Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Les étoiles apparaissent au-dessus des arbres, dans un crépuscule clair. Il fait chaud pour Sombrelinceuil, il fait lourd même car l'orage approche mais tarde à éclater, humide sur les bords de la rivière où les libellules dansent entre les nénuphars. Il est déjà tard, la plus courte nuit de l'année tombe doucement sur la Forêt de l'Est ; elle semble paisible mais la réalité est toute autre. Entre les arbres, on entend les tambours de chasse des chasseurs miqo'tes qui entament leurs célébrations, on les entend aussi sous la terre, le sol vibre sous les pieds nus de la danseuse solitaire, ce sont les gelmorréens. La cime des arbres frémit ; sont-ce les esprits qui murmurent, chantent-ils eux aussi comme elle ce soir ?

Le talon bat la mesure, ce soir la forêt toute entière donne le rythme à l'unisson. Les bourgeons ont éclos, feuilles et pétales s'ouvrent et embaument son nez de parfums mélangés, chaque inspiration résonne dans sa gorge, elle entend chaque battement de son cœur aussi fort que ses mains qui tapent l'une contre l'autre au-dessus de sa tête, aussi fort que sa voix qui fredonne ce chant tribal.


Solringen.


L'ambiance ce soir est si différente de la transe musicale de la veille quand, dans les jardins de l'Escale, tout le monde riait et dansait à la lueur des lanternes. C'était une euphorie propre à la Noscea et aux villes portuaires en général. Ici le regard est trompeur, il laisse croire que l'on est seul alors que les yeux fermés, on entend le fourmillement des habitants de la Sylve qui sont de toutes tailles et de toute nature. Elle n'est pas seule et elle le sait, si elle ne peut plus entendre le Vermot elle entend les percussions des sabots des sangliers et le tintement de la rosée sur les feuilles, le craquement de l'écorce et le grondement sourd du vent dans les tunnels qui traversent les bois, invisibles aux yeux de tous. C'est celle mélodie qui rythme sa danse, à laquelle elle répond par son chant.


Flammes du solstice... en une pluie d'étoiles filantes !


Le voile s'affine, les filaments se délient, elle revoit les visages de ses compagnons sur le pont, les nixes submergeant les enfants du torrent à l'entrée du temple de Tut'raa ou les repas simples partagés autour de la table dans la chaumière ; Hotaru qui danse avec elle dans les cordages tandis que U'napa frappe dans ses mains en riant et Iko qui se balance dans le vide. Le sourire de Valorius, la main de Silius posée entre ses oreilles, les chocolats de Kyuuji et les paupières d'Ivanhault se fermant sur ses yeux apaisés lorsqu'il savoure l'agitation joyeuse autour de lui. La vague la submerge, de sa gorge s'échappe un éclat de voix quand entre deux pirouettes ses yeux s'entrouvrent et que son cristal s'illumine dans ses cheveux. C'est une vague ethérée qui se disperse, encore et encore tels des ronds dans l'eau.
Kriegstanz, le pouvoir des danseurs thavnairois qui répond aux émotions des Hommes. Elle veut le maîtriser, et depuis que Djazah'ir a évoqué le concept de l'Akasha et que l'apocalypse a révélé l'existence du dynamis, l'apprentissage devient plus concret. Sa force viendra de son cœur, ILS sont sa force.
Les ronronnements des fauves dans le jardin, l'Escale sous un pâle lever de soleil d'été, l'odeur du thé mélangée au tabac... et de sucre. 



Je la sens au plus profond de mon être, cette vibration... comme un souffle pur et insaisissable.



De retour de sa chasse nocturne, le Fils du Torrent marchait aux côtés de son compagnon à dent de sabre. Adalgis savourait un morceau de gibier bien mérité lorsqu'il s'arrêta pour lever le museau, humant l'air.
"Hm. Tu as senti." Murmura le viéra, levant les yeux vers la cime des arbres.
Elle était là, assise au clair de lune sous un ciel illuminé d'étoiles, jouant avec un mince filet d'eau scintillante. Songeuse comme toujours, mais il pouvait voir entre les feuilles ce visage empreint d'une profonde sérénité. Elle avait découvert quelque chose ce soir, et une nouvelle voie s'ouvrait devant elle sans la détourner de ses espoirs de rentrer un jour à Dalmasca avec la bénédiction de son peuple.

Chaque solstice clos un cycle pour entamer le suivant, de l'explosion de la vie les fleurs vont commencer à se faner, les fruits qui en naîtront seront consommés avant que les feuilles ne tombent à l'équinoxe d'automne, annonçant le changement. A l'image de cette nature changeante et si bien faite, ses émotions et le pouvoir qui en est issu se transforment. L'équipage, ses proches n'y étaient pas pour rien. Avoir retrouvé Lhei et Luka, avoir parlé à Noah pour la première fois véritablement, remonter petit à petit le sentier de leurs ancêtres tout en construisant son avenir au sein de l'Eternal dessinaient un tableau toujours plus précis de sa destinée. Quelque chose était en train de se mettre en place, à peine perceptible, mais le gardebois en exil le percevait aussi clairement qu'à travers l'eau de roche... mais le destin a une façon bien ironique de jouer des tours.

"Quelque chose va se produire Adalgis... avant de s'élever, elle va devoir chuter et se noyer dans l'Abysse."

Le fauve poussa son bras du côté de la tête, l'air presque peine sous ses sourcils épais de vieux chasseur sauvage. Noah laissa sa main sur sa tête, il ne montrait pas son inquiétude, le regard toujours fixé sur la Fille du Torrent solitaire au dessus des arbres. Il ne sortirait pas des ombres ce soir.



Laissons à cette enfant la paix qui précède le chaos.
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Sous le soleil à son zénith, ou baignée par la lumière de la lune, elle dansait sans relâche, inarrêtable depuis des jours. La brise d'été refroidissait à peine ses muscles sans cesse sollicités mais c'était plus forte qu'elle. Le rythme perpétuel de la vie s'accélérait en plein été : plus de monde, plus de rires, plus de pleurs, plus d'émotions qui passaient à travers son corps comme si elle était faite d'une matière qui les absorbe, les change en énergie avant de l'expulser au travers de figures toujours plus complexes, comme si cette force la poussait toujours plus avant dans ses séances d'entraînement comme dans sa passion pour la musique et cela s'exprimait au travers de chants nouveaux, une frénésie alliant le tribal de ses origines et un tempo rapide inspiré des chants marins et aventuriers.

"Bonjour Meleth, encore en train de danser à ce que je vois !"

Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle entendait cela chaque jour. Dillan, Kyuuji, le pêcheur oriental, le journaliste, les deux miqo'tes qui s'arrêtent toujours près du rocher où elle s'exerce. Elle ne retenait pas leurs noms pour la plupart mais leur présence et leurs enthousiasme alimentait ses réserves. Un barde qui s’assoit sur le sable et commence à jouer, une mélodie nouvelle, et elle repartait pour un tour et cela pouvait durer des heures. A l'heure où la tournée des Lunaris s'achève, elle ne ressentait aucune fatigue et regrettait même que cela se termine déjà.





"Alors, pour le mensuel on a signé un contrat au Blues Chocobo et à l'Edelweiss.
- Pas l'Escale ?"

Le trio s'était réuni autour d'un goûter -préparé par Hotaru- pour faire le point sur les engagements obtenus et s'occuper de l'administratif et autres charges communes comme le pourcentage du cachet alloué au pot commun pour les costumes.
"L'Escale c'est différent chaton, assura Hotaru en servant le thé, c'est un peu la maison nous n'avons pas besoin de contrat. C'est quand on veut. Donc, tu disais Meleth ?
- Oui, Blues Chocobo et Edelweiss. La Cale a été un succès, la sale était pleine et Lenile a gagné un ou deux inscrits de plus pour l'arène, elle propose qu'on fasse un concert pour chaque ouverture de saison histoire d'attirer du monde pour promouvoir les inscriptions.
- Moi je suis pour,
approuva Cehwi'to. C'est un peu donnant-donnant, et pour la bonne cause.
- Hon ! hon !"

Entre deux bouchée de son cupcake panda, la viéra continua d'énumérer la liste.
"Le Pacha ayant fermé à la suite du Pleincoeur, ainsi que le Kenkyo, je pense qu'on peut les rayer de la liste.
- Il y a quoi à la place du Kenkyo maintenant ?
- Une taverne "de charme"
- Tchiiii !"

Il y eut un léger flottement suivi d'un petit rire face au grincement de dents de la raenne.
"Reste le jardin de Nhaama qui ne nous a pas encore fait de proposition fixe, Halfdàn nous dira après le concert de demain. La Rose des Vents ne manque pas d'artistes, je pense que nous pouvons rayer mensuel de notre engagement avec eux, ce sera sur demande.
- La Pachka ?
- La scène est toujours trop petites mais en attendant, si nous manquons de gils, nous pouvons y faire des représentations en solo. Maxima aimerait arranger ça.
- On tourne quand même sur deux voir trois concerts par lune. Avec vos voyages les filles, je pense que c'est suffisant si on se contente de prendre des contrats ponctuels. Elle se termine quand la saison des expéditions ?
- Veillée des Saints, par là.
- Bon plan, en plus la fin de l'année voit la fréquence des évènements saisonniers se rapprocher donc il y aura plus de concerts à donner.
- Nous sommes d'accord !"
 




