[Kikyo] V - Je Veux le Monde

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Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Un jour de plus se lève sur l'Orient. A Doma, le quartier enclavé retrouvait chaque jour, chaque lune, un peu plus de sa splendeur d'antan. Dès le matin les fours s'allument et les étals du marché se remplissent, la garde de nuit attend patiemment la relève qui ne saurait tarder, maintenus éveillés par les cris des enfants qui courent vers l'école Rissai-juku, moins pour leur institutrice que leurs camarades qui leurs font de grands signes le bras armé d'un simple ballon. Kimiko fronça les sourcils, contrariée.
"Nous y sommes.
- Hai."

La petite fille leva fièrement le menton; mais sa petite main potelée serrait si fort le bas du kimono de sa mère que son air sérieux ne trompait personne. Kikyo n'avait rien dit, cachant son amusement derrière un masque de sobriété en public. Une fois devant le portail, elle s'agenouilla -non sans difficulté à sept lunes de grossesse- sur le pavé afin d'être à la bonne hauteur pour vérifier une dernière fois que tout était en ordre.
"C'est un jour important pour toi, Kimiko."
L'enfant hocha la tête, les épaules basses elle remontant la manche de son kimono à poissons qu'elle avait tant réclamé durant l'été. Elle baissa les yeux sur le plumier et le cahier dont la couverture affichait le même motif. Son père le lui avait offert la veille, et sur le moment elle s'était montré impatiente de s'en servir. Mais maintenant...
"J'ai oublié Torako."
Elle baissa les yeux, se balançant d'un pied sur l'autre, n'osant croiser le regard de sa mère. Kikyo sourit simplement, un de ces rares sourires qu'elle réservait à sa famille.
"L'école ce n'est pas pour les tigres en peluche. Tu lui racontera ce soir."
Loin de la réconforter, Kimiko gonfla les joues et renifla très fort. Pour retenir ses larmes, elle retint sa respiration et devint rapidement toute rouge la tête toujours baissée. Elle sentit la main de sa mère sur sa tête, venait de décrocher sa barrette lotus pour la mettre dans ses cheveux. L'objet était gros, proportionnellement à la tête d'une enfant de quatre ans, et peu utile vu ses cheveux coupés en carré très court, mais dans son savoir-faire Kikyo avait réussi à le lui épingler de sorte à relevé une mèche sur le côté droit, juste au-dessus de l'oreille. 
Dans un dernier hoquet réprimant un sanglot, Kimiko se jeta contre la poitrine de sa mère, sans parler et sans pleurer, entourant son ventre de ses bras avant que Kikyo ne la couvre des siens, la cachant sous ses larges manches pendant une poignée de secondes.
"Ma courageuse petite fille, tout va bien se passer. C'est toi qui aura des histoires à me raconter maintenant quand tu rentreras.
- Tu viens me chercher ?
- C'est Sunori qui viendra te chercher tout à l'heure, j'ai un rendez-vous cet après-midi, mais je serais rentrée avant que tu ne sorte du bain."

Avant qu'une nouvelle moue ne déforme le visage de sa fille, Kikyo lui embrassa le front.
"Sois sage et attentive, c'est toi qui aura la charge d'aider ton frère et ta soeur l'année prochaine."
Les enfants ont cette capacité étonnante de faire disparaitre leurs larmes en un rien de temps ; à l'entente de sa mission surement aussi importante que le destin de Doma lui-même (n'en doutons pas un seul instant) Kimiko leva à nouveau les yeux et bomba le torse. Droite sur ses jambes, elle se recula d'un pas pour prendre une posture digne de la fille Kurusu et malgré son jeune âge, articula avec force et détermination son mort favoris :
"Hai !"
Kikyo hocha la tête et se releva non sans difficulté, la cloche sonna devant le pavillon. Un dernier regard et un signe de la main, Kikyo vit le premier de ses enfants tourner les talons pour courir vers un nouveau chapitre de sa vie. Elle n'avait aucun doute quant à l'apprentissage de sa fille ou la qualité de l'enseignement au quartier enclavé, en soit c'était même une bonne chose que Kimiko étudie avec d'autres enfants de tous âges et de tous milieux, qu'elle apprenne à connaître son pays autrement que perchée sur le bras de son père qu'elle admirait tant. Elle se ferait des amis, construirait sa personnalité et son avenir en même temps qu'elle contribuerait à l'avenir du pays. Aucune mère n'aurait été plus fière, c'est sur cette pensée qu'elle détacha son regard de l'école pour se diriger vers l'ethérite. Du travail l'attendait aujourd'hui, beaucoup de travail.




"Où en sommes-nous avec Keanu ?
- Le cadastre a été délimité correctement, mais je ne pense pas qu'un entrepôt soit nécessaire sur place pour les marchandises. Le mieux serait de maintenir les stocks à l'Escale pour limiter les frais et alimenter les comptoirs en fonction de la demande.
- Mhm. Très bien, nous ferons ainsi."

Encore un document à signer ; elle ne voyait plus passer les heures depuis quelques jours.
"Il vaudrait mieux ne pas tarder, madame. Vous avez rendez-vous avec le baron Delacroix dans moins d'une heure.
- Ah ! parfait, merci. Je m'en arrangerais seule pour la suite.
- Très bien."

Le grand hyur s'inclina sobrement, ajusta les manches de son costume et quitta les lieux sans s'attarder. Concis et sans détours, elle avait toujours apprécié cette qualité commune aux cadres du Kurusu-gumi. Ses projets prenaient forme, il serait bientôt temps de réunir la compagnie pour leur exposer le plan de façon simple, afin qu'ils soient informés sans se sentir noyés par une ambition commercial. Ils devraient compter sur elle pour cela et se consacrer pleinement à leur tâche première ; le commerce de l'Escale dépendait entièrement de leur capacité à vendre du rêve, et pour continuer à rêver ils leur fallait des moyens financiers conséquents. En quatre ans elle avait construit une entreprise stable mais qu'elle avait maintenue au rang de "simple auberge" pour ne pas voir son ambition d'exploratrice se transformer en recherche du profit, maintenant qu'elle ne pouvait plus se consacrer pleinement au premier, elle voyait un potentiel immense qui n'était pas forcé de dénaturer le but premier de la compagnie. D'ailleurs, sur son bureau, elle conservait toujours ce caillou blanc prélevé à Mare Lamentorum.

On frappa à la porte, la voix de Gyoban s'éleva de l'autre côté.
"Madame, votre escorte vous attend pour vous rendre à Ishgard."
Quittant des yeux l'objet de sa détermination, l'armatrice attrapa son manteau et le posa sur ses épaules faisant face à la baie vitrée qui donnait sur la mer noscéenne. Le soleil se rapprochait lentement de l'horizon, et elle avait promis à Kimiko d'être rentrée avant le dîner. L'avantage avec son ami le baron, est qu'il va toujours droit au but et qu'elle pouvait se permettre d'en faire autant ; cet entretien ne serait que la première pierre d'un édifice aux fondation solide dont elle-même ne savait pas encore jusqu'où il s'élèverait vers le ciel.


