La Tribu des Brumes

Notre voyage a duré trois jours. Ceux qui le souhaitent sont restés plus longtemps mais chaque heure passée dans cette jungle noyée dans la brume fut une épreuve entre le cenote et notre arrivée au village caché de Tula.

Mes camarades ont été courageux, astucieux, curieux et comme toujours amicaux avec nos hôtes. J'avais peur que nous soyons mal accueillis mais quand j'y repense, ce sont aussi des turaliens. Quila était si heureuse de voir de la couleur partout et de goûter à la cuisine locale. Evangeline n'a pas trop bougé elle est restée devant le totem à en étudier chaque gravure. Je l'ai regardé aussi. Quand on connait toute l'histoire, certaines de ces images me font frissonner. Je me fais un devoir de poursuivre cette quête, plus seulement pour moi et mes frères mais aussi pour ces gens, pour voir ces enfants sourire comme ils le font à Ulysse et Pytou quand il jour de la guitare pour eux. Si cela nous est possible, j'aimerais conserver des liens avec ce village une fois que notre quête sera terminée. Ils vont se retrouver seuls et sans chef, il faudra les guider vers le royaume fédéré de Tuliyollal, les préparer à rencontrer le reste du monde. C'est un peu ça, notre travail d'explorateur. Pour ce qui est de la véritable histoire derrière la légende de Quetzalcóatl, j'ai dit à Ulysse que je préfèrerais attendre que la menace du Dévoreur soit définitivement écartée avant de la raconter. Il y a des choses qui devraient rester secrètes tant que la quête n'est pas terminée. Je pense surtout à Quetzalcóatl, il porte déjà le poids d'une grande culpabilité. Si le monde doit savoir ce qu'il a fait, autant que ce soit après son départ, qu'il repose en paix.

L'entraînement avec les Fils de la Brume est rude. Si la glace était lourde et que l'inertie m'entravait, la brume est invisible et étouffante. Je dois apprendre à m'imprégner du silence, écouter aussi bien l'environnement que mon propre corps. Jadis, j'ai été sentinelle, je sais comment me dissimuler et me fondre dans les bois mais eux... ils sont au stade au-dessus. Ils sont tellement silencieux que je les perds d'un battement de cils alors qu'ils se trouvaient devant moi un instant plus tôt. Je crois qu'Eizen a envie d'apprendre lui aussi. Il n'a peut-être pas les mêmes prédispositions mais je suis certaine qu'il peut en tirer beaucoup pour ses prochains combats.

Quoi qu'il en soit, c'est un nouveau succès à épingler sur notre tableau des quêtes : avoir traversé la brume de Quetzalcóatl et rencontrer le peuple Ulekele. Notre aventure sur les traces de la cité d'Ouran est loin d'être terminée. Je ne sais pas quand et où nous mènera le prochain voyage et à quoi ressemblera la prochaine tribu. D'après le Serpent Ailé, les cieux nous enverront un signe bien assez tôt.