Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Le calme revenu dans la petite chaumière, Meleth ramassait les restes de papier cadeau et de la vaisselle sale un sourire aux lèvres. Bien que fatiguée, elle ne résista pas à l'envie d'utiliser le cadeau de Liiz pour l'accompagner : un mini-orchestrion portatif. La miqo'te l'avait fabriqué spécialement pour elle, pour ses séances d'entraînement en extérieur. Elle appuya sur le bouton et laissa la musique envahir la chaumière. Dans l'évier, Tae la petite nixe jouait à faire des bulles de savon tout en nettoyant les assiettes préalablement léchées par Kiip rentrée de sa tournée de mog postière qui avait bien mérité de se goinfrer.
"Qui aurait cru que A'iko savait faire des cookies, kupo !
- Oui, on dirait que tout le monde a cherché à surprendre ce soir."

La véra glissa le bout de l'index sur le rouleau d'orchestrion fabriqué par Valorius. L'elezen se faisait discret ces temps-ci mais cette attention la touchait tout particulièrement. D'une pression, elle enclencha le mécanisme. Coincé entre deux coussins, elle ramassa le pull-over rouge offert à Noah, avec un motif de renne au nez lumineux ; le viéra l'avait enfilé immédiatement sans rechigné à la surprise générale et pour le plus grand plaisir d'Ivanhault néanmoins à peine la chaumière vidée il l'avait retiré pour s'en retourner à sa marche nocturne sous la neige. Voir la neige tomber dans la forêt, un évènement qui n'arrive pas tous les jours et valait bien cette excuse.

"Voilà, tout est propre. Tout va bien ton côté ?
- Bruiiiiiil ! ♪
répondit la nixe depuis l'évier.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle était efficace. Les piles d'assiettes et de verres étincelaient sur le comptoir en train s'égoutter.
"Merci pour ton aide, tu peux aller jouer maintenant."
Ni une ni deux, la nixe ne se fit pas prier. Un courant d'air frais signa sa sortie de la chaumière laissant Meleth seule avec sa musique et une mog endormie sur un panier à biscuits. Il commençait à se faire tard mais elle n'avait pas le cœur à monter se coucher tout de suite. Depuis le canapé, elle contempla la cascade en contrebas de la baie vitrée. Sans surprise elle y aperçut Noah vêtu de sa cape en fourrure blanche, debout sur la rive en compagnie d'Adalgis. Le fauve à dent de sabre secouait fréquemment la tête lorsqu'il sentait un flocon se poser sur son museau. A un moment, il manqua de bousculer son compagnon qui se tourna vers lui agacé sans qu'elle puisse entendre ce qu'il lui disait à cette distance mais ce devait probablement ressembler à "fais un peu attention !" ou quelque chose du genre. Meleth laissa échapper un rire fatigué.
Un an déjà, et l'an dernier à cette époque les réjouissances furent loin d'être aussi paisibles, le monde entier dans la tourmente... s'ensuivit une année de reconstruction, de questionnements et d'explications sur ce nouveau monde qui s'offrait à eux et ses possibilités. Finalement, ce n'était pas l'Apocalypse qui avait tout bouleversé, mais ce qui s'était passé ensuite.

Arrivé au bout de la bande, le mini-orchestrion rembobina le rouleau pour le relancer du début automatiquement, puis de nouveau à la fin du morceau, puis encore, et encore, jusqu'à ce que la batterie soit entièrement vide. L'épaule contre la vitre blanchie par la neige, Meleth avait fini par s'endormir à son tour, un sourire paisible sur les lèvres.
En cette nuit de solstice, l'esprit de la Fille du Torrent était semblable à sa chaumière. Toute l'émulsion de l'année passée laissait place au calme intérieur et au repos de l'âme, un repos dont elle avait grand besoin, plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Ses nouvelles responsabilités lui demanderaient bientôt plus d'investissement, quand la saison des expéditions reprendrait et que tous les membres de la compagnie se retrouveraient pour partir vers Ilsabard. Mais avant cela, plusieurs projets liés à des objectifs personnels occuperaient la fin de la saison froide. Nashasha allait s'absenter sur un site archéologique, Silius voulait étudier la Tour de Cristal, Ivanhault amenait Lysia en mandat...
...Tout autour d'elle bouge et se transforme, ponctués de départs et de nouveaux venus. Dans ce chaos organisé où rien ne reste statique, la jeune capitaine trouvait une paix inexplicable, comme lorsque Ivanhault prétend qu'il adore travailler dans la foule ce que la plupart des gens trouveraient absurde, Meleth trouvait le repos et la tranquillité au milieu de l'agitation. Les voir s'affairer avec enthousiasme, que ce soit sur des choses sérieuses ou plus frivoles comme les fêtes saisonnières suffisait. Elle pouvait dormir paisiblement et reprendre des forces avant que la nouvelle années ne commence.   


"Je suis prête à me jeter dans l'inconnu."
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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"Es-tu prête ?
- ... Oui."

C'était une nuit glaciale, même pour la Noscea. Un vent de tempête balayait les palmiers insulaires rappelant aux imprudents la puissance de la mer qui les domine. Les nymiens le savaient mieux que personne et quand survint le Sixième Fléau, ce pays jadis capable de résister aux deux plus grandes puissances du continent disparut à jamais, engloutit par les flots, ne laissant derrière lui que quelques ruines au-dessus de la surface. C'est pour cela qu'elle avait choisi cet endroit, qu'elle avait choisi cette nuit où les éléments se déchaînent, rappeler à son esprit et son corps que malgré sa puissance elle n'était rien qu'un grain de poussière porté par les eaux.
Noah se tenait debout sur la rive, sa cape en fourrure blanche éclairée par la lune il regarda Meleth retirer ses vêtements l'un après l'autre pour ne garder que sa tenue de plongée préparée pour l'occasion, afin d'éviter l'hypothermie.
"Un dernier conseil à me donner ? Demanda la viéra sur un ton qui se voulait assuré.
- Je t'ai montré ce que tu devais voir. A présent, c'est entre toi et ton esprit."
Il fit un signe de tête entendu, lui indiquant qu'elle pouvait y aller. Elle entra dans l'eau, là où de nombreux cours d'eau agités plongeaient dans le Lac d'Airain, non loin des ruines du Palais du Vagabond. Au moment où ses épaules furent immergées, la pluie commençait à tomber et le tonnerre se fit entendre au loin vers le large. Un éclair déchira le ciel, éclairant ses yeux juste avant qu'ils ne disparaissent à leur tour.

Le silence.