"A moi le Monde."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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"Kurusu-tsubone, un coursier a apporté ceci pour vous."
La maîtresse de maison se trouvait assise sur la terrasse, profitant des quelques rayons de soleil venus égayer son unique sortie quotidienne. Quelques pas dans le jardins et la voilà qui se faisait presque porter jusqu'à son fauteuil, le dos callé entre trois coussins préalablement placés par la servante. Elle n'allait jamais plus loin, six semaines qu'elle n'avait pas passé le portail des jardins de Ten no Tsuki et couvait de son regard de mère-tigresse les deux jumeaux qui jouaient calmement sur l'herbe.
Akihiko s'était pratiquement couché sur le ventre pour regarder son livre d'images rapporté de sharlayan, presque aussi grand que lui, dont les illustrations enchantée bougeaient pour raconter des histoires. Il ne se redressait que pour tourner une page à deux mains avant de se pencher à nouveau sans véritablement chercher à comprendre, revenant parfois en arrière pour revoir les scènes qui lui plaisaient le plus. Kiyoko remuait moins mais chantonnait, ou plutôt babillait les quelques chansons retenues de "Hotaru-nee" tout en brossant les cheveux de ses poupées l'une après l'autre l'œil critique. Tous les deux levèrent les yeux et délaissèrent leurs jouets en voyant passer la servante Sunori avec un gros panier dont ils ne pouvaient voir le contenu.
"Posez-le sur la table, merci.
- Bien tusbone."

Kikyo termina sa gorgée de thé, et posa la tasse près du panier avant de l'attirer vers elle pour apercevoir par-dessus les deux paires d'yeux et les petits doigts posés sur le bord de la table, scrutant  sur la pointe des pieds le mystérieux colis.
"Eh bien, murmura Kikyo. Voici deux petits shinobis bien curieux."
Pris sur le fait, les jumeaux contournèrent la table pour la rejoindre et poser leurs mains sur ses genoux pour se maintenir debout, plus par réflexe que réelle nécessité. A deux ans passé leurs jambes tenaient pratiquement toutes seules. Ils suivirent du regard les mains de leur mère qui sortit l'un après l'autre du panier un assortiment de fruits dont la plupart étaient des kakis presque mûrs, puis elle ouvrit l'enveloppe accrochée à la hance.
"Ah. Il s'agit d'un présent du Professeur Derinloire les enfants. Nous mangerons des kakis ce soir au dessert.
- Du flan !"

Les deux enfants avaient levé les bras de concert, manifestant par le geste leur enthousiasme commun tout en gardant un visage sérieux et imperturbable. Kikyo souffla par le nez.
"Du flan aux kakis. N'auriez-vous pas le désir parfois de manger autre chose tous les deux ?"
Pour toute réponse, ils hochèrent la tête négativement avant que Kiyoko ne fasse son plus beau sourire et que son frère ne vienne prendre la main de sa mère entre les siennes.
"onegai shi masu okaasan !"
Que pouvait-elle dire de plus pour lutter contre cet assaut déloyal ? Incapable de fuir ou d'argumenter, elle sourit légèrement à son tour et posa ses mains sur leurs têtes.
"Ara ara. C'est entendu, mais c'est vous qui aiderez Sunori à les préparer.
- Hai !"

D'un signe de tête vers la servante, celle-ci vint remettre les fruits dans le panier et l'emporter à l'intérieur. Les enfants, prompts à la suivre de près, en oublièrent presque leurs jouets ; après quelques pas vers la maison ils coururent les ramasser avant de repartir, Sunori leur tenant la porte. Kikyo les suivit du regard pour finalement reporter son attention sur la lettre une fois la porte refermée.


"J'espère que tu te portes bien."


La demi-raenne ferma les yeux et s'enfonça un peu plus dans le fauteuil. Un soupir las se posa silencieusement sur ses lèvres avant qu'elle ne balaye d'un regard le jardin aux couleurs d'automne, rougissant sous le ciel vermeil de cette fin d'après-midi. Difficile de dire qu'elle se portait mal, cela aurait été une insulte à toutes celles qui, en plus d'enfanter dans la douleur, le faisaient dans un cadre moins privilégié. Néanmoins, le temps lui paraissait si long et les journées bien vides loin des affaires de la compagnie et ses nombreux projets en suspend le temps de sa mise en retrait parentale.
Elle avait reçu à dîner le baron et d'autres partenaires il y a une lune déjà, mettant en place les fondations d'une alliance commerciale solide ; la collaboration avec l'Auberge des Deux Renards se posait doucement sur la durée et le Bal des Monstres serait certainement un succès. Plusieurs membres de la compagnie étaient venus la voir, ainsi que Shunanai Shunai avec qui elle signerait peut être un partenariat après la Fête des Etoiles. Elle avait aussi pris connaissance des résultats de la conférence et du dossier Hawaiki laissant place au projet mare Lamentorum de plus en plus concret mais plus que tout, ce qui lui manquait, plus que son bureau ou son travail qu'elle pouvait encore partiellement assuré depuis l'orient... c'était la noologie pratique.
Son regard dévia sur les quatre nouliths posés contre le fauteuil. Elle ne s'en séparait plus, même pour sortir prendre l'air, et quand elle en avait la force elle s'exerçait à ses diagrammes en les manipulant mais ces derniers jours l'exercice lui était quasi-impossible.

"Nous en arrivons au point critique où je n'en peux plus de te sentir me contraindre au repos forcé, tout en sachant pertinemment que cela me manquera lorsque j'en serais privée."

Elle ferma les yeux, les mains sur son ventre pour mieux sentir la vie en elle qui grandissait encore à l'approche du terme, comme si ce dernier enfant qu'elle portait aspirait tout ce qu'il pouvait de ses forces jusqu'au dernier moment quand il sortirait enfin pousser son premier cri. Elle en sentait le poids sur tout son corps, elle en sentait les tiraillements dans son ventre comme s'il était sur le point de se déchirer au moindre mouvement trop brusque, elle savait qu'après cet accouchement il ne resterait plus rien de sa matrice. Selon Valorius, il était même probable qu'elle soit physiquement trop faible pour le mettre au monde "seule" et qu'il faudrait sans doute opérer, achevant de détruire ce qu'il resterait de l'écrin qui avait porté par trois fois la vie de quatre petits tigres... mais Kurusu-tsubone se refusait à céder aux larmes de l'injustice bien qu'à cette pensées ses yeux azur s'en trouvent plus brillants. il suffit d'un éclat de voix provenant de la rue pour la ramener à ce qui comptait vraiment.
"Hayaku, papa !"
La petite silhouette de Kimiko dans son habit d'école venait d'apparaître au portail, trépignant sur place, pressée de rentrer raconter sa journée à toute la maisonnée. L'ombre d'Akira se dessina lentement, le soleil dans le dos, avant que le tigre ne rejoigne son aînée sans se presser, sévère et impérieux. Il souffla du nez, simplement.
La fillette n'attendit pas et trottina jusqu'à la porte sitôt qu'il arriva à sa hauteur. Apercevant sa mère, elle s'inclina poliment avant d'agiter la main dans sa direction : "Tadaima !". Kikyo replia la lettre de Silius qu'elle glissa dans son kimono, puis inclina la tête vers sa fille avant d'en faire de même vers son époux, croisant son regard améthyste dans lequel se reflétait le crépuscule vermeil.


"Okaerinasai."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Le calme revenu dans la demeure de la famille Kurusu, les servantes avaient repris leurs tâches quotidiennes. Dans un coin du jardin, les draps lavés, suspendus à une corde, ne portaient plus la moindre trace de sang ; on les avait fait bouillir toute la nuit. L'accouchement avait été difficile, douloureux et particulièrement sanglant au vu du nombre de linges à laver et la présence des médecins à proximité de la demeure encore vingt-quatre heures plus tard ne laissait aucune ambiguïté sur l'état probable de la mère. L'enfant, lui, ne risquait pas d'inquiéter tant ses pleurs pouvaient être entendus jusque dans la rue lorsqu'une fenêtre était laissée ouverte.
"Laisser une nourrice s'en occuper à ma place, et puis quoi encore."
Kikyo berçait le nouveau-né dans son fauteuil à bascule, profitant du calme à l'intérieur de la chambre des jeunes enfants. Kimiko encore à l'école, Akihiko et Kiyoko jouaient dans le jardin sous la surveillance d'Akio et Sunori. Bientôt, chacun d'eux aurait une servante attitrée et un jour ce serait le tour de celui-ci qu'elle tenait dans ses bras.