Les fins de lune difficiles dû à l'Apocalypse et son impact touchaient à leur fin. Ce déchaînement de la vie nourrissait un besoin de la croquer à pleines dents, et pour les artistes quelque soit leur domaine, c'était une source inépuisable d'inspiration. Pour Meleth, c'était plus encore, comme une étoile qui brille soudain plus fort dans le ciel et illuminé de son éclat comme le soleil en plein été. Joies, peines, elle voulait ressentir, tout ressentir et sentir son pouvoir grandir encore dans ce tourbillon de sensations. La vie s'écoulant à flots comme l'eau inarrêtable quand le barrage cède enfin.
Et elle danse, danse encore sans s'arrêter sur la plage et sur le ponton. Elle chante jusqu'à ne plus avoir de voix, transportée par la sa propre musique, elle s'enflamme avant les feux de l'été. Plus qu'une voix vibrante, un cri au monde qu'elle existe.

Un seul ne partageait pas cet engouement pour la situation. Toujours aussi taciturne, l'aîné des Fils du Torrent disparaissait de plus en plus souvent dans les bois de l'Est ou dans la jungle noscéenne, on y associa le prétexte qu'il avait encore du mal à se faire à cette vie, lui qui avait toujours vécu en solitaire sans voir d'autre être humain pendant parfois des semaines ; toute cette agitation estivale devaient le pousser vers le calme forestier. En revanche, il ne manquait jamais un concert des Lunaris et semblait même tenir absolument à y assister, étrange, et si les quelques romantiques du dimanche voulaient y voir l'un de ces admirateurs énamourés ceux qui connaissaient -un peu- l'ancien Gardebois avaient du mal à cerner cette lubie. Son intérêt ne se portait plus seulement sur Meleth, il fixait Hotaru qui semblait prise de la même frénésie que son amie.
Assis sur une branche, au-dessus de la plage, il veillait en silence comme toujours. Le visage fermé, il ne quittait pas des yeux la dernière d'Esthar en proie à quelque chose de plus dangereux que lui. 



Les étoiles ne brillent pas, elles brûlent.
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Le retour de Yanxia se ponctuait d'une semaine de repos, et le calme semblait régner dans les jardins de l'Escale. Enfin, quand on parle de calme à l'Escale de Llymlaen cela voulait dire que Liiz et A'iko faisaient un boucan  de tous les diabolos en aménageant leur nouvelle chambre, que Hotaru animait l'heure du thé de ses gâteaux et son enthousiasme, et toutes ces petites choses habituelles au sein de la compagnie qui rendait le quotidien tout sauf silencieux. Leur dernier concert terminé, les Lunaris avaient annoncé un congé de quatre semaines pour le groupe laissant à Meleth tout le loisir de savourer ce bel après-midi d'été.
Il avait commencé par son réveil tardif à la chaumière, et ses retrouvailles avec Lhei tout juste rentrée et de passage : elle avait malgré tout trouvé le temps de lui préparer son déjeuner et lui parler de ses dernières aventures. Elle ne lui avait pas encore raconter le combat de Noah contre un ours géant des montagnes mais la peau qui servirait bientôt de tapis à l'entrée s'en chargerait.

Les questions à propos de Mélune commençaient à trouver des réponses notamment sur la dualité de leur tribu. Thlaloc n'était que la moitié d'un gardien plus ancien qu'un fléau avait séparé en deux parties, Mélune était l'autre, et le Torrent souhaitait être à nouveau complet. Peu de réponses, beaucoup plus de questions, mais c'était un début et ils avaient la connaissance nécessaire à disposition pour commencer les recherches. Elle s'inquiétait moins de ce qu'ils découvriraient que de la façon dont ils en feraient l'usage... l'expérience de ces trois dernières années, ce qu'elle avait appris sur la création des primordiaux, et la rudesse de ses entraînements avec l'aîné des Fils du Torrent avaient démontré combien elle pouvait être dans l'erreur malgré ses effort et sa prudence, et combien cela pouvait être dangereux de se lancer à la poursuite d'un mystère...
Lhei apprend vite, l'esprit vif et la curiosité d'une enfant dans tout ce que l'enfant a de positif, et elle écoute avec raison et mesure la voix des plus âgés. Luka veille sur elle, elle s'est fait des amis.
Finalement il n'y avait qu'à lever les yeux et regarder ce qui se trouve devant elle pour que ses inquiétudes diminuent.

La porte de l'Escale s'ouvrit pour laisser passer un Arthurin en fuite, refermant la porte derrière lui pour couvrir les voix des deux miqo'tes qui se disputaient encore sur la façon de faire passer un lit derrière le bar ; personne n'avait osé signaler à Iko l'existence d'une porte de service de peut de se prendre malencontreusement un coup de tetsubo sur le crâne, de frustration. Meleth, allongée sur la balancelle, main derrière la tête et le nez dans son livre sur l'histoire de Thavnair, tourna une oreille vers lui.
"Elles n'ont toujours pas fini ?
- ... C'est de pire en pire mademoiselle, si elles font ça pour tous les meubles je ne donne pas cher du couloir du troisième étage...
- J'en connais qui n'ont jamais été aussi heureux d'avoir emménagé sous les combles."

Elle souffla un rire en tournant une page ; tout allait pour le mieux aujourd'hui.

La corde grinçait doucement sous le vent marin, faisant bouger légèrement la balancelle. Un son répétitif, pas forcément des plus jolis, mais très apaisant. En contrebas sur la plage, Brumée se remplissait de monde vers la fin de l'après-midi. On entendait aussi bien les disputes que les jeux de séduction, les rencontres entre amis et celles moins amicales. Du bruit, constant, la vie toujours.
La viéra posa finalement le livre encore ouvert sur sa poitrine et ferma les yeux, ne prêtant plus d'attention à ce qu'elle lisait ou bien à Arthurin derrière son comptoir, mais simplement écouter, savourer.

Ils n'avaient pas retrouvé le père de Yone, mais elle sentait que leur ami s'était libéré d'un poids, à commencer par celui du secret entretenu par sa famille. Même l'absence de sa mère et son départ vers l'inconnu ne l'inquiétait pas plus qu'un fils aimant normalement constitué s'inquièterait pour sa mère. Elle s'inquiétait un peu plus pour Ivanhault, qu'elle trouvait plus taciturne que d'accoutumée mais l'elezen avait ses mystères lui aussi, et son caractère. Liiz sortait davantage grâce à Iko, Valorius semblait trouver son équilibre dans l'artisanat où il pouvait se donner à corps perdu sans avoir le sentiment de ne servir à rien, maintenant qu'il travaillait surtout pour lui-même il réaliserait bien vite combien il était aussi utile aux autres. Djazah'ir préparait toujours quelque chose en cachette, elle l'avait vu demander un cheveu à Noah après lui en avoir demandé un, elle étouffa un rire en se remémorant le malaise entre ces deux-là depuis l'affaire de la Valention...

Le temps viendrait, bien assez tôt, où elle ferait la rencontre de sa destinée. Ce quelque chose qui l'attendait au-delà de m'Horizon, ce qu'elle sentait arriver pas à pas et que l'expédition à Yanxia n'avait pas fait taire puisque leur aventure dans la forêt de bambou l'avait changée aussi. Elle prenait des initiative, elle ne se contentait plus d'observer d'agir de concert avec ses compagnons. La Fille du Torrent se sentait comme entraînée par un courant invisible toujours plus avant vers... vers on ne sait quoi encore mais elle s'y dirigeait sans résistance.
L'Ecole du Chaos, les techniques de causalité, le fameux maître Dadjeel... allaient peut-être jouer un rôle dans cette transformation qui commençait à opérer au plus profond d'elle. D'enfant de Golmorre, à viéra exilée puis artiste et exploratrice, elle sentait pourtant que sa place était ici et maintenant mais ce vers quoi elle allait rendrait cette place plus solide, sur ces mêmes fondations qu'elle entretenait, ces certitudes qui la rendaient chaque jour un peu plus forte et - l'espérait-elle - un peu meilleure. La route était claire, bien droite mais elle n'en voyait pas le tracé derrière les collines ; elle savait simplement que ce qu'elle trouverait marquerait un profond changement. Elle se rappelait les mots de Noah, assis sur sa branche en train de tailler un morceau de bois, une des rares fois où il parlait :
"Chaque changement tend vers le meilleur, mais il n'est presque jamais facile. Le bois a besoin d'être taillé, la pierre polie, ces gestes ne sont pas tendres mais il en résulte toujours quelque chose que l'on apprécie plus encore."
Elle ouvrit les yeux, touchant son collier au pendentif en bois. Elle songeait aussi au capitaine qui tenait des mots similaires lorsqu'on abordait le sujet de son passif et de la rudesse d'Akira à son égard. Le Fils du Torrent ne la ménageait pas, maître Dadjeel ne les ménagerait sans doute pas lui non plus. Meleth sourit alors, songeant que le pire était à venir dans cette aventure estivale qui, pour elle, ne faisait que commencer.