Depuis le monde d'en-dessous la perception change sur ce qui se trouve à la surface. Elle sentait encore les vibrations et les lumières de l'orage s'amenuiser sur ses épaules et sa nuque au fur et à mesure qu'elle descendait. Curieusement, ce qui était terrible et peut-être inquiétant là-haut, rendait l'environnement plus beau ici, plus clair. Les sons, les odeurs diffèrent, les émotions aussi.
Je ressens...
Pas de mots, seulement le corps et l'esprit. Flottant dans ce vide glacial, tantôt sombre et tantôt éclairé par la foudre lointaine, au milieu des ruines solitaires elle dansa.
Tout d'abord, elle vit le serpent noir onduler autour d'elle et ses yeux clair se fixer sur les siens. Elle le laissa la traverser, depuis que Lhei et elle avaient fait le choix d'embrasser pleinement leur héritage il ne lui faisait plus peur, enfin tant qu'il n'était que dans son esprit et non face à face. L'eau noire apparut dans le sillage de ses bras, comme sortant du bout de ses doigts lorsqu'elle dansait les yeux fermés. Cette même pirouette répétée comme un mantra silencieux l'aida à se concentrer davantage.
Laisse venir, laisse tes émotions glisser sur l'eau... ne retiens rien.
Ses émotions, la danse, le chant... tout est musique même le silence. Elle vit Lunaris, chacun de leurs spectacles ancrés dans sa mémoire, une parfaite harmonie. Les lucioles, les flammes et l'eau... elle n'avait que rarement usé de ses pouvoirs sur scène, pourtant cette danse faisait partie d'elle, le Torrent coule dans ses veines. Elle se vit danser sur la rivière, seule, avec les autres viéras, avec Lhei, avec... Hotaru. Encore un pincement au cœur mêlé de sourire. Elles avaient tant partagé, même en dehors de la scène. Son amie l'avait plongée dans son univers chamanique et elles avaient dansé ensemble autant qu'elle l'avait plongée dans... dans...
Dans les profondeurs des Eaux Sombres...
L'image resta figée dans son esprit, comme suspendue dans le temps. Hawaiki, Thavnair, Golmorre... combien de fois avaient-elles dansé ensemble. Depuis le premier jour, la première nuit aux Cent-Râles au milieu des ruines, les pieds dans l'eau, elle avait vu avec elle la silhouette sombre derrière la cascade. Comment ne l'avait-elle pas remarqué ? Leur parfaite harmonie revendiquée avec tant de force et de conviction encore aujourd'hui dans la séparation. Elle se voyait plonger dans les Abysses, serrant entre ses bras la frêle silhouette aux yeux mauves. Elle entendit ses mots dans son esprits comme si elle les avait prononcé devant elle et non écrit "Valorius m'a offert la Destruction". Lentement, les deux silhouettes disparurent dans les ténèbres et sa vision se troubla. Son corps parut plus lourd, ses mouvements et sa respiration plus difficiles. La pression de l'eau écrasait son corps comme le doute écrasait son esprit. Elle devait se ressaisir.
Ce qui doit être sera...
L'image de ce frêle papillon, image du chaos, traversa sa vision l'espace d'une seconde. Sans s'arrêter, elle sentit le poids s'alléger et ses pirouettes répétées muèrent en une danse serpentine. Elle ondulait entre les ruines avec le courant qu'elle avait elle-même créé. Elle pouvait reprendre le contrôle en lâchant prise, un paradoxe que maître Dadjeel n'avait de cesse de lui répéter au point de lui faire parfois rentrer dans le crâne à coup de sandale tant elle redoutait de voir la vague lui échapper, faire du mal, causer du tort. Mais jamais Hotaru ne lui avait reproché le moindre tort dans toutes leurs péripéties, et les autres non plus. Combien d'autres avait-elle entraîné dans les profondeurs avec elle en toute confiance malgré les risques ? Ivanhault, Silius, Valorius... le groupe du mandat de l'Entrepôt qui s'était fié à elle en plongeant dans ce lac et avaient assisté à la manifestation de ses pouvoirs, tous ceux que sa danse de l'eau touchaient au quotidien alors que paradoxalement elle rechignait à en faire usage à la lumière de la scène. 
J'ai tué des dizaines de personnes lorsque nous avons fait sauter le barrage dans les Marges, et quand nous avons piégé l'Oeil sous les cascades. J'aurais pu tuer Valorius dans la Steppe, Ivanhault et Silius ont failli se noyer dans le Coeur du Torrent...

"Votre raisonnement est stupide."

La voix d'Akira Kurusu à la table d'une auberge dont elle avait oublié le nom -et depuis longtemps fermée- résonna dans son esprit sans que le visage du domien ne fasse irruption dans sa vision. Elle se voyait danser, chuter, lutter pour se contrôler résultant toujours plus de frustration tout en l'entendant parler de sa voix impérieuse et qu'elle trouvait si condescendante.
"Vous être effrayée. Vous craignez de faire mal alors pourquoi vous entraîner ?"
Elle se revit assis sur un banc avec Silius, sa vision mélangeait l'ensemble de leurs discussions sur les doutes et les sentiments de l'elezen qui s'était oublié pour les autres, pour ne pas risquer de déplaire ou de blesser, jusqu'à s'inventer un personnage à incarner. Mais pourquoi parler si on a peur de blesser, pourquoi réfléchir si on a peur de changer d'avis, pourquoi vivre si on a peur d'exister. C'est ce qu'elle lui avait dit, c'est ce qu'elle pensait, et maintenant elle en arrivait à la grande question, celle qu'elle n'avait pas eu le temps de poser à sa mère, celle à laquelle Noah avait refusé de répondre parce que la réponse devait se trouver ici et maintenant. 


Tu es une Fille du Torrent.
Tu es Tempête, tu es Déluge.
Tes sœurs ont broyé les os de l'envahisseur sous les chutes d'eau
avant de les noyer dans le fleuve et laisser leurs corps dériver jusqu'à la mer.

Comme l'eau nettoie les rochers dans les rapides,
Tu purgeras les âmes de leurs ténèbres dans la fureur et la violence.
Comme les vagues balayent les navires comme les cités,
Tu rappelleras au Monde que la nature est indomptable.

Torrent sauvage, Enfant des Eaux Noires,
Déchaînes ton pouvoir.