Akitora, le tigre d'automne, était plus grand et plus large que tous ses autres frères et sœurs à la naissance. La difficulté à le mettre au monde fut à la hauteur de ces neuf lunes à le porter, à sentir ses forces la quitter peu à peu et son corps dévoré de l'intérieur jusqu'à une délivrance douloureuse et sanglante. Il n'avait rien laissé derrière lui, Ivanhault avait proprement nettoyé et retiré les derniers morceaux de son utérus afin d'éviter toute infection ; elle ne porterait plus jamais d'enfant. La rémission serait longue et son corps en serait lourdement affecté jusqu'à la fin de ses jours.
Elle ne regrettait rien, et surtout pas son dernier aussi pénible soit le souvenir de cet accouchement et ses conséquences. Il avait les yeux de son père, une peau claire mais pas aussi pâle que Kimiko, et une ligne d'écailles molles le long de sa colonne vertébrale en plus de celles autour de son cou, de ses chevilles et de ses poignets. Celui-ci tenait des Byakuren.
"Peut-être seras-tu un colosse aussi fort et imposant que ton grand-père."
Elle sourit tout en se balançant, sans le quitter des yeux.
"Ou bien seras-tu une force tranquille comme mon propre père que je n'ai pas connu ? Mère disait qu'il n'avait pas besoin de parler, sa posture et son regard le grandissaient. C'est ce que j'ai aimé chez ton père avant tout le reste."
Une petite main potelée sortit de la couverture et resta suspendue dans le vide, Kikyo y glissa son auriculaire qu'elle le sentit serrer et ramener près de lui alors qu'il s'endormait. Ce dernier fils conçu pendant l'Apocalypse serait une force de la nature, le plus jeune mais pas le plus faible, et il pourrait compter sur une fratrie déjà soudée et des parents que rien ne prédestinait à être ainsi bénis d'une famille nombreuse, la plupart des mariages mixtes condamnés à demeurer stériles. Quelle chance elle avait.

Alors pourquoi ces larmes, à la pensée qu'elle ne porterait plus jamais d'enfant ?

Epouse aimée, désirée par un homme qu'elle aimait en retour, elle était tombée enceinte trois fois en cinq ans et pouvait élever ses enfants dans un pays libre, sans guerre et sans fin du monde. Ils ne manquaient de rien, leur famille était fortunée et leurs valeurs bien assises. L'avenir ne serait pas aussi incertain pour ses quatre tigrons que pour elle-même ou leur père au même sous l'occupation. Elle avait tenu sa parole donnée au lendemain de leur mariage lorsqu'il lui avait chuchoté à huis-clos qu'elle lui donnerait de nombreux enfants et son rôle ne se limitait pas à cela. Elle n'avait aucune raison de se plaindre, de se montrer ingrate et pourtant perdre sa matrice, savoir que cette fois c'était terminé... lui procurait un sentiment d'inutilité et de honte dont elle ne pouvait se départir tout en sachant qu'Akira ne la considérait pas ainsi. Quelle imbécile ingrate pleurerait sur les enfants qu'elle ne pourrait plus porter, quand quatre se trouvaient déjà auprès d'elle ?

Être une femme, sans ce qui faisait d'elle une femme pleinement.

Toutes les femmes ne sont pas mères, et toutes les mères n'ont pas porté la vie en elle, ce sentiment n'était pas juste ni cohérent mais cette douleur était bien réelle ; une douleur bien pire que toutes les souffrances endurées pour donner la vie à son fils, que celle d'avoir dû forcer Akira à la suivre pour rester ensemble quoi qu'il en coûte, ou d'avoir renoncé à la barre de l'Eternal, plus douloureux que la mort de Lantis ou celle de sa mère, elle devait faire le deuil de ce qui ne pourrait jamais plus naître par elle.
Quand le bébé fut enfin endormi, Kikyo se leva tout doucement, moins pour éviter de le réveiller qu'à cause de son état. Les deux pas séparant le fauteuil du berceau furent tout aussi longs. Elle le déposa avec délicatesse pour le border ensuite, un geste fait maintes et maintes fois. Elle retira doucement son petit doigt du poing serré d'Akitora pour le laisser dormir.

"On te racontera un jour de nombreuses histoires sur tes parents, Akitora, et je ne doute pas qu'elles seront vraies pour la plupart car tu seras bien entouré. Un jour, tu sauras tout de ta naissance et ses conséquences mais sache mon fils que tu n'es coupable de rien, que je ne regrette rien, pas un seul instant. Tu m'as peut-être forcé la main... mais c'est une bonne chose."

De retour dans son fauteuil Kikyo s'enfonça dans les coussins, mains sur son ventre. Il n'avait pas totalement dégonflé mais elle sentait le vide, le froid stérile auquel il faudrait s'habituer. Elle s'y habituerait.


Il reste un monde à conquérir pour eux.
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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L'année s'achevait, pour une fois, dans le calme et la tranquilité de Ten no Tsuki et dans la douce chaleur d'un rayon de soleil doré venu se poser sur l'eau du bassin où jouaient les koï. On n'entendait que le ruissèlement de l'eau contre la roche et le bambou qui se relève et s'abaisse contre le rebord de la fontaine. Couché dans un panier en osier près de sa mère, Akitora dormait à poings fermés, son visage rond à moitié dissimulé sous une couverture jaune et le petit loup en peluche fabriqué par Djazah'ir posé contre son dos. Cet enfant pleurait rarement mais remuait sans cesse, déjà impatient de voir le monde, alors quand il dormait c'était tout aussi intensément afin de récupérer. De longues siestes durant lesquelles Kikyo veillait sur lui avec la même tendresse qu'elle portait à chacun de ses enfants lorsqu'elle venait les embrasser chaque soir.
Face à ses genoux, les documents financiers de l'Escale et ses comptoirs captaient son intérêt à grand peine mais si elle ne profitait pas de ce moment pour travailler, ce serait impossible une fois Kimiko, Akihiko et Kiyoko rentrés du jardin.

Projet d'aménagement des ateliers. Hm, le sous-sol est inexploitable pour le moment mais en commençant au printemps peut-être que l'espace serait dégagé dans un an, en attendant il faudra trouver autre chose... peut-être au premier étage, si on renforce les murs. Tout cela aura forcément un coût...

L'année précédentes et ses péripéties ne lui avaient pas permit d'exploiter le plein potentiel des comptoirs comme elle l'aurait voulu. Trop d'imprévus, trop d'aménagement et de gestion post-apocalypse ; les évènements avaient finalement eu plus d'impact sur la durée que prévu. Privilégier les bases pour de solides fondations n'avait pas été un mauvais choix, mais Kikyo expérimentait à présent un sentiment jusqu'à lors inconnu de sa personne : l'impatience. Elle n'avait que trop attendu pour réaliser ses ambitions, et se voir privée de son poste de capitaine ne faisait qu'attiser son besoin de rester active même derrière un bureau.

Si l'on veut que la signature Eternal se démarque du reste, il faut une image... quelque chose de fort.