... Mais pour l'instant, elle voulait juste continuer de se balancer au soleil.
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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"Sérieusement. L'on a déclenché des guerres comme on a sauvé des vies en son nom, l'Homme comme l'animal s'est montré capable de surmonter l'insurmontable tout au long de notre histoire et l'on voudrait me faire taire quand je dis qu'il s'agit là de la plus grande force au monde ? Ne me faites pas rire !"
Lorsqu'elle vit Djazah'ir tomber au sol, inerte, le temps sembla ralentir alors que pradoxallement la situation devenait critique et même urgente face à cet ennemi issu de leurs propres doutes, de leurs propre retenue. Mais alors qu'elle s'entendait hurler le nom du miqo'te, et voyait ses compagnons serrer les dents ou hurler leur rage face au Miroir du Chaos, la voix d'Ivanhault -pourtant absent- résonnait tel un écho dans sa tête, répétant ces mots prononcés au terme d'une de leurs "disputes" il y a de cela bien des lunes.

Son corps s'était figé, tenu par les chaînes d'une peur innommable ayant l'apparence d'un monstre de fumée aux yeux rouge. Elle voulait les sortir de là, elle savait quoi faire puisqu'elle sentait cette force dynamique affluer dans son corps et amplifiée par ce pouvoir qui sommeille au creux de son ventre, mais le laisser sortir risquerait de créer une situation bien pire encore si elle ne parvenait à le contrôler ; c'était pourtant le but de cette épreuve.
"Meleth, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?! On va pas tenir longtemps !"
La voix d'Iko se superposa à celle de l'elezen, ils avaient besoin d'elle autant qu'elle avait besoin d'eux. Nashasha s'était précipitée au chevet du miqo'te, grimoire en mains elle incantait déjà son sort de réanimation tandis que les autres tenaient bon autant qu'ils pouvaient pour la couvrir. Leurs disputes, leurs oppositions, leurs craintes et leurs doutes, tout cela n'était rien à côté de la confiance qu'ils se portaient et leur unité elle en était convaincue au plus profond d'elle-même et pas une fois ils ne l'avaient fait mentir. Ce chaos permanent, imprévisible, mouvement perpétuel tant physique qu'émotionnel générait une puissante énergie qu'elle pouvait ressentir et qui la traversait sans mal, elle dansait pour eux mais jamais elle n'avait osé utiliser ce pouvoir sachant ce qu'il pouvait causer en cas de perte de contrôle. Le souvenir de la seule fois où elle s'était laissée déborder par une telle vague l'avait marquée au fer rouge, elle avait bien failli tous les tuer ce jour-là.


"La plus grande force au monde."


Le temps reprit sa course normale quand la viéra reprit ses appuis, bien posée sur ses deux jambes elle sentit l'énergie s'intensifier autour d'elle prenant la forme d'ailes de papillon ethérées, emblème de l’École du Chaos. Prions pour que Terrechant ai raison, si une telle force serait capable de contenir le torrent sauvage qui gronde en elle.
"J'en appelle à toi qui coule dans mes veines..."




"Je ne te pensais pas capable de faire une telle chose."
La sincérité dans la voix monocorde du viéra la fit s'arrêter au bord de la terrasse. Ils étaient venus contempler les feux d'artifice qu'elle avait promis de lui montrer lorsque commencerait le festival des Feux de la Mort. Le regard fixe, sourcils froncés, le Fils du Torrent ne prêtait guère attention aux couleurs et à la musique qui arrivait jusqu'à leurs oreilles, jusqu'à ce qu'une explosion plus forte que les autres ne le fasse sursauter légèrement ; il leva alors les yeux vers le ciel comme s'il le voyait pour la première fois. Meleth sourit alors en s'approchant.
"C'est exactement ça."
Il tourna son visage vers le sien sans comprendre. Pour la première fois, voilà qu'il était celui à qui elle devait expliquer les choses. Elle s'accouda à la barrière, admirant le spectacle :
"C'est magnifique, pourtant il s'agit d'une explosion, terme qui désigne un danger. Pourtant si on la contrôle et qu'on s'en sert pour faire de belles choses... comme cette fête qui ravive le bonheur chez les eorzéens... on pourrait presque oublier que les feux d'artifice sont composés de poudre en majeure partie.
- ... mhm.
- Je ne me pensais pas capable de contrôler cette explosion, moi non plus. Mais je suis leur capitaine maintenant, et d'une manière ou d'une autre il fallait que j'y arrive, avoir foi en eux ne suffit pas si je suis incapable d'être la première à faire ce que je leur demande."

Il hocha la tête simplement, encore perplexe mais elle ne s'attendait pas à ce qu'il comprenne tout ceci aisément, il commençait tout juste à s'attacher au groupe, il ne concevait pas encore cette force qui sommeille et augmente chaque fois qu'ils combattent, explorent, ou quelque action que ce soit qu'ils feraient ensemble. Il s'était acharné sur son propre reflet dans le Miroir du Chaos, tenus par ses propres chaînes de solitude et sa crainte à lui aussi de céder un jour à la rage du Torrent Noir qui l'habitait ; elle avait toujours senti en lui cette vibration derrière chaque muscle faisant grandir son aura : terrifiant et attirant à la fois.
"Capitaine."
Il prononça le mot platement, le visage à nouveau tourné vers les lumières illuminant le ciel au-dessus de leurs têtes. Il le répéta une seconde fois, plus bas, comme s'il cherchait à s'y habituer. Meleth sourit à nouveau, toujours appuyée contre la balustrade. Elle aussi devait s'y habituer ainsi qu'aux responsabilités allant de pair avec cette charge qu'on ne lui avait pas confié pour rien. Ce n'était pas seulement un devoir, mais aussi un désir d'être à sa juste place. Elle baissa les yeux sur son poignet désormais nu de tout bracelet, cela avait été moins difficile que prévu au final, c'était même évident. Le temps que cela avait pris était nécessaire, tous les éléments s'étaient assemblé de la bonne façon, au moment où il le fallait, comme pour la préparation d'un plat, d'une potion, ou d'un... feu d'artifice.

De nouvelles fusées montèrent dans le ciel, à une fréquence plus élevée pour le grand final de la soirée. Le bruit couvrit jusqu'à la musique provenant de la plage, et les mots du Fils du Torrent qui posa sa main sur celle du nouveau capitaine de l'Eternal. Nul ne su ce qu'il lui dit pour qu'elle se redresse, avant que son bras n'entoure sa taille.




Elle avait maintes fois dompté ses peurs lors de son exil, depuis son premier pas hors de la jungle jusqu'au dernier qu'elle fit dans cette salle des miroirs avant de devenir disciple de maître Dadjeel et danseuse du chaos, mais aucune crainte même celle du dévoreur ne pouvait submerger la plus solide et la plus profonde de ses convictions : l'Eternal. Ce n'est qu'un mot pourtant, mais pour elle c'était aussi une idée, un monde à l'intérieur du monde, son monde, plus que Dalmasca et plus que la Mère-Forêt. Devenir capitaine de l'Eternal marquait une rupture symbolique très forte avec sa terre natale, que même si on lui permettait de rejoindre, elle ne pourrait reprendre sa vie d'avant.
Sa place était ici, pas chez les humains ou dans une compagnie libre, ici avec ces personnes à qui elle vouait maintenant sa vie. Ce n'était ni un devoir, ni un sacrifice, c'était son désir que de lier son avenir au leur, "vers l'infini et on verra".


Un nouveau chapitre de sa vie allait commencer,
Après tout, les marins n'avaient pas oublié cette histoire de sorcière des mers...





[size=4]LES CHRONIQUES DU TORRENT, Partie II[/size]
[size=6]FIN[/size]
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Hualani, une petite île de pêcheurs située à l'ouest de l'Archipel Paradis, entre Keanu et les cultures de Nanapi. Ici, les jeunes lalafells apprennent à nager dès leur plus jeune âge pour se rendre avec leurs pères sur la barrière de corail de l'autre côté de la grande lagune ; les plus talentueux deviennent dresseurs d'hippocampes, faisant ainsi vivre ce fragment de la culture de leur tribu. C'est auprès d'eux que Meleth avait appris la plongée en milieu tropical, la récolte de coraux et à dompter les courants marins et c'est ici qu'elle se sentait le plus à l'aise ; c'est à eux qu'elle avait demandé si un morceau de terrain pouvait lui être attribué pour son projet.

"De plus en plus de touristes viennent à Hualani profiter de ses eaux, pas sûr que ce soit idéal pour tes bêtes ma petite. Mais si tu veux de l'espace, je connais quelques îles désertes où nous allons nous reposer lors des longues journées de pêche."