Un cri retentit là où aucun son ne devrait pourtant être entendu. A chaque nouvel éclair illuminant les ruines englouties, la silhouette dansante s'entoure un peu plus de cette eau sombre devenue tourbillon bouillonnant. A la surface, le Fils du Torrent debout sous l'averse fixe son regard sur le maelstrom qui commence à se former non loin de sa position. Il sent sa présence, ses poils se hérissent sous ses bras croisés.
Quand elle ouvre les yeux, ses iris flamboient d'une lueur semblable à celle des cristaux élémentaires. De sa danse se forme un courant rapide qui jaillit alors sous forme de serpent noir qui tourne sur lui-même à toute vitesse avant d'exploser en une vague circulaire qui se disperse et s'écrase contre les ruines, faisant trembler légèrement certaines colonnes moins stables. Les poissons se sont enfui, la viéra reste seule, flottant dans le vide glacial, tremblante. Elle a vu, elle a sentit, elle sait.
Sa vision s'assombrit de plus en plus. Allongée dans l'eau elle sent la présente de son amie à ses côtés, comme si sa tête était posée près de la sienne et la rassurait de sa présence. Elle aurait presque pu l'entendre dire "On se met dans un de ces états parfois, je te jure..." avec son petit air rieur ; elle aurait ri aussi même vidée de toute énergie, mais elle sombra dans l'inconscience après avoir entendu au-dessus d'elle qu'on plongeait dans l'eau.




"Woah, capitaine quelle tenue !"
Djazah'ir sourit largement tout en remuant la queue d'enthousiasme et peut-être légèrement d'admiration quand il vit Meleth près du kiosque. Outre la coupe et le tissus bleu, ce manteau à capuche était parsemé de petits éclats de gemmes semblables à des cristaux élémentaires d'eau. La tenue dans son ensemble, donnait à la viéra une autre stature plus sérieuse que son joli pull-over ou même son manteau limséen aux allures de corsaire.
"Voilà qui sied à la légende de la fameuse sorcière des mers du Frai de Fssichl, hm ? avait ajouté Arthurin.
- Oui. D'ailleurs Dja, j'aimerais vous voir Valorius et toi dès que possible je souhaites l'améliorer."

Le capitaine sourit, sentant que sa lente transformation faisait l'unanimité. A présent qu'elle avait brisé ses chaînes il lui fallait retenter l'expérience avec le cristal du Val que Silius lui avait donné ; lorsqu'elle parviendrait à supporter son influence instable et détraquée, cela voudrait dire qu'elle serait prête à partir pour l'île de Val avec lui et à s'entraîner là-bas.


La Fille du Torrent s'engageait sur la voie du pouvoir.
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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"Cehwi'to !
- ... Heh ?!"

Le miqo'te n'eut pas le temps de se retourner lorsque la viéra déboula dans le studio de répétition et lui sauta au cou. Il sembla que tout son corps vibrait d'une joie immense, trop grande pour être contenue. Meleth était du genre à doser ses émotions, bien qu'elle les exprime avec facilité, mais cette fois elles débordaient comme un vase trop plein.
"J'arrive du Samsara, lâcha t-elle en serrant son ami dans ses bras. Contrat prioritaire, deux concerts par lune et l'inauguration le 23.
- Et c'est ça qui te met en joie, plus de travail ?"
répondit le miqo'te, faussement étonné.
Il savait parfaitement ce qui la rendait si heureuse. Depuis qu'elle avait commencé à apprendre -vraiment- la kriegstanz avec ce maître à danser de l'école du Chaos, Meleth rêvait de se produire sur une scène thavnairoise, dans un décor inspirant et reflétant les origines de sa discipline. A Radz-at-Han les professionnels ne manquaient, les meyhanes n'avaient pour la plupart que faire d'une élève étrangère -quand bien même son professeur serait le grand Dadjeel Rise- quand les danseurs locaux sont populaires et ont déjà faits leurs preuves. Bien qu'elle le comprenne, sa déception grandissait à chaque refus. De plus, la fermeture des Deux Renards avait porté un sérieux coup au moral du groupe ; bien qu'ils se produisent ailleurs cet établissement tenait une grande place dans leur cœur et leur esprit créatif, et depuis le Paon d'Or avait décidé de faire peau neuve, magnifique toujours mais sans thématisation orientale ; autant de petites choses qui pesaient sur les épaules d'une danseuse en quête d'inspiration. Alors, quand elle avait vu l'affiche du Samsara...
"Si tu voyais l'intérieur, Cehwi'to, on se croirait à Thavnair en plein Brumée."
Une fois la surprise passée, le miqo'te frétilla des oreilles tout sourire.
"Raconte-moi, et ensuite on se met au travail."



"Alors tu penses que tu es prête, hm ?"
Le grand raen n'avait aucun mal à parler tout en enchaînant ces mouvement que Meleth avait encore bien du mal à suivre, rester synchronisée accaparait toutes ses pensées et elle ne pouvait qu'écouter sous peine de perdre la cadence, faire un faux pas, et se trouver bonne pour faire la toupie pendant une heure en châtiment ; maître Dadjeel ne plaisantait pas.
"Ce que vous dégagiez comme énergie à trois, vous ne le perdez pas à deux mais elle se transforme, ce sera différent. Cette énergie va se convertir en akasha, et ta danse va la transmettre car telle est la nature de la Kriegstanz. Est-ce que tu penses vraiment pouvoir la contrôler, ma petite funambule ?"
Voyant que son élève ne pouvait répondre, trop occupée à maintenir la cadence de leur entraînement, il se stoppa et se tourna vers elle en croisant les bras. Meleth se pencha en avant, mains sur les genoux pour reprendre son souffle.
"Un grand maître m'a dit un jour... que je devais apprendre à lâcher prise si je voulais percevoir l'étendue de mon potentiel..."
Il put discerner un demi-sourire derrière ses cheveux ébouriffés, lorsqu'elle releva la tête dans sa direction, et leva les bras d'un air consterner pour dissimuler une certaine fierté.
"Eh bien soit, petite funambule, voyons ce que nous pouvons tirer de cette nouvelle vague d'énergie sur laquelle tu as décidé de te laisser porter."
Son ton se fit plus dur, et son regard retrouva en un éclair toute sa sévérité.
"On reprend depuis le début."



De retour dans sa chaumière, il était bien tard et c'est à pas feutrés que la viéra se glissa dans les escaliers jusqu'à sa mansarde douillette. Depuis le palier, elle entendit la respiration paisible de Lhei endormie dans sa chambre ce qui lui arracha un nouveau sourire. Rien ne pouvait entamer son enthousiasme ces temps-ci, pas même les provocations de monsieur Kurusu sur son statut, ou les quelques élans capricieux de Floerswys.
Elle se laissa tomber sur son lit, et roula sur le dos. Dans quelques jours, l'Eternal lancerait la nouvelle saison des expéditions avec ce projet de grande envergure qu'était Mare Lamentorum. Une année de travail acharné, de préparation, de rudes argumentaires avec l'appui du Département des Mystères à l'Académie de Sharlayan. Trois expéditions, une conférence et, admettons-le, les effets post-apocalypse sur la mentalité sharlayanaise leur avaient grandement facilité les choses sans quoi ils seraient probablement toujours en train de batailler pour ne serait-ce qu'accéder à la documentation sur la Lune. Difficile à croire que dans moins d'une semaine ils se trouveraient devant ce téléporteur allagois, sous bonne escorte et avec des instructions dignes d'une opération militaire, mais prêts à partir.
"Vers l'Infini et on verra..." murmura t-elle en fermant les yeux.