L'expédition à Mare Lamentorum aurait dû faire l'affaire dans son esprit, fichu Isarmaux toujours à la faire douter, il ne paie rien pour attendre. Kikyo fronça les sourcils entre deux gorgées de thé et griffonna quelques notes sur un coin de feuille. Les noms de tous les artisans de la compagnie s'y trouvaient déjà et elle s'était surprise du nombre ce qui ne faisait que confirmer son intuition. Les comptoirs encore balbutiant de l'Escale de Llymlaen couvaient un potentiel bien supérieur à ce qu'elle-même avait envisagé dès le départ. Tout ce qu'il manquait : une impulsion, une poussée productive et bien sur un nouveau voyage pour alimenter la créativité ; le reste suivrait, elle en était plus que certaine. 
"Tsubone ?"
La voix de Sunori la tira de ses pensées. La servante parlait à voix basse pour ne pas réveiller le petit, et s'inclina doucement attendant qu'on lui donne l'autorisation de parler.
" Qu'y a t-il ?
- Tsubone, je viens vous informer que les enfants vont bientôt rentrer. Votre kimono est prêt pour rejoindre Kurusu-dono si telle est toujours votre intention, il sera bientôt l'heure.
- Oh. Parfait, je te remercie."

La servante s'inclina à nouveau, mais avant de tourner les talons elle fut interpellée à nouveau.
"Sunori.
- Hai, tsubone ?
- Comme tu le sais, Kurusu-dono a pris la décision de placer une servante aux côtés de chacun des enfants dès cette année. Les jumeaux auront bientôt trois ans, ils entreront à l'école avant l'automne, tu ne pourras pas continuer à veiller sur les quatre en même temps."

Sunori acquiesça en silence, la tête baissée.
"Tu as pris soin de mes enfants depuis la naissance de Kimiko, je souhaite que tu participe au choix des candidates. C'est toi qui les recevras et tu m'enverras celles que tu estimeras dignes d'intérêt. As-tu compris ?"
Aussitôt la hyuroise se redressa, les yeux écarquillés face au regard froid et neutre de la maîtresse de maison.
"Hai, tsubone, c'est un honneur. Avez-vous des instructions ?
- Oui."

Kikyo marqua un temps, veillant à couvrir Akitora qui venait de bouger dans son sommeil. Puis elle repris sans changer de ton.
"L'absence de ma cousine prive Kiyoko d'un professeur de danse, alors qu'elle commence tout juste à développer son goût pour les arts ; choisis celle qui seras capable de l'accompagner dans cet enseignement. Il en va de même pour Akihiko et son amour pour les livres bien qu'il ne sache pas encore lire, depuis qu'il a commencé à parler il pose sans cesse des questions sur tous les sujets il lui faut quelqu'un de particulièrement instruit ou sachant se documenter efficacement pour lui répondre.
- Hai. Et pour ce qui est de Kimiko-sama ?
- Kimiko est l'héritière de la famille Kurusu, elle est élevée de sorte à ne viser que l'excellence et j'attends la même chose de celle qui l'accompagnera, elle doit avoir conscience de son statut et de ce que cela implique, de l'ascendant qu'elle aura sur les autres et des responsabilités qui s'ensuivent. Une servante qui aura une autorité naturelle sur les autres, connait notre famille et dont la loyauté a déjà été prouvée. A la réflexion, je ne vois personne d'autre que toi Sunori. Kurusu-dono continuera de l'entraîner au maniement du sabre et te donneras ses propres instructions s'il en a."

La surprise de la servante fut aussitôt renvoyée vers le sol lorsqu'elle s'inclina de nouveau.
"Hai, tsubone !
- Tu peux disposer."


Après avoir rassemblé ses papiers, Kikyo remonta à l'étage et replaça son fils dans le berceau de sa chambre, non sans une caresse sur ses cheveux noir déjà bien fournis pour un nourrisson de deux lunes. De retour dans sa chambre, elle trouva son kimono préféré étendu sur le lit, prêt à être porté. Tout en nouant le obi doré d'un geste ritualisé, lent et précis, elle entendit les babillages des enfants de retour dans la maison. Après avoir pincé une mèche de cheveux sous la barrette à fleur de lotus, elle sortit enfin et croisa le regard de Kiyoko sur le palier. La petite fille avait des étoiles dans les yeux à voir sa mère ainsi vêtue. Akihiko s'empressa de tendre les bras pour réclamer les siens mais Kikyo secoua la tête.
"Pas maintenant Aki. Joue avec tes soeurs."
Avant que le petit garçon ne se mette à pleurer, elle s'agenouilla pour lui embrasser le front ainsi qu'à Kimiko et Kiyoko. La première saisit la main potelée de son frère pour le tirer vers la chambre.
"C'est pou' pa'pa maintenant !" Dit-elle avec assurance, une force de conviction face à laquelle même un petit prince accroché à sa mère ne pouvait rien. Kiyoko les suivit en dernier, non sans se tourner deux fois en chemin pour admirer le kimono d'apparat.
"Mama' très belle !"
Ces mots arrachèrent un sourire à Kikyo qui descendit l'escalier avant de quitter la demeure.

Si la Fête des Etoiles n'avait d'intérêt à ses yeux que les vœux de ses enfants et une simple curiosité culturelle, la Transition revêt une importance particulière de ce côté-ci de la planète. Shirogane illuminée de lanternes, les habitants tous dehors vêtus de leurs plus beaux yukatas -du moins pour les orientaux- et les lucioles flottant au-dessus des étangs de kobun-en. C'est sur un pont qu'elle attendit de voir le tigre se diriger vers chez eux, sortit comme chaque jour à la même heure de son bureau au siège du Kurusu-gumi. Quand il l'aperçut, et vit qu'elle le regardait, le hyur dévia de son trajet pour la rejoindre.
Il n'y avait pas grand chose à dire dans ces moments-là, et comme souvent ils n'échangèrent que peu de paroles seulement des regards. Sous un ciel violet au crépuscule, l'améthyste captait la lumière tout autour d'eux, elle y posa sa main près de sa tempe ; quel besoin y aurait-il de parler. Ces fugaces instants, qui n'appartiennent qu'à eux, dessinent pourtant une toile cent fois contemplée et qui ne semble pas avoir de fin.




"Nous installerons le onsen de ce côté, et plantez des bambous entre ici et la clôture."
Des lunes durant elle avait profité de son accès aux clés du pavillon pour lui préparer cette surprise. Depuis qu'ils avaient emménagé dans une demeure plus grande, l'ancienne résidence Kurusu où il avaient vécu les premières années de leur mariage s'était retrouvée vide. Il y avait eu plusieurs projets envisagés, quelques idées ça et là mais jamais rien de concret jusqu'à ce que Kikyo ne décide, dans l'ennui de sa grossesse, de prendre les choses en mains sur ce terrain inexploité. Akira lui avait offert un petit manoir citadin à Empyrée pour leur anniversaire de mariage, elle voulait que ce cadeau soit à la hauteur. Tout le bâtiment avait été démoli puis reconstruit, évidemment que cela ne passerait pas inaperçu et elle n'avait eu que quelques jours pour lancer le chantier avant qu'il en soit informé.
"Ne craignez-vous pas qu'il soit en furieux ?
- Nous le saurons bien assez tôt. Ne restez pas dans les parages quand il arrivera.
- Vous... vous lui avez dit de venir ?!
- Je suis sa femme, cela me donne le droit de le surprendre en pleine journée."

La confiance dans le regard de Kurusu-tsubone déconcertait le pauvre namazu derrière son calepin. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le nouveau bâtiment -même vide- paraissait très accueillant. Une fois les lanternes accrochées on le verrait de loin et l'enseigne du Kurusu-gumi en train d'être levée au-dessus du portail ne risquait pas de passer inaperçu.
" Ma-ma-ma... madame ! Je crois que monsieur Kurusu arrive !"
Le namazu se dandinait nerveusement d'un pied sur l'autre. Kikyo se retourna. En effet, elle reconnut le manteau qu'Akira portait par-dessus son costume quotidien. Comme toujours, son regard impérieux et sévère n'annonçait aucun encouragement mais cette fois, elle était sure d'elle. Pour ses enfants elle avait demandé l'excellence, pour son mari elle ne visait pas moins.
"Parfait, laissez-nous."
Ni une, ni deux, le namazu et les ouvriers prirent congé sans demander leur reste redoutant le début imminent d'une nouvelle dispute Kurusu. Mais avant que le Tigre ne prononce le moindre mot, il fut soufflé sur le perron du premier baiser de la nouvelle année.