C'est ainsi que la viéra s'était retrouvée, sur les conseils de Kokonut, sur cette île baignée de soleil, comme il y en avait encore une dizaine le long de la barrière de corail. Pour l'heure il n'y avait encore aucune mascotte et aucune installation si ce n'est la cabane sommaire tout juste assez grande pour abriter ses affaires en cas de pluie.
Tout restait à faire mais elle ne s'en souciait guère. D'autres pensées occupaient son esprit, la poussant à chercher la quiétude d'une branche au-dessus d'un point d'eau non loin de la plage, à l'ombre des palmiers. Un livre à la main et sa sacoche pendue près de son épaule, elle passait ici de longs après-midi à repousser le jour où elle commencerait son travail ; celui qu'elle avait à faire ici mais aussi le reste. Meleth avait beau montrer son meilleur visage, son nouveau statut et les responsabilités qui en découlent l'effrayaient encore. Elle n'était pas capitaine depuis deux semaines que déjà les attentes de ses camarades pesaient sur ses épaules sous forme de questions . Quel genre de capitaine serait-elle ? Quel rôle, quelle place pour les officiers ? Quels changements apporter puisque changements il y aurait. Le capitaine Esthar n'est pas le capitaine Kurusu, ils avaient confiance en elle mais ils attendaient des réponses promptement, réponses qu'elle ne pouvait apporter sans y avoir réfléchi. Elle restait donc là, dans ce refuge insulaire et une paix éphémère ; tôt ou tard il faudrait rentrer et prendre l'auroch par les cornes.

"Meleeeeeeeth !"
La petite nixe apparut soudainement devant elle, la fixant entre deux larges feuilles de ses yeux globuleux.
"Tae, alors tu te plais ici ?
- brrrruiiiiiiil ♪ Oui oh oui !"

La petite créature aqueuse agita sa baguette tout en tourbillonnant de joie. Insouciante, elle furetait partout sous les arbres et dans la végétation, dérangeait les oiseaux et les petits animaux du coin. Meleth la regarda un moment virevolter autour de l'étang avant d'y plonger toute entière, disparaissant dans l'eau, totalement invisible. Après quelques minutes, elle retourna à son livre sans le lire, l'esprit déjà perdu dans ses pensées vagabondes... 




"Il est temps de redonner à l'équipage un petit souffle de chaos, ne trouvez-vous pas ?"
Les mots du second sonnèrent dans sa tête comme un rappel à l'ordre bien que ce ne fut pas son intention ; le temps venus pour la jeune capitaine de se réveiller de sa torpeur et d'exposer ses intentions avant la fin de l'été. Si le repos a du bon, l'ennui et le calme trop long semblait plonger l'équipage dans une forme d'apathie mêlée d'inquiétudes surestimant les petits tracas du quotidien. Pourtant, tout allait pour le mieux et d'après Ivanhault il était nécessaire de rester concentrés à Brumée quelques temps, après avoir passé des lunes par monts et par vaux durant la saison des expéditions.
Il fallait se concentrer sur les affaires courantes et les projets annexes : Hotaru en voyage leur avait laissée une bien étrange -et fort sympatique- locataire le temps de son absence et porteuse d'une histoire intrigante sur son pays natal. Il y avait aussi la conférence sur Hawaiki, et l'ouverture de la boutique de Valorius à Empyrée. Capitaine et second voulaient ajouter à ces projets ce petit grain de folie, cette petite flamme qui caractérisait si bien l'Eternal et ne pouvait cesser de briller simplement parce qu'ils ne naviguaient plus pendant quelques semaines.
"Nous savons qui nous sommes, tout de même !"





Meleth ferma son livre,levant les yeux sur le ciel azur à travers les feuilles de palmier. Un papillon multicolore passa furtivement devant ses yeux, lui arrachant un sourire amusé.
Meleth Esthar, fille de Golmorre et du Torrent, exilée loin de ses terres et devenue exploratrice. Je n'aurais jamais envisagé les choses de cette manière et pourtant je suis certaine que là se trouve ma place. Je ne suis pas non plus Madame Kurusu, ma nomination verra fatalement s'opérer des changements au sein de l'équipage. Ivanhault dit qu'il a besoin de savoir ce que sera mon "règne" dans quel sens la boussole va pointer, mais je ne le sais pas encore moi-même...
Elle ferma les yeux, laissant le soleil réchauffer ses visage.
...Mais peut-être est-ce justement ce qu'il faut. Ne serais-je pas le capitaine du chaos et de la causalité après tout ?
Avec un second astromancien et un équipage de rêveurs, quoi de plus normal. Elle ne comptait pas relâcher la discipline à bord mais elle avait ses propres méthodes, ses propres convictions, sa propre vision des choses. Un véritable fouillis dans la tête de la viéra qui aurait sans doute aimé pouvoir procrastiner un peu plus longtemps, cachée sur son île derrière la luxuriante végétation tropicale. Hélas, il fallait sortir de sa jungle à nouveau et affronter le vaste monde qui attendait qu'elle se montre enfin, "capitaine Esthar". Elle rit pour elle-même en descendant de sa branche ; son pied toucha le sol et elle s'étira avant de passer sa sacoche par-dessus son épaule. 
"Il est temps de rentrer. Tu viens Tae ?
- Brrruiiiiiil ! ♪"


Elle était maintenant prête à écrire ce nouveau chapitre.
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Les mains sur le gouvernail, Meleth prit une profonde inspiration. Dans son dos, au loin, on entendait les feux d'artifice de la commémoration mais devant il n'y avait que la lune, et le ciel qui se fond dans l'océan. On ne discernait plus l'horizon ou la surface de l'eau comme s'ils naviguaient dans une mer d'étoiles. Sans ses compagnons, ni le second debout à ses côtés, elle se serait déjà perdue dans cette vision familière qu'elle avait jusqu'à lors contemplé depuis les haubans.
"Le capitaine de l'Insolent affirme qu'ils peuvent gagner le terrain d'entraînement en moins de vingt minutes."
Cette tentative, en théorie, n'aurait eu aucun effet sur la sage Meleth toujours si détachée de la compétition ou des affaires de rivalité ; d'ailleurs elle avait ouvert la bouche pour lui répondre qu'elle n'en avait cure mais de tout autres mots sortirent de sa bouche.
"Dix minutes, hm ?
- Vingt minutes, capitaine.
- Moi j'ai entendu dix.
- ... Mes excuses, j'ai visiblement du mal entendre."

Quel est donc ce souffle étrange qui l'envahit soudainement ? Ce ne peut être le seul désir de faire ses preuves, et elle n'était soumise à aucun envoutement. Le cœur battant dans sa poitrine, la main sur le gouvernail, elle pouvait ressentir les vibrations émanant de tout le navire mais aussi de tout l'équipage. Le cœur, inscrit dans le mat principal et auquel elle était reliée, vers lui convergeait toutes les émotions. En levant les yeux, elle aperçut Ez dans les haubans, lui aussi elle le sentait bien qu'elle ne fasse pas partie de l'équipage. Cette vague assez puissante pour noyer quelqu'un allait les porter, elle en était convaincue.
Tu m'as choisie pour cette raison, j'y crois même à l'impossible.

Deux jours plus tôt, elle s'était adressée à eux dans les jardins de l'Escale, faisant sa promesse de capitaine. Adoubée par l'ensemble, si elle avait eu un égo démesuré sans doute aurait-elle nourrit une assurance profonde, persuadée de n'avoir rien à prouver, mais c'est l'inverse qui germait dans son esprit. Pour tout ce qu'ils plaçaient en elle, elle souhaitait plus que tout leur rendre au centuple. Passer après un meneur comme Kikyo Kurusu, quand on a passé ses trois premières années en retrait à jouer son rôle de soutient pour le groupe, est un pas difficile.

"Tout le monde à son poste, Liiz lance la procédure d'envol !"
Sous les étoiles, les voiles se déployèrent avant de se gonfler sous le vent. Il sembla que le navire lui-même était impatient de gagner le large de la noscea et bientôt il s'éleva dans les airs, faisant chanceler les invitées encore peu habitués. Ez se mit à rire très fort, un rire de joie, s'il y en eut d'autres elle ne les entendit pas cramponnée qu'elle était à la barre. Elle avait annoncé moins de dix minutes, soit la moitié du record battu par l'Insolent et même si eux ne volent pas, cela restait un défi.
Un défi relevé à moins d'une minute près, pour la plus grande fierté de tous.





Debout dans le bureau de madame Kurusu, Meleth se tenait droite le menton levé, attendant de connaître les raisons de cette entrevue. Le plus étonnant était la présence de Milah, discrète, assise sur l'un des canapés. Une large boîte était posée sur la table entre elle et l'armatrice de la compagnie qui, comme à son habitude, ne laissait rien paraître.
"L'on m'a informée de votre performance au site d'entraînement naval du Maelstrom. Vous n'avez pas eu à attendre d'être attaquée par des pirates des cieux pour briller, capitaine Esthar, mes félicitations.
- Le mérite revient aussi à l'équipage, madame. Ivanhault dit que nous avions une synergie de groupe semblable à nulle autre.
- Et vous, qu'en dites-vous ?"

La viéra souffla un rire gêné tout en se frottant la nuque.
"J'étais ailleurs, madame. Je ne pensais plus qu'à mes doigts serrant le gouvernail et l'horizon droit devant. J'aurais été incapable de me rendre compte de quoi que ce soit à ce moment là. Je suis désolée.
- Pas d'excuses, capitaine. Je n'avais pas vu Ivanhault aussi flamboyant depuis longtemps. Le temps vous apportera ce qu'il vous manque, faites-vous preuve d'autorité ?
- Je pense, mais je n'en ai que peu eu besoin jusque là. Ils me suivent avec une grande facilité.
- Plus que sous mon commandement, vous voulez dire ?"

