de l'aerodrome. La porte se ferma dans un grincement métallique accompagné de cliquetis. Poussé par un coup de vent hivernal, le zeppelin s'arracha du sol et commença à prendre de l'altitude. Dans l'habitacle, les quatre camarades s'alignèrent face au ciel de plus en plus sombre, et de plus en plus rouge, tandis qu'au loin dans leur dos le hurlement d'un chien accompagnait leur départ. Eleven pleura, Ambrosia posa une main sur le bras de Stephan. Noah demeura immobile et froide, glaciale comme lors de leur première rencontre sous le ciel gris et froid du Goldar neuf mois plus tôt. Si elle avait changé depuis, son objectif resterait le même. Elle avait sa mission, y compris celle qu'elle n'avait jamais révélé à ses plus proches amis.

"A vos ordres, votre majesté."

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