"J'espère que cela vous plait."


Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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Les pauvres pétales froissés tombaient en confettis sur la terrasse tandis que Kikyo s'acharnait à faire tenir les deux tiges de bambou entre elles ; c'est à peine si elle regardait ce qu'elle faisait. La composition florale n'était vraiment pas son fort, tout l'inverse même, et cela ne faisait qu'entretenir sa frustration mais dans un pareil moment elle avait besoin de s'occuper les mains peu importe comment. Dans ce jardin baignant dans la lumière d'un soleil d'été, la famille Kurusu quasiment au complet passait pourtant une matinée tranquille.
Comment peut-il oser me parler ainsi l'imbécile. Ah, elle est belle la perspicacité Terrechant !
Rien autour ne laissait entrevoir la tempête dans l'esprit de la maitresse de maison qui affichait un visage neutre et presque paisible lorsqu'elle posait son regard sur les enfants en train de jouer. Akihiko du haut de ses trois ans, avait repris l'ancien jeu de construction et de cubes de Kimiko mais lui ne s'acharnait pas à vouloir faire entrer le carré dans un rond, tout au contraire il étudiait avec soin chacune des pièces de la boîte pour en faire des constructions sommaires, du niveau d'un enfant de son âge, mais réfléchies sans qu'aucun bord ne dépasse. Il s'appliquait beaucoup et pouvait y passer beaucoup de temps au grand damn de sa jumelle qui lui tournait autour avec sa poupée, pressée de quérir son attention mais plus elle le perturbait et plus il mettait du temps à se décider. De son côté, Kimiko jouait son rôle d'aînée en surveillant Akitora posé sur une couverture au milieu des peluches qu'elle avait sortit pour jouer avec lui et son favoris, le loup blanc que Djazah'ir avait fabriqué. Il l'aimait tant qu'il n'avait de cesse de ramper sur ses quatre pattes pour venir se coucher sur son dos et Kimiko du haut de ses cinq ans le tenait maladroitement par la taille pour le faire tenir dessus, sourcils froncés très fort. Plus que les servantes, jamais bien loin, ceux qui veillaient à la sécurité de ce petit monde étaient le grand loup blanc et le tigre blanc allongés côte à côte sous un arbre, à l'ombre près du portail. Enfin, surtout Akio car le tigre en journée et par cette chaleur se souciait moins des enfants que de sa sieste ; en cela il ressemblait un peu à Hime la chatte nagxienne qui ronronnait comme une bienheureuse sur la chaise à côté de celle de sa maîtresse.
Kikyo se redressa pour contempler son oeuvre, vraiment pas convaincue.
"Eh bien voilà, c'est..."
Un désastre, mais plutôt que de le dire elle laissa la sentence en suspend. C'était sans compter sur le jugement de Kiyoko qui avait finit par se détourner de son jumeau pour venir vers sa mère.
"C'est beaucoup très moche, maman."
Connaître la vérité est une chose mais l'entendre aussi clairement et sans philtre de la bouche d'une petite fille aura achevé sa volonté. Kikyo soupira et posa sa main sur ses cheveux brun de sa petite princesse si cruelle et pourtant si juste.
"Tu as raison Kiyoko, c'est vraiment très moche. Tu veux essayer de l'arranger ?"
Au point où elle en était, une petite de trois ans ne pourrait pas faire pire. Kiyoko tendit ses bras et elle la souleva pour la poser debout sur la chaise d'à côté, dérangeant de ce fait Hime qui miaula pour la forme mais se trouva bien vite un intérêt à se frotter aux jambes de la fillette contre des caresses. Puis elle sauta de son perchoir sauta dans un arbre. Kimiko avait trouvé une occupation qui laisserait son frère en paix, une victoire au moins. Elle se resservit une tasse de thé.

"Mama ! Tora essaye encore de se mettre debout !"

Kimiko lui faisait de grands signes avec les bras tout en lui montrant le bébé de presque huit lunes à quatre pattes qui poussait sur ses pieds et ses bras pour se mettre debout mais ses mains ne lâchaient jamais le sol plus d'une seconde. A chaque fois il retombait sur ses genoux ou sur le côté, le visage tout rouge. Craignant qu'il ne se blesse, Kikyo se précipita auprès d'eux et le souleva dans ses bras.
"Je comprends que tu sois pressé d'aller courir avec ta sœur mon petit tigre, mais chaque chose à son temps."
Kimiko gonfla les joues, contrariée.
"Il allait réussir cette fois !
- Il est trop jeune encore Kimiko. Même toi tu avais quasiment un an lorsque tu  t'es mise debout pour la première fois."

Une fois le plus jeune de la fratrie bercé et apaisé, elle le reposa sur sa couverture contre son loup en peluche presque aussi grand que lui dont il enserra la tête. Ses babillages ne voulaient rien dire si ce n'est la manifestation de son attachement à ce jouet. Kimiko retourna à sa surveillance, Kiyoko s'amusait avec la composition florale ratée, Akihiko se leva et montra fièrement ses constructions de cube à sa mère qui ne pouvait s'empêcher de sourire, songeant à quel point Kimiko avait détesté ce jeu réfractaire à ses désirs têtus. Elle aurait volontiers passé un moment à le regarder faire mais le son métallique du portail qui s'ouvre sans que les deux gardiens ne se lèvent annonçait autre chose. Akira venait de rentrer du Kurusu-gumi, et toute l'attention des enfants se tourna immédiatement vers lui. Kiyoko bondit de sa chaise pour aller à sa rencontre, Kimiko arriva la première en portant le bébé à bout de bras pour lui raconter comment il avait encore failli se lever, seul Akihiko resta accroché au kimono de sa mère jusqu'à ce qu'il pose les yeux sur lui.
Tout était définitivement paisible à Ten no Tsuki, excepté les pensées de Kikyo.

"Vous avez laissé à Kiyoko la composition florale." Finit par constater Akira lorsqu'ils se retrouvèrent seuls dans l'après-midi, une fois tous les enfants endormis sur la même couverture à l'ombre. Une servante avait pris le relais, laissant au couple Kurusu un moment de calme au-dessus de l'étang.
"Je rends les armes, je ne suis pas faite pour cela.
- Vous n'y entendez rien et n'y trouvez aucun intérêt.
- Pas le moindre."

Pas besoin d'être un génie pour s'apercevoir que son déménagement dans les nouveaux locaux du Kurusu-gumi s'était fait à la hâte et qu'elle n'avait pas souhaité remettre les pieds à Brumée ne serait-ce que pour s'assurer que le transport se passait correctement. Le Tigre lisait dans l'attitude et les nouvelles priorités de son épouse qu'il s'était passé quelque chose, il connaissait cela, sauf qu'en général il en était lui-même la cause ou le déclencheur. Pour la première fois, il en tirait tout le bénéfice sans les inconvénients. Kikyo était plus que jamais présente à sa place, en domienne, et plus proche de lui en privé comme s'il y avait quelque chose à évacuer, et le besoin de se rapprocher comme après chacun de leurs affrontements ; sauf que cette fois c'est à un autre qu'elle en voulait.
"Allez-vous régler ce problème ?
- Quand je l'aurais décidé. Je suis très bien ici."