Il y eu un silence durant lequel Meleth changea d'appui. Elle ne pouvait se défiler maintenant qu'elle avait commencé mais elle savait toucher un sujet sensible. Prenant son courage à deux mains, elle répondit enfin.
"Sauf votre respect madame, et malgré la confiance aveugle que nous vous portons tous, je pense que sous mon commandement plus personne n'entend cette petite voix dans un coin de leur tête qui se demandera toujours s'il n'y a pas quelqu'un d'autre qui oriente votre jugement."
La demi-raenne fronça les sourcils, continuant de marcher d'un bout à l'autre du bureau les mains jointes sur son ventre. Meleth retint son souffle, redoutant plus ou moins sa colère, mais elle savait aussi sa supérieure lucide à ce sujet.
"Vous commencez à parler comme votre prédécesseur. Si vous persistez à dire de front et avec autant de calme ce que nul n'aime entendre, la lune de miel ne durera guère, ma chère."
- Je le prends comme un compliment, madame. Vous avez été plus qu'un bon capitaine et tous s'accordent à le dire. Je souhaite être digne de cette charge à mon tour, a ma façon."

Un sourire fugace apparut au coin des lèvres de Kikyo pendant moins d'une seconde ; Meleth souffla de soulagement avant de retenir un hoquet de surprise lorsque l'armatrice reprit, une main posée sur la boîte :
"Le Capitaine Chaos, hmm ?"

Elle ne répondit rien, mais suivit du regard l'ouverture de la boîte. Les oreilles de Milah tiquèrent un peu son attention soudain piquée. Une fois le couvercle soulevé, elle découvrit un superbe brocard plié au col de soie. Kikyo s'en saisit avec précaution afin de soulever le tissus et de présenter à la viéra l'ensemble complet, constitué d'une chemise et d'un gilet en tissus plus épais et solide.
"Soie de cocon doré et kudzu blanc renforcé, alliage en métal, matériaux choisis et assemblés par Milah. Elle a pris soin de tenir compte de vos goûts et de vos besoin en terme de mouvement. J'ai pris la liberté de le faire commander à notre retour de Thavnair ; puisse t-il servir vos intérêt et ceux de l'équipage de l'Eternal que vous représentez à présent."
Les yeux de Meleth s'étaient ouverts en grand, le souffle court, tandis qu'elle admirait la coupe et les détails de son premier habit officiel.
"Ne me décevez pas, capitaine Esthar."




De retour dans sa chambre au premier étage de la petite chaumière sombrelinçoise, Meleth enfila avec précaution la chemise et le gilet avant d'y ajuster les ceintures et épaulière, par dessus la capeline. Sans conteste, c'était plus couvert et plus lourd que ses tenues habituelles mais pas une entrave. Milah avait pensé à ses mouvements et même à une attache pour ses éventails lorsqu'ils sont fermés.
Face au miroir elle contempla son reflet, et ajusta le pendentif offert par Lhei par-dessus son col. Capitaine, mais aussi Fille du Torrent. Elle se souvint de l'amerrissage, un papillon sur une fleur, personne n'avait rien sentit comme si le contact naturel qu'elle avait avec l'élément eau s'était prolongé à tout le navire ; finalement n'était-elle pas faire pour ce rôle ?
L'admettre serait une offense à madame Kurusu qui l'avait commandé avec compétence et dignité durant tout ce temps, mais à ce moment précis le capitaine Esthar aimait la vision qui s'offrait à elle dans ce miroir.


"Je suis à ma place."
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Et le vent se lève, décrochant les premières feuilles des arbres qui se parent aux couleurs de la terre. Il fait plus froid, le ciel se charge de nuages et le soleil devient plus pâle. Le chant des rivières, immuable autant qu'il est changeant, rappelle ainsi la nature à son cycle éternel ; rien ne meurt tout renaît. Et c'est sur la scène du Paon d'Or que cette nuit-là, elle célébrait l'équinoxe à venir.
Toutes lumières éteintes pour n'éclairer que la scène, à genoux, sa voix remonta du plus profond de sa poitrine avant qu'elle n'ouvre les yeux. Son corps paré de multiples peintures tribales que Noah avait choisi et tracées commença à se mouvoir. 

Cette nuit n'est pas comme les autres...

Elle voyait dans les yeux de ceux installés au premier rang une forme de fascination qui n'avait rien à voir avec ce qu'elle produisait d'habitude. Elle entendit d'ailleurs, non sans sourires, les commentaires enthousiastes sur les côtés et le fond de la salle : "Attends de voir le groupe entier, tu vas halluciner !" ; Trois ils étaient, quatre avec le viéra près d'elle, mais toujours tapis dans l'ombre, dont la flûte accompagnait la voix grave et vibrante. Sans Hotaru et sans Cehwi'to, évidemment ce ne pouvait être la même chose elle en avait bien conscience. Elle était plus froide ce soir, plus sombre malgré le sourire sur son visage.
Un voile de mystère s'était posé sur la danseuse qui tournoyait sur une scène entre ombre et lumière sous le regard d'un public conquis dont les applaudissement marquaient le rythme de chansons nouvelles. C'était pourtant la même musique que d'habitude, des chorégraphies répétées encore et encore avec passion et assiduité.

C'est... différent.

Elle bascula sur le bras tendu du Fils du Torrent, effectuant une roulade sur son dos dans un élan acrobatique qui fit voler son jupon au-dessus de ses genoux. Retenue par son autre bras, elle posa le pied au sol gracieusement et acheva ainsi la représentation un genou à terre à ses côtés. Le silence ; il n'y avait jamais eu de silence à la fin de ses concerts avec Lunaris. Pendant une demi seconde elle eut un doute... et puis ce fut un tonnerre d'applaudissements dans la salle, presque brutalement.
Le souffle court, les yeux rivés sur le sol, elle ne réagit qu'à la main tendue de Noah qui l'aida à se relever afin qu'ils s'inclinent tous deux. Le viéra était sortit des ombres pour la sortir de sa torpeur.
"Bravo, bravo !"
Elle offrit un sourire gêné à ceux qui l'accueillirent à la descente de scène. On lui offrit à boire, elle répondit aimablement à toutes celles et ceux venant à sa rencontre mais Meleth ne parvenait pas à sortir de la brume. Et si elle crut au début que cela était dû à la représentation, les heures suivantes n'allaient pas tarder à la convaincre qu'il n'en était rien.




Sombres étaient ses rêves ces temps-ci. Certains où apparaissaient Hotaru et son compagnon hanyo face à l'orée d'une forêt. D'autres, elle voyait plusieurs de ses compagnons dans ce qui ressemblait à une cité souterraine face à une silhouette sombre la faisant penser à Ivanhault tout en sachant qu'il ne s'agissait pas de lui, ni l'un de ses frères et sœurs. Cette nuit-là ce furent les abysses qui l'engloutirent, dans une eau plus sombre que l'âme la plus noire, plus froide que les glaces du Coerthas, et plus silencieuses que la mort ; elle avait vu les visages de Lhei et de l'Ancienne, sa mère et toutes celles dont les âmes guerrières dansent à présent au Cœur du Torrent.
Cette nuit n'était définitivement pas comme les autres. Les heures passant, à force de tourner et se retourner dans son lit, elle renonça et se glissa sans bruit sur le palier pour ne réveiller ni sa soeur dans la chambre d'en face ni les gardiens sans doute sur le toit ou non loin de la chaumière. Tae dormait paisiblement dans l'évier, ronflant des bulles dans un petit "brruiiiuiuiuiuiiiil" terriblement mignon, mais Meleth n'avait pas l'esprit à s'attendrir. Poussant la porte de la salle de bain, elle ne trouva un peu de paix qu'au son de l'eau qui s'écoulait naturellement dans la cascade artificielle directement reliée à la rivière en dessous. Elle n'avait qu'à ouvrir un coffre afin d'y prendre quelques éclats de feu qu'elle poussa dans l'eau pour la chauffer. 



Quelque chose approche, quelque chose s'en vient. Je le sens dans ma chair comme dans mon âme. J'entends leurs cris, leur souffrance, j'entends leurs voix qui appellent à la vengeance. J'entends cette colère qui gronde en moi alors que je ne ressens nul désir de destruction. Je le sais, c'est sa marque qu'il a posé sur moi et qui lui dit où aller... nous ne pourrons pas nous cacher.
J'ignore ce qui l'a réveillé, mais il s'en vient... et si nous ne le trouvons pas avant qu'il vienne à nous, il détruira tout ceux que nous aimons et à qui nous nous sommes attachés depuis que nous avons quitté nos terres.


La peur est un poison insidieux, et dans toute son imperfection Meleth se laissa cette nuit-là traverser par chacune des sombres pensées qui l'assaillirent. L'eau dans laquelle ses jambes étaient plongées devint noire, lisse comme un miroir dans lequel se reflétait son visage meurtri par de sombres souvenirs, ceux de l'ombre aux yeux de feu qui se dresse devant elle prêt à la dévorer. Za'or El'rak, le Dévoreur.