Même si elle l'avait pris avec le sourire, même si elle l'avait accueilli avec l'esprit ouvert et une profonde sérénité, les bouleversements récents l'avaient affectée. Hotaru lui manquait, bien qu'elle se sente soulagée de savoir son amie comme ses compagnons libérés d'une situation devenue intenable ; que ce soit mieux ainsi pour tout le monde ne voulait pas dire qu'elle se réjouissait de l'absence loin de là. Cehwi'to aussi avait eu du mal à accepter l'idée que ce n'était pas un "congé", que leur trio n'existerait plus et qu'ils ne pouvaient pas attendre un retour mais continuer d'avancer, et se développer non pas dans l'idée de remplacer ou de combler un vide, mais bien de se transformer au gré de leur propre création. Le passé fut à trois, le présent à deux, et l'avenir encore incertain. Pourtant, Lunaris méritait d'exister. Et puis, elle avait eu du mal, quand même, à endosser le rôle de capitaine, ce n'était pas inné ni offert de tenir la barre au sens propre comme au figuré. Des semaines durant elle avait senti que malgré leur soutient, Ivanhault plus qu'Iko peinaient à ne plus considérer Kikyo Kurusu comme le capitaine, la transition morale, si ce n'est factuelle, avait requis plus de temps que prévu... Mais les dernières initiatives s'était montrée bénéfique à tous les niveaux. Elle pouvait avancer, elle se sentait prête maintenant, vraiment prête.


Elle entamait un nouveau cycle.
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Ce mandat l'avait tout de suite interpellée lorsque Ivanhault lui en avait parlé la première fois. Elle n'avait pourtant pas la fibre "mercenaire" ; la prime elle s'en fichait et l'idée de "prendre" -ou même "voler"- une pierre dans les profondeurs d'un lac sombrelinçois pour le compte d'un tiers motivé par l'avidité lui posait un certain cas de conscience. L'elezen avait cependant touché au cœur de ce qu'elle aimait le plus au monde : nager, et percer les mystères des milieux aquatiques.
Elle avait plongé dans ce lac pensant y découvrir un reliquat d'une ancienne magie des esprits de la Sylve égarée, elle y avait découvert un monde enchanteur de poissons brillants comme l'argent, et un gigantesque serpent blanc profondément endormi.
L'enquête qui suivi la première plongée mit au jour la légende autour de cette créature. Celle d'un antique gardien de la Sylve sacrifié pour enfouir un mal au fond de ce cratère que le temps et la nature avaient transformé en lac après le départ des humains qui vivaient là. Plus que la prime, plus que la pierre, Meleth se sentait proche de cette entité qui n'était pas sans lui rappeler un autre serpent, lui aussi Gardien d'une autre forêt, plus sombre et plus sauvage que celui-ci qui transpirait la bonté et la bienveillance. Les autres membres du groupe le sentaient eux aussi, que ce soit lors de la première ou de la seconde plongée. Ivanhault le laissait bercer par cet ether, Djazah'ir faisait de son mieux pour endosser le rôle du chef d'équipe puisqu'il avait pris sur lui de diriger ce mandat et le miqo'te faisait de gros efforts pour réfléchir à un moyen de remplir le mandat tout en évitant de dénaturer le lac.
Ils étaient là pour une pierre, ils tenteraient de rapporter ce qui ressemblait à un oeuf que couvait le serpent plongé dans un sommeil magique. Meleth, la meilleure nageuse, irait le prendre couverte par Ekoko et Duugui. Ivanhault lui avait placé un bouclier astral au cas où l'œuf enverrait une décharge ou que le serpent s'éveille, Djazah'ir se préparait à utiliser un sort de secours s'il fallait atteindre la rive rapidement, surtout pour la lalafelle qui peinait à évoluer à cette profondeur.
"prêts ? J'y vais !"
Et lorsqu'elle posa sa main sur l'œuf, elle sombra dans un profond sommeil, son corps devint lui aussi translucide sous le regard de ses compagnons. Intangible, et hors du temps.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se trouvait dans le rêve du serpent. Il était là, bien vivant et nageait dans l'eau claire en la regardant. Il n'était que douceur et bienveillance. Elle lui parlait, et sans pouvoir lui répondre par des mots il transmettait ses intentions. Il était "tombé" ici, s'était attaché aux humains et avait voulu les protéger quand le "mal" était venu à son tour.
"Comment vous aider, comment vous sortir de ce sommeil ?"
Sur le moment elle ne pensait plus du tout à la gemme, au mandat ou quoi que ce soit d'autre. Elle était redevenue la Fille du Torrent en quête de ses semblables à travers le Monde.
Le serpent répondit que si un cœur suffisamment pur et généreux acceptait de lui servir de vaisseau, il pourrait se libérer. Intérieurement elle sourit, on aurait dit l'un de ces romans d'aventure remplis de quêtes de vertu et d'amour, le genre que Silius et Nashasha adoraient. Mais elle, était-elle suffisamment pure et généreuse ? Ce seraient aux trois serpents qui gardent les piliers maintenant le sort d'en juger ; elle allait tenter sa chance et il fallait faire vite car le reste du groupe devait certainement se mobiliser pour tenter de la sortir de son sommeil. Ils la pensaient sans doute en danger, et à leur place elle penserait de même.

Le premier des "petits" serpent jaugea sa générosité et son désir de leur venir en aide. Elle n'était pas ici pour la prime, même si elle avait pris part au mandat. D'ailleurs l'idée de prendre l'œuf lui posait toujours un sérieux cas de conscience si cela devait nuire à cet endroit. Le serpent posa sa tête contre sa main et disparut comme si elle l'avait absorbé, laissant une marque sur sa main.
Le deuxième serpent jaugea de ses intérêts. Cherchait-elle la gloire ou la puissance en venant à leur rencontre pour absorber leur pouvoir ? Non, bien sur que non. Meleth redoutait ce genre de pouvoir, elle ne savait que trop bien quelle catastrophe elle pouvait déclencher lorsque la furie du Torrent Noir la traversait. Elle ne désirait qu'une chose : se laisser glisser sur le courant et voir le monde pour rencontrer d'autres peuples comme le sien. Le serpent posa sa tête contre sa main et disparut à son tour.
Au troisième pilier fut jaugée de sa pureté, si elle avait déjà pris la vie d'un autre et fait couler le sang. Meleth ferma les yeux, acceptant son sort. Oui, elle avait déjà tué pour défendre les siens mais elle ne cherchait ni la mort ni même l'affrontement. L'Eternal évitait toujours le conflit quand c'était possible, au point de se compliquer la vie parfois comme lors du combat contre le Pischacha à Thavnair pour ramener des écailles à Milah. Plutôt que de tuer la bête pour sa peau, ils l'avaient endormi pour en prélever quelques écailles et en avait ramassé d'autres dans son nid. Non, elle n'était pas une tueuse, même si elle avait déjà tué. Le troisième serpent posa alors sa tête contre sa main, faisant d'elle le vecteur qui pourrait ramener le grand serpent blanc à la vie.
Le temps filait à toute allure, ses amis allaient sans doute la réveiller d'une seconde à l'autre. Elle revint près de l'entité qui la soumit à sa dernière épreuve : ouvrir son cœur sans retenue. Ca, c'était la partie facile curieusement. Pour un autre, un étranger et même avec la meilleure volonté du monde Meleth aurait eu bien du mal à y parvenir, mais pour cet esprit si familier, si fortement similaire aux siens, elle n'eut aucun mal à l'accueillir et à partager tout ce qu'elle était au plus profond d'elle. Elle le sentit la traverser, et à son tour elle ressentit ce qu'il avait dans le cœur lui aussi : un amour profond pour l'humanité, une bonté si grande, si pure, était-ce seulement possible ? En cela il différait de Thlaloc, le torrent sauvage et destructeur. Elle se sentait bien, si légère, comme lavée de tout le sang qu'elle avait versé. Pendant un instant elle ne connaissait ni peine ni douleur, et elle ouvrit les yeux.

Djazah'ir était tout près d'elle, il venait de poser la main sur l'oeuf sans doute pour la rejoindre dans son sommeil ne sachant quoi faire de plus. Elle sourit, ses iris d'un bleu déjà lumineux, luisaient plus que jamais. Et le serpent s'éveilla, il se mit à nager dans le lac comme s'il dansait et dans un éclat de rire, d'une impulsion des pieds, elle dansa avec lui.
Une telle beauté valait toutes les primes du monde à ses yeux, mais hélas il faudrait bien rapporter quelque chose à l'Entrepôt. En récompense, le Serpent leur offrit à chacun -sauf le xaela qui préféra partir pour une raison inconnue à la vue du Serpent- une pierre de souhait, un petite pierre iridescente blanche. Cette pierre exaucerait n'importe quel souhait s'il était assez pur et généreux. Meleth aurait volontiers offert la sienne pour le mandat, elle avait déjà sa récompenser, mais Ekoko la devança. La lalafelle ne voulait pas d'un vœu exaucé autrement que par ses propres forces, elle comprenait cela. Comme Djazah'ir, elle donnerait sa part de la prime pour elle qui avait fait déjà bien des efforts pour nager dans ce lac malgré la pression de l'eau sur son corps. Le serpent disparut peu après, et ils purent quitter ses eaux paisiblement. Une fois sur la rive, Meleth se jeta au cou d'Ivanhault en le remerciant mille fois de l'avoir fait venir sur ce mandat, de lui avoir offert de vivre cette expérience et de faire cette extraordinaire rencontre.
La nature du lac n'avait pas changé, les serpents qui gardaient les piliers dormaient paisiblement et l'œuf devenu noir resterait scellé au fond du cratère. C'était lui, le mal, et il demeurerait enfoui ici.

De retour dans la chaumière près de l'eau, Meleth se lova entre les coussins, serrant entre ses mains la petite pierre iridescente. Elle voulait graver dans son esprit chacune de ces sensations, ce précieux souvenir continuerait à l'habiter et à nourrir son pouvoir. Sa kriegstanz n'en serait que plus belle, ses chants plus puissants. Le chant du Torrent ne pouvait être seulement ombre et mystère, il pouvait être clair et pur comme l'argent, bon et généreux. Il y a de belles choses en ce monde, aussi brillantes que cette pierre. Tel était son vœu : les rencontrer ; Et elle n'avait besoin d'aucune magie pour cela.

"Je crois que j'ai trouvé ton cadeau d'anniversaire, Valorius."

Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
[html]<p><iframe width="200" src="https://www.youtube.com/embed/Nk9b1QLT7W0?autoplay=1" height="30" frameborder="1" allowfullscreen="allowfullscreen" style="display: block; margin-left: auto; margin-right: auto;"></iframe></p>[/html]

"Il y a une cinquantaine de points sur cette cartes, et seulement trente saphirs. Nous en possédons déjà dix-sept ou dix-huit que le capitaine Rahz avait découvert... et certains d'entre eux pourraient se trouver en Meracydia, sur les terres lointaines du Nouveau Monde. C'est une quête longue de plusieurs années qui nous attend.
- C'est notre rêve, capitaine."

Les Saphirs de Rhotano, une gemme rare et précieuse pour les collectionneurs plus que les orfèvres car elles n'avaient rien de particulier plus que les autres saphirs hormis sa couleur légèrement différente, et bien sur le mystère autour de leur histoire.
Autour du feu de camp, les sourires se dessinaient sur chaque visage y compris celui de Noah, paisiblement assis contre Adalgis. En passant son regard sur chacun d'eux, Meleth comprit qu'elle ne les avait en rien découragé voir tout au contraire, elle venait de les galvaniser. Tarha et Albynn se posaient mille questions sur l'origine de ces gemmes, Isaudorel songeait déjà à ce que donnerait le puzzle assemblé, Liiz sourit de tous ses crocs lorsque l'on désigna comme première destination de cette quête le gouffre de Ridorana et les ruines de l'antique cité de Goug. Dillan qui n'était même pas encore membre de la compagnie, semblait plus déterminé que jamais à faire partie de cette nouvelle aventure, il participait à chaque échange sur le sujet.
Meleth sourit elle aussi, le cœur léger avant de retourner s'asseoir sur le sable son élocution finie. Elle n'eut pas le temps de se baisser que Djazah'ir s'écria dans son dos :
"Pour l'aventure, pour l'Eternal et pour le capitaine ! Vers l'Infini et on Verra !"
Le cri du miqo'te précéda ceux de tous les membres d'équipage présents sur la plage à cette heure tardive. Il s'était vite remit de la petite farce d'Iko lorsqu'elle tourna son absence prochaine de sorte à ce qu'il croit à sa démission. Ils n'avaient pas de verre à lever, pas de chant à entonner, mais si le silence retomba vite ce n'était que pour laisser la place à leurs rêves.
Ils parlèrent de leur prochain voyage, pas encore à la poursuite des saphirs mais dans la Mer de Sable. Matériel et vivres minimum afin de remplir les cales de cristaux d'eau, cale sèche pour préparer la coque à une tentative d'amerrissage sur le sable, autant de discussions techniques mais nécessaires avant d'entreprendre une telle épopée. Sans parler des vers de sable géant et de la légende des palais de Djiins perdus dans cette immensité aride. Meleth se sentait autant qu'elle appréhendait ce voyage ; une terre sans eau quelle idée !

Au-dessus des palmiers dans les hauteurs de l'île, appuyé à l'une des fenêtres de la Tour de la Flèche plongée dans l'obscurité, le vieil ermite observait de loin le petit groupe rassemblés à la lueur d'un feu de camp. Il tenait encore dans ses mains le récit "par l'Eternal" de la quête des Neuf Cavaliers qui s'ajouterait au conte original. Madame Kurusu avait pris soin de le faire relier sous forme d'un solide volume à l'épaisse couverture de cuir vernis qui résisterait au temps.
"Je vais en avoir de la lecture, avec cette génération..." Souffla t-il dans un sourire.



De retour dans sa cabine, Meleth se laissa bercer par le clapotis des vagues contre le bois, et les embruns venus caresser son visage à travers un carreau ouvert de la fenêtre. Elle se laissa retomber sur sa couchette, mais son regard se perdit sur le secrétaire fermé à l'autre bout de la pièce, plus particulièrement l'un des tiroirs à double fond où reposaient les saphirs. Depuis sa prise de fonctions, elle n'avait jamais ouvert ce tiroir. Madame Kurusu non plus ne l'avait jamais ouvert sauf une fois peut-être pour voir ce qu'il contenait. Elle repensa aux écrits du Tombefumée dans ses mémoires : "Il y avait quelque quelque chose dans son regard, comme si le saphir la captivait. Tout le navire ne a frémit de la proue à la poupe". D'accord, Rahz n'avait pas l'ether à tous les étages mais son lien avec le navire était particulièrement fort. Pour Ivanhault c'était clair : les saphirs et l'Eternal sont liés et si elle les contemple elle pourrait s'en trouver affecter, d'un autre côté l'Eternal ne ferait rien pour leur nuire alors elle pouvait prendre le risque, non ?
Les pensées se bousculaient dans son esprit. Elle tourna et se retourna plusieurs fois, cherchant le sommeil en vain. Et puis zut ! Elle se leva et parcourrut en deux enjambée la courte distance séparant le lit du bureau. Délicatement, elle tourna la petite clé du tiroir avant de l'ouvrir, et tira avec le mécanisme de serrure le compartiment caché. L'éclat bleuté des petites gemmes se refléta dans ses iris ; ils étaient bien là.

D'abord, elle ne ressentit rien si ce n'est le frisson commun de l'excitation. Admettre que ces saphirs sont magnifique ne coûtait rien car ils l'étaient mais aucune magie, aucun aura ne s'en échappait. Meleth ne se sentait ni possédée, ni altérée dans son esprit. Ce n'est qu'après plusieurs minutes qu'elle sentit sa main irrémédiablement attirée, l'envie d'en saisir un entre ses doigts la démangeait comme lorsque l'on retrouve un objet familier perdu depuis longtemps. Elle ne lutta pas et se saisit du premier, un des plus gros. Elle sentit alors le bois grincer et vibrer sous ses pieds nus.
"Je le sens, oui, que tu le reconnais. Il fait partie de toi."
Un autre frisson remonta le long de sa colonne vertébrale, et la viéra ferma les yeux. Sans les voir, elle ressentait les souvenirs de mille et une aventures à travers les âges, les échecs plus nombreux que les victoires, les leçons et l'expérience de mille et uns périls par-delà les mers inconnues. Une promesse faite ici-même bien avant elle, liée à ces petites gemmes porteuses d'un grand espoir. L'espace d'un instant il lui sembla entendre sa voix pour la première fois : "Je vous attends".
Elle n'avait jamais entendu son véritable nom. Esprit Blanc, Eternal Anima, Conscience du Navire, autant d'appellations qu'ils avaient porté comme un concept jusqu'à ce qu'elle entende l'écho de son existence. A travers le navire elle le connaissait déjà et savait au plus profond de son âme qu'elle devait le trouver.


C'est toi, Aeternal.
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Il n'y avait aucun prix à poser sur le sourire de Liiz à ce moment précis où les lumières de la scène se posèrent sur son visage. Meleth le sentait, même si elle ne pouvait pas tourner la tête pour la regarder. Lorsque la musique commença sur un enchaînement de pas simples devant une salle seulement remplie au tiers, les deux miqo'tes donnèrent d'emblée tout ce qu'elles avaient comme si elles s'étaient trouvé dans une salle de spectacle de cinq-cent personnes pleine à craquer. Il dégageait de leur danse une énergie que Meleth ne pouvait ignorer et qui ne faisait que la pousser vers le haut en retour.
Voilà, c'est pour ça que je danse.
Ce n'était peut-être pas le spectacle habituel, avec la troupe habituelle rodée aux chorégraphies plus difficiles, Liiz et Tarha étaient quasiment débutantes, Liiz un peu moins puisqu'elle pratiquait seule depuis des années. Ce n'était pas Lunaris dans sa plus grande gloire mais le public y était tout aussi réceptif parce que l'aura et la passion y étaient. Même les petites erreurs passaient presque inaperçu ; plus d'une fois elle vit l'une des deux tirer une moue gênée lors d'un raté ou d'un décalage.
Continue, n'arrête pas. Oui, comme ça bravo !
Qu'importe le succès ou la fortune, c'était cela qu'elle voulait. Peu à peu, les pirouettes s'ajustèrent et l'ensemble se synchronisa. Les pieds battant du même rythme sur un air entraînant faisaient se dessiner les sourires sur les visages. Deux heures qui passèrent bien vite, comme toujours.
"Pfiouuu, je n'en peux plus !" lâcha Tarha une fois en coulisses.
La lunaire retira de ses yeux le masque traditionnel de Sombrelinceuil tandis que Liiz relâchait ses cheveux, le sourire jusqu'aux oreilles :
"Ah beh eh, c'était chouette quand même !"
Meleth rit tout bas tout en changeant de vêtements.
"Un bon exercice, mais attends de voir les répétitions pour le prochain Solstice ce sera autre chose !"

Le prochain spectacle occupait déjà son esprit, alors qu'il restait deux représentations de l'Eveil de la Forêt avant la prochaine expédition et le début du congé préparatoire de Lunaris à cet évènement. Deux ans, le groupe fêtait ses deux ans cette année. Il fallait faire quelque chose pour marquer le coup bien sûr et Cehwi'to était parfaitement d'accord sur ce point comme sur le fait de faire danser plus de monde sur scène avec eux. Faire danser les autres, finalement c'est ce qu'ils avaient toujours souhaité depuis la création du groupe en appelant chaque fois le public à se joindre à eux. Il y avait chaque fois de nouveaux danseurs, parfois des vocations mais le plus souvent des impulsions sporadiques. Pourquoi Lunaris se contenterait-ils d'appeler à la célébration alors qu'il était possible de faire monter sur scène de nouvelles personnes, professionnelles ou amateurs on s'en fiche, de façon ponctuelle ou récurrente ? Faire danser deux miqo'tes ce soir comme Cehwi'to avait eu l'idée de faire danser Albynn trois semaines plus tôt, apportait quelque chose à l'ensemble de leur œuvre. Et la demande ne manquait pas.

"Je voulais demander depuis longtemps, mais je n'osais pas."

"j'ai essayé de répéter toute vos chorégraphies mais je ne suis pas danseur !"


"A refaire, vraiment !"


"Je voudrais essayer, juste essayer peut-être une fois ?"


Loin de l'émulsion du spectacle, et après un repos mérité, Meleth recommençait à danser comme toujours dans la chaleur d'un après-midi de printemps noscéen. Grâcieuse et acrobate, elle laissait son corps se mouvoir au gré de ses pensées toujours plus audacieuses. Mer de sable, spectacles, voyages, évolution... Rêve ; tout est musique et tout est passion. Avait-elle cependant les épaules pour faire tout cela ? Elle se souvint parfaitement de toutes les fois où on lui avait proposé, suggéré, ou même demandé pourquoi elle refusait de d'enseigner. Trop jeune, trente quatre ans, quelle idée folle que de prétendre avoir l'expérience et la maturité pour guider qui que ce soit. D'un autre côté, n'était-elle pas le capitaine de l'Eternal, n'avait-elle pas fait montre de ses pleines capacités ? Et surtout elle n'était pas seule, Cehwi'to était son partenaire, son égal, son soutient.
Tout ce que je sais, c'est que je ne veux plus jamais danser seule sur scène, jamais.
Elle débordait d'énergie, encore, plusieurs heures après. Cette sensation grisante, maître Dadjeel la lui avait expliqué et lui apprenait encore à la canaliser, la convertir, et la renvoyer à l'aide de son ether. Plus elle dansait et plus elle voulait danser. Elle devait encore apprendre à faire la différence entre l'emportement et la croissance.

Voir, apprendre, créer.

Voyager sur la Mer de Sable lui permettrait d'améliorer sa concentration, et de préparer la suite. Solringen serait une expérience digne de leur progression et de leur regard changeant, une nouvelle célébration. Elle imaginait déjà la chevelure rousse flamboyante du lion de feu à la lueur des feux d'artifice de la plage de Brumée. Oui, ce serait en extérieur sous les étoiles.


Danser, encore et toujours.
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Une nuit particulièrement chaude dans la Noscea. Cette année l'été s'est présenté avant l'heure mais cette année encore la lagune aux effluves tropicales se fait le théâtre d'une veille de Solstice pour la Fille du Torrent qui danse sous les étoiles. Entre arabesques grâcieuses et mouvements puissants. Les bras levés, la danseuse fait apparaitre deux serpents aqueux sortis de la lagune à ses pieds. Avec délicatesse, elle les guide à travers une chorégraphie faite de mouvements amples et calculés. Chaque serpent suit une de ses mains, tous deux s'entrecroisent, se frôlent mais ne se touchent. Petit à petit, ses pas sont plus assurés. Ses jambes s'envolent tandis qu'elle virevolte de rocher en rocher avant de plonger dans l'eau claire. Un rayon de lune éclaire sous la surface ses arabesques plus sèches et frénétiques, portées par son propre élan de nageuse. Une énergie qui vibre du bout de ses doigts à la pointe de ses cheveux et qui anime son corps par impulsion.

"Laisse-toi submerger par la vague, laisse-la traverser" disait maître Dadjeel, elle avait finalement appris.

La peur de se noyer dans le Chaos s'est maintenant envolée ; la peur de nuire, de perdre le contrôle, de faire du mal, tout cela a disparu. La gravité n'existe pas, elle flotte dans un autre monde. Les deux serpents se fondent en un seul, presque invisible si ce n'est grâce aux reflets de l'astre pâle qui permet d'en dessiner les contours. Ce n'est plus la Fille du Torrent qui domine son élément, mais lui qui la domine. Il l'entoure, l'enserre, l'avale et l'entraine dans un tourbillon qui agite le point d'eau. .



"Cela me dépasse et m'épuise. Nous avons une vie de rêve, nous sommes ensemble, on va où bon nous semble et faisons ce qui nous plait du moment que nous suivons les règles de madame Kurusu. On a trouvé notre place. Il n'y en a pas un seul parmi nous qui ne pourrait confier sa vie aux autres sans la moindre hésitation et pourtant au moindre petit revers la moitié remet tout en cause et l'autre moitié part s'isoler en ruminant. C'est comme si tout d'un coup ils oubliaient qui nous sommes alors qu'ils devraient normalement se serrer les coudes dans ces moments là. Ils me gonflent Ivanhault, ils me gonflent !"
Bien sur qu'elle exagère, bien sur qu'elle n'est pas tant en colère qu'elle le dit. Toutes ces émotions alimentent une rage qui ne cesse de croître au creux de son ventre depuis qu'elle a plongé dans les Eaux Noires pour la première fois.
"Cette force de conviction t'appartient, quand le torrent s'abat sur les rochers, même le plus solide ne peut la contraindre à ralentir ou à remonter."
Les mots de Noah sont rares mais toujours très forts. Meleth y ajoutait que le torrent finit tout de même par se briser sur les rochers, et elle se fatiguait souvent à tenir cette confiance quand la moindre contrariété suffit à faire douter tous les autres.  Ivanhault assurait que ce trait de caractère influençait énormément l'équipage. Si elle y croit alors tout le monde peut y croire, si elle a confiance alors même les doutes les plus tenaces s'amenuisent. Elle n'était qu'à moitié convaincue mais son second n'a pas pour habitude de parler dans le vent.



Autour d'elle, le tourbillon s'assombrit, il emporte les fleurs colorées dans une ritournelle vorace. Tourne, tourne et dévore, tourne et tourne encore. Le velours de la nuit parait plus noir, les étoiles plus brillantes, et la lune éclaire cette silhouette qui danse sous la surface. Le remous s'intensifie, il génère des vagues qui claquent contre la rive à intervalles irréguliers.
Soudain la tête de la viéra sort de l'eau dans une inspiration forte, suivie d'un râle remonté de son estomac. Un filet d'eau noire la propulse sur son rocher, elle pose un genou à terre. L'énergie palpite, instable.



"Noah !"
Le viéra pose un genou à terre, les dents serrées, une aura sombre crépitant autour de son corps. Il gronde tel un fauve, fixant l'obscurité de la forêt face à lui.
"N'approche pas !" Ordonne-t-il.
Meleth hésite, mais après avoir secoué la tête et froncé les sourcils, elle réduit la distance qui les sépare encore et vient se planter devant lui, croisant ses yeux devenus entièrement noir, on n'en distingue plus l'iris des pupilles. Le chasseur la fixe avant de la saisir par les épaules, le visage menaçant.
"Je t'avais dit de ne pas t'approcher !
- C'est aussi mon destin."

Il tremble, animé par une rage vorace, une soif de sang intarissable. Elle ne sait que trop bien ce qu'il entend dans sa tête en ce moment, ce qu'il lui murmure lorsque plongé dans cet état il croise son regard. Elle sent toute cette violence et le feu attisé par le Torrent Noir. Il la saisit par les hanches, son front posé contre le sien. Cela devait arriver tôt ou tard ils le savaient tous les deux.

Mais cela n'arriverait pas ce soir. Le viéra faisait preuve d'une telle maîtrise de lui-même qu'elle se demandait où il trouvait la force de contenir l'appétit du Serpent qu'elle pouvait sentir au travers de son baiser. Il respirait fort, il était en sueur, son corps était brûlant mais il parvint à se calmer et recula.
"...Pas comme ça !"
Il ramassa sa lance et tourna les talons, disparaissant dans la sylve sans un regard pour elle.



"Pas comme ça !" S'écria t-elle.
Elle avait beau convulser, elle était parfaitement lucide. C'est donc cela que lui ressent à chaque solstice d'été ? De toutes parts l'eau jaillit et vient s'écraser sur les bords de la lagune, sur les arbres, les pierres. Le point d'eau si tranquille est à présent plus agité que la mer en tempête.

Un bruissement dans son dos précède l'apparition d'un fauve aux dents de sabre qui sort de l'ombre.
"Adalgis ?"
Le félin est seul.
"Tu te laisses encore surprendre."
Le Fils du Torrent vient d'apparaitre à ses côtés, sortit de la lagune sans qu'elle l'entende. Ses tatouages brillent au clair de lune, il irradie de puissance, il a su garder le contrôle bien que les anneaux en bois qui tiennent ses tresses sont légèrement teintées de sang que l'eau n'a pas eu le temps de faire disparaître.
"Ton heure n'est pas venue, Fille du Torrent. C'est au solstice d'hiver que tu t'éveilleras."
Le viéra glisse un bras autour de sa taille et la soulève. Tous deux entament une nouvelle danse en équilibre au-dessus de l'eau. Au-dessus de la forêt, les lanternes lancées dans le ciel par les habitants de Costa del Sol à leur première fête de l'été donnent l'illusion que la clairière s'embrase. Elle connait cette danse, elle l'a déjà vue il y a longtemps au même moment de l'année lorsque l'on fêtait à Esthar la venue ou le retour d'un homme de passage.



"Nous sommes comme ces étoiles Meleth, brillantes dans la nuit par la grâce des rayons de lune nous apparaissons. Nos hommes sont un soleil solitaire qui rayonne et qui domine, une étoile en plein jour qui n'a pas besoin de vivre en communauté. Nous ne le regardons jamais en face, mais savons qu'il est là.
- Mais le soleil et la lune ne se rencontrent jamais ?
- Seulement en de rares occasions, une éclipse dans le cycle naturel. Nos hommes rentrent au village eux aussi pour le solstice d'été où le soleil est au faite de sa puissance. Si un Fils du Torrent vient aussi, il y aura peut-être une nouvelle eclipse avant le solstice d'hiver qui sait ?
- Parce que la lune est la plus forte ?"

Moy'rhana rit tout bas.
"Exactement, oui."



Dans ses souvenirs, Noah était présent lors de cette célébration du solstice où elle avait rencontré Lhei pour la première fois et Luka avait quitté Westhar avec un mentor à la suite d'une cérémonie festive. Elle avait beau cherché, elle ne se rappelait pas des autres années, seulement celle-ci dans ses moindres détails. Elle n'avait alors que six ou sept ans. Elle revoyait les deux chamanes assises sur une souche d'arbre assez large pour service d'estrade ; sa mère danser avec les autres autour d'un bassin, à la gloire de Thlaloc. Elle revoyait Luka le corps couvert de peintures rituelles s'avancer vers le sanctuaire. Elle revoyait Noah, silencieux et taciturne, se tenir droit et fier les bras croisés près d'un brasero avant de porter sa flûte à ses lèvres sans prévenir. En fait... si. Il l'a fait juste après qu'elle ai croisé son regard pour la première fois.
"Je l'ai senti à cet instant, que déjà tu étais déjà l'une de ses favorites."
Les remous s'apaisent au fur et à mesure que le rythme de la danse s'intensifie. Il mène, elle se laisse porter. Ce n'est plus à leurs pieds mais entre eux que le courant les emporte car il n'a rien de délicat, ne fait preuve d'aucune douceur. Tout n'est que domination, impatience et presque brutal. Cette sauvagerie contenue que tous lui connaissent mais qu'ils ne craignent pas tant qu'ils le connaissent lui.
"Chaque année c'est un peu plus fort..."
A chaque solstice, il la désire un peu plus, chaque année son appétit grandit comme sa soif de sang que rien n'apaise. Elle aura beau essayer de comprendre et danser avec lui rien n'y fait, au contraire, c'est elle à présent qui se sent dévorée de l'intérieur.
"On ne pourra pas retarder l'échéance indéfiniemment, Noah. Tôt ou tard, je devrais plonger dans les abysses... et affronter ce qui m'attend.
- Tu n'es pas prête."

Il lui serra si fort le poignet qu'elle émit un léger hoquet de douleur.
"Je ne le serais jamais vraiment."

Tout s'arrête alors. Le viéra l'enserre par les épaules et la presse contre lui sans un mot. Il n'hésite jamais à la jeter dans le torrent et l'abandonner à ses épreuves, jamais il ne cherche à la protéger ou atténuer sa douleur. Pas une fois il ne lui aura épargné une blessure qu'il considère méritée mais en cet instant, c'est lui qui redoutait qu'elle fasse le pas de trop.
Un peu plus loin sous les arbres, Adalgis se couche et ferme les yeux.


La tempête gronde.
Lerith Il y a 3 mois et 2 semaines




Lerith Il y a 3 mois et 2 semaines







Lerith Il y a 3 mois et 2 semaines





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