A couvert sous les feuilles de saule, elle lui enserra doucement le bras. Ses mains tremblaient encore un peu suite à l'épreuve pratique de l'examen final du premier cycle en noologie. Si l'examen théorique n'avait présenté aucun problème, sa maitrise de l'ether en termes de tissage de sorts comptait encore quelques lacunes à combler. Un respectable 82/100 ne serait jamais suffisant pour une femme aussi perfectionniste que Kikyo, qui avait promis un minimum de 95 à Silius. Elle était frustrée, et Ivanhault n'avait rien arrangé en abordant le sujet qui fâche. Sans s'en rendre compte, elle soupira et Akira souffla du nez amusé. Il ne la connaissait que trop bien, y compris quand elle passait ses nerfs en se montrant affectueuse. Il n'allait pas s'en plaindre.

Les jours suivants ne furent guère différents, et le couple trouva un rapide équilibre dans leurs affaires respectives maintenant qu'ils partageaient le même bureau, tout juste séparés d'un paravent. Kikyo abandonna définitivement la composition florale pour se consacrer à la cérémonie du thé, au choix de sa garde-robe et à ce qu'elle savait faire de mieux finalement : la décoration. Quand il ne s'agissait pas d'affaires courantes sur la compagnie, c'étaient des commandes de mobilier, d'oeuvres d'arts ou des conseils sur l'aménagement intérieur et extérieur. Elle avait encore les jardins du Kurusu-gumi à revoir, faute de jardiner elle-même elle savait concevoir un paysage, un paysage oriental.
"Et vous vous obstinez à ne pas faire de l'Escale une image domienne.
- Ne me tentez pas, je suis à un cil de refaire toute la façade à mon image juste pour l'énerver."

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'une Kikyo Kurusu en colère est une Kikyo Kurusu particulièrement inspirée. Nul ne saurait dire comment elle comptait faire payer sa "traîtrise" au Terrechant mais sa vengeance viendrait bien assez tôt, sous une forme ou une autre. En attendant, la domienne avait bien la ferme intention de continuer à bouder en orient pour une durée indéterminée.


"Et qu'on m'amène Tarha, j'ai deux mots à lui dire aussi à cette gamine !"
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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"Mama, je trouve pas mon cartable !"
Akira Kurusu avait connu bien des batailles, des camps militaires, l'agitation des conflits et nombre d'opérations réglées comme une partition mais le ballet qui se déroulait ce matin-là dans la maison familiale était d'un tout autre genre. Les servantes allaient et venaient d'un pas pressé, suivant les consignes données la veille mais avec quatre enfants dans la maison suivre un plan bien ordonné n'était pas chose facile.
"Mama, mon cartable !
- Tu l'as préparé hier soir il est en bas."

Tandis que Kikyo finissait de coiffer une Kiyoko qui avait changé trois fois de barrette entre toutes celles que son père lui avait offert pour la fête des demoiselles, Kimiko traversa le couloir les bras chargés de crayons de couleur qu'on entendit se déverser dans l'escalier quelques secondes plus tard. La mère de famille réprima une grimace, heureusement Sunori se précipita dans la seconde au secours de l'héritière qui venait de lâcher un "Aaaaah !" frustré en haut des marches.
"Et voilà, tu es ravissante."
Kikyoko tourna sur elle-même, mimant d'ajuster elle-même sa barrette à fleurs assortie à son kimono, puis hocha la tête.
"Où est ton frère ?
- Caché."

La fillette avait dit cela le plus calmement du monde, sans aucune honte à dénoncer son jumeau. Elle pointa son index vers le lit avant de sortir dans le couloir en trottinant pour aller se montrer à son père. Restée seule dans la chambre, Kikyo tourna la tête vers la cachette d'Akihiko : une muraille d'oreillers recouverte d'une couverture. Silencieuse, elle glissa sur le parquet pour se rapprocher. Elle sentait presque les coussins frémir à son approche. Elle appela à voix basse :
"Aki ?
- Iee !"
répondit le petit garçon, en colère.
Kikyo tira sur la couverture lentement, découvrant son fils déjà habillé les bras autour de ses genoux sous un menton boudeur.
"Tu comptais te cacher ici en espérant qu'on parte sans toi ?
- 'veux pas y aller.
- C'est important que tu y aille, Aki."

Elle écarta les oreillers, juste avant que son fils ne vienne s'accrocher à ses vêtements les larmes aux yeux. Kikyo le serra doucement dans ses bras. Dans le couloir les allées et venues continuaient. Les crayons de couleur ramassés et tassés dans le cartable ne laissaient plus assez de place pour la boîte à bento qui trouva sa place dans un joli pochon, ce qui fit remonter Kiyoko dans la chambre puisqu'elle en voulait un aussi assortit à son kimono et sa barrette. Sunori avait à peine fini de ramasser les crayons qu'elle courrait déjà après Akitora qui cavalait à quatre pattes dans le salon à toute vitesse et se faufilait sous les meubles profitant de la moindre seconde d'inattention. Le temps de le trouver, Akihiko accepta enfin de sortir de sa cachette et se laisser coiffer les cheveux en arrière.
Enfin, une heure plus tard, les trois enfants étaient enfin prêts à partir.
Une fois devant l'école, Akihiko s'accrocha un peu plus aux habits de sa mère tandis que Kiyoko posait ses grands yeux vairon absolument partout, faisant signe aux autres enfants.
"N'oubliez pas vos repas, et d'écouter votre sœur si Sunori n'est pas encore arrivée après l'école. Kimiko, tu veilles sur ton frère et ta soeur.
- hai !"

A cinq ans la petite Kurusu s'imposait déjà en meneuse et croisa les bras avec sérieux pour se grandir à la manière de son père. Akihiko lâcha à grand peine le tissus du haori, levant sur sa mère un regard embué de larmes auquel celle-ci répondit d'un baiser sur le front.
"Tu es le fils de ton père, Aki. Tu vas faire ma fierté comme tes sœurs, et tout me raconter ce soir."
A la mention d'un exploit pour rendre maman heureuse, le petit tigre sembla se gonfler d'assurance et hocha la tête timidement. Derrière eux, l'institutrice commença à appeler en classe et Kimiko la première se tourna, toujours ponctuelle. Elle fit un petit signe de main et trottina vers les autres, Kiyoko sur ses talons, si pressée qu'elle en oublia presque d'embrasser leur mère. Akihiko, plus hésitant, courut ramasser une fleur dans un buisson pour revenir la lui tendre comme si ce simple geste lui assurait que maman n'allait pas l'oublier ici. Kikyo eut un pincement au cœur mais lui frotta les cheveux avant de se redresser.   
"Montre-leur combien tu es intelligent."
Un dernier sourire pour l'encourager, et elle regarda son fils rejoindre le groupe d'enfants en bon dernier que l'institutrice accueillit les sourcils légèrement froncés par ce retard. Il ne tarderait pas à réparer cette première impression lorsqu'elle verrait qu'à trois ans il savait déjà lire certaines lettres. Au contact des autres enfants il se trouverait d'autres centres d'intérêt, et moins pour sa maman dont il finirait bien par se détacher progressivement. Cette pensée la fit sourire tout en serrant un peu plus fort la tige de la fleur offerte. Ils grandissent trop vite.
Les adultes venus accompagner les élèves se dispersèrent, et Kikyo à l'image de son fils se retrouva bonne dernière. Au moment de tourner les talons, elle perçut l'écho du rire de Kiyoko. La fillette semblait avoir déjà trouvé des camarades.

"Tout ira bien, femme."