Au petit matin, la porte de la chaumière endormie se referma sur elle. Meleth referma son blouson avant de caler correctement son panier à courses sur son bras. Rien de ce qui avait tourmenté sa nuit ne paraissait sur son visage, sauf peut-être quelques cernes sous ses yeux qui n'affoleraient personne. Tôt ou tard, de toute façon elle devrait leur parler de ce qui arrive mais avant il faudrait qu'elle parle avec Lhei, Luka, et Noah. Eux aussi avaient dû le sentir, surtout les Fils du Torrent, surtout un en particulier qui portait en lui une part de l'essence de leur ennemi...
"... Bon, aller. Je vais au moins leur rapporter un bon petit déjeuner."
Redressant ses épaules, la viera s'arma d'un sourire et quitta le jardin en fredonnant un air de la veille. Deux paires d'oreilles se dressèrent dans les arbres en entendant le son de ses pas sur le gravier ; elle leur fit signe en route pour le marché, disparaissant dans la brume du matin.

L'automne apportait avec lui de nouvelles couleurs à la fois dans les yeux et dans l'esprit, et le rappel que rien ne meurt et que tout doit renaître. De nouvelles aventures attendaient l'Eternal, et une en particulier guettait depuis bien longtemps la Fille du Torrent qui avait longtemps pensé que ce combat était le sien, elle craignait alors de ne pas en être capable et de finir par disparaître, emportant avec elle tout ce qu'il restait des Filles du Torrent. Aujourd'hui, elle avait une raison supplémentaire de se battre, et la barrette papillon qui ornait sa chevelure prenait elle aussi les couleurs de la saison à venir, comme un pied de nez aux épreuves qui l'attendaient.



... Quelque part dans les contrées du Nord,
on entendit un grondement sous la glace.
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Brumée, toujours aussi animée que ce soit la journée ou le soir, fourmillait de monde et en grande partie d'aventuriers de passage ou locaux. Entre rencontres et éclats de voix le long de la jetée, chaque jour y était différent bien qu'à la longue on y retrouve les mêmes visages, les mêmes sujets de conversation et ce qui faisait sa singularité faisait maintenant partie du décor comme cette viéra sombre aux yeux clairs qui dansait sur la plage, elle n'était d'ailleurs plus la seule depuis quelques lunes. Mais c'était bien elle ce soir-là, debout sur son rocher à danser en rythme avec le flux et le reflux des vagues, comme chaque jour ou presque depuis trois ans. C'était une soirée comme les autres, ou presque, encore fallait-il s'approcher suffisamment pour percevoir ce qui n'allait pas dans cette chorégraphie des plus inhabituelle.

Son corps débordait d'énergie mais son esprit toujours parasité par son anxiété suite à ces sombres rêves des jours derniers ne donnait rien sur l'eau qui jaillissait de l'écume salée, prenant des formes diverses et instables. Elle ne s'attendait pas à des miracles mais sachant qu'elle avait déjà modelé l'eau autour d'elle lors de combats ou même de représentations scéniques, ne pas y parvenir de manière conscience la frustrait au plus haut point.
S'il faut attendre que je sois purgée de toute pensée négative, je n'y arriverais jamais c'est humainement impossible !
Elle ne faisait même plus attentions aux personnes qui s'arrêtaient pour la regarder à l'accoutumée, ces inconnus que d'ordinaire elle saluait d'un sourire lorsqu'elle les voyait s'asseoir sur le sable dans son dos et qui passaient un moment à la regarder danser, y joignant parfois un brin de conversation ; aujourd'hui elle ne les voyait plus.




"Donner vie à mes créations aquatiques ?"
Cette idée pouvait sembler saugrenue, même complètement irréalisable. Sa première réaction à la suggestion d'Isaudorel fut de sourire ; elle avait l'elezen aussi brillant qu'excentrique dans ses domaines d'étude. Comment pourrait-elle donner à l'eau une forme déterminée ? Sa maîtrise n'avait rien de comparable à la création de golems ou l'invocation de créatures aquatiques -ce n'était certainement pas ce peureux de Tae qui allait se battre à ses côtés ! - alors ses serpents d'eau, à l'image des trois dragons de la déferlante de Noah, n'étaient rien de plus qu'une image de son esprit sur la matérialisation d'une attaque puissante. Isaudorel, pourtant, semblait très sérieux.
Sur la plage autour d'eux, ceux qui la regardaient danser sur son rocher quelques instants plus tôt suivaient à présent la discussion et les propos d'un Isaudorel sans tabou, dont le voix basse étaient moins la volonté du secret que la fatigue. Il n'était pas du genre à dissimuler ses théories.
"Avec un catalyseur. Une gemme de scrutation."
Elle haussa les sourcils, première fois qu'elle entendait ce terme.
"De quoi s'agit-il, au juste ?"
Toujours dubitative, elle écouta l'explication et ne fut pas la seule. Autour d'eux semble t-il, plusieurs esprits savants ou curieux tendirent l'oreille, il faut dire que la plage n'était pas très discrète.
"Ce sont des moines... apparus à la quatrième ère astrale. Ils se servaient de pierres, des gemmes de scrutation. L'histoire dit qu'elles permettaient de soigner les maladies du cœur en pénétrant dans l'esprit de ceux qui souffrent. Ils employaient ce don afin d'altérer l'éther mémoriel des gens. Ainsi, ils pouvaient effacer les souvenirs de ces expériences atroces et les remplacer par d'autres, permettant ainsi à leur patient de reprendre goût à la vie. Ce sont des méthodes controversé et contraire à l'éthique en Sharlayan.
- Oui, j'imagine... ce n'est pas non plus la vocation de la Kriegstanz de modifier les souvenir et les émotions artificiellement..."

Elle ne songeait plus à la maîtrise de l'eau pour le coup, et n'avait toujours pas compris où son médecin de bord voulait en venir. Utiliser une gemme de scrutation pourrait amplifier les effets de ses techniques mais si la méthode était controversée, et si les gemmes modifiaient les souvenirs ce ne serait certainement pas une bonne idée de les utiliser.
"Un être vivant est fait de trois types d'éthers : l'éther corporel pour la force vitale, l'éther spirituel pour l'âme et enfin l'éther mémoriel pour les souvenirs. Un fileur de songe peut, grâce à leurs gemmes de scrutation, accéder à l'éther mémoriel des gens. C'est une base de mes recherches, mais elle est déjà partiellement pratiqué par les arcaniste et les carbuncles. C'est pour cela que je laisse le miens... aussi longtemps possible en activité.
- De nous deux, c'est plutôt Hotaru la fileuse de songe..."

Sur la plage les spectateurs indiscrets gardèrent le silence sans doute aussi circonspects qu'elle l'était. Elle n'entendait plus les bavardages ou les commentaires ce qui, d'un côté, accéléra sa propre réflexion.

La Kriegstanz nous permet de matérialiser les émotions négatives afin d'en libérer ceux qui sont sous l'emprise de leurs propres ténèbres. C'est une pratique délicate mais avec un catalyseur comme celui-ci nous pourrions faire de sérieux progrès. Et pour ce qui est des techniques de renforcement, si nous parvenons à toucher l'émotionnel avec plus de précision en éveillant des souvenir, cela pourrait stimuler l'Akasha et donner de meilleurs résult-...

Elle cligna des yeux et leva la tête subitement ; l'elezen n'avait pas bougé d'un cil et n'exprimait aucune émotion particulière, pas même la satisfaction de la voir enfin percuter l'information essentielle de cette conversation.
"... Si on peut matérialiser les émotions négatives, l'Akasha doit certainement rendre possible la matérialisation des émotions positives !"
Il hocha la tête sobrement. Meleth leva ses mains, comme si elle prenait conscience de ce potentiel.
"Les serpents, les dragons... chaque fois que j'utilise mon ether l'eau prend la forme de ce que mon esprit visualise. Si je pouvais catalyser cette image, la stabiliser à l'intérieur de l'eau... je ne serais pas seulement capable de donner corps aux ténèbres intérieures mais aussi aux émotions positives !"
L'enthousiasme commençait à monter au creux de son ventre, autant de possibilités de de longues heures et mêmes lunes d'entraînement mais elle voyait là une façon d'associer son héritage aux techniques de l'Ecole du Chaos. Elle repensa à Hélène, et à ce qu'avait dit maître Dadjeel à propos des techniques de la causalité : on ne peut changer ce qui est ni ce qui doit être, mais on peut accélérer le processus et ainsi donner l'illusion que nous en sommes la cause. Elle ne serait jamais capable de créer des golems, elle n'avait pas la moindre intention de se prendre pour le maître des eaux mais elle pouvait en donner l'illusion, comme ce fut le cas face aux pirates de J'sparoh. Et plus ces émotions seraient puissantes, plus elle serait puissante.

"Peut-on encore se procurer ce genre de gemmes ?
- Ils proviennent de l'ancien peuple Bozjien, ou l'Histoire penche plutôt à un ancien héritage Allagois repenti au peuple Bozjien après la guerre...
- Bozja...? Voilà qui complique davantage les choses... "

La saison des expéditions étant terminée, il n'était pas question d'envisager une expédition à Bozja avant le printemps, d'autant que la compagnie avait pour ambition de s'inscrire sur les listes d'explorateurs pour Mare Lamentorum, autrement plus important qu'une chasse aux gemmes perdues pour une quête personnelle. Peut-être trouverait-elle le moyen de s'y rendre avant, peut-être pas, mais en tous les cas elle garderait cette idée dans un coin de sa tête jusqu'à ce que l'occasion se présente et jusqu'à ce qu'elle trouve le moyen de se rendre en terre inconnue...
"Je vais m'entraîner à matérialiser mes émotions !"
Levant la tête avec détermination, elle baissa les épaules aussitôt en s'apercevant qu'ils n'étaient toujours pas seuls et que la moitié des occupants de la plage avaient entendu toute la conversation. Discrétion en ce jour ne fut pas son fort...




Elle s'arrêta pour souffler. Il était tard et peu à peu la plage se vida. Elle salua, non sans sourire malgré tout, les derniers spectateurs qui lui firent un signe de la main mais elle n'avait pas le cœur à les rejoindre pour connaître au moins leurs noms comme elle le faisait la plupart du temps. Sous les étoiles, elle questionnait la mer changeante et l'horizon lointain en silence. Que faire ? Comment faire que cela fonctionne sur demande sans que les pensées annexes viennent couper le processus ?
Jouant avec un de ses minces filets d'eau, elle fit ce qu'elle faisait toujours lorsqu'elle voulait s'apaiser l'esprit : elle chanta. Les yeux fermés, elle visualisa sa chaumière paisible et la chaleur de son foyer, ces premières soirées d'automne près du feu à écrire dans son carnet tandis que Lhei lui parlait de la guilde des orfèvres et que la porte s'ouvrait sur Noah et Luka apportant le repas du soir sans un mot. Le pont de l'Eternal grinçant à cause de l'humidité après les premières pluies, et les difficultés du quotidien qui semblent parfois insurmontables jusqu'à ce que son regard croise celui d'un membre d'équipage, surtout celui d'Ivanhault ces jours-ci qui débordait de joie de vivre et d'enthousiasme. Rien n'est insurmontable, rien ne saurait entamer sa foi même les pensées les plus sombres et c'est de là que venait sa musique.

Et l'impensable se produisit. Elle sentit que l'eau entre ses mains commençait à se mouvoir et en ouvrant les yeux, elle vit un bel oiseau, pas très grand mais très joli, ouvrir ses ailes et s'envoler vers les étoiles. Il ne fit que quelques battements d'ailes avant d'éclater en une pluie de fines gouttes scintillantes qui retombèrent sur les vagues. C'était cela, même si ce n'était qu'un début, elle avait donné vie à son chant.
Elle entendit applaudir depuis la plage ; plusieurs personnes étaient revenues même à cette heure tardive, par curiosité ou par hasard ils avaient rebroussé chemin juste à temps pour assister à ce spectacle. Deux miqo'te, une raenne et un hyur qui déclara :


"Votre magie est aussi belle que votre voix, Fille du Torrent."
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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Les semaines passant, le sommeil s'accoutumait à ces rêves et ce sentiment d'appréhension devenu familier. Ses tourments apaisés par le quotidien auprès des membres de la compagnie, Meleth passait de longues heures à l'Escale à travailler dans la salle des cartes, son regard se perdant parfois en direction de la fenêtre ; le soir elle s'en retournait à la chaumière pour retrouver sa sœur dont le regard fatigué trahissait des journées similaires. Lors de la visite des Fils du Torrent l'autre soir, tous les quatre s'étaient entendus sur l'importance de ne pas se laisser sombrer à attendre l'inévitable. Lhei se sentait déjà suffisamment coupable d'être possiblement la cause de ce qui arrivait ; elle avait fait le vœu de trouver le Dévoreur mais c'était peut-être lui qui les avait trouvé ou en tout cas, il avait senti sa présence.

"Il ne cessera de vous pourchasser. Il ne saurait trouver le repos que lorsqu'il aura dévoré jusqu'à la dernière Fille du Torrent.""

Les mots de Noah, prononcés il y de nombreuses années, revenaient sans cesse dans son esprit. L'aîné avait déjà sombré dans les abysses et luttait chaque jour pour ne pas s'y perdre, et voilà que Luka y avait mis un pied par crainte de ne pas être assez fort. Voyant l'inquiétude de Lhei, et ne connaissant que trop bien le revers de cette plongée, elle avait tout fait pour l'en dissuader, l'exhortant à trouver une autre force dans les opportunités qui s'offraient à eux depuis qu'ils avaient découvert Mélune et l'existence des autres temples.
"Deux, on peut gérer" avait dit Lhei, rassurante mais surtout en quête de réconfort. "Trois ce serait impossible."


Impossible en effet.





Quand le voile de la nuit se pose sur la forêt, loin des lanternes qui dessinent le chemin des voyageurs vers Gridania, l'ombre d'une silhouette danse près de la rivière. Ce vieux pont de pierre qui ne doit plus être emprunté que par les rares habitants de ces bosquets isolés fait office de scène pour un spectacle que seuls les arbres, le oiseaux de nuits et les esprits peuvent contempler. Sans ses éventails, la viéra n'a que ses rubans aqueux pour accompagner une danse serpentine au rythme de ses pieds et ses mains qui frappent tels des tambours contre la pierre ou l'un contre l'autre. L'eau couvre à peine sa voix tantôt profonde, tantôt montant dans les aigus, comme des cris poussés dans la nuit. Son corps ondule et dessine une arabesque, le dos arqué vers l'arrière tandis qu'elle hurle à gorge déployée. Elle la sent, cette force obscure qui bouillonne en elle. La lune étincelle pour mieux révéler l'obscurité qui l'entoure, cette obscurité qui l'attire inexorablement.

Trois fois, trois fois tu es descendue. La première était un accident, la seconde un appel, la troisième par excès de confiance et deux ont manqué de mourir noyés. Chaque fois il t'es plus difficile de remonter car chaque fois que tu t'approches de lui tu deviens un peu plus lui et un peu moins toi. Un jour, tu ne seras plus capable de remonter à la surface...

Les mains du Fils du Torrent se serrent autour de sa taille lorsqu'il la soulève, moins pour la porter que pour l'accompagner dans un saut qui l'éloigne de lui, mais il tend sa main vers elle sitôt qu'elle a touché le pied au sol. Leurs pieds glissent l'un vers l'autre sur le pont trempé, elle bascule par-dessus son bras. Il semble que le volume d'eau qui s'écoule ne cesse de croître et plus rapidement. Les rubans aqueux fusionnent pour ne former qu'un large serpent translucide qui tourbillonne sur lui-même et les entoure.
Les tatouages qui ornent le corps du viéra s'illuminent au contact des fines gouttelettes qui le touchent, ils sont de la couleur de leurs yeux. Dans l'obscurité de la nuit, on ne voit plus que cela, et le torrent d'étincelles qui accompagne leur danse.

...Et ce jour-là, c'est moi qui te mènerais jusque dans les profondeurs. Car telle est ma nature.

Leurs corps se touchent à peine, comme deux aimants que l'on voudrait lier ensemble mais qu'une force repousse sans cesse. Pourtant, leurs mouvements se suivent en parfaite symétrie, jusqu'à leurs regards qui se croisent. Il n'y a plus d'étincelle, la lune ne se reflète plus sur l'eau claire mais sur un torrent sombre qui se fond dans les ténèbres de la nuit.
Elle sait, il sait aussi. Fils du Torrent, porteur de la volonté et des pouvoirs de celui qui leur a donné une terre et le pouvoir de la défendre. Il est à l'image de Thlaloc, il est un allié autant qu'il est une menace, il est un frère autant qu'il est le danger.


♪ Dans les abysses, descendre plus loin encore.
♪ Oublier ton non, ton passé ou le sens même de la vie. ♪
♪ En bas, tout en bas nous ne sommes plus que lui autant qu'ici il est nous. ♪
♪ Là-bas, tout en bas, nous disparaissons à jamais quand il nous rappelle à lui. ♪
♪ Car à travers moi tu seras sienne. ♪


Une onde d'ether éclate le serpent aqueux qui se projette sur la berge, de toutes parts. Il vient d'entourer sa taille de son bras, brisant ainsi la barrière invisible qui se dressait entre eux. Penché au-dessus d'elle, elle peut sentir son cœur battre lentement. Ce calme qui semble retombé sur la rivière n'est qu'un leurre, sous leurs pieds le courant s'accélère.
"Je n'ai pas peur." Murmure-t-elle froidement, la même réponse qu'elle lui avait donné bien des années plus tôt.

Un nuage cache la lune. Un grondement sourd résonne sous leurs pieds juste avant que ne se déchaîne la fureur du Torrent Noir. Un instant, leurs silhouettes disparaissent dans une obscurité totale, avant que les rayons argentés viennent à nouveau se poser sur le pont. Ils sont là, immobiles, éprouvés, surtout elle qui chancèle avant de tomber à genoux sans qu'il cherche à la retenir. Ce soir encore, elle a résisté à l'appel, mais elle ne peut nier cette excitation dans son ventre, ce goût du pouvoir qui éveille ses sens et un désir contenu de se laisser emporter par cette vague pour ne faire qu'un avec elle.
"L'entraînement est terminé pour ce soir."
Il tourne les talons, ignorant superbement son état, et quitte le pont.
"Attends !"
il s'arrête, sans un regard, et attend qu'elle finisse de reprendre son souffle. Titubant, elle se redresse sur ses jambes.
"Luka... Luka va...?
- Un jour, oui. Le plus tard sera le mieux, mais il est jeune et impétueux. Il y a peu de chances qu'il attende de ne plus avoir le choix.
- Ce jour-là, Lhei...
- ... Son sort est déjà scellé, comme le tiens."

Le viéra disparait alors dans les bois, sans plus de considération pour la danseuse qui se traîne jusqu'à l'autre rive pour trouver repos contre le tronc d'un arbre. Dans le ciel, les nuages s'accumulent et les premières gouttes de pluie viennent à tomber. En quelques minutes, c'est une averse qui se transforme en déluge mais rien ne saurait la sortir de ses pensées.
Au moment où le premier éclair déchira le ciel, un rire nerveux s'échappa de ses lèvres.

Quelle hypocrisie de retenir ainsi Luka alors que je suis moi-même au bord du précipice. Est-ce vraiment inévitable ? Pour Noah, il n'y a plus aucune chance, pour Luka cela semble compromis mais selon ce que nous trouverons au cours de nos voyages dans les différents sanctuaires, peut-être que... hm, je ne dois pas me faire trop d'espoirs, il porte en lui l'autre moitié du Torrent Noir. Mais Lhei a démontré qu'il était possible d'emprunter un autre pouvoir que celui que Père nous a accordé. Seulement... à quel prix ? Et en même temps, je ne suis pas sure de savoir, de pouvoir me détourner de Thlaloc. J'ai besoin d'en savoir plus... mais nous manquons de temps. Luka a raison, nous devons être prêts à l'affronter.
Je sens un vide s'ouvrir sous mes pieds, il m'appelle... Notre salut se trouve-t-il sans la source qui nous a donné la vie, ou bien en poussant les portes d'un inconnu qui pourtant nous les lié ? 


Elle se leva, le regard brûlant d'une colère mal contenue. A plein poumons, elle s'écria alors vers le ciel, les esprits et tous ceux qui pouvaient l'entendre perdus dans ces bois sombres.
"C'est nous qui allons te traquer tu m'entends ?! Je ne laisserais pas la peur me guider !"
Sous l'orage d'une pluie battante, tandis que les feuilles mortes emportées par un vent de tempête se noyaient dans les rapides, la Fille du Torrent dansait à en perdre son souffle, à en perdre la raison. L'ombre du grand serpent noir continuait à se mouvoir sous la surface, jamais bien loin de son esprit, sous l'œil silencieux d'un ancien Gardebois perché dans les arbres.


Cela n'a jamais dépendu de vous, Filles du Torrent.
Lerith Il y a 3 mois et 3 semaines
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"Ma très chère Meleth."

Elle avait d'abord été surprise de recevoir une lettre plutôt qu'une visite comme elle s'y étaient entendues mais son amie ne faisait rien sans raison. Installée dans un fauteuil du salon, plusieurs de ses mascottes entassées devant le feu de cheminée pour se tenir chaud, Meleth se décida à ouvrir l'enveloppe. Lentement, au fur et à mesure des lignes un sourire se dessina, pas un sourire triste bien que les mots pèsent un peu, c'était du soulagement, un véritable souffle.
"J'ai décidé de disparaitre"". En d'autres circonstances de telles paroles l'auraient inquiété, Hotaru avait toujours été du genre à penser qu'elle devait s'effacer, qu'elle dérangeait, mais pas cette fois elle ne le faisait ni pour ni contre les autres, elle le faisait pour elle et seulement pour elle. Dès lors, il n'y avait pas lieu de s'affoler ou même d'être triste d'autant que son amie lui assurait qu'elle allait bien, et qu'elle ne voulait pas que quiconque s'inquiète. Après une brève inspiration, la viéra reprit sa lecture.

"Valorius m’a offert la Destruction pour ma vingt-et-unième année et lorsque j’ai osé déchaîner le sombre pouvoir qui réside en moi, Chu Tenshi m’est apparue, cette part d’ombre qui me faisait tellement peur et nous nous sommes rejointes pour fusionner. Ce qu’il est ressorti de cette fusion, c’est que Chu et Hotaru ont disparu pour laisser place à une autre personne." 

Une autre personne... Cela ne faisait pas le moindre doute. Depuis l'Apocalypse finalement, la destruction du sanctuaire de Tenshi-Ka avait déjà conclu l'amorce d'un changement plus ancien encore chez cette jeune femme en perpétuelle évolution. Le chaos à l'état pur, couplé aux émulsions de la jeunesse et aussi de sa sensibilité, ma comprendre n'était pas aisé mais Meleth avait toujours eu ce sentiment qu'elle en était capable ; elle avait naturellement plongé dans son monde comme une évidence, et même aujourd'hui là où n'importe qui pourrait interpréter cette fuite comme lâche, coupable ou à l'inverse culpabilisante, elle n'y voyait qu'un vœu pour l'avenir. Qu'on y adhère ou pas, Hotaru ne reste jamais centrée sur un problème, elle change, elle transforme, parfois compulsivement ce qui peut être très épuisant pour ceux qui ont besoin de s'arrêter une minute pour souffler et faire le point, elle ne s'en rend pas toujours compte mais...
Un rire bref s'échappa de ses lèvres, songeant à tout ce qu'elles avaient vécu ensemble du meilleur comme du pire une chose demeurait inchangée : elle y va toujours à fond, donne tout ce qu'elle a. D'ailleurs, elle le disait elle-même au fur et à mesure que Meleth poursuivait sa lecture, elle faisait le constat de ce changement et de la distance qu'elle prenait avec tout le monde en conséquence sans qu'il y ai derrière le moindre ressentiment, son instinct avait agi avant qu'elle n'en prenne conscience.
Oui je te connais Hotaru, je sais ce que tu veux me dire.
Son sourire s'élargit mais cette fois une larme perla au coin de son œil gauche, une larme de joie. Cela n'avait rien d'un adieu et si elle recevait cette lettre c'est bien parce que son amie savait qu'elle ne l'interprèterait jamais comme tel, ni comme une annonce de fin de tragédie destinée à provoquer l'émoi ou la culpabilité. Il n'y avait là qu'affection et gratitude, et la promesse de se revoir quand le moment serait venu pour qui le voudra. pour la première fois depuis longtemps, Hotaru semblait voir l'avenir de façon positive, libérée des chaînes qu'elle s'était elle-même forgées.

Meleth replia l'enveloppe et tendit le bras pour saisir son carnet posé sur la table du salon. Elle y glissa la lettre, et armée de sa mine de plomb commença à croquer le visage de son amie. Elle n'était pas la plus grand des artistes mais elle voulait que ces mots demeurent avec ses souvenirs et une image de son visage dans son esprit, à cet instant précis. Elle imaginait un papillon attiré par la flamme, mais qui parvint à s'arracher à cette attraction pour disparaitre dans le ciel. La flamme n'a rien fait de mal, et le papillon n'est pas faible, mais il faut qu'il s'envole loin pour ne pas se consumer lui-même. La chenille devenue papillon ne pouvait plus faire autrement que de s'éloigner du feu. C'est ainsi qu'elle la dessina, avec des ailes colorées -mauve, sa couleur préférée- et le sourire qu'elle affichait lors de leur dernier concert.
Dans ta solide, tu n'as jamais rien demandé de plus que l'on t'aime et te comprenne, autant que tu aimes et que tu tentes de comprendre les autres. Je sais au moins que tu en es consciente, d'être aimée même si tu as besoin de partir, compte sur moi pour leur dire que tu vas bien, ils comprendront, ils savent déjà ce que tu ressens pour eux. Où que tu sois mon amie, quel que soit le nom que tu t'es choisi et la vie que tu te construis, j'attendrais dans une impatience silencieuse que tu viennes frapper à ma porte quand tu seras prête à sortir du silence, avec un panier de gâteaux et une paire de chaussons de danse. Je me demande quel papillon tu seras devenue...

Tout en grattant le papier, Meleth fredonnait un petit air dans son fauteuil. tandis que sa main traçait les lignes sur la page blanche, son esprit dansait quelque part entre Thavnair et le pont de l'Eternal, à Hawaïki et sur le port limséen, sous les cascades à Dravania jusqu'aux ruines des Cent Râles. Les pieds dans l'eau, ses pas dans les siens, tout avait commencé par une danse sous la lune faisant d'elles des sœurs à jamais. Quelle que soit la distance, quel que soit le temps, les tempêtes et la force du courant, il n'y aura jamais d'adieu. C'est suffisant, son cœur s'allégeait même de la savoir maintenant plus heureuse qu'elle ne l'avait sans doute jamais été auparavant.
L'Ancienne disait : la vie est faite de changements, toujours pour le meilleur mais pas toujours facile. Cette leçon parfois douloureuse ne lui avait jamais semblé aussi vraie. Sereine, elle pouvait observer l'avenir se profiler sans perdre une once de cette foi inébranlable qui l'habitait.


Et cette larme resterait où elle est jusqu'à leurs retrouvailles.

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