Il était venu, finalement. Détendu dans son haori il avait observé la scène adossé à la façade d'une maison voisine.
"Ce sont des enfants, répondit Kikyo en hochant la tête. Ils auront oublié avant midi pendant que je continuerais d'y penser."
Joignant ses mains devant elle, l'épouse du Tigre avança jusqu'à lui et c'est ensemble qu'ils quittèrent le parc de l'école pour rentrer à Shirogane. Pour la première fois depuis quatre ans, Kikyo allait se retrouver seule à la maison avec le bébé et les servantes. Quatre ans à planifier des journées chargées entre les enfants, la compagnie et ses études. Il lui aura fallu deux ans au lieu d'un pour achever le premier cycle du cursus de noologie. Et voilà que d'un coup, elle se retrouvait libre une bonne partie de la journée.
"Que souhaitez-vous faire d'ici le réveil d'Akitora-sama, tusbone ?"
Il y eut comme un blanc, un temps mort au moment de la question. Quoi faire ? Tout sauf de la composition florale. Son regard se perdit un instant vers l'intérieur du salon, et son livre d'introduction au second cycle de noologie oublié sur un coin de table. Elle s'en saisit.
"Je vais prendre un bain, qu'on ne me dérange pas sauf si mon fils se réveille."

Le calme retombé sur Ten no Tsuki, c'est une fin d'été paisible qui s'amorçait au sein de la faille Kurusu. Les disputes se faisaient de plus en plus rares ; même les vacances dans l'archipel s'étaient passées on ne peut mieux. Allongée dans l'eau chaude, sa tête reposant contre le bord du bain, Kikyo laissa ses pensées vagabonder loin de son chapitre qu'elle avait pourtant prévu d'étudier. Il y aurait fort à faire les prochaines semaines, de quoi occuper tout ce temps libre à la concrétisation de projets trop longtemps laissés en suspend au sein de la compagnie... mais pour l'heure, elle voulait juste se laisser flotter dans le parfum du jasmin.


"Comme c'est agréable..."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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"C'est vrai, vous n'êtes pas à la hauteur. Alors tâchez de le devenir."
Elle n'avait pas mâché ses mots, sentant que leur motivation ne demandait qu'à sortir au grand jour. Ils voulaient y aller, qu'importe cela ne leur rapporte rien, et elle les comprenait. Le nez dans ses comptes, elle confirma que la bière de Bhyrbilda n'était pas la meilleure vente des comptoirs et l'hydromel pouvait se trouver ailleurs. Ilirslaent ne rapportait que peu en termes d'investissement commercial mais pour ce qui est des échanges culturels et liens tissés, le sens même de cette compagnie d'explorateur, cela change la donne. Elle approuvait intégralement cette mission, et elle avait totalement confiance en Kyuuji pour s'occuper des convois humanitaires et A'iko pour organiser la chasse aux monstres.
"Eeeeeh !"
Son attention soudainement accaparée par le bébé dans son couffin juste à côté du bureau. Akitora avait presque un an, et il remuait sans cesse dès lors qu'il était réveillé. Sans attendre, comme toute mère qu'elle était, Kikyo reposa le dossier et tendit les bras vers lui. Tandis qu'elle le berçait en caressant ses cheveux bruns, son estomac se noua et elle serra son fils contre son cœur. Comment son âme pouvait-elle s'enflammer à ce point, brûlant d'envie d'accompagner ses hommes et de combattre à leurs côtés, quand elle avait déjà tout ce qu'il lui faut ici, sans parler de son rôle de mère, de ses responsabilités. A la frustration s'ajoutait maintenant la honte, honte d'être aussi ingrate. C'était sa décision, elle devait s'y tenir, quatre jeunes enfants comptaient sur elle et sa vie ne fut jamais plus paisible que depuis son retrait même si Akira-sama aurait préféré la voir étudier l'oniromancie ou la géomancie plutôt que la noologie. Elle était heureuse, vraiment heureuse.

Pourtant, les jours qui suivirent semblaient ralentir le temps et elle voyait passer chaque heure comme une journée entière. Chaque matin à la plage tandis qu'elle pratiquait le iaido avant le lever des enfants, ses muscles se tendaient comme lorsqu'elle s'entraînait pour de réels affrontements. Elle ne pratiquait plus que pour se maintenir en forme et perpétuer la tradition Kakita, au cas où un des héritiers voudrait suivre un jour cette voie. Quant à ses études, lorsque les trois plus âgés étaient à l'école et que le bébé dormait, elle s'y plongeait avec acharnement. En deux ans ses progrès avaient marqué une nette avancée tant dans le tracé des diagrammes que la puissance de ses boucliers. La puissance des soins restait son principal point faible mais ses boucliers valaient maintenant la pleine mesure de ses notes à l'académie. Elle pouvait les protéger, pas seulement ses enfants, pas seulement Akihiko et sa santé fragile, elle pouvait faire la différence dans-...
Non, non n'y pense pas Kikyo.
Elle sentait les vibrations d'Atropia, s'imaginant que la faute incombait à ces nouliths conçues par un sage aux méthodes offensives. Foutaises, ce ne sont que des objets inanimés et elle ne le savait que trop bien. C'est elle qui brûlait de l'intérieur, consumée par son désir d'agir, de ne pas rester en retrait plus longtemps quand ses hommes risquent leur vie.
Je dois m'occuper des commandes, des finances et m'assurer que tout soit prêt pour la grande expédition vers l'Ouest. C'est ce que je dois faire.
Elle voulait s'en convaincre, mais la force avec laquelle son boken fendait l'air n'aurait pas berné un enfant de cinq ans.
"Mama ?"
A nouveau son attention fut aussitôt accaparée par Kimiko descendue depuis Ten no Tsuki sur la plage, elle portait encore son yukata et se frottait les yeux, son tigre en peluche sous le bras.
"Qu'est-ce que...?
- On attend pour manger..."

Le soleil se levait au-dessus des vagues, il était huit-heures passé. Elle aurait dû remonter il y a vingt minutes.
"Oh. Pardon Kimiko je m'étais perdue dans mes..."
Elle ne finit par sa phrase, les bras de la petite fille levés elle la saisit par la taille et remonta vers la maison d'un pas rapide. Voilà qu'elle en oubliait le petit déjeuner des enfants avant l'école, et bien sûr personne n'était venue la chercher ! Elle aurait volontiers pesté contre Sunori mais cela n'aurait fait que tordre un peu plus ses pensées déjà confuses en plus de s'en prendre injustement à une servante dévouée déjà fort occupée à préparer le repas avant l'heure. Son aînée de la quitta par des yeux pendant tout le repas, et même lorsqu'elle l'embrassa une dernière fois avant de partir en classe ses yeux violets la transpercèrent exactement comme ceux de son père.
"Je suis grande maman, ça va." Dit-elle avec toute la simplicité d'une parole d'enfant. Si jeune et pourtant déjà vive d'esprit.

De retour à ses livres "Noologie deuxième cycle", elle tenta bien de s'extraire de ces pensées mais plus les exercices s'enchaînait et plus sa pratique des différentes formes d'eukrasia devenait agressive. Atropia n'était-elle pas conçue pour cela ? Taillés tels des aiguillons aussi tranchants que des lames, ils filaient vers le mannequin guidés par sa pensées enchaînant les dosis jusqu'à percer la défense de son prognosis eucrasique. Chaque fois que le bouclier volait en éclats elle en générait un autre pour mieux s'acharner dessus. Voulait-elle augmenter la résistance du bouclier ou au contraire renforcer ses attaques afin qu'il cède plus vite ? Nul n'aurait su le dire. La seule certitude ces jours-ci était la ferveur que Kikyo Kurusu mettait à l'entraînement. Plus d'un an après qu'elle ai renoncé à sa vie d'exploratrice active, la fureur glaciale de la tigresse s'était éveillée à l'image de l'Apocalypse en Mer du Nord.


"Moi aussi, je dois faire en sorte d'être à la hauteur."
Lerith Il y a 12 mois et 3 jours
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"Valorius, votre veste est toujours aussi remarquable.... Noah, vous portez une veste, c'est remarquable."
Une pointe d'humour cachant une nervosité grandissante tandis que chacun prenait son poste près de l'exposition. Six lunes pour en arriver là et on y était enfin, à quelques minutes de l'ouverture des portes sans avoir aucune idée de ce qui résulterait de cette soirée. Lucien entra le premier, accompagné de ses plus proches alliés ainsi qu'il l'avait promis. Ferramont avait eu un empêchement mais son ami s'était débrouillé pour inviter quelqu'un d'autre au pied levé, jusqu'au bout il avait tenu son engagement. Les membres du Samsara arrivèrent en groupe comme prévu, mais bien plus nombreux qu'attendu, presque plus nombreux que les ishgardais. Yone les suivait de près, confiant, ce qui rassura Kikyo. Elle n'était pas seule sur ce coup. Mimina, monsieur Mainzanet, dame Ancolie -dont elle appris plus tard qu'elle était cartographe et très intéressée par le travail d'Elyaska- et tant de noms qu'il lui fallait apprendre. Sorel, Vilauclaire, qui d'autre déjà ? Enfin un visage connu, Kaori-san, partenaire commerciale si précieuse.
Respire, Kikyo. Respire.
Les regards croisés avec Akira, confiant et désireux d'entamer cette bataille d'enchères, l'aidèrent à rester concentrée.
On y va.

"Bonsoir, bienvenue à l'Escale de Llymlaen et merci d'avoir répondu à notre invitation pour cette première vente aux enchères annuelle qui ouvre officiellement pour nous la saison du commerce..."

Les heures défilèrent si vite qu'elle en eut des vertiges le lendemain matin. Les petites déceptions sur certains objets de la collection furent dissipées par une montée des enchères aussi rapide qu'inattendue sur d'autres. Sur les pièces uniques travaillées par Valorius, rien de surprenant ce sont de véritables merveilles. L'orfèvre avait travaillé si dur à leur conception, Lucien lui-même avait désiré la représentation de Tefiti sitôt qu'il eut posé le regard dessus en avant première il y a quelques semaines alors qu'ils faisaient ensemble le tour de la collection. Le Mahalo avait peiné à trouver acquéreur au début mais le récit de sa légende et du combat contre l'oiseau de feu fit grimper la mise en quelques minutes. C'était mieux qu'espéré, le travail d'un artisan talentueux prend de la valeur s'il est accompagné d'une bonne histoire, vraie de préférence. Et ils écoutaient tous ! Elle vit dans les yeux des ishgardais si bien choisis par son ami comme sur les visages de Kaori-san l'étincelle de la curiosité. Certaines toiles d'Elyaska se vendirent au quintuple de leur valeur modeste, voir plus, grâce à tous ces petits détails. Trente mille pour "l'arbre noir", qui s'y attendait ?
Au final, elle n'avait pratiquement pas parlé, occupée dans ses comptes et l'organisation encore maladroite ; des choses à améliorer pour l'année prochaine assurément. Lorsque le dernier invité fut encaissé, elle réalisé que minuit venait de sonner. Toute la pression retombait, la fatigue aussi. Elle aurait aimé s'attarder un peu plus, échanger avec monsieur Sorel et Vilauclaire, monsieur Alberick le plus gros enchérisseur ce soir-là, commissaire priseur de métier ironiquement. Mais elle devait se reposer à présent, laisser la soirée la plus importante de la saison -à ses yeux- s'achever sur une bonne note. Elle rentra à Empyrée, sa famille resterait quelques jours à Ten no Yuki. Les enfants dormaient, le tigre déjà couché, elle se laissa tomber sur le lit sans un mot ne cherchant pour cette fois que la chaleur de ses bras.



Le lendemain matin, Gyoban lui envoya le résultat de la vente. Elle espérait frôler les deux millions, ils approchaient de trois. Ce succès n'était pas qu'une impression.
- ♪ - "Oui madame, nous allons déduire le pourcentage des artisans et vous pourrez rappeler monsieur Ferramont et Mimina Mina."
- ♪ - "Parfait, mais attendez jusqu'à demain pour les contacter je dois voir Kyuuji en fin de journée, il a peut-être un investisseur à ajouter à cette liste."
- ♪ - "Bien sûr madame."
Tandis qu'elle rédigeait un courrier de remerciement à destination de chaque invité, elle entendit les rires et exclamations enthousiastes sur la linkperle lorsque le résultat de la vente fut partagé. Les retours plus que bons, la pression qui avait muselé les moins téméraires cette fois-ci ne les retiendrait plus maintenant qu'ils avaient vécu cette première expérience. Lysia avait commencé par des verres, l'an prochain elle proposerait des meubles. Elyaska brûlait d'envie de reprendre son pinceau et voir de nouveaux paysages à peindre, de nouvelles cartes à dessiner. Djazah'ir ne se laisserait plus dépasser par son manque de confiance en lui, l'an prochain il présentera ses créations et ne sera pas le seul. Et Valorius, que dire si ce n'est que sa décision de se consacrer à son art, même si cela l'empêchait d'être de tous les voyages, fut la meilleure décision. Par les ancêtres, qu'il était doué ! Et tout Ishgard allait bientôt le savoir.
- ♪ - "Quelle a été la plus grosse mise au final ?" Demanda une voix curieuse.
- ♪ - "Une vraie surprise. C'est la perle qui s'est vendue à 650.000gils."
- ♪ - "PARDON ?!"
On entendit Meleth s'étouffer, au bord de la syncope. Un léger sourire éclaira le visage de Kikyo, sourire qui n'échappa ni à ses enfants jouant près du fauteuil, ni à son mari derrière son thé. Il n'y eut aucun mot. Au bout de plusieurs minutes, elle se leva et pris congé. Plutôt que de confier son courrier à un domestique elle enfila son manteau et sortit seule. La neige tombait en silence sur les toits de la Sainte Cité et la route pavée qu'elle emprunta jusque dans les hauteurs du quartiers en direction d'une boîte aux lettres mog. Après avoir glissé chaque enveloppe dans la fente, elle rehaussa son col et inspira. Cette tâche accomplie, une autre s'annonçait pour la dame de l'Escale. Désormais, elle devait rencontrer les investisseurs, les ouvriers et fournisseurs avec Floerswys désormais capitaine de l'Abyssius. Tant à faire, et le temps passe si vite.

Inconsciemment, ses pas la conduisirent jusqu'à un banc sur l'esplanade. Face aux montagnes, il y avait un elezen assis, qui fixait les cieux azur ; toujours le même. Elle vint s'asseoir à ses côtés, un soupir d'aise en guise de salutations. Lucien avait lui aussi passé deux jours sous pression avec le tournois auquel il participait en plus de l'organiser. Il l'avait épaulée tout ce temps, elle l'avait soutenu et encouragé. Le hasard du calendrier avait voulu que tout se concrétise presque en même temps mais finalement ce n'était pas un mal.
Ils échangèrent un regard, chacun constatant l'état de l'autre. Puis, ils se mirent à rire doucement, sans un mot pendant une bonne minute. Ils se reprirent, leurs regards déviant sur les montagnes devant eux. Nul besoin de parler ce matin-là, tout ce dont ces deux amis avaient besoin était de regarder la neige tomber ensemble.



"Merci